COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE BS/BD ARRÊT N ° : 671 AFFAIRE N° : 91/02733 AFFAIRE Michel X... Y.../ Solange Z... veuve A..., Brigitte B... née A... Y.../ une décision rendue le 19 Novembre 1991 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de RETHEL. ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2002
APPELANT : Monsieur Michel X... 08310 LA NEUVILLE EN TOURNE A FUY Comparant, concluant et plaidant par Me Sylvie DUMONT-DACREMONT, avocat au barreau de REIMS, INTIMÉE : Madame Solange Z... veuve A... 08310 LA NEUVILLE EN TOURNES A FUY Comparant, concluant et plaidant par Me Jean-François LE PETIT, avocat au barreau de PARIS, INTERVENANTE VOLONTAIRE : Madame Brigitte B... née A... fille de Monsieur Olivier A... décédé 2, rue des Tilleuls, 08310 LA NEUVILLE EN TOURNES A FUY Comparant, concluant et plaidant par Me Jean-François LE PETIT, avocat au barreau de PARIS, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur Daniel MARZI Président Monsieur Bertrand SCHEIBLING Conseiller Monsieur Luc GODINOT Conseiller C... : Madame Geneviève D..., adjoint administratif principal faisant fonction de greffier ayant prêté le serment de l'article 32 du décret du 20 juin 1967 lors des débats et lors du prononcé, DÉBATS : A l'audience publique du 10 Juin 2002, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Septembre 2002, ARRÊT : prononcé par Monsieur Daniel MARZI, Président à l'audience publique du 18 Septembre 2002, qui a signé la minute avec le greffier présent lors du prononcé.
Par acte du 17 juillet 1991, Michel X... a délivré congé aux époux A... pour le 1er octobre 1992 de diverses parcelles de terre, faisant l'objet d'un bail verbal, sises à la NEUVILLE EN TOURNE A FUY, d'une superficie de 5 ha 47 a 70 ca, en vue de la reprise personnelle de ces terres.
Le 22 février 1991, les époux A... ont saisi le Tribunal Paritaire
des Baux Ruraux de RETHEL en contestation de ce congé et aux fins d'obtenir en outre l'autorisation de céder leur bail à leur fille, Brigitte A... épouse B....
Par jugement du 19 novembre 1991, le Tribunal a constaté la validité formelle du congé délivré par Michel X... et a autorisé les époux A... à céder leur bail à leur fille.
Sur appel interjeté par Michel X..., la présente Cour a, par arrêt du 10 juin 1992, infirmé le jugement entrepris et a : - débouté les époux A... de leur demande d'autorisation de céder leur bail au profit de leur fille - sursis à statuer sur la demande de Michel X... en validité du congé jusqu'à décision définitive concernant l'autorisation du bailleur d'exploiter des terres objet du congé.
Par jugement du 3 novembre 1992, le tribunal administratif a rejeté la requête des époux A... en annulation de l'arrêté d'autorisation du préfet des Ardennes en date du 2 avril 1991.
Fort de cette décision, Michel X... a repris l'instance devant la Cour mais celle-ci, constatant qu'un recours avait été formé par les époux A... contre le jugement du Tribunal Administratif, a ordonné un nouveau sursis à statuer par arrêt du 25 octobre 1993.
Le Conseil d'Etat, par décision du 29 décembre 1999, a annulé le jugement du Tribunal administratif et l'arrêté préfectoral d'autorisation.
Olivier A..., co-destinataire du congé, est décédé le 19 mai 1999. Suite à ce décès et se prétendant titulaire du bail en application de l'article L.411-34 du Code Rural, Brigitte B... est intervenue volontairement aux débats.
Vu les conclusions déposées le 10 juin 2002 par Michel X... et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'appelant demande à la Cour de : - déclarer irrecevable l'intervention
volontaire de Brigitte B... et subsidiairement la déclarer mal fondée et constater qu'elle est occupante sans droit ni titre des terres objet de l'instance, - condamner Brigitte B... au paiement d'une indemnité de 2.000 euros pour procédure abusive et 1.400 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - valider le congé délivré pour le 1er octobre 1992 et ordonner l'expulsion de Madame veuve A... ainsi que tous occupants de son chef avec assistance de la force armée si besoin est, - la condamner au paiement du somme de 1.525 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - donner acte à Michel X... de ses réserves de réclamer à Madame Veuve A... et à tout occupant de son chef le paiement d'indemnités d'occupation depuis la date d'effet du congé.
