---------------------------28 Janvier 2016---------------------------RG no15/00088---------------------------L'ETAT, représenté par le Directeur Départemental des Finances Publiques de la Charente-MaritimeC/SARL ESPACE LOISIR---------------------------
R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S EAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le vingt huit janvier deux mille seize par M. David MELEUC, conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, assisté de Mme Inès BELLIN, greffier,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le quatorze janvier deux mille seize, mise en délibéré au vingt huit janvier deux mille seize.
ENTRE :
L'ETAT, représenté par le Directeur Départemental des Finances Publiques de la Charente-Maritime14 rue Réaumur17000 LA ROCHELLE
Représentant : Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
DEMANDEUR en référé ,
D'UNE PART,
ET :
SARL ESPACE LOISIR66 route de la Plage17440 AYTRE
Représentants : Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant- Me Sophie MARGUERY, avocat au barreau de BORDEAUX, et Me Thomas FERRANT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocats plaidants
DEFENDEUR en référé ,
D'AUTRE PART,
- I - EXPOSÉ DU LITIGE :
Par arrêté no2010/1546 du 1er juillet 2010 pris des suites du passage de la tempête Xynthia sur le territoire national dans la nuit du 27 au 28 février 2010, Monsieur le Préfet de CHARENTE-MARITIME a prononcé la fermeture du camping "Le camping de la plage La Lizotière" exploité à AYTRE par la S.A.R.L. ESPACE LOISIR, en raison du danger de submersion marine.
Les enquêtes ont été organisées du 29 avril 2013 au 29 mai 2013 et un arrêté de cessibilité concernant les parcelles de terrain propriété de la S.A.R.L. ESPACE LOISIR est intervenu le 21 octobre 2013.
L'offre d'indemnisation présentée par l'Etat a été refusée par la S.A.R.L. ESPACE LOISIR.
Le 25 septembre 2014, la S.A.R.L. ESPACE LOISIR a saisi le juge de l'expropriation de CHARENTE-MARITIME d'un mémoire aux fins de fixation des indemnités.
Par jugement contradictoire prononcé en premier ressort le 15 mai 2015, ledit juge de l'expropriation a :déclaré la société ESPACE LOISIR irrecevable en ses demandes relatives au préjudice commercial et au report des intérêts bancaires et l'a renvoyée à formuler ses demandes devant la juridiction administrative ;déclaré la société ESPACE LOISIR irrecevable en ses demandes relatives aux pertes de salaires des gérants, à la perte de l'avantage en nature de logement et à l'abondement du plan épargne entreprise ;fixé l'indemnité revenant à la société ESPACE LOISIR :* au titre de l'expropriation des terrains situés à AYTRE, avenue de la Plage, à la somme de 4.310.850,00 ¿ ;* au titre de l'expropriation des immeubles à la somme de 1.496.250,00 ¿ ;* au titre de la perte du fonds de commerce à la somme de 1.395.202,00 ¿ ;* au titre des travaux sur la piscine la somme de 162.374,38 ¿ ;* au titre de l'indemnité de remploi sur le foncier à la somme de 583.710,00 ¿ ;* au titre de l'indemnité de remploi sur le fonds de commerce à la somme de 139.520,20 ¿ ;* au titre des frais de déménagement la somme de 4.500,00 ¿ ;dit que les frais de la procédure resteront à la charge de l'Etat et alloué à la SARL ESPACE LOISIR la somme de 5.000,00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME, a entendu interjeter appel de cette décision.
- II - PROCÉDURE :
Par acte d'huissier délivré le 16 décembre 2015, l'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME, a fait citer en référé devant le premier président de la cour d'appel la S.A.R.L. ESPACE LOISIR aux fins d'obtenir :l'autorisation de consigner la somme de 5.739.556,58 ¿ représentant la différence entre le montant de l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE, soit 8.092.406,58 ¿, et le montant de l'évaluation du service domaine, soit 2.352.850 ¿ ;la condamnation de la S.A.R.L. ESPACE LOISIR à lui payer la somme de 2.000,00 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'audience du 17 décembre 2015, l'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME, défendu par Maître MICHOT, a maintenu ses prétentions initiales fondées sur l'article L.331-3 du code de l'expropriation et le risque sérieux de ne pas pouvoir recouvrer tout ou partie des sommes qui lui seraient dues en cas d'infirmation du jugement. L'activité de la S.A.R.L. ESPACE LOISIR serait en effet interrompue depuis le 27 février 2010 et l'immeuble litigieux serait grevé d'une hypothèque intéressant le banquier préteur. En outre, la différence entre l'indemnité allouée et l'évaluation du service domaine serait d'un montant particulièrement important.
