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28/02/2020 | FRANCE | N°18/02805

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 28 février 2020, 18/02805


HD/ND



Numéro 20/886





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 28/02/2020







Dossier : N° RG 18/02805 - N° Portalis DBVV-V-B7C-HAHW





Nature affaire :



Prêt - Demande en remboursement du prêt















Affaire :



[D] [V]

[I] [V]

[P] [V]

SCI DE JULIAC





C/



CRCAM PYRENEES GASCOGNE









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Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Février 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième...

HD/ND

Numéro 20/886

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 28/02/2020

Dossier : N° RG 18/02805 - N° Portalis DBVV-V-B7C-HAHW

Nature affaire :

Prêt - Demande en remboursement du prêt

Affaire :

[D] [V]

[I] [V]

[P] [V]

SCI DE JULIAC

C/

CRCAM PYRENEES GASCOGNE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Février 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 Décembre 2019, devant :

Hervé DUPEN, magistrat chargé du rapport,

assisté de Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Hervé DUPEN, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marc MAGNON et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur Hervé DUPEN, Conseiller

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [D] [V]

né le [Date naissance 4] 1936 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 5]

Monsieur [I] [V]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 5]

Monsieur [P] [V]

né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 8]

de nationalité Française

le pouy

[Localité 6]

SCI DE JULIAC

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentés par Me Jean-Bernard PENEAU de la SCP SCP PENEAU-DESCOUBES PENEAU, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

Assisté de Me Jean-Didier CLEMENT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Alexa LAURIOL de la SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 01 AOUT 2018

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

Faits et procédure

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gers aux droits de laquelle se trouve désormais la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a consenti, entre 1987 et 1993, plusieurs prêts à la SCIA de Juliac et à propos desquels [D] [V], [I] [V] et [P] [V] se sont engagés en qualité de caution.

À raison du défaut de paiement de diverses échéances et après mise en demeure adressée le 23 août 2011 tant au débiteur principal qu'aux cautions restée sans effet, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, se prévalant de la déchéance du terme, par acte d'huissier de justice en date du 28 octobre 2011, a fait assigner la SCIA de Juliac ainsi que les consorts [V] devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan en demandant leur condamnation, avec exécution provisoire, au paiement des sommes restant dues, avec capitalisation des intérêts, ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 1er août 2018, le tribunal a :

- dit que l'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne n'est pas prescrite,

- condamné la SCIA de Juliac à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne la somme de 16'895,39€ au titre du prêt n°33513701864 d'un montant initial de 12'958,17€ (85'000 francs) outre les intérêts au taux de 8,50% à compter du 1er octobre 2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

- condamné solidairement la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V] et [P] [V], en leur qualité de caution, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne les sommes de :

* 54'295,99€ au titre du prêt n°24497701848 d'un montant initial de 25'916,33€ (170'000 francs) outre les intérêts au taux de 10% à compter du 1er octobre 2011 jusqu'au jour du règlement définitif,

* 64'803,53€ au titre du prêt n°32140501860 d'un montant initial de 32'014,29€ (210'000 francs) outre les intérêts au taux de 7,50% à compter du 1er octobre 2011 jusqu'au jour du règlement définitif,

* 64'541,32€ au titre du prêt n°32216301861 d'un montant initial de 32'014,29€ (210'000 francs ontre les intérêts au taux de 7,50% à compter du 1er octobre 2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

* 25'325,70€ au titre du prêt n°33280801863 d'un montant initial de 13'415,51€ (88'000 francs) outre les intérêts au taux de 11,10% à compter du 1er octobre 2011 jusqu'au jour du règlement définitif,

* 305'080,58€ titre du prêt n°34842801865 d'un montant initial de 91'469,41€ (600'000 francs) outre les intérêts au taux de 8,20% à compter du 1er octobre 2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

* 51'040,3258€ au titre du prêt n°36039101866 d'un montant initial de 15'244,90€ (100'000 francs) outre les intérêts au taux de 6,90% à compter du 1er octobre 2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

- ordonné la capitalisation des intérêts annuels conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- condamné in solidum la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V] et [P] [V], pris en leur qualité de caution solidaire, à payer au demandeur la somme de 1000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les mêmes aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 24 août 2018, la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V] et [P] [V] ont relevé appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 novembre 2019.

