COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 27 AVRIL 2016
ARRET No 347
R. G : 15/ 00617
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 00617
Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 23 janvier 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON.
APPELANTE :
Madame Marie-Chantal X... née le 25 Juillet 1967 à LES ESSARTS (85140) de nationalité Française... 85140 ST MARTIN DES NOYERS
Comparante Assistée de Me Gilles TESSON, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEE :
Société LA GRANDE COLOMBIE, aux droits de laquelle vient la SA BALLIS No SIRET : 330 704 784 Lieudit " Le Fondreau " 85450 PUYRAVAULT
Me H... Nicole-Commissaire à l'exécution du plan de la Société LA GRANDE COLOMBIE, aux droits de laquelle vient la SA BALLIS... 29200 BREST
Me J... Stéphane (SCP B. T. S. G.)- Commissaire à l'exécution du plan de la Société LA GRANDE COLOMBIE, aux droits de laquelle vient la SA BALLIS... 75017 PARIS 17
Représentés par Me Anastasia SIX, avocat au barreau de VERSAILLES
CGEA DE RENNES Immeuble Le Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
Représenté par Me Patrick ARZEL, substitué par Me Delphine MICHOT, avocats au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eric VEYSSIERE, Président Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller Monsieur Jean-Paul FUNCK-BRENTANO, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Christine PERNEY
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
-Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Eric VEYSSIERE, Président, et par Madame Christine PERNEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme X..., née en 1967, a été engagée initialement par les établissements Daviet, sans contrat de travail le 1er décembre 1986, puis a travaillé pour la société La grande Colombie installée avec la société Ballis, sur le site de l'Oie 85, à temps complet puis à temps partiel de 32 heures hebdomadaires, en qualité d'employée de bureau. La société La grande Colombie appartient au groupe Doux et relève de la convention collective nationale de l'accouvage et de la sélection de produits avicoles.
Mme X... a été placée en arrêt de travail du 26 octobre au 8 novembre 2009, puis du 9 décembre au 31 décembre 2010, puis du 27 juin 2011 au 29 juin 2012.
Le 24 juin 2011 la société La grande Colombie a convoqué Mme X... à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé le 4 juillet 2011. Mme X... a informé son employeur que son arrêt de travail ne lui permettait pas de se présenter à cet entretien et des courriers échangés entre le 4 et le 8 juillet 2011 ont exposé à Mme X... les griefs articulés par l'employeur. Le 11 juillet 2011 la société La grande Colombie a notifié à Mme X... une mise à pied disciplinaire de deux jours.
Le 22 mai 2012 Mme X... a effectué auprès de la Msa Loire Atlantique Vendée une déclaration de maladie professionnelle pour " harcèlement professionnel ", dont la prise en charge a été refusée le 7 août 2012, la maladie concernée n'étant pas inscrite au tableau. Dans cette décision, la Msa a annoncé transmettre le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, saisi par la Msa, a également formulé un avis de refus de prise en charge le 13 décembre 2012.
Dans l'intervalle, le 30 juin 2012, le Dr Y..., médecin du travail, a déclaré Mme X... inapte à son poste d'employée de bureau et apte à un poste de profil identique dans une autre organisation professionnelle de l'entreprise ou dans une autre entreprise du groupe, en une seule visite au visa de l'article R 717-18 du code rural et de la pêche maritime.
Par courrier du 28 août 2012 la société La grande Colombie a informé Mme X... de l'absence de possibilité de reclassement et l'a convoquée à un entretien préalable fixé le 4 septembre 2012.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2012 la société La grande Colombie a licencié Mme X... pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 27 septembre 2012 Mme X... a saisi l'inspection du travail pour non délivrance des documents de fin de contrat. Ceux ci lui ont été transmis le 1er octobre 2012 et contenaient des informations inexactes ou erronées dont Mme X... a demandé la rectification.
Selon jugement du tribunal de commerce de Quimper en date du 1er juin 2012 les 24 entités du groupe Doux, en ce inclus la société La grande Colombie, ont été placées en redressement judiciaire, Me K... et la Scp Valliot étant désignés en qualité d'administrateurs judiciaires, et Me H... et la Scp Btsg étant désignés en qualité de mandataires judiciaires. Une période d'observation a été ouverte pour la société La grande Colombie et prolongée par plusieurs jugements successifs du tribunal de commerce de Quimper. Selon jugement du même tribunal en date du 1er août 2012 la société Doux frais, une des entités du groupe, a été placée en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 10 septembre 2012, date à laquelle un plan de cession a été arrêté. Par jugement du tribunal de commerce de Quimper en date du 29 novembre 2013 le plan d'apurement de la société La grande Colombie a été arrêté, Me H... et de la scp Btsg ont été désignés ès qualités de commissaires à l'exécution du plan et il a été mis fin à la mission des administrateurs judiciaires.
