MM/CS
Numéro 20/3479
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRÊT DU 03/12/2020
Dossier : N° RG 17/00926 - N° Portalis DBVV-V-B7B-GPTO
Nature affaire :
Recours contre les décisions des commissions d'indemnisation de victimes
Affaire :
[J] [X]
C/
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 3 Décembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 1er octobre 2020, devant :
Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme DENIS, greffier présent à l'appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Valérie SALMERON, Président
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [J] [X]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Isabelle BURTIN de la SCP BERRANGER & BURTIN, avocat au barreau de TARBES
INTIME:
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
[Adresse 11]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Erwan DINETY, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 30 DECEMBRE 2016
rendue par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE BAGNOLET
EXPOSÉ DU LITIGE
[J] [X], né le [Date naissance 7] 1957, a été exposée à l'amiante du temps de son activité professionnelle pour le compte de la société TROISEL.
Le 22 mai 2009, un diagnostic de plaques pleurales a été posé et reconnu au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes Pyrénées, qui lui a attribué un taux d'incapacité de 10 % à compter du 4 juillet 2009.
Le 13 octobre 2010, [J] [X] a saisi le FIVA( fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante) d'une demande d'indemnisation de ses préjudices.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2011, le FIVA lui a notifié l'offre suivante, sur la base d'un taux d'incapacité de 10 % à compter du 22 mai 2009 :
- préjudice fonctionnel : réservé
- préjudice moral : 18 700 €
- préjudice physique : 600 €
- préjudice d'agrément : 2 900 €.
[J] [X] a accepté cette offre.
Puis, par lettre du 4 octobre 2011, le FIVA a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice fonctionnel considérant que ce préjudice a été réparé par son organisme social. [J] [X] n'a pas contesté cette décision.
Par jugement du 15 octobre 2015, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale saisi par [J] [X] a reconnu la faute inexcusable de l'employeur , a ordonné la majoration de la rente allouée et lui a accordé une somme de 22 200 € au titre de ses préjudices extra patrimoniaux, correspondant à la somme versée par la FIVA à la suite de son offre du 3 mai 2011.
Invoquant l'aggravation de son état, [J] [X] a saisi de nouveau le FIVA.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 décembre 2016, après avoir fait réaliser une expertise médicale, le FIVA lui a notifié l'offre suivante :
- préjudice fonctionnel : en attente
- préjudice moral : 500 €
- préjudice physique : 500 €
- préjudice d'agrément : 500 €
- préjudice économique rejeté.
[J] [X] a saisi la cour d'appel de Pau par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mars 2017.
Par conclusions reçues le 25 octobre 2017, il a demandé de :
- dire et juger que sa situation s'est aggravée,
- à titre de réparation intégrale de son préjudice, condamner le FIVA à lui payer la somme totale de 283 754,32 €,
- rejeter les pièces 1 à 37 invoquées par le FIVA et non communiquées,
- rejeter les conclusions n°1 du FIVA du 23 Octobre et celles n°2 du 25 Octobre 2017 comme étant tardives et contraires au principe du débat contradictoire,
- à défaut, débouter le FIVA de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions,
En toute hypothèse,
- condamner, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, le FIVA à lui payer une somme de 10000 € en réparation du préjudice subi.