Moyens et prétentions des parties

Dans des conclusions récapitulatives n°2, notifiées le 27 novembre 2019, au contenu desquelles il sera renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SCIA de Juliac, [P] [V], [D] [V] et [I] [V] formulent les demandes suivantes :

- Dire et juger les concluants recevables en leur appel,

- Infirmer le jugement du Tribunal de Grande instance de Mont de Marsan en date du 1er aout 2018 dont appel,

- Déclarer la CRCAM PYRENNES GASCOGNE irrecevable et mal fondée en

ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la SCIA de Juliac et de [D] [V], [I] [V], [P] [V], es qualité,

Subsidiairement :

- Déclarer l'action en recouvrement des prêts prescrite en application de l'article L. 110-4 du Code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1326 et 2292 du Code civil,

Vu les articles L.341-1 et suivants du Code de la consommation,

Vu la loi de finances rectificative du 30 décembre 1986 en son article 44,

Vu l'article 12 de loi du 16 juillet 1987 et les circulaires d'application,

Vu la circulaire du 28 mars 1994,

- Constater les cautionnements irréguliers pour les prêts n°24497701848 et n°34842801865 faute de mentions manuscrites de leurs auteurs et annuler les actes de caution,

- Constater l'absence d'acte de cautionnement du prêt n°33513701864 produit aux débats et, en conséquence, rejeter la demande de condamnation formée au titre de ce prêt,

- Dire et juger que la CRCAM PYRENEES GASCOGNE a accordé les prêts, objets du litige, de façon abusive et qu'elle a commis une faute engageant sa responsabilité envers les consorts [V],

- En conséquence, condamner la CRCAM PYRENEES GASCOGNE au paiement à [D] [V], [I] [V], [P] [V] et la SCIA de Juliac, de dommages et intérêts du montant des sommes réclamées dans l'assignation, en principal, intérêts et frais en réparation de leur préjudice.

A titre infiniment subsidiaire :

Vu l'article 44 de la loi de finances rectificative n°86-1318 du 30 décembre  1986,

Vu l'article 12 de la loi n°87-549 du 16 juillet 1987,

Vu le décret n° 87-725 du 28 août 1987,

Vu la circulaire du 30 décembre 1987 relative aux modalités d'application de ces textes,

Vu la circulaire du 21 avril 1995,

Vu le principe de la remise des prêts n°24497701848, n°32140501860, n°32216301861, n°33280801863, n°24497701848, n°34842801865, n°36039101866, en application des textes susvisés,

- Constater que la CRCAM PYRENEES GASCOGNE n'a pas respecté les dispositions des textes susvisés qui s'imposaient à elle en sa qualité d'établissement conventionné avec l'Etat et dire qu'en conséquence elle a commis une faute au préjudice des concluants et la condamner au paiement, à titre de dommages et intérêts, du montant des sommes réclamées dans l'assignation en principal, intérêts et frais en réparation de leur préjudice,

Subsidiairement, si mieux n'aime la Cour, faire injonction à la CRCAM PYRENEES GASCOGNE de s'adresser au Préfet compétent, chargé d'instruire les demandes de remises des prêts dont elle demande la condamnation au paiement,

- Condamner la CRCAM PYRENEES GASCOGNE au paiement de la somme de 10.000 € soit 2.500€ à chacun des demandeurs, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,

A titre infiniment subsidiaire :

- Condamner la CRCAM PYRENEES GASCOGNE à rembourser à la SCIA de Juliac et aux consorts [V] la somme de 370.003,26 francs soit 56.402,93€ dont ils auraient dus être déchargés en vertu des textes susvisés,

- Condamner la CRCAM PYRENEES GASCOGNE au paiement de la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des défendeurs, la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V], [P] [V],

- Condamner la CRCAM PYRENEES GASCOGNE aux dépens d'instance et d'appel.