Le 8 février 2013 Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon pour notamment solliciter l'annulation de la mise à pied disciplinaire, se prévaloir d'un harcèlement moral rendant le licenciement nul, subsidiairement se prévaloir d'une inaptitude d'origine professionnelle imposant le respect de la procédure définie par le régime protecteur des inaptitudes d'origine professionnelle et la consultation des délégués du personnel, et se prévaloir également du non respect de l'obligation de reclassement, rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et solliciter l'indemnisation des préjudices subis en raison d'un harcèlement moral, d'un licenciement nul ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et le paiement des indemnités spécifiques prévues par le régime protecteur ou de l'indemnité compensatrice de préavis.
Par jugement avant dire droit du 4 juillet 2014 le conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon a ordonné une mesure d'enquête pour permettre l'audition d'autres salariés de la société La grande Colombie. Ces auditions ont été réalisées le 12 septembre 2014.
Par jugement du 23 janvier 2015 le conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon a notamment : * annulé la sanction disciplinaire notifiée le 11 juillet 2011, * débouté Mme X... de ses demandes au titre du harcèlement moral, * dit que l'inaptitude de Mme X... ne résultait ni d'un harcèlement moral, ni d'une attitude fautive de l'employeur, ni d'une exécution déloyale du contrat de travail, et n'était pas d'origine professionnelle, la société La grande Colombie n'étant ainsi pas tenue de consulter les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement, * constaté que la société La grande Colombie avait respecté son obligation de reclassement, * fixé le salaire de référence de Mme X... à la somme de 1 582, 10 euros brut, * débouté Mme X... de ses autres demandes, * prononcé la mise hors de cause de Me K..., de la Scp Valliot, ès qualités d'administrateurs judiciaires, et de Me H... et de la scp Btsg, ès qualités de commissaires à l'exécution du plan, * débouté la société La grande Colombie de sa demande au titre des frais irrépétibles, * donné acte au Cgea de Rennes de son intervention forcée mais mis hors de cause en l'état du plan de redressement judiciaire, * partagé les dépens.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme X....
Vu les conclusions déposées le 4 février 2016 et développées oralement à l'audience de plaidoiries par lesquelles l'appelante demande notamment à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a annulé la sanction notifiée le 11 juillet 2011 et statué sur son salaire de référence, de la réformer pour le surplus, et de : * dire que la société La grande Colombie a commis des agissements constitutifs d'un harcèlement moral et condamner la société La grande Colombie à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, * dire que l'avis d'inaptitude du 30 juin 2012 résulte de l'attitude fautive de la société La grande Colombie, d'une exécution déloyale du contrat de travail et d'un harcèlement moral ce qui confère à l'inaptitude une origine professionnelle, * constater que la société La grande Colombie n'a pas respecté le régime protecteur défini par les articles L 1226-9 et suivants du code du travail, n'a pas préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement consulté les délégués du personnel ni informé la salariée des motifs s'opposant au reclassement, et n'a pas respecté son obligation de reclassement, * condamner la société La grande Colombie à lui payer les sommes de :-11 512, 42 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement,-3 164, 20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance et 2 000 euros pour ceux engagés en cause d'appel, * débouter la société La grande Colombie de ses demandes reconventionnelles, * ordonner à la société La grande Colombie de lui remettre un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés et conformes à l'arrêt à intervenir, * dire que les intérêts au taux légal s'appliqueront à compter du 7 septembre 2012 et ordonner l'application de l'article 1154 du code civil, * dire les créances opposables et garanties par le Cgea de Rennes dans les conditions légales.
Vu les conclusions déposées le 23 février 2016 et développées oralement à l'audience de plaidoiries par lesquelles la société La grande Colombie et Me H... et la scp Btsg, ès qualités de commissaires à l'exécution du plan de la société Doux, sollicitent notamment la confirmation de la décision déférée sauf en ce qu'elle a annulé la sanction disciplinaire et statué sur le salaire de référence, la cour devant débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes, ou subsidiairement limiter l'indemnisation du licenciement à la somme de 9 492, 60 euros représentant 6 mois de salaire, et condamner Mme X... à leur payer en tout état de cause une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 25 février 2016 et développées oralement à l'audience de plaidoiries par lesquelles le Centre de gestion et d'études (Cgea) Ags de Rennes demande à la cour de le mettre hors de cause en cas de fonds suffisamment disponibles, de réformer partiellement la décision déférée et de débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes, ou subsidiairement de réduire à de plus justes proportions les indemnités sollicitées et rappelle les limites des conditions légales de son intervention et de sa garantie.
