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14/01/2021 | FRANCE | N°18/03071

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 14 janvier 2021, 18/03071


PhD/ND



Numéro 21/197





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 14/01/2021







Dossier : N° RG 18/03071 - N° Portalis DBVV-V-B7C-HA5Y





Nature affaire :



Prêt - Demande en remboursement du prêt















Affaire :



[O] [P]





C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE









>


















Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Janvier 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditio...

PhD/ND

Numéro 21/197

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 14/01/2021

Dossier : N° RG 18/03071 - N° Portalis DBVV-V-B7C-HA5Y

Nature affaire :

Prêt - Demande en remboursement du prêt

Affaire :

[O] [P]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Janvier 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 23 Novembre 2020, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marie-Paule ALZEARI et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Marie-Paule ALZEARI, Président

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [O] [P]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/01239 du 15/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Représentée par Me Xavier TERQUEM-ADOUE de la SELARL TERQUEM-ADOUE, avocat au barreau de TARBES

INTIMEE :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE société coopérative à personnel et capital variables, SIRET 776 983546 00032, inscrite au RCS de TARBES (HP), et dont la Direction Générale est [Adresse 6], poursuites et diligences de son représentant légal.

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

Représentée par Me Paul CHEVALLIER de la SCP CHEVALLIER-FILLASTRE, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 13 SEPTEMBRE 2018

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 02 décembre 2010, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (ci-après la banque) a consenti à M. [E] [T] et Mme [O] [P], trois prêts immobiliers destinés à financer l'acquisition de leur résidence principale, se décomposant ainsi :

- prêt de 185.750 euros sur 288 mois au taux annuel de 3,30 %

- prêt de 50.000 euros sur 288 mois à taux variable, au taux initial de 2,40 %

- prêt de 14.250 euros sur 72 mois à taux zéro

M. [T] a été placé en liquidation judiciaire le 05 décembre 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 janvier 2017, la banque a mis en demeure Mme [P] sous peine de déchéance du terme dans les 15 jours.

Suivant exploit du 27 juin 2017, la banque a fait assigner par devant le tribunal de grande instance de Tarbes Mme [P] en paiement des sommes dues.

Par jugement contradictoire du 13 septembre 2018, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

- condamné Mme [P] à payer à la banque les sommes suivantes :

- 172.041,14 euros avec intérêts au taux de 3,30 % l'an à compter du 26 janvier 2017, outre la somme de 10 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

- 43.031,72 euros avec intérêts au taux légal de 1,050 % l'an à compter du 26 janvier 2017, outre la somme de 10 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

- 4.284,50 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre la somme de 10 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Mme [P] aux dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 26 septembre 2018, Mme [P] a relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 décembre 2019.

***

Vu la révocation de l'ordonnance de clôture par mention au dossier et fixation de la clôture au 23 novembre 2020, avant l'ouverture des débats de l'audience du 23 novembre 2020.

Vu les dernières conclusions notifiées le 06 décembre 2019 par Mme [P] qui a demandé à la cour, réformant le jugement entrepris, de :

A titre principal :

- condamner la banque à lui payer la somme de 246.092 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil, somme qui sera réglée en compensation avec le même montant dû par elle.

A titre subsidiaire :

- débouter la banque pour la somme de 6.723,90 euros au titre de la prescription biennale, sur le fondement de l'article L. 137-2 du code de la consommation.

Et, de condamner l'intimée au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2019 par la caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne qui a demandé à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture

- déclarer Mme [P] prescrite en sa demande de dommages et intérêts

- en toute hypothèse l'en débouter

- réformant partiellement le jugement au visa des articles 1103 et suivants et 1905 et suivants du code civil, condamner Mme [P] à lui payer les sommes suivantes :

- 193.507,80 euros outre intérêts conventionnels au taux de 3,30 % à compter du 26 janvier 2017

- 47.999,78 euros outre intérêts au taux du prêt à compter du 26 janvier 2017

- 3.459,14 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation

- condamner Mme [P] au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Avant l'ouverture des débats, et par mention au dossier, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la clôture au 23 novembre 2020, à la demande de l'intimée et avec l'accord de l'appelante qui a indiqué ne pas vouloir répliquer aux dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2019.

1 - sur la prescription de l'action en responsabilité de la banque

A hauteur d'appel, Mme [P] agit, par voie reconventionnelle, en responsabilité contre la banque en sollicitant une compensation entre sa créance indemnitaire et la créance de la banque.

L'appelante fait valoir que la banque n'a pas satisfait, lors de la souscription des crédits, à son devoir de conseil au regard des risques d'endettement excessif pesant sur elle, tel que dégagé par la jurisprudence au visa de l'article 1147 ancien du code civil. Elle en déduit qu'elle est fondée à solliciter la condamnation de la banque à réparer son dommage sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour défaut de conseil.

Mais, d'une part, il résulte seulement des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le prêteur est tenu, lors de l'octroi d'un crédit, d'un devoir de mise en garde, et non de conseil, à l'égard de l'emprunteur non averti à raison des capacités financières de ce dernier et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, engageant sa responsabilité contractuelle et non délictuelle sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil.