Ils font valoir que :

- l'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne était prescrite au moment où elle a assigné, en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, au regard de l'absence de tout mouvement sur les comptes débiteurs sur la période allant de 1992 à 1995,

- les dispositions de l'article 100 de la loi de finances rectificatives du 30 décembre 1997 n'interdisaient pas à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne d'engager des poursuites à l'encontre de ses débiteurs,

- suite à l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation en date du 17 avril 2006, qui a considéré que ces dispositions légales étaient contraires à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a continué à s'abstenir d'engager une action judiciaire,

- la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne ne justifie pas de manière suffisamment crédible de sa créance à l'égard du débiteur principal,

- les engagements souscrits par les cautions sont nuls,

- la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a commis une faute en manquant à son obligation d'information et de conseil vis-à-vis de l'emprunteur et des cautions,

- il appartenait à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne de suivre la procédure instaurée par l'article 44 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1986 dans la mesure où les consorts [V] étaient rapatriés d'Algérie et que leurs obligations devaient être assumées par l'État,

- la faute de la banque qui leur a causé un préjudice motive leur demande indemnitaire.

Dans des conclusions récapitulatives et responsives notifiées le 25 novembre 2019, au contenu desquelles il sera renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne présente les demandes suivantes :

Vu les dispositions des articles 1134, 1154 et 2224 du Code Civil,

Vu les articles 100 de la loi de finances du 31 décembre 1997 et 25 de la loi de finances du 30 décembre 1998 ainsi que le décret du 4 juin 1999,

Vu l'article 12 de la loi n°87-549 du 16 juillet 1987,

Vu les dispositions des articles 696, 700 et 515 du Code de Procédure Civile,

Vu la jurisprudence et l'ensemble des pièces versées au débat,

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- Condamner la SCIA de Juliac à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT

AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE la somme de 16.895,39€ au titre du prêt n°33513701864 d'un montant initial de 12.958,17€ (85.000,00 F) outre les intérêts au taux de 8,50% à compter du 01/10/2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

- Condamner solidairement la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V] et [P] [V], pris en leur qualité de caution, à payer chacun à la CAISSE REGIONALE DE CREDITAGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE les sommes de :

* 54.295,99€ au titre du prêt n°24497701848 d'un montant initial de 25.916,33€

(170.000,00 F) outre les intérêts au taux de 10,00% à compter du 01/10/2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

* 64.803,5 € au titre du prêt n°32140501860 d'un montant initial de 32.014,29€

(210.000,00 F) outre les intérêts au taux de 7,50% à compter du 01/10/2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

* 64.541,32€ au titre du prêt n°32216301861 d'un montant initial de 32.014,29€

(210.000,00 F) outre les intérêts au taux de 7,50% à compter du 01/10/2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

* 25.325,70€ au titre du prêt n°33280801863 d'un montant initial de 13.415,51€

(88.000,00 F) outre les intérêts au taux de 11,10% à compter du 01/10/2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

* 305.080,58€ au titre du prêt n°34842801865 d'un montant initial de 91.469,41€

(600.000,00 F) outre les intérêts au taux de 8,20% à compter du 01/10/2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

* 51.040,3258 € au titre du prêt n°36039101866 d'un montant initial de 15.244,90€

(100.000,00 F) outre les intérêts au taux de 6,90% à compter du 01/10/2011 jusqu'au jour du règlement effectif,

- Ordonner la capitalisation des intérêts annuels conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil,

- Condamner in solidum la SCIA de Juliac, [D] [V], Monsieur [I] [V] et [P] [V], pris en leur qualité de caution solidaire, à payer au demandeur la somme de 1 000€ en application des dispositions de l'article 700 du CPC au titre de de la 1ère instance,

- Condamner in solidum la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V] et [P] [V], pris en leur qualité de caution solidaire, aux entiers dépens de 1ère instance,

En tout état de cause et y ajoutant,

- Débouter purement et simplement la SCIA de Juliac et les consorts [V] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner in solidum la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V] et [P] [V], pris en leur qualité de caution solidaire, à payer au demandeur la somme de 2 500€ en application des dispositions de l'article 700 du CPC en cause d'appel,

- Condamner in solidum la SCIA de Juliac, [D] [V], [I] [V] et [P] [V], pris en leur qualité de caution solidaire, aux entiers dépens d'appel.