Vu la note en délibéré dûment autorisée, reçue le 7 mars 2016, par laquelle la société Ballis venant aux droits de la société La grande Colombie, Me H... et la scp Btsg, ès qualités de commissaires à l'exécution du plan indiquent que la société La grande Colombie a été dissoute, son patrimoine ayant fait l'objet d'une transmission universelle à son unique associé la société Ballis.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.
SUR CE
Sur la mise à pied disciplinaire
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juillet 2011 la société La grande Colombie a notifié à Mme X... une mise à pied disciplinaire de deux jours pour les 25 et 26 juillet 2011, en lui reprochant des faits d'insubordination caractérisée et perturbant sérieusement l'organisation et la bonne marche du service, à savoir, le refus réitéré les 14 et 23 juin 2011 de se rapprocher de sa collègue de travail pour parfaire la formation déjà reçue sur l'outil de gestion comptable Oracle, le refus exprimé le 20 juin 2011 d'archiver des factures, et un abandon de poste le vendredi 24 juin 2011 dans l'après midi, après avoir été informée de la convocation à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire.
Il est constant que Mme X... a été placée en arrêt de travail le 27 juin 2011, prolongé jusqu'au 29 juin 2012, ce qui n'autorise pas l'employeur, d'ailleurs par simple affirmation, à alléguer d'un abandon de poste fautif le vendredi 24 juin 2011 dans l'après midi.
Les premiers juges ont également exactement retenu qu'aucune pièce ne démontrait la réalité du refus d'archivage des factures.
En revanche par mail du 23 juin 2011 à 16h44, M. Z..., supérieur hiérarchique de Mme X..., a prévenu ses propres supérieurs hiérarchiques, dont M. A..., que le matin même, Mme X... avait à nouveau refusé de se conformer à ses directives et de se rapprocher de sa collègue " Maryse " (Mme B...) pour établir des opérations de facturation et anticiper sur la période de congés payés à venir, ce y compris lorsque sa collègue était venue lui en faire la proposition à 14h, au motif réitéré qu'elle " n'avait pas le temps " et que " d'autres personnes " pouvaient s'en occuper.
La pièce 36 de l'appelante s'analyse comme des commentaires personnels de cette dernière sur l'articulation du litige soumis à l'appréciation de la cour. Mme X... y reconnaît son refus d'exécution des tâches demandées par M. Z... mais le justifie par du retard accumulé en raison de 10 jours d'absence en juin 2011, tout en contestant l'urgence des opérations concernées et en critiquant le caractère tardif de la formation reçue sur le logiciel.
Mme B..., lors de son audition par le conseil de prud'hommes, a confirmé ce refus de Mme X... en ajoutant qu'elle prétextait pour se justifier d'une absence de formation au logiciel.
Or, la société La grande Colombie établit que Mme X... a reçu une formation individuelle spécifique les 6 et 7 juin 2011 pour pallier à son absence lors de la formation générale dispensée en décembre 2010 pendant son arrêt de travail.
De même, M. Z..., lors de son audition par le conseil de prud'hommes, a confirmé sa version des faits précitée, en soulignant que Mme X... avait été formée à l'utilisation du logiciel, que sa charge de travail n'était pas trop lourde pour utiliser ce nouveau logiciel, ce dernier s'inscrivant en outre dans la continuité de l'ancien, et qu'il n'avait pas compris l'opposition de la salariée. Il a toutefois précisé qu'auparavant il était un collègue de Mme X... et qu'ensuite il était devenu son supérieur hiérarchique, ce qui permet de considérer que Mme X... rencontrait quelques difficultés à admettre les nouvelles prérogatives de son ancien collègue. Il s'en déduit suffisamment de ces motifs que le manquement professionnel réitéré de Mme X... est établi, qu'elle a méconnu les instructions reçues de son supérieur hiérarchique en dépassant ses propres limites professionnelles et qu'elle ne peut s'exonérer de ses agissements.
Toutefois, Mme X... n'ayant pas préalablement reçu de rappel à l'ordre ou de sanction disciplinaire, la mise à pied constitue une sanction disproportionnée et sera annulée en application de l'article L 1333-2 du code du travail.
En conséquence la cour confirmera la décision déférée par substitution de motifs.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail le harcèlement moral d'un salarié se définit par des agissements répétés, ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l'article L 1152-2 du même code, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En application de l'article L 1154-1 du même code il incombe au salarié d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'article L 1152-3 du code du travail ajoute que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissances des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2 est nulle.