- condamner le FIVA à lui payer la somme de 4000 € en remboursement des frais irrépétibles exposés pour la procédure, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions reçues le 26 octobre 2017 à la cour, le FIVA a demandé de :
- rejeter la demande de [J] [X] tendant au rejet des conclusions du FIVA et en conséquence les déclarer recevables,
- déclarer irrecevables les pièces adverses n°1 à 34 et 35 à 42 car transmises postérieurement au délai d'un mois suivant la déclaration d'appel,
- débouter [J] [X] de ses demandes de dommages et intérêts,
Sur le préjudice professionnel de [J] [X]
- A titre principal, déclarer irrecevables ses demandes d'indemnisation formulées pour la première fois devant la Cour au titre d'un prétendu préjudice professionnel,
- A titre subsidiaire, rejeter les demandes indemnitaires présentées à ce titre,
Sur les préjudices subis par [J] [X] du fait de l'aggravation de son état de santé
- Sur la date d'aggravation de la maladie et le taux d'incapacité, prendre acte de ce que [J] [X] ne conteste ni la date d'aggravation de sa maladie fixée au 2 septembre 2016 ni le taux d'incapacité de 20 % qui lui est attribuée à compter de cette date,
- Sur le préjudice fonctionnel, ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure de révision du taux d'incapacité de [J] [X] du fait de l'aggravation de son état de santé devant son organisme social, Sur les autres préjudices extra patrimoniaux
- Sur les préjudices moral, physique et d'agrément, confirmer l'offre du FIVA en date du 30 décembre 2016 (Préjudice moral 500 €, préjudice physique 500 €, préjudice d'agrément 500,00 €),
- Sur le préjudice esthétique, rejeter la demande formulée par [J] [X] à ce titre,
En tout état de cause de,
- déduire des sommes éventuellement allouées la provision amiable versée par le FIVA,
- débouter [J] [X] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 30 janvier 2018, la cour d'appel de Pau, 2ème chambre-section 1, a
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par le FIVA,
Déclaré recevables ses dernières conclusions du 25 octobre 2017,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par Monsieur [J] [X],
Déclaré recevable la demande présentée par [J] [X] devant la cour au titre du préjudice professionnel,
Avant-dire droit,
Ordonné une expertise médicale de [J] [X], et à cet effet commis le Docteur [F]. [U] [R], expert prés la Cour d'Appel de PAU, demeurant Centre Hospitalier [10] [Adresse 3] Tél. [XXXXXXXX01], avec la mission suivante:
- se faire remettre tous les documents nécessaires à la réalisation de sa mission ,
- convoquer les parties par lettre recommandée avec avis de réception en leur précisant qu'elles peuvent se faire assister par le conseil de leur choix ainsi que leur conseil par lettre simple,
- examiner le dossier de [J] [X] et décrire son état médical,
- décrire les affections dont il est atteint,
- dans la mesure du possible, dire si celles-ci sont imputables à une exposition à l'amiante ou si pouvait être notée l'incidence éventuelle d'un état antérieur ou d'une pathologie intercurrente,
- décrire l'évolution de la maladie résultant de l'exposition à l'amiante de 2009, date de sa constatation, à ce jour,
- dire si la décision d'inaptitude prise par le médecin du travail le 6 avril 2010 est fondée exclusivement sur la maladie professionnelle contractée par [J] [X] au contact de l'amiante ou si elle a d'autres causes, et plus précisément, s'il existe un lien direct et certain entre la maladie professionnelle et l'inaptitude définitive de [J] [X],
- donner les éléments permettant d'évaluer le taux d'incapacité de [J] [X] résultant de la maladie professionnelle, ce par référence au barème médical indicatif du FIVA, en fonction des périodes considérées,
- fournir les éléments permettant d'évaluer les préjudices qu'il a subis (souffrances physiques et morales, préjudice d'agrément et préjudice esthétique) en les évaluant selon l'échelle de sept degrés, en distinguant les préjudices déjà indemnisés et ceux résultant de l'aggravation,
- donner un avis sur le préjudice d'agrément subi, en distinguant le préjudice déjà indemnisé et celui résultant de l'aggravation,
- faire toutes observations qui lui paraîtrait de nature à permettre la solution du litige;
Renvoyé la cause et les parties à l'audience du 5 juillet 2018
Réservé les dépens.
Il a été pourvu au remplacement du Docteur [U] par le Docteur [O] [T], expert près la Cour d'appel de Toulouse.
L'expert a établi un premier rapport le 5 janvier 2020 déposé le 6 janvier 2020, puis un second en date du 25 janvier 2020.
L'affaire a été appelée le 16 janvier 2020, puis fixée au 14 mai 2020 et finalement, compte tenu de l'état d'urgence sanitaire, renvoyée à l'audience du 1er octobre 2020 afin d'être plaidée.
En l'état des rapports déposés, les parties ont de nouveau conclu.
Moyens et prétentions des parties:
Vu les conclusions récapitulatives de [J] [X] en date du 31 mars 2020 qui demande à la cour de:
Dire et juger le recours formé par [J] [X], contre la décision du FIVA, reçue le 5 janvier 2017, recevable et le dire bien fondé,
Condamner le FIVA à payer à [J] [X], au titre de la réparation intégrale de l'aggravation de son préjudice:
' Préjudices professionnels:
perte de salaire: 79763,51 euros
perte d'emploi:20000,00 euros
perte des droits à la retraite98490,81 euros
perte de chance professionnelle 5000,00 euros
' préjudices personnels:
incapacité fonctionnelle: 27500,00 euros
préjudice moral et perte d'espérance de vie: 15000,00 euros
préjudice physique:30000,00 euros
préjudice d'agrément 3000,00 euros
préjudice esthétique: 5000,00 euros
Sous total: 283754,32 euros
Condamner le FIVA à payer un intérêt majoré de 5 points passé le délai de 2 mois à compter de sa demande de paiement du 29 avril 2016 et ordonner la capitalisation des intérêts;
Débouter le FIVA de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner le FIVA à payer à [J] [X] la somme de 4000,00 euros en remboursement des frais irrépétibles exposés pour la procédure ainsi qu'aux entiers dépens .