Elle fait valoir que :

- son action est recevable dès lors que la suspension des poursuites prévue par les articles 100 de la loi de finances du 31 décembre 1997 et 25 de la loi de finances du 30 décembre 1998 l'empêchait d'agir,

- par l'effet de ces dispositions légales, le délai de prescription de son action n'a pas commencé à courir à compter de la défaillance des emprunteurs,

- elle disposait en tout état de cause d'un délai d'action jusqu'en 2013,

- la date d'exigibilité de sa créance est celle de la déchéance du terme intervenue le 23 août 2011, de sorte qu'elle pouvait, en tout état de cause, agir jusqu'au 23 août 2016,

- les pièces qu'elle produit justifient amplement et suffisamment de sa créance,

- les engagements de caution, qui ne peuvent être régies par les dispositions des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation entrées en vigueur postérieurement, sont parfaitement valables,

- elle n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde au regard du droit applicable à l'époque de souscription des emprunts,

- la situation des cautions justifiait leurs engagements,

- le rapport de l'expert-comptable sur lequel se fondent les appelants ne lui est pas opposable et ne peut donc être pris en compte,

- le remboursement des premières mensualités démontre les capacités financières de l'emprunteur.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À l'audience, le conseil de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a demandé oralement le rejet des écritures prises par les appelants le 27 novembre 2019 ainsi que celui d'une pièce communiquée par eux sous le n° 10, à savoir la copie d'un arrêt prononcé par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 30 juin 2003.

L'article 954 du code de procédure civile, après avoir fixé le contenu des conclusions prises par les parties en appel, dispose que la cour ne statue sur les prétentions énoncées dans le dispositif de celles-ci et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il s'en déduit nécessairement que toute demande dont une partie entend saisir la cour, même au titre du rejet des écritures prises par l'autre partie ou du rejet d'une pièce produite par celle-ci, doit être formalisée par des conclusions auxquelles il appartiendra dès lors à la cour de répondre.

À défaut, faute de conclusions régulièrement établies en ce sens, la cour n'est pas valablement saisie.

En l'espèce, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne n'a pas pris d'écritures pour solliciter ce qui a simplement été demandé oralement à l'audience de sorte que la cour considère n'être valablement saisie d'aucune demande de rejet des écritures et de l'une des pièces produites par les appelants.

*******

Sur la prescription

L'article 2219 du Code civil énonce que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

L'article L. 110-4 du code de commerce, évoqué par les appelants, prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans, ce délai étant, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, de dix ans.

Cette disposition est analogue à celle résultant des termes mêmes de l'article 2224 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, qui énonce que les actions personnelles mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Par ailleurs, il convient encore de rappeler qu'en vertu du second alinéa de l'article 2222 du Code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. En effet, l'article 26 de la loi n°2008-56 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a prévu que ses dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il est constant, en droit, que le point de départ du délai de prescription des créances à termes successifs doit faire l'objet d'une distinction entre, d'une part, la prescription des termes successifs échus, laquelle court à compter de chacune des échéances périodiques, et, d'autre part, la prescription de la dette elle-même dont le point de départ est la date de l'échéance du contrat ou, le cas échéant, celle de la déchéance du terme entraînant son exigibilité.

En outre, si le point de départ de la prescription peut être fixé, pour le débiteur principal, au jour où son obligation est devenue exigible, le caractère accessoire du cautionnement a pour conséquence que le point de départ de la prescription à l'égard de la caution est identique à celui de l'obligation principale, de sorte que la même distinction entre l'exigibilité des créances à termes successifs et celle des sommes issues de la déchéance du terme doit également être appliquée à la prescription de l'obligation de la caution elle-même.