En l'espèce Mme X... justifie avoir été placée en arrêt de travail du 26 octobre 2009 au 8 novembre 2009 pour " asthénie psychique ", puis du 9 au 31 décembre 2010 pour " asthénie ", puis du 27 juin 2011 au 29 juin 2012 pour " harcèlement professionnel ", puis " harcèlement professionnel et moral et anxiété ", avoir effectué le 22 mai 2012 une déclaration de maladie professionnelle pour " harcèlement professionnel ", appuyé, d'une part, par un certificat médical de son médecin traitant et un arrêt de travail initial prescrit en ce sens le 7 juin 2012, et, d'autre part, un certificat du médecin du travail du 30 juin 2012, rappelant l'avis d'inaptitude prononcé le même jour. Il est constant que Mme X... a été déclarée inapte à son poste mais apte à un poste de même profil dans une autre organisation professionnelle de l'entreprise ou une autre entreprise du groupe, le 30 juin 2012, en une seule visite, au visa de l'article R 717-18 du code rural et de la pêche maritime.
Il s'en déduit que l'état de santé de Mme X... s'est objectivement dégradé et que les praticiens consultés ont rattaché cette dégradation à ses conditions de travail, même s'ils ne les ont pas personnellement constatées.
Mme X... considère que cette dégradation de son état de santé est imputable aux agissements répétés de son employeur et justifie qu'elle s'est plainte de ses conditions de travail dès 2009, que des congés payés sollicités pour la période du 25 au 29 avril 2011 lui ont été refusés, qu'elle a été sanctionnée par une mise à pied le 11 juillet 2011.
Mme X... établit ainsi suffisamment des faits permettant de présumer d'un harcèlement moral.
La cour se réfère expressément à la décision déférée sur l'énoncé complet des griefs articulés par Mme X... tant en première instance qu'en cause d'appel.
Le comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle, saisi par la Msa compte tenu d'une Ipp de Mme X... supérieure à 25 %, a retenu le 13 décembre 2012 que Mme X... présentait un syndrome anxio-dépressif, que " des contraintes professionnelles décrites par le conseiller technique de prévention il ressortait un conflit du travail " mais que " pour autant les circonstances de celui-ci ne permettaient pas d'établir un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée par l'assurée et son activité professionnelle ". Le comité régional a ainsi formulé un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie au titre du 4ème alinéa de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale. Mme X... a reçu notification de cette décision le 20 décembre 2012 et ne soutient pas l'avoir contestée par un recours. Elle souligne seulement que cette décision est sans incidence sur ses prétentions actuelles, chacun des régimes concernés étant autonome.
Les arrêts de travail prescrits à Mme X... en 2009 ne peuvent être rattachés à un cambriolage survenu, au vu des pièces communiquées par l'intéressée, en novembre 2008, soit un an plus tôt. Ceux prescrit en 2010 s'inscrivent postérieurement à un accident de la circulation routière dont elle a été retenue responsable, survenu le 29 novembre 2010. La société La grande Colombie objecte ainsi sans pertinence que ces deux événements personnels sont à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Mme X....
Mme X... met en cause le management de M. A..., en exposant qu'il était auparavant un de ses collègues, technicien d'élevage, et qu'il a ensuite été promu en 2007 directeur des deux sociétés présentes sur le site de l'Oie.
Le conseil de prud'hommes a entendu Mme C..., Mme B... et Mme D..., collègues de Mme X..., M. Z... son supérieur hiérarchique, et M. E... délégué du personnel. Il s'évince de ces auditions sous serment, prises dans leur ensemble que M. A... avait mis en oeuvre une direction moins paternaliste que celle de son prédécesseur, qu'il réunissait les salariés, leur permettait de s'exprimer, restait à leur écoute et les soutenait, ce dans un contexte économique très difficile et perturbant pour l'ambiance de travail. Les collègues de Mme X... ont estimé que les salariés pouvaient avoir des ressentis différents en réaction aux problèmes du groupe Doux et aux changements mis en place, que Mme X..., depuis son arrêt de travail en 2009, vivait " mal " la situation, qu'elle avait été aussi perturbée par sa responsabilité dans un accident de la circulation, et qu'elle se confiait peu.
Les témoignages de Mmes C..., B... et D..., rapprochés de l'argumentation de Mme X..., permettent de retenir que la salariée était en conflit latent avec ses trois collègues, dès lors qu'elle était en concurrence avec les deux premières pour l'attribution des dates de congés payés et qu'elle reprochait à la troisième d'être trop bruyante, Mme D... relatant d'ailleurs avoir été blessée de cette situation. Mme X... ne peut donc tirer argument de ses propres relations avec ces trois autres salariées pour considérer avoir été mise à l'écart, la cour discutant dans les motifs subséquents des conditions de travail dont se plaignait Mme X....