Vu les conclusions récapitulatives du FIVA reçues le 12 mai 2020, qui demande à la cour de :
Homologuer le rapport d'expertise,
Sur la demande d'indemnisation au titre de l'aggravation des préjudices extra patrimoniaux:
Dire et juger que l'offre du FIVA du 30 décembre 2016 est caduque du fait de sa contestation ;
Constater que [J] [X] ne présente que des plaques pleurales en lien avec son exposition à l'amiante ;
Constater que la pathologie asbestosique présentée par M [X] est stable depuis 2009;
Constater que les préjudices subis par M [X] , du fait des plaques pleurales ont déjà été indemnisés par le FIVA, sur la base d'un taux d'incapacité de 10 % à compter du 22 mai 2009, par décisions des 3 mai et 4 octobre 2011 lesquelles ont été respectivement acceptée et non contestée par le requérant;
Constater que [J] [X] ne rapporte pas la preuve d'une aggravation de son état de santé en lien avec une exposition à l'amiante ;
En conséquence ,
Confirmer la décision de rejet établie par le FIVA dans les présentes écritures.
Sur la demande d'indemnisation au titre du préjudice professionnel de M [X]:
Dire et juger que le lien de causalité ente la maladie liée à l'amiante et l'inaptitude professionnelle et donc le licenciement de M [X] n'est pas établi;
Constater que M [X] a sollicité auprès de son organisme social le bénéfice du dispositif ACAATA par demande reçue auprès de la CRAM le 24 mars 2010;
Constater que M [X] a été licencié le 26 mai 2010, soit postérieurement à la demande d'ACAATA;
Dire et juger que si M [X] a subi un préjudice professionnel, ce préjudice est la conséquence de son choix et de sa volonté d'avoir sollicité le bénéfice de l'ACAATA et non pas de son licenciement pour inaptitude ,
En conséquence,
Rejeter les demandes indemnitaires formulées par [J] [X] au titre du préjudice professionnel,
En tout état de cause,
Dire et juger que le préjudice professionnel dont [J] [X] sollicite l'indemnisation n'est pas caractérisé;
En conséquence,
Rejeter les demandes indemnitaires formulées par [J] [X] au titre de son préjudice professionnel
En tout état de cause :
Rejeter la demande de paiement d'intérêts telle que formulée par le requérant;
Débouter [J] [X] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Le recours de [J] [X] a été déclaré recevable aux termes de l'arrêt mixte du 30 janvier 2018. Il n'a pas lieu de statuer de nouveau sur ce point.
[J] [X] sollicite réparation des préjudices personnels et professionnels résultant de l'aggravation de son état de santé.
Le FIVA s'oppose aux demandes de l'appelant, au motif principal que le lien entre la dégradation de l'état de santé de l'intéressé et son exposition à l'amiante n'est pas démontrée, pas plus que ne l'est le lien entre le préjudice professionnel ou économique et la maladie professionnelle due à l'exposition à l'amiante.
Sur l'aggravation de l'état de santé de [J] [X] et les préjudices personnels:
Il résulte des pièces de la procédure et des débats que [J] [X] ayant de nouveau saisi le FIVA en 2016, une expertise médicale a été diligentée par cet organisme , en application de l'article 53 III de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et par l'article 19 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, expertise confiée au Docteur [Z] [A], spécialiste de Pneumo-phtisiologie qui a déposé son rapport le 21 octobre 2016(pièce FIVA n° 37).
Cet expert rappelle que [J] [X] est porteur d'une asbestose se traduisant par des plaques pleurales, en relation avec le contact professionnel avec l'amiante, qu'il a été expertisé pour cette pathologie le 2 juillet 2009 et qu'après avis du professeur [C], sapiteur, le taux d'IP pour plaques pleurales avait été fixé à 10 %.
Sur le plan des antécédents, le Docteur [A] relève que [J] [X] est atteint :
- d'une BPCO (broncopathie chronique obstructive) de stade III avec VEMS (volume expiratoire maximale par seconde) à 35-40%,(en lien avec une tabagisme à 30 paquets-année sevré en 2007),
- d'un infarctus du myocarde avec 3 stents en 2007 et 2014
- d'une hypercholestérolémie.
