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17/12/2009 | FRANCE | N°08/06807

France | France, Cour d'appel de Rennes, Première chambre b, 17 décembre 2009, 08/06807


Première Chambre B





ARRÊT N° 778



R.G : 08/06807













Société CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST - CIC BANQUE CIO SA



C/



Mme [G] [D]

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2009





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Françoise SIMONNOT, Président,

Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,

Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Catherine BENARD, lors des débats, et Madame...

Première Chambre B

ARRÊT N° 778

R.G : 08/06807

Société CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST - CIC BANQUE CIO SA

C/

Mme [G] [D]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Françoise SIMONNOT, Président,

Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,

Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Catherine BENARD, lors des débats, et Madame Marie-Noëlle KARAMOUR, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Octobre 2009

devant Madame Françoise LE BRUN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, entendue en son rapport, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Décembre 2009 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré

****

APPELANTE :

Société CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST - CIC BANQUE CIO SA

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués

assistée de Me HOCHE DELCHET-TESSIER, avocat

INTIMÉE :

Madame [G] [D]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par la SCP GUILLOU & RENAUDIN, avoués

assistée de Me Anne-Cécile SIMON, avocat

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/10473 du 29/01/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

I - Exposé du litige :

A compter du mois de décembre 1986, Madame [D] a exploité une entreprise individuelle d'agencement et de distribution de mobilier de bureau et de collectivités dont les résultats ont fluctué dans le temps, pour se trouver fortement bénéficiaires en 1990 et 1993, année où l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui affichait un résultat de 534.724 Francs pour un chiffre d'affaires de 4.522.866 Francs. En 1994, le chiffre d'affaires et les résultats de l'entreprise se sont effondrés et le compte courant auprès de la Banque Régionale de l'ouest (ci-après BRO) est devenu débiteur d'un montant de 434.866 Francs au 31 décembre 1994.

En réponse à un message adressé par télécopie le 11 août 1994 par Madame [D], qui envisageait à défaut le dépôt de bilan, la banque lui a fait connaître qu'elle poursuivait ses relations. Et suivant les conseils de la BRO, dans le but déclaré de bénéficier de meilleures dispositions sociales et fiscales, Madame [D] a pris contact au mois de décembre 1994 avec un expert comptable, Monsieur [J], afin d'envisager la création d''une société commerciale. Elle a choisi la forme d'une société anonyme qui s'est constituée le 15 février 1995 et qui a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 23 février 1995, sous la dénomination SA Espaces d'Aujourd'hui. Madame [D] a poursuivi son activité individuelle qui a été radiée du RCS le 22/121995. L'activité en nom propre a été cédée à la SA selon un traité établi par un commissaire aux comptes désigné à cet effet par le président du tribunal de commerce d'Orléans.

Par contrat du 20 octobre 1995, la Banque Régionale de l'Ouest a consenti un prêt de 600.000 Francs (91.469 €) à la SA Espaces d'Aujourd'hui, dont le siège est à [Localité 5]), représentée par son président Madame [G] [D].

Ce prêt avait pour objet de 'financer une consolidation de la structure financière de l'emprunteur'. Il a été garanti par nantissement sur le fonds de commerce ainsi que par un engagement de caution personnelle et solidaire de Madame [D], au profit de la BRO, par un acte sous seing privé en date du 29 septembre 1995, l'engageant à hauteur de 600.000 Francs (91.469,41€) en principal, augmenté de tous intérêts, commissions, frais et accessoires.

Par ailleurs, Madame [D] s'est portée caution solidaire, le même jour, de tous les engagements de la SA Espaces d'Aujourd'hui, à hauteur de 400.000 Francs (60.979,61 €) en principal, augmenté de tous intérêts, commissions, frais et accessoires.

Les fonds ont été débloqués le 7 décembre 1995, le paiement de plusieurs chèques a été refusé dans les jours suivants et la banque a refusé de consentir un découvert de 250.000 à 300.000 Francs réclamé par Madame [D] au mois de janvier 1996 pour permettre le redémarrage des activités de la société. La SA Espaces d'Aujourd'hui a été déclarée en cessation des paiements le 7 février 1996 et mise en redressement judiciaire le même jour. Un plan de continuation a été arrêté par jugement du 19 février 1997, pour une durée de 7 ans, mais Madame [D] indique avoir dû cesser son activité et la liquidation judiciaire a été prononcée par le tribunal de commerce d'Orléans, le 20 septembre 2000.