Mme X... reproche à M. A... de lui avoir fait subir des pressions, de l'avoir traitée de " potiche ", " d'improductive " et d'avoir fait allusion à sa ménopause pour expliquer ses difficultés psychologiques, mais ne produit aucune pièce susceptible de conforter ces griefs.
En revanche la société La grande Colombie communique deux mails datés du 12 novembre 2009 et du 17 novembre 2009 (ses pièces 23 et 24), adressés par M. A... à M. de F..., directeur des ressources humaines du groupe Doux, le premier assorti d'une importance " haute " et qualifié de " confidentiel ". Ces mails concernent l'un et l'autre spécifiquement Mme X.... Cette dernière les cite de manière incomplète dans ses écritures, et omet tout d'abord que M. A... y précise " que Mme X... est en grande souffrance psychologique depuis que nous nous sommes séparés ", ce qui fait allusion à un contexte d'ordre privé, voire affectif, détachable de l'ambiance de travail mais ayant une influence sur le ressenti de Mme X..., contexte sur lequel les premiers juges ont interrogé certains des témoins entendus. Or, Mme X... passe sous silence cette phrase du mail de M. A... et ne la commente pas plus.
M. A... relate dans ces deux messages que Mme X... est en conflit, non justifié selon le directeur, avec M. Z..., qu'elle s'estime mal reconnue pour son travail et mal rémunérée, alors que son taux horaire est supérieur à celui de ses collègues, que pour elle " tout va mal " mais que " la situation s'aggrave, puisqu'elle arrive le matin en faisant la tête, qu'elle éclate en sanglots pour en rien et qu'il est impossible de discuter avec elle ". M. A... exprime de manière récurrente des inquiétudes, compte tenu de l'état " préoccupant " de la salariée, et, dans un premier temps, alerte M. de F... et l'interroge sur " l'existence d'un psy au niveau du groupe " et sur les mesures à prendre, notamment à l'égard du médecin du travail, puis dans un second temps, confirme avoir pris contact avec le Dr Y..., médecin du travail, qui lui a indiqué convoquer prochainement la salariée.
C'est donc à tort que Mme X... considère que M. A... n'a pas pris en compte ses difficultés et son état de santé, et qu'elle proteste de l'organisation d'une visite tenue par le médecin du travail sur demande de l'employeur le 20 novembre 2009. A cette occasion elle a au surplus été déclarée apte sans contre indication.
Il est également établi que M. A... a réagi sans retard et sans être responsable des délais de commande et de pose, aux problèmes de bruits et de vue signalés respectivement fin 2009 et le 16 novembre 2010 par Mme X..., ce, en interrogeant le service technique, en commandant un nouvel écran d'ordinateur et des rideaux, en faisant poser un groom et en demandant à Mme D... de parler moins fort et de ne pas claquer les portes, la cour se référant expressément sur ce point aux motifs exacts développés par les premiers juges.
Ceux ci ont de même exactement vérifié, par des motifs adoptés par la cour, que Mme X... avait perçu un salaire conforme à celui minimal prévu par la convention collective applicable pour les fonctions effectivement occupées, peu important que ses bulletins de salaire aient mentionné la fonction " d'employée de bureau " et non celle " d'employée de bureau qualifiée ", le niveau III figurant sur ces documents. La cour observe au surplus que Mme X..., d'une part, fixe son salaire de référence à la somme de 1 582, 10 euros brut alors que la convention collective applicable fixe le minimum conventionnel en 2012 à 1 463, 58 euros brut et, d'autre part, ne forme pas de demande de rappel de salaire pour non respect de la rémunération prévue par la convention collective applicable.
De même les motifs déjà développés ont retenu que Mme X... était le plus souvent en concurrence avec Mme C... et Mme B... pour la fixation des dates de congés payés mais il s'évince des pièces communiquées aux débats qu'en 2010 Mme X... sollicitait 4 semaines de congés payés en août contrairement à ces collègues qui sollicitaient, pour une période distincte seulement 3 semaines, que son bulletin de salaire mentionne qu'elle a bénéficié de congés payés du 9 au 29 août 2010, qu'en avril 2011 elle n'a pas précisé que la demande de congés formulée du 25 au 29 avril 2011, dont elle admet qu'il s'agissait de sa 5ème semaine de congés, lui permettait d'être en vacances en même temps que son mari, et qu'ainsi aucune pièce ne permet de rejoindre son argumentation selon laquelle elle a été volontairement pénalisée et que l'employeur a méconnu les règles de fixation des dates de congés payés prévues par la convention collective applicable et une note interne du 26 mars 2008.