A la date de l'examen du 21 octobre 2016, [J] [X] se plaignait de douleurs thoraciques sans horaire précis, d'une majoration de l'essoufflement et parfois d'une majoration de la toux. Une aggravation de ces symptômes, en mars 2016, avait conduit à son hospitalisation pour « exacerbation de BPCO compliquée de mycoses buccales chez un patient ayant une BPCO de stade III ».
Au mois de mai 2016, [J] [X] a fait l'objet d'un nouveau bilan respiratoire, hors période d'exacerbation, qui a montré une dégradation de la fonction respiratoire avec un VESM à 0,81 litre soit 26 % de la normale, une capacité vitale à 2,88 litres, soit 70 % de la normale et un coefficient de Tiffeneau de 36 %.
A noter que ce dernier coefficient est un rapport obtenu par exploration fonctionnelle respiratoire qui permet d'évaluer le degré d'obstruction bronchique dans le cadre de maladies respiratoires telles que l'asthme ou la bronco-pathie chronique obstructive(BPCO).
Un scanner thoracique a alors été refait le 2 septembre 2016 qui a donné les résultats suivants :
« présence de quelques ganglions médiastinaux notamment au niveau de la loge de Barety de 6 mm de petit axe ainsi qu'en pré trachéal de 8 mm. Absence d'épanchement pleural ou péricardique. Petite plaque pleurale calcifiée associée à quelques calcifications pleurales droites et gauches. Emphysème pulmonaire sans autre anomalie notable dans les limites de l'examen . Au total : petite plaque pleurale calcifiée droite, associée à quelques calcifications pleurales. Lésion d'emphysème ».
En reprenant le dossier médical, l'expert relève que « le scanner effectué en mai 2009 mettait en évidence « au niveau pleural quelques calcifications peu étendues infra-centimétriques essentiellement visibles à gauche en basal, posterolatéral mais également quelques épaississements pleuraux de densité tissulaire, pour certains partiellement calcifiés, de même localisation que les calcifications précédemment décrites ».
Au jour de l'examen réalisé par le Docteur [A] et sur le plan respiratoire , le VEMS était à 1,03litre soit 33 % de la normale et le coefficient de Tiffeneau était à 32 % .
Au terme de ses investigations, l'expert note que les données cliniques fonctionnelles respiratoires montrent une diminution des capacités respiratoires, en relevant que le VEMS de base était à 50% des théoriques en 2009 et a diminué à 33 % au jour de l'examen . Le coefficient de Tiffeneau était à 36,8 % lors de l'examen du 19 mai 2016 et de 32,5 % à la date du 21 octobre 2016.
Sur le plan de l'imagerie médicale, le Docteur [A] retient que la comparaison des résultats de 2009 avec ceux de septembre 2016 montre une majoration des calcifications pleurales qui étaient bilatérales au jour de cet examen .
En conclusion de son rapport, le docteur [A] retient « une aggravation fonctionnelle respiratoire pour laquelle la part de l'inhalation de fibres d'amiante ne peut pas être exclue. Par contre, sur le plan radiologique, l'aggravation peut être imputée à la pathologie liée à l'inhalation de fibres d'amiante. Compte tenu de ces éléments, elle a proposé de retenir un taux d'incapacité de 20 % selon le barème du FIVA. C'est sur la base de cet avis que le FIVA a adressé une offre complémentaire à [J] [X] qui a été rejetée par celui-ci ».
Toutefois, ce rapport ne permet pas d'affirmer que la dégradation de la fonction respiratoire est en lien avec l'inhalation de fibres d'amiante. Puisque si l'expert n'exclut pas ce lien, il ne l'établit pas non plus.
A cet égard, il convient de relever que l'asbestose, ou fibrose pulmonaire, caractérisée par une accumulation progressive de tissus fibreux autour des alvéoles pulmonaires, à l'intérieur donc du tissu pulmonaire( parenchyme) et non au niveau des plèvres qui l'entourent, si elle peut être à l'origine d'une dégradation progressive de la fonction respiratoire, n'a pas été objectivée au travers des différents examens dont les compte-rendus sont versés aux débats.
Ainsi, l'examen radiographique du 28 avril 2009 du Docteur [V] met en évidence une calcification pleurale diaphragmatique gauche et un micro nodule pulmonaire droit.