La société Espaces d'Aujourd'hui a engagé une action en septembre 1996, devant le tribunal de commerce d'Orléans, à l'encontre de l'expert comptable et de la BRO, en réclamant des dommages intérêts pour soutien abusif. Le tribunal a décliné sa compétence pour l'action engagée contre l'expert comptable, en déclarant irrecevable l'action de la société à l'encontre de la banque, compte tenu de la procédure collective en cours.

La BRO a déclaré sa créance le 9 novembre 2000 auprès du mandataire judiciaire au titre du compte courant pour la somme de 42.205,05 Francs (6434,12 €), et au titre du prêt pour la somme de 584.170,63 Francs (89.056,24 €). Ces créances ont été admises au passif, mais la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 4 février 2004 et la BRO n'a bénéficié d'aucun versement.

Après deux mises en demeure infructueuses, du 18 juillet 2003 et du 27 avril 2005, au titre des engagements de Madame [D] en qualité de caution solidaire, le Crédit Industriel de l'Ouest Banque CIO-BRO venant aux droits de la Banque Régionale de l'Ouest - BRO, par suite d'une opération de fusion en date du 28 décembre 2006, a assigné Madame [D] le 27 novembre 2007 devant le tribunal de commerce de Quimper, en réclamant paiement d'une somme de 132.871,12 €.

Par ailleurs la banque CIO-BRO a obtenu le 23/10/2007, du juge de l'exécution, une ordonnance l'autorisant à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'habitation principale de Madame [D], pour sûreté et conservation de la créance à hauteur de 135.000 €.

Par jugement du 12 septembre 2008, le tribunal de commerce de Quimper a :

- Retenu sa compétence pour juger du litige ;

- Prononcé la nullité des actes de cautionnement signés en date du 29 septembre 1995, engageant Madame [G] [D] à hauteur de respectivement 600.000 Francs soit 91.469,41 € et de 400.000 Francs soit 60.979,61 €, en faveur de la Banque Régionale de l'Ouest-BRO ;

- Demandé au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Quimper la levée de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par le Crédit Industriel de l'Ouest Banque CIO-BRO sur la propriété de Madame [G] [D], pour la somme de 135.000 € ;

- Condamné le Crédit Industriel de l'Ouest Banque CIO-BRO à verser à Madame [G] [D] la somme de 100.000 € à titre de dommages intérêts ;

- Condamné le Crédit Industriel de l'Ouest Banque CIO-BRO à verser à Madame [G] [D] la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- Condamné le Crédit Industriel de l'Ouest Banque CIO-BRO aux entiers dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La SA Crédit Industriel de l'Ouest - CIC Banque CIO a régulièrement interjeté appel de cette décision, le 29 septembre 2008, à l'encontre de Madame [G] [D].

L'arrêt de l'exécution provisoire a été ordonné le 21 octobre 2008.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions signifiées par les parties.

La SA Crédit Industriel de l'Ouest - CIC Banque CIO a conclu le 25 septembre 2009 et demande à la cour de :

- Réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- Donner acte à Madame [D] de ce qu'elle fait savoir, dans ses conclusions signifiées le 12 mai 2009, qu'elle ne reproche pas au CIO un soutien abusif de crédit ;

- Dire et juger que le CIO n'a commis aucune faute lors de l'octroi du crédit et de la souscription du cautionnement de Madame [D]

- Débouter en conséquence Madame [D] de toutes ses demandes tendant à voir prononcer la nullité des cautionnements ou à voir engager la responsabilité du CIO ;

- A titre subsidiaire,

- Constater que Madame [D] ne justifie pas de son préjudice personnel et la débouter de ses demandes à ce titre ;

- Et en tout état de cause,

- Condamner Madame [G] [D] à payer au CIO la somme de 132.871,12 € au titre du solde impayé outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2007 jusqu'à parfait paiement ;

- Condamner Madame [G] [D] à payer au CIO la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Madame [G] [D] en tous les dépens ;

- Dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par l'avoué au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Madame [G] [D] a conclu le 16 septembre 2009 et demande à la cour de :

- Débouter le CIO de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a

- Prononcé la nullité des actes de cautionnement signés à la date du 29 septembre 1995, engageant Madame [D] à hauteur respectivement de 600.000 Francs soit 91.469,41 € et de 400.000 Francs soit 60.979,6 € en faveur de la BRO ;