Le moyen tiré de la responsabilité délictuelle est donc mal fondé.

En outre, contrairement à ce que soutient l'appelante, son action se heurte à la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce.

En effet, il résulte de l'article 2224 du code civil que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est réalisé se manifeste dès l'octroi du crédit, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage.

En l'espèce, Mme [P] ne démontre pas qu'elle pouvait ignorer le risque d'endettement excessif lors de l'octroi des prêts en date du 02 décembre 2010 alors qu'elle dénonce, à la date de son engagement, un endettement représentant alors 68% des revenus du couple, et que des difficultés de remboursement sont apparues dès l'année 2011.

La demande reconventionnelle au titre du manquement au devoir de mise en garde formée pour la première fois dans les conclusions notifiées le 09 décembre 2018 est donc prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce.

2 - sur la demande en paiement de la banque

Mme [P] oppose la prescription des sommes échues visées dans la mise en demeure de payer du 03 juin 2015, sur le fondement de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation disposant que l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, après avoir constaté que la banque avait agi en paiement le 27 juin 2017.

En droit, à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte qu'en matière de crédits immobiliers, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

Il convient donc d'examiner la prescription biennale pour chacun des trois prêts.

2 - 1 - sur le prêt de 185.750 euros

Les échéances impayées d'un montant de 2.640,30 euros, visées dans la mise en demeure du 03 juin 2015, ont été réglées le 09 novembre 2015 ainsi que cela ressort des pièces 17 et 18 de l'intimée.

La première échéance impayée non régularisée visée dans le décompte de la banque (pièce 6) est du 10 juillet 2016 et le 05 janvier 2017, la banque a mis en demeure Mme [P] de payer sous peine de déchéance dans les quinze jours.

La créance de la banque, au titre des échéances impayées et du capital restant dû n'est donc pas prescrite.

Le moyen sera rejeté.

Le premier juge ayant omis de statuer sur les échéances impayées et décidé de ramener l'indemnité de résiliation anticipée à 10 euros sans établir son caractère manifestement excessif dont l'appelante ne se prévaut pas en appel, il convient d'infirmer le jugement et de condamner Mme [P] à payer à la banque la somme de 193.507,80 euros augmentée des intérêts de retard au taux conventionnel de 3,30 % à compter du 26 janvier 2017.

2 - 2 - sur le prêt de 50.000 euros

Les échéances impayées d'un montant de 1.251,14 euros, visées dans la mise en demeure du 03 juin 2015, ont également été réglées le 09 novembre 2015 ainsi que cela ressort des pièces 17 et 18 de l'intimée.

La première échéance impayée non régularisée visée dans le décompte de la banque (pièce 7) est du 10 août 2016 et le 05 janvier 2017, la banque a mis en demeure Mme [P] de payer sous peine de déchéance dans les quinze jours.

La créance de la banque, au titre des échéances impayées et du capital restant dû n'est donc pas prescrite.

Le moyen sera rejeté.

Le premier juge ayant omis de statuer sur les échéances impayées et décidé de ramener l'indemnité de résiliation anticipée à 10 euros sans établir son caractère manifestement excessif dont l'appelante ne se prévaut pas en appel, il convient d'infirmer le jugement et de condamner Mme [P] à payer à la banque la somme de 47.999,78 euros augmentée des intérêts de retard au taux conventionnel variable applicable à compter du 26 janvier 2017.

2 - 3 - sur le prêt de 14.250 euros

La première échéance impayée non régularisée visée dans le décompte de la banque (pièce 8) est du 10 juillet 2014 et le 05 janvier 2017, la banque a mis en demeure Mme [P] de payer sous peine de déchéance dans les quinze jours.

La prescription est donc acquise pour les échéances du 10 juillet 2014 au 10 décembre 2014, d'un montant de 1.187,52 euros, ce dont convient la banque.

Mme [P] n'a pas saisi la cour d'une contestation tenant à l'indemnité de résiliation anticipée.

Le jugement sera donc infirmé et Mme [P] condamnée à payer la somme de 3.459,14 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 juin 2017.

Le jugement sera confirmé seulement sur les dépens, et Mme [P] condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DECLARE irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle formée par Mme [P] au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [P] aux dépens,

INFIRME le surplus de ses dispositions,

et statuant à nouveau,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription partielle des demandes de la banque au titre des prêts de 185.750 euros et 50.000 euros,

DECLARE irrecevable comme prescrite la demande de paiement des échéances de juillet 2014 à décembre 2014 inclus au titre du prêt de 14.250 euros,

CONDAMNE Mme [P] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne les sommes de :

193.507,80 euros augmentée des intérêts de retard au taux conventionnel de 3,30% à compter du 26 janvier 2017

47.999,78 euros augmentée des intérêts de retard au taux conventionnel variable applicable à compter du 26 janvier 2017

3.459,14 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017

CONDAMNE Mme [P] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Marie-Paule ALZEARI, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 18/03071
Date de la décision : 14/01/2021

Références :

Cour d'appel de Pau 21, arrêt n°18/03071 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-14;18.03071 ?
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