La S.A.R.L. ESPACE LOISIR, représentée par Maître MARGUERY et Maître FERRANT, a demandé quant à elle au premier président de bien vouloir :débouter de l'intégralité de ses demandes l'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME ;lui donner acte de ce que l'Etat n'avait pas à ce jour réglé les sommes prévues par le jugement rendu par le juge de l'expropriation du département de la CHARENTE-MARITIME le 15 mai 2015, exceptée une première provision d'un montant de 1.181.425 ¿ ;dire et juger que l'Etat devrait verser le solde des sommes dues au titre du jugement précité, dans un délai de 15 jours à compter de la signification à intervenir à la S.A.R.L. ESPACE LOISIR, soit 6.920.981,58 ¿ ;lui donner acte de sa volonté de transférer la propriété expropriée ;à titre subsidiaire, lui donner acte de son accord pour consigner sur le compte CARPA de son conseil la somme de 6.920.981,58 ¿ devant lui revenir ;dire et juger que le solde non versé de la somme de 2.362.850,00 ¿ équivalent à l'évaluation des Domaines devrait lui être versé dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;condamner l'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME, à lui payer la somme de 5.000,00 ¿ au titre des frais irrépétibles.
À l'appui de sa demande, elle a fait valoir que l'Etat, sur lequel pesait la charge de la preuve, n'établissait pas d'indices sérieux au sens de l'article L.331-3 du code de l'expropriation, dans la mesure où il n'existait à son passif aucune hypothèque. En l'absence d'activité et corrélativement de la moindre possibilité que des pertes soient générées ou un passif créé, il ne serait pas démontré en quoi la somme payée par l'Etat ne pourrait pas être restituée, sauf à supposer une malversation des dirigeants. L'appréciation du bien fondé de l'indemnité allouée par le juge de l'expropriation relèverait enfin de la cour d'appel statuant au fond. Il serait regrettable sur ce point que l'Etat conteste la décision entreprise sous couvert de proposer une consignation, ce d'autant plus que les sommes proposées amiablement depuis l'origine n'auraient toujours pas été versées en intégralité.
- III - MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur les demandes principales et reconventionnelles :
En droit, l'article L331-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose qu'en "cas d'appel du jugement fixant l'indemnité, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer qu'en cas d'infirmation l'expropriant ne pourrait recouvrer tout ou partie des sommes qui lui seraient dues en restitution, celui-ci peut être autorisé par le premier président de la cour d'appel à consigner tout ou partie du montant de l'indemnité supérieur à ce que l'expropriant avait proposé. Cette consignation vaut paiement de ce surplus. La prise de possession intervient selon les modalités définies à l'article L. 231-1".
En l'espèce, s'il est incontestable que la somme de 5.739.556,58 ¿ représentant la différence entre le montant de l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE, soit 8.092.406,58 ¿, et le montant de l'évaluation du service domaine, soit 2.352.850,00 ¿ est d'un montant significatif, il n'en demeure pas moins qu'aucun indice sérieux ne laisse présumer l'impossibilité pour l'expropriant de la recouvrer en tout ou partie en cas d'infirmation.
Force est en effet de constater que la S.A.R.L. ESPACE LOISIR produit une attestation de son expert-comptable qui met en évidence qu'à ce jour, il n'existe pas de risques non provisionnés au passif de l'entreprise et que sa situation financière est "très satisfaisante", "compte tenu des charges d'exploitation connues de la société et du niveau de sa trésorerie".
L'appelant ne démontre enfin nullement en quoi le fait que la S.A.R.L. ESPACE LOISIR soit aujourd'hui en sommeil fasse obstacle au remboursement des sommes allouées par le juge de l'expropriation, cet état de fait étant au contraire de nature à le garantir d'éventuelles dépenses somptuaires.
Dans ces conditions, la demande de consignation ne pourra qu'être rejetée.
Il en va de même des demandes de "donner acte" soutenues à titre reconventionnel par l'intimée, lesquelles sont dépourvues de caractère juridictionnel et sont insusceptibles de pourvoi.
- Sur les dépens et sur les frais non répétibles
Il appartient à la partie succombante de supporter les dépens par application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il convient enfin, en tenant compte de l'équité et de la situation économique respective des parties, de condamner l'ETAT, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME, à payer à la S.A.R.L. ESPACE LOISIR la somme de MILLE CINQ CENT EUROS - 1.500,00 ¿ - sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Le premier président, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire susceptible de pourvoi en cassation :
DÉBOUTONS l'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME, de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNONS l'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME, à payer à la S.A.R.L. ESPACE LOISIR la somme de MILLE CINQ CENT EUROS - 1.500,00 ¿ - sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSONS les dépens du référé à la charge de l'Etat, représenté par Monsieur le Directeur départemental des Finances publiques de la CHARENTE-MARITIME.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
Le greffier, Le conseiller,
I. BELLIN D. MELEUC