- Demandé au juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Quimper la levée de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par le CIO sur la propriété de Madame [D] pour la somme de 135.000 € ;

- Condamné le CIO à verser à Madame [D] la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné le CIO aux dépens ;

- Le réformant pour le surplus, condamner le CIO à verser à Madame [D] la somme de 80.927,87 € au titre des préjudices financiers subis outre la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- Condamner le CIO à verser à Maître Anne-Cécile Simon la somme de 3.000 € HT au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- Condamner le CIO aux entiers dépens qui seront recouvrés par l'avoué conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- Madame [G] [D] forme en page 7 de ses conclusions une demande subsidiaire de dommages-intérêts à hauteur de 13.871,12 €.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2009.

Madame [D] a notifié et signifié des pièces et conclusions le 9 octobre 2009, en sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture et sa fixation au jour de l'audience, le 13 octobre 2009.

Il n'est justifié d'aucun motif grave motivant la demande de révocation à laquelle s'oppose l'intimée qui a conclu le 25 septembre 2009 en laissant à l'appelante suffisamment de temps pour répondre, si nécessaire, à ses écritures, sans pouvoir développer d'autres demandes et communiquer des pièces datant de 1995.

En vertu de l'article 783 du code de procédure civile ces conclusions et pièces tardives sont irrecevables et seront écartées des débats.

***

II Motifs :

Le CIO demande bien la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment celles qui ont prononcé la nullité de actes de cautionnement au bénéfice de Madame [D] qui dénonce un montage juridique initié par la banque pour combler le découvert du compte de l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui, en se ménageant de nouvelles garanties par un nantissement sur le fonds de commerce ainsi que par la caution personnelle du dirigeant de la société.

Le CIO conteste toute mauvaise foi et toute manipulation, constitutives de manoeuvres dolosives, en trompant notamment Madame [D] sur la situation financière de la société Espaces d'Aujourd'hui, pour la convaincre de souscrire un prêt de restructuration dans l'unique but d'obtenir de nouvelles garanties et de bénéficier d'un privilège attaché au nantissement dans le cadre de la procédure collective. Elle fait valoir que l'entreprise rencontrait certes des difficultés financières mais qui n'impliquaient pas une situation irrémédiablement compromise, au point qu'un plan de continuation a été adopté par le tribunal de commerce en fonction des éléments fournis par Madame [D], laquelle avait une parfaite connaissance de la situation de son entreprise et a demandé le soutien de la banque afin d'éviter le dépôt de bilan, en échelonnant la dette grâce au prêt de restructuration.

Madame [D] soutient la nullité des actes de cautionnement au motif tiré d'un consentement vicié par le dol, du fait de la mauvaise foi et d'un manquement du banquier à son obligation d'information et de conseil, la BRO ayant participé activement et abusivement à la création de la SAS [D] pour éviter le dépôt de bilan à titre personnel, et l'ayant trompée sur l'objet réel du financement, destiné à résorber le découvert des comptes et non à soutenir l'activité de son entreprise, au bénéfice d'un nantissement sur fonds de commerce et d'une caution personnelle, tout en rompant brutalement les facilités de caisse qui lui étaient accordées depuis des années. Elle revendique à ce titre un préjudice financier de 80.967 € et un préjudice moral de 50.000 €. Madame [D] réclame à titre subsidiaire, des dommages-intérêts d'un montant de 132.871,12 €, fondés sur les agissements fautifs de la banque.

Sur la validité des cautionnements :

Madame [D] avait conscience des difficultés de son entreprise et la banque l'en a également avertie au mois d'août 1994. Dans un courrier adressé à sa banque le 11 août 1994, elle a envisagé les perspectives d'activité pour le mois de septembre 1994, en rappelant la pratique antérieure de suivi hebdomadaire de son découvert et en évoquant expressément le dépôt de bilan de l'entreprise qui suivrait nécessairement la remise en cause de cette pratique. La BRO a répondu le 16 août 1994 qu'elle poursuivait ses relations, en évoquant le nantissement des marchés signés.