Mme X... ne communique aucune pièce relative à l'emprunt abusif " d'une imprimante " et de " documents " et reproche sans pertinence aux premiers juges de ne pas avoir répondu à ces griefs.
La cour a certes annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 11 juillet 2011 mais en retenant seulement que la sanction était disproportionnée au regard des manquements fautifs avérés, ce qui n'autorise pas Mme X... à se prévaloir de reproches non fondés de M. A.... En outre l'employeur a pris en compte l'arrêt de travail de Mme X..., lui a précisé par écrit les motifs de sa convocation à un entretien préalable auquel son état de santé l'empêchait de se présenter et n'était pas tenu de reporter cet entretien, ce qui ne caractérise ni une attitude fautive ni un défaut de loyauté dans l'exécution du contrat de travail et en tout cas pas un agissement destiné à déstabiliser la salariée. Mme X... a été placée en arrêt de travail dès réception de la convocation à l'entretien préalable sans qu'aucun agissement particulier de M. A... ne soit allégué ni caractérisé sur ce point, alors même que l'envoi de cette convocation n'était pas abusif car fondé.
Mme X... ne peut se prévaloir des retards de délivrance des documents de fin de contrat et des erreurs figurant dans les documents remis, dès lors que ces faits sont postérieurs à l'avis d'inaptitude et au licenciement et ne peuvent donc caractériser des agissements commis durant l'exécution du contrat de travail et susceptibles de constituer des agissements de harcèlement moral.
Mme X... ne peut reprocher à son employeur d'avoir, à une seule reprise, le 20 septembre 2011, fait vérifier le bien fondé de son arrêt de travail, alors que son arrêt de travail a été prolongé ensuite jusqu'au 29 juin 2012 sans renouvellement de cette demande de la société La grande Colombie. Par ailleurs cette démarche isolée de l'employeur est conforme à l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique de contrôle envers tout salarié et n'est ni excessive ni susceptible de porter atteinte à la dignité de la salariée.
Mme X... relève exactement que, par courrier du 21 mai 2012, M. A... lui a demandé de faire valoir les congés payés acquis et de ne pas maintenir son arrêt de travail, ce pour solder ses congés dans la perspective de la visite fixée par le médecin du travail le 29 juin 2012. Elle établit que son médecin traitant a répondu le 22 mai 2012 que l'arrêt de travail était justifié et ne pouvait être remis en cause. Toutefois cette initiative critiquable mais isolée de M. A... ne suffit pas, compte tenu des motifs précédents, pour caractériser les agissements répétés constitutifs du harcèlement moral tel que défini par l'article L 1152-1 du code du travail et rappelée à titre liminaire.
Mme X... considère enfin que les recherches de reclassement ont été menées de manière incomplète et déloyale. Toutefois, même si la cour statue pas des motifs propres sur l'inexécution de l'obligation de reclassement, les manquements de l'employeur sur ce point, tels que discutés, s'analysent comme une simple méconnaissance de l'ampleur de l'exécution de son obligation de reclassement inscrite dans un contexte de difficultés économiques et non comme la volonté de faire obstacle à son reclassement, caractérisant des agissements répétés destinés à dégrader l'état de santé de Mme X... ou ses conditions de travail, ou de porter atteinte à sa dignité et constitutifs d'un harcèlement moral.
En conséquence la cour confirmera la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme X... de sa demande au titre du harcèlement moral.
Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude et la procédure de licenciement applicable
Mme X... soutient que, même si la cour ne retient pas la réalité du harcèlement moral, son inaptitude présente une origine professionnelle, car elle résulte d'une exécution déloyale du contrat de travail et d'une attitude fautive de l'employeur.
Mme X... rappelle que M. A... a alerté le directeur des ressources humaines du groupe dès novembre 2009 sur son état de santé préoccupant et son mal être au travail mais considère qu'il n'a pas mis en oeuvre les mesures permettant de prévenir et résoudre ses difficultés, que l'employeur a failli à son obligation de santé et sécurité au travail, telle que définie par l'article L 4121-2 du code du travail, que le médecin du travail, à l'appui de sa demande de déclaration de maladie professionnelle désignée comme " harcèlement professionnel ", a rempli un certificat médical explicite, visant l'inaptitude constatée le 30 juin 2012 et le harcèlement professionnel, que la Msa a rejeté cette demande de déclaration le 7 août 2012 uniquement au motif que la pathologie déclarée n'était pas inscrite au tableau des maladies professionnelles et non en raison de l'absence de harcèlement professionnel et que le Comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle a également retenu la réalité d'un " conflit au travail ".