Le scanner thoracique du 22 mai 2009, réalisé par le même praticien, permet de conclure à l'absence d'anomalie bronchique, pulmonaire et, par contre, au niveau pleural, à quelques calcifications peu étendues(infracentimétriques), essentiellement visibles à gauche... quelques épaississements pleuraux de densité tissulaire, pour certains partiellement calcifiés...
L' examen tomodensimétrique thoracique réalisé le 7 juillet 2009 par le Docteur [S] n'a pas mis non plus en évidence de « signe en faveur d'une fibrose sous pleurale de type asbestosique , ni lésion suspecte décelable par ailleurs au plan parenchymateux ».
La radiographie thoracique réalisée par le Docteur [G] le 18 mai 2015 a permis de conclure à » l' absence de lésion parenchymateuse ou pleurale de type évolutif ».
Le scanner thoracique réalisé le 2 septembre 2016 par le Docteur [H] a mis en évidence « une petite plaque pleurale calcifiée associée à quelques calcifications pleurales droites et gauches et un emphysème pulmonaire, sans autre anomalie notable dans les limites de l'examen ».
Hospitalisé en mars 2016, pour dyspnée et expectoration, le diagnostic de sortie était « exacerbation de BPCO compliquée de mycose buccale chez un patient ayant une BPCO de stade III »( pièce 42-2 de l'appelant).
Hospitalisé trois jours en septembre 2017, puis en décembre 2017, le diagnostic de sortie posé était le même, s'agissant d'une insuffisance respiratoire aiguë sur exacerbation de BPCO (pièce 36 et 50 de l'appelant).
Le scanner thoracique pratiqué par le Docteur [L], le 9 août 2018, a notamment confirmé la présence de multiples calcifications pleurales(plaques pleurales), sans épaississement pleural suspect adjacent, d'aspect bilatéral, un emphysème centrolobulaire lobaire inférieur gauche et l'absence d'anomalie parenchymateuse interstitielle ou alvéolaire de nature évolutive( pièce 44 de l'appelant).
Or, comme le relève le docteur [N] [D], dans le rappel des antécédents de [J] [X], à l'occasion d'une nouvelle hospitalisation, en février 2018, celui-ci présente sur le plan respiratoire une Bronchopathie chronique obstructive post-tabagique( BPCO), stade 3 de Gold, pour laquelle il est suivi par le Docteur [M] depuis 2007, avec un VEMS Moyen à 40% du volume théorique (pièce 51 de l'appelant).
Cette affection, qui n'est pas en lien avec l'exposition à des poussières d' amiante était donc installée bien avant le diagnostic de plaques pleurales retenu par le médecin conseil de la CPAM, dans son rapport du 1er juin 2010, puisque celui-ci qui a évalué le taux d'incapacité de [J] [X] à 10 %, indépendamment du barème FIVA, conclut que « le taux d'IP pour plaques pleurales est fixé à 10 % après avis sapiteur du professeur [C] », tout en ajoutant entre paranthèses « affection respiratoire évoluant pour son propre compte », faisant ainsi référence à la pathologie de bronchopathie chronique obstructive(BPCO) préexistante.
Dans ces conditions une nouvelle expertise s'imposait qui a été réalisée par le Docteur [O] [T], expert judiciaire près la cour d'appel de Toulouse.
Dans le rapport définitif remis le 25 janvier 2020, l' expert relève « qu'en conclusion de ces 9 années de suivi, de 2009 à 2019, nous pouvons dire que la bronchopathie chronique obstructive ( BPCO) dont souffre M [X] s'est aggravée depuis 2009, car à cette date , M [X] était asymptomatique.... mais présentait déjà un trouble ventilatoire obstructif avec un VEMS mesuré à 50% de la théorique. Lors de sa dernière hospitalisation de janvier à mars 2019 au centre médical Toki Eder, M [X] présentait une majoration de ses symptômes respiratoires avec surtout une aggravation de sa BPCO qui est actuellement sévère avec un VEMS mesuré à 1,13 l soit 37 % de la théorique. J'ai pu consulter le scanner thoracique du 9 janvier 2015 ainsi que les coupes bases du poumon sur le scanner du 1er mars 2017, car il s'agit d'un scanner abdomino pelvien. Je n'ai pas visualisé sur ces deux examens de lésion de fibrose pulmonaire ».