Vu les conclusions déposées le 10 juin 2002 par Solange A... et Brigitte B... reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celles-ci, après avoir demandé de recevoir Brigitte B... en son intervention volontaire, demandent à la Cour de : - donner acte à Brigitte B... de ce qu'elle est titulaire du bail consenti à Olivier A... et portant sur les parcelles en cause, invalide le congé délivré le 17 janvier 1991 aux époux A..., subsidiairement surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive relative à la nouvelle autorisation d'exploiter sollicitée par le bailleur, - condamner Michel X... au paiement d'une somme de 1.400 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'intervention de Brigitte B... et la continuation du bail à son profit :
Attendu que se prévalant des dispositions de l'article L.411-34, Brigitte B... demande à la Cour de constater qu'elle est devenue titulaire du bail à compter du décès de son père le 19 mai 1999 ;
Attendu que Michel X... soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la présente Cour le 12 juin 1992, cette décision ayant définitivement constaté l'irrégularité de la cession de bail et rendant ainsi irrecevable selon lui, toute intervention de tiers à titre principal ou accessoire ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée suppose la réunion d'une triple identité de partie, d'objet et de cause ;
Que la Cour était saisie en 1991 d'une demande d'autorisation de cession de bail alors qu'il lui est présentement demandé de constater la continuation de ce bail par suite du décès d'un preneur au profit de son descendant ;
Qu'ainsi, outre le fait que ces deux actions n'opposent pas les mêmes parties, Brigitte B... n'étant pas intervenue dans l'instance jugée en 1992, qui opposait les seuls époux A... aux bailleurs, ces deux procédures n'ont ni le même objet ni le même fondement juridique, la première reposant sur les dispositions des articles L.411-35 et suivants du Code Rural, la seconde étant exercée en application de l'article L.411-34 du même Code ;
Que dés lors, comme l'expriment pertinemment les intimés, le refus d'autorisation de la cession de bail au profit de Brigitte A... et l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cette décision ne font nullement obstacle au transfert de ce bail non par voie de cession mais par voie de continuation, point sur lequel la Cour n'a jamais tranché ;
Qu'il convient par ailleurs de constater que, contrairement à ce que semble soutenir le bailleur, Olivier A... était toujours titulaire du bail au moment de son décès le 19 mai 1999, ce bail ayant été prorogé en application de l'article L.411-58 alinéa 5 du Code Rural, ainsi qu'il sera précisé ci-après ;
Qu'il y a lieu en conséquence de rejeter l'exception d'irrecevabilité ;
Et attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le bailleur que Brigitte B... a participé effectivement à l'exploitation au cours des cinq années antérieures au décès et même sur une plus longue période puisqu'elle collabore à l'exploitation depuis 1990 ;
Qu'il s'ensuit, en application de l'article L.411-34 du Code Rural, que le bail a immédiatement continué à son profit après le décès de son père le 19 mai 1999 ;
Sur la reprise exercée par Michel X... :
Attendu que Michel X... se prévaut d'une nouvelle autorisation d'exploiter sollicitée le 26 mars 2001 et accordée par le Préfet des Ardennes le 19 avril suivant ;
Mais attendu qu'en application de l'article L.411-58 alinéa 5 du Code Rural, lorsque le bailleur doit justifier d'une autorisation d'exploiter, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle la décision relative au contrôle des structures est devenue définitive ;
Qu'il est par ailleurs de principe que les conditions de la reprise doivent être appréciée à la nouvelle date d'expiration du bail et non à celle pour laquelle le congé a été donné ;
Qu'en l'espèce à la suite de la procédure administrative dirigée contre le premier arrêté d'autorisation du 2 avril 1991 ayant abouti à arrêt du conseil d'état du 29 décembre 1999 annulant cet arrêté, le bail s'est nécessairement poursuivi jusqu'au 11 novembre 2000 ;
Que force est de constater qu'à cette date Michel X... ne disposait d'aucune autorisation d'exploiter, l'autorisation dont il se prévaut ne lui ayant été accordée que le 19 avril 2001 ;
Qu'en toute hypothèse, cette autorisation ne pourrait être prise en
considération par la Cour dés lors qu'elle a été sollicitée postérieurement à la date normale d'effet du congé et ne se référait pas à une annulation d'un refus d'exploiter ;
Que dés lors, Michel X... ne remplit pas l'une des conditions légales pour exercer la reprise ;
Qu'il convient en conséquence d'invalider le congé délivré le 17 janvier 1991 ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles exposé par eux et qu'il convient de leur allouer une somme globale de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Vu les arrêts rendus par la présente Cour le 10 juin 1992 et le 25 octobre 1994,
DIT que Brigitte B... est devenue titulaire du bail consenti à Olivier A... à compter du décès de celui-ci le 19 mai 1999.
DIT que Michel X... ne remplit pas les conditions légales pour une reprise personnelle
INVALIDE en conséquence le congé délivré par Michel X... le 17 janvier 1991 pour le 1er octobre 1992.
CONDAMNE Michel X... à payer à Solange A... et Brigitte B... la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CONDAMNE Michel X... aux dépens. LE C...,
LE PRÉSIDENT,