Mme X... déduit de la connaissance par l'employeur, au moment du licenciement, de l'origine professionnelle, même partielle, de son inaptitude que la société La grande Colombie était tenue de lui appliquer le régime protecteur de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et donc, que, préalablement aux recherches de reclassement et à l'engagement de la procédure de licenciement, elle devait consulter les délégués du personnel avec toutes conséquences de droit en cas de manquement à cette obligation conformément aux articles L 1226-10, L 1226-14 et L 1226-15 du code du travail.
Or les motifs déjà développés pour débouter Mme X... de sa demande fondée sur un harcèlement moral conduisent à rejeter l'argumentation de Mme X... sur l'origine professionnelle de son inaptitude, dès lors que la cour a déjà exclu l'effet probant des certificats médicaux et de l'avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles sur l'imputabilité de l'inaptitude et qu'elle a retenu également que M. A... n'avait commis aucun manquement dans ses fonctions de directeur susceptible d'avoir provoqué l'inaptitude de Mme X... mais aussi qu'il avait fait preuve de réactivité pour gérer les difficultés apparentes de Mme X... en 2009, puis ses doléances diverses en 2010, le tout dans le respect de l'obligation de santé et sécurité au travail.
Si l'arrêt de travail prescrit à partir du 27 juin 2011 a suivi la convocation à l'entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire certes annulée par la cour, les pièces communiquées aux débats suffisent pour considérer que le 24 juin 2011 Mme X... ignorait les griefs concernés et qu'elle ne peut donc affirmer avoir été d'emblée perturbée par les reproches articulés contre elle. La cour rappelle en outre qu'elle a annulé la sanction en la considérant fondée mais disproportionnée.
Aucune pièce ne permet de retenir qu'avant le 24 juin 2011 Mme X... avait présenté des troubles de santé ou exprimé des difficultés ou des souffrances au travail autres que ceux pris en compte et/ ou résolus par l'employeur et déjà discutés. Par ailleurs, sa réaction personnelle à la convocation non abusive à un entretien préalable à une sanction disciplinaire n'est pas imputable à un manquement de la société La grande Colombie ou plus particulièrement de M. A.... Enfin Mme X... n'a pas repris son poste postérieurement au lundi 27 juin 2011 et n'a donc pas été confrontée à son milieu professionnel.
En revanche, selon une jurisprudence constante, dès lors que l'employeur a la connaissance d'une origine même partielle de l'inaptitude lorsqu'il engage une procédure de licenciement, il est tenu d'appliquer le régime protecteur prévu par les articles L 1226-10 et suivants du code du travail.
Or, le 28 août 2012, la société La grande Colombie était parfaitement informée que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles était saisi, puisque la Msa avait apporté cette précision dans sa décision de refus de prise en charge notifiée le 7 août 2012, tant à Mme X... qu'à la société La grande Colombie. Ainsi, le refus de prise en charge de la maladie déclarée par Mme X... n'était donc pas définitif et l'employeur devait, l'origine professionnelle, même partielle de l'inaptitude, étant encore en cours d'examen, consulter les délégués du personnel.
En conséquence du non respect de la procédure définie par le régime protecteur précité, qui n'a pas pour effet de rendre le licenciement nul, compte tenu des dispositions limitées de l'article L 1226-13 du code du travail, Mme X... est seulement fondée à solliciter le paiement des indemnités spécifiques de licenciement et de préavis prévues par l'article L 1226-14 du code du travail outre l'indemnité prévue par l'article L 1226-15 du code du travail.
S'agissant du doublement de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de préavis, la cour fera droit aux demandes de Mme X..., exactement chiffrées, à partir du salaire de référence apprécié par les premiers juges et non critiqué, le quantum de ces prétentions, n'étant pas sérieusement contesté.
S'agissant de l'indemnité prévue par l'article L 1226-15 du code du travail qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire, la cour s'estime suffisamment informée, compte tenu de l'âge et de l'ancienneté de Mme X..., pour limiter sa demande à la somme de 22 000 euros.
En conséquence la cour réformera la décision déférée en ce sens.
Sur l'obligation de reclassement
L'article L 1226-2 du code du travail prévoit notamment que lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait antérieurement à ses arrêts de travail, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, après avoir pris en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement de temps de travail.
En l'espèce Mme X... soutient exactement que la société La grande Colombie ne s'est pas rapprochée du médecin du travail après l'avis d'inaptitude en date du 30 juin 2012 alors même que son Ipp était supérieure à 25 %.