L'expert relève ensuite, toujours en s'appuyant sur les examens d'imagerie médicale réalisés que « M [X] a été exposé à l'amiante dans le cadre de son activité professionnelle avec comme conséquences la survenue de plaques pleurales diagnostiquées sur un scanner thoracique réalisé le 22 mai 2009.... Le compte rendu du scanner fait état au niveau pleural de quelques calcifications prédominant à gauche mais ne retrouve pas d'anomalie bronchique ou pulmonaire . De ce fait, cette pathologie professionnelle correspond au tableau 30B du régime général, car il s'agit de lésions pleurales bénignes définies par la « présence de plaques calcifiées ou non , péricardiques ou pleurales , unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensimétrique »( tableau 30 des affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante). Il n'est pas décrit sur ce premier scanner, ni sur les suivants réalisés jusqu'en 2019, d'image de fibrose pulmonaire pouvant faire poser le diagnostic d'asbestose . Les pathologies dont M [X] est atteint , à savoir une bronchopathie chronique obstructive sévère, un emphysème et une cardiopathie avec infarctus du myocarde ne sont pas imputables à une exposition à l'amiante et donc à la présence de plaques pleurales. En effet, la présence isolée de plaques pleurales témoignant d'une exposition à l'amiante ne génère pas de symptômes ni d'altération de la fonction respiratoire. ».
L'expert conclut que l'état de santé de [J] [X] ne peut s'expliquer par la seule présence de plaques pleurales au scanner thoracique et qu'il lui apparaît que la décision d'inaptitude prise par le médecin du travail, le 6 avril 2020, ne soit pas fondée exclusivement sur la maladie professionnelle contractée par [J] [X] au contact de l'amiante mais du fait de ses pathologies associées. Il n'existe pas de lien direct et certain entre la maladie professionnelle et l'inaptitude définitive de [J] [X] . Sur la base de la classification des maladies professionnelles et du tableau 30 B du régime général, l'expert conclut à un taux d'incapacité lié à l'exposition à l'amiante de 5%.
Ainsi, au des terme des différents examens médicaux pratiqués entre 2009 et 2019, il est manifeste que la dégradation de la fonction respiratoire de [J] [X] est bien en lien avec une affection bronchique chronique obstructive, non rattachée à l'exposition à l'amiante qui elle, en revanche, est à l'origine de plaques pleurales, pour l'instant sans conséquences avérées sur sa fonction respiratoire.
Il n'y a donc pas lieu de réévaluer le taux d'incapacité de 10 % retenu initialement par le FIVA. En l'absence d'aggravation de l'état de santé de [J] [X] en lien avec son exposition à l'amiante, il convient de rejeter ses demandes indemnitaires au titre de l' aggravation de ses préjudices personnels.
Sur le préjudice économique ou professionnel:
S'agissant du préjudice économique, dont la réparation n'avait pas été demandée en 2011, il résulte de ce qui précède que l' avis d' inaptitude définitive à tout poste de travail au sein de l'entreprise TROISEL, émis par le médecin du travail le 6 avril 2010, n' est pas en lien avec la pathologie de plaques pleurales liée à l'exposition à l'amiante.
Par ailleurs, le 24 mars 2010, soit avant l'avis du médecin du travail et toute tentative de reclassement éventuel au sein de son entreprise, [J] [X] a sollicité le versement de l'allocation des travailleurs de l'amiante ou allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) qui lui a été accordée.
Or, le bénéfice de l'ACAATA est conditionné par la cessation de toute activité salariée ou non. Cette allocation est par ailleurs attribuée, indépendamment de l'état de santé du bénéficiaire.
En effet, selon l' article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, une allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions. Le salarié qui est admis au bénéfice de l'ACAATA présente sa démission à son employeur.
En droit et selon une jurisprudence constante, il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de l'allocation, laquelle est allouée indépendamment de son état de santé, n'est pas fondé à obtenir réparation d'une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal.
Si [J] [X] a subi un préjudice professionnel ou économique, il apparaît qu'un tel préjudice ne peut être rattaché directement à sa pathologie de plaques pleurales.
[J] [X] est en conséquence débouté de ses demandes indemnitaires au titre des préjudices professionnels.
Sur les demandes annexes:
Conformément à l'article 31 du décret du 23 octobre 2001, les dépens de la procédure resteront à la charge du FIVA.
Au regard de l'issue du litige et de la position des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort.
Constate que l'aggravation de l'état de santé de [J] [X] en lien avec une exposition à l'amiante n'est pas établie,
Déboute [J] [X] de l'ensemble de ses demandes,
Dit que les dépens de la procédure resteront à la charge du FIVA,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame SALMERON, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
Le GreffierLe Président