Madame [D] a pris, par la suite, divers conseils auprès de l'expert comptable et de son notaire et ce dernier lui a fait connaître ainsi qu'à la banque diverses réserves et interrogations sur la création de la société. Madame [D] a persévéré dans son projet, en lien avec la BRO qui a participé à une réunion avec l'expert-comptable et qui a été destinataire des documents et analyses de ces professionnels, ayant abouti à la création de la SA Espaces d'aujourd'hui pour laquelle un compte a été ouvert et crédité d'une somme de 125.000 Francs le 23 février 1994.

A cette époque le compte de l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui présentait un découvert de 498.309 Francs qui sera porté à 581.800 Francs au 30/11/1995 et comblé par un virement de la SA Espaces d'Aujourd'hui le 7 décembre 1995.

L'examen des comptes bancaires établit que le capital de la SA Espaces D'aujourd'hui a été viré sur le compte de la société à concurrence de 125.000 Francs le 23 février 1995, puis 120.000 Francs le 15 septembre 1995, ce qui a comblé à cette date le découvert accordé depuis le 15 juin 1995, mais pour peu de temps car au 15 octobre 1995 il se montait à 34.822 Francs, pour atteindre 146.784 Francs au 30 novembre 1995. De même le compte de l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui présentait un découvert de 581.390 Francs au 15/10/1995 et de 581.800 Francs au 30 novembre 1995. Le montant du prêt a été viré le 5 décembre 1995 et immédiatement absorbé par le découvert préexistant et celui du compte de l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui qui a été transféré. Le compte de la SA Espaces d'Aujourd'hui se trouvait débiteur de 89.834,88 Francs au 15 décembre 1995, pour atteindre 119.457,76 Francs au 29 février 1996.

A la signature du prêt de 600.000 Francs, le compte de l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui était à découvert de 581.390 Francs et le compte de la SA Espace d'Aujourd'hui était à découvert de 34.822 Francs, soit un total de 616.212 Francs au 16/10/1195, supérieur au montant du prêt, ce que la banque ne pouvait évidemment pas ignorer. La situation s'est détériorée et au moment du versement des fonds prêtés à la SA Espaces d'Aujourd'hui, cette dernière s'est immédiatement trouvée dans l'impossibilité de payer les chèques présentés à l'encaissement, ce dont la banque a immédiatement tiré les conséquences en émettant une interdiction d'émettre des chèques qu'elle n'a pas régularisée par une autorisation de découvert, en rupture avec la pratique antérieure.

De ces éléments il ressort que l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui a fonctionné pendant plusieurs années avec un découvert tacite dont l'ampleur en 1994 aurait dû conduire à un dépôt de bilan. Mais une nouvelle forme d'exploitation a été envisagée par Madame [D] et soutenue activement par la banque qui a été informée des projets de sa cliente par l'expert-comptable et par le notaire. La BRO a accordé un prêt destiné à 'financer une consolidation de la structure financière de l'emprunteur' qui en fait n'a même pas permis de résorber le découvert qu'elle avait précédemment accordé et auquel elle a mis fin dès après la réalisation du prêt assorti de nouvelles garanties consistant en un nantissement sur fonds de commerce mais surtout une garantie personnelle de Madame [D] dont la nouvelle société s'est heurtée dès sa création à une cessation des paiements.

Le CIO fait valoir que Madame [D] se trouvait déjà engagée à titre personnel du fait de son activité exercée à titre individuel, tandis que la SA Espaces d'Aujourd'hui présentait des perspectives de redressement de sa situation qui ont été reconnues par le tribunal de commerce lui-même en validant le 19 février 1997 un plan de continuation avec apurement du passif sur une durée de 7 ans.

Il sera observé que le dépôt de bilan de l'entreprise individuelle de Madame [D] au mois d'octobre 1994 aurait mis la BRO en concurrence avec d'autres créanciers, personnels et professionnels, tandis que la nouvelle structure commerciale et le financement par le prêt avec ses garanties donnaient à la banque une garantie personnelle de Madame [D].

Par ailleurs, le libellé du prêt n'indique pas de façon claire et précise qu'il est destiné à absorber la dette antérieure de la SA Espaces d'Aujourd'hui et de l'entreprise Espaces d'Aujourd'hui. Et la participation de la banque à la mise en place de la nouvelle structure financière de l'entreprise a fait légitimement croire à Madame [D] que la banque soutenait le maintien de son activité par le maintien, au moins temporaire, d'un minimum de facilités de caisse, alors qu'elle s'est heurtée à une interdiction immédiate d'émettre des chèques qui ne pouvait qu'entraver cette activité et provoquer le dépôt de bilan.