Mme X... souligne également à juste titre qu'elle a certes réactualisé sa fiche personnelle le 3 août 2012, mais en réponse à un courrier de la direction des ressources humaines du groupe, en date du 19 juillet 2012, reçu d'ailleurs le 2 août 2012 donc tardivement car postérieurement à la demande de réponse attendue au plus tard le 31 juillet 2012, ce courrier, adressé à tous les salariés, leur annonçant l'ouverture le 1er juin 2012 d'une procédure de redressement judiciaire pour les 24 entités du groupe, en ce inclus la société La grande Colombie, et leur soumettant un questionnaire en vue de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Ainsi Mme X... a fait valoir des restrictions sur sa mobilité géographique, le 3 août 2012, mai dans une autre perspective de reclassement car dans l'hypothèse d'un licenciement pour motif économique, et la société La grande Colombie n'a pas spécifiquement interrogé Mme X... sur les propositions de reclassement pouvant lui être faites dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude.
C'est d'ailleurs dès le 1er août 2012, donc nécessairement sans prendre en compte les observations émises par Mme X... le 3 août 2012, que la société La grande Colombie a interrogé les sociétés du groupe pour rechercher un reclassement de la salariée, désignée comme " employée de bureau ", en énonçant les restrictions de l'avis d'inaptitude, mais sans préciser, comme le relève encore exactement Mme X..., qu'elles étaient ses fonctions, sa classification professionnelle exacte, son ancienneté et sa rémunération.
Si certaines des sociétés interrogées ont répondu, dès le 1er août 2012, qu'aucun poste compatible avec la restriction d'inaptitude n'était disponible, la société La grande Colombie n'a pas engagé avec précipitation la procédure de licenciement puisqu'elle a attendu le 28 août 2012 pour convoquer Mme X... à l'entretien préalable.
Toutefois, la société La grande Colombie ne justifie pas de recherches en interne et de l'impossibilité d'un reclassement sur le site de l'Oie, et surtout, n'a pas proposé à Mme X... un poste de reclassement sur des postes disponibles identifiés par mail du 1er août 2012 de M. G..., dans une autre société, et concernant " l'accrochage de volailles vivantes " et " l'emballage ", alors qu'employeur ne pouvait anticiper sur un refus seulement éventuel de la salariée à accepter l'un de ces postes.
Ces manquements caractérisent une exécution imparfaite de l'obligation de reclassement.
La société La grande Colombie ne peut s'en exonérer, compte tenu de leur nature, en arguant, même exactement, des procédures de redressement judiciaire ouvertes le 1er juin 2012 pour l'ensemble des 24 sociétés du groupe Doux, et de la liquidation judiciaire prononcée le 1er août 2012 de la société Doux frais, même si 1 704 salariés du groupe ont été ensuite soit licenciés pour motif économique, soit transférés vers une autre société.
En conséquence de ce manquement le licenciement sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse et la cour réformera la décision déférée de ce chef.
Sur les conséquences du licenciement
Le non respect du régime protecteur déjà discuté rend bien fondées les demandes en paiement de Mme X... de l'indemnité majorée de licenciement, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité prévue par l'article L 1226-15 du code du travail mais dont elle ne peut solliciter le cumul avec les conséquences d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les créances de Mme X... seront mises à la charge de la société Ballis, celle ci venant aux droits de la société La grande Colombie.
La cour ordonnera la remise par l'employeur des documents prévus par l'article L 1234-19 du code du travail.
Sur la garantie du Cgea de Rennes
Le Cgea de Rennes devra sa garantie dans les conditions et limites légales en cas de liquidation judiciaire de la société Ballis venant aux droits de la société La grande Colombie et en l'absence de fonds suffisamment disponibles.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Ballis, venant aux droits de la société La grande Colombie, qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.
L'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de faire droit à l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme X... de ses demandes au titre du non respect du régime protecteur prévu par les articles L 1226-10 à L 1226-15 du code du travail et en ce qu'elle a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ces chefs :
Dit que la société La grande Colombie devait appliquer la procédure de licenciement prévue par l'article L 1226-10 du code du travail ;
Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement ;
Condamne la société Ballis venant aux droits de la société La grande Colombie à payer à Mme X..., outre intérêts au taux légal à compter de la convocation à l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes pour les seules créances de nature salariale, les sommes de :-3 164, 20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-11 512, 42 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement,-22 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,-1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que le Cgea de Rennes devra sa garantie dans les conditions et limites légales ;
Ordonne à la société Ballis venant aux droits de la société La grande Colombie de remettre à Mme X... un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés au vu du présent arrêt ;
Confirme pour le surplus la décision déférée ;
Y ajoutant :
Condamne la société Ballis venant aux droits de la société La grande Colombie à payer à Mme X... une somme complémentaire de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne la société Ballis venant aux droits de la société La grande Colombie aux dépens d'appel.