Madame [D] s'est engagée, à titre personnel, comme caution d'un prêt destiné à assurer la survie de son entreprise. Et en accordant un prêt d'un montant ne couvrant pas l'intégralité des découverts, la banque lui a fait accroire l'existence d'un accord tacite quant à la poursuite, au moins temporaire, des facilités de caisse précédemment admises.

La banque CIO a manqué à son obligation de contracter de bonne foi et engagé sa responsabilité par sa réticence dolosive, ayant trompé la caution sur la portée de son engagement, en s'abstenant de révéler à Madame [D] son intention de rompre immédiatement avec la pratique antérieure des facilités de caisse qui était seule de nature à permettre la poursuite d'activité de la société dont elle a favorisé la création par des engagements financiers, tout en se garantissant par un engagement personnel de Madame [D] auquel cette dernière n'aurait pas consenti.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation des actes de cautionnement signés par Madame [D] le 29 septembre 1995 en faveur de la Banque Régionale de l'Ouest, devenue Crédit Industriel de l'Ouest -CIC banque CIO-BRO.

L'annulation des actes de caution entraîne l'annulation de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire qui a été autorisée par ordonnance 23 octobre 2007. Le jugement déféré sera réformé de ce chef, en ordonnant la radiation de cette inscription.

Sur le préjudice :

Outre un préjudice moral, Madame [D] prétend à l'indemnisation d'un préjudice résultant du capital de 248.500 Francs soit 37.334,94 € investi en vain dans la société, outre les frais supportés pour la mise en place d'une structure commerciale destinée à préserver en réalité les intérêts de la banque soit 75.769,13 Francs ou 11.383,65 €, sans percevoir aucun revenu pendant la période de validation du plan soit 214.500 Francs ou 32.209,28 €, en référence au SMIC de l'époque.

Madame [D] est poursuivie dans la présente affaire en tant que caution et son préjudice ne se confond pas avec celui qu'elle a subi en tant que dirigeante de l'entreprise dont elle a poursuivi puis cessé l'activité dans des conditions qui ne sont pas l'objet des débats et dont il n'est pas d'ailleurs justifié par le plan de continuation et la motivation de la liquidation judiciaire.

Le préjudice de Madame [D] consiste dans les tracas liés aux vicissitudes bancaires et personnelles qu'elle a subies du fait de la présente procédure, telle que notamment l'inscription provisoire d'une sûreté sur sa maison d'habitation. Ce préjudice est fixé par la cour à 5.000 €, réformant en ce sens le jugement déféré.

Sur les dommages intérêts :

Il n'est pas établi d'abus imputable à l'appelant dans l'exercice de ses droits et Madame [D] sera déboutée de sa demande de dommages intérêts à ce titre.

Sur les frais et dépens :

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les frais et dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SA Crédit Industriel de l'Ouest - CIC Banque CIO qui succombe sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 1.500 € à Maître Anne-Cécile Simon au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 699 du code de procédure civile.

***

Par ces motifs :

LA COUR :

Déclare irrecevables les conclusions et pièces signifiées le 9 octobre 2009 par Madame [G] [D] ;

Réforme le jugement déféré en ses dispositions sur la levée de l'hypothèque judiciaire provisoire et le montant des dommages intérêts ;

Et statuant à nouveau de ces chefs ;

Ordonne la radiation d'hypothèque judiciaire provisoire publiée et enregistrée le 26 novembre 2007, à la conservation des hypothèques de [Localité 6], 2ème bureau, volume : 2007 V N° 1637;

Condamne la SA Crédit Industriel de l'Ouest - CIC Banque CIO à payer à Madame [G] [D] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts du fait du cautionnement ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Y ajoutant

Déboute Madame [G] [D] de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SA Crédit Industriel de l'Ouest - CIC Banque CIO à payer à Maître Anne-Cécile Simon la somme de 2.000 € en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Condamne la SA Crédit Industriel de l'Ouest - CIC Banque CIO aux dépens d'appel.

Le Greffier,Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Première chambre b
Numéro d'arrêt : 08/06807
Date de la décision : 17/12/2009

Références :

Cour d'appel de Rennes 1B, arrêt n°08/06807 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-17;08.06807 ?
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