L'exigibilité est définie comme étant le caractère d'une dette qui est venue à son terme et dont le créancier peut réclamer immédiatement le paiement. En matière de crédit, il s'agit d'une dette qui doit être acquittée ou remboursée à une date connue d'avance, le plus souvent sous la forme d'échéances périodiques contractuellement fixées entre les parties. Si l'une des échéances arrivée à son terme n'est pas réglée, le créancier est fondé à en demander ou à en poursuivre le règlement, cette carence du débiteur étant par ailleurs, le plus souvent, susceptible d'entraîner la déchéance du terme, c'est-à-dire la possibilité pour le créancier de réclamer dès lors aussi le paiement de l'ensemble des sommes qui devaient être réglées jusqu'au terme du contrat de prêt.

En l'espèce, les pièces produites établissent que :

- le 20 août 1987, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gers, aux droits de laquelle se trouve désormais la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, a consenti à la SCIA de Juliac, avec la caution solidaire de [D] [V], [I] [V], [O] [V] et [P] [V], un prêt n°2449701848 d'un montant de 170'000 francs (25 916,32€) remboursable à partir du 15 août 1988 en dix annuités et que l'emprunteur s'est montré défaillant à assumer ses obligations de remboursement à compter de l'échéance du 15 août 1994 sans jamais avoir ensuite repris ses paiements,

- le 5 mars 1990, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a consenti à la SCIA de Juliac un prêt n°32140501860 d'un montant de 210'000 francs (32 014,29€) remboursable en sept annuités à partir du 15 février 1991, avec la caution solidaire de [D] [V], [I] [V], [P] [V] et [O] [V], et que l'emprunteur a cessé de payer les échéances convenues à compter du 15 février 1994, aucun autre remboursement n'ayant ensuite été effectué,

- le 6 mars 1990, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a consenti à la SCIA de Juliac un prêt n°32216301861 d'un montant de 210'000 francs,(32 014,29€) remboursable en sept annuités à partir du 15 mars 1991 et que l'emprunteur a cessé tout remboursement à compter de l'échéance du 15 mars 1994,

- le 23 octobre 1990, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a accordé à la SCIA de Juliac, avec le cautionnement solidaire de [O] [V], [D] [V], [P] [V] et [I] [V], un prêt n°33280801863 d'un montant de 88'000 francs (13 415,51€), remboursable en cinq annuités à partir du 15 décembre 1991 et que les deux dernières échéances fixées au 15 décembre 1994 et 15 décembre 1995 n'ont pas été payées par l'emprunteur,

- le 18 décembre 1990, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a accordé à la SCIA de Juliac un prêt n°33513701864 d'un montant de 85'000 francs (12 958,17€), remboursable en cinq annuités à compter du 15 janvier 1991, avec la caution solidaire de [I] [V], [D] [V] et [P] [V], et que, de la même façon, les deux dernières échéances du 15 décembre 1994 et du 15 décembre 1995 sont demeurées impayées,

- le 29 octobre 1991, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a accordé à la SCIA de Juliac, avec le cautionnement solidaire de [I] [V], [D] [V] et [P] [V], un prêt n° 34842801865 d'un montant de 600'000 francs (91 469,41 €), remboursable en cinq annuités à compter du 15 octobre 1992 et que cet engagement a cessé d'être exécuté à compter de l'échéance du 15 février 1994, aucune échéance ultérieure n'ayant ensuite été réglée,

- le 17 mai 1993, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a consenti à la SCIA de Juliac, avec la caution solidaire de [D] [V], [P] [V] et [I] [V], un prêt n°36039101866 d'un montant de 100'000 francs (15 244,90€), remboursable en 108 mensualités, avec un différé de 36 mois, moyennant des échéances mensuelles courant jusqu'au 15 mai 2002 et que l'emprunteur s'est montré totalement défaillant à compter de l'échéance du 15 février 1994, aucune des échéances suivantes n'ayant été réglée.

Au vu de ces éléments, il ne peut être contesté que l'exigibilité de la dette de la SCIA de Juliac et, partant, des cautions, se situait, pour chacun des engagements financiers dont il s'agit, à la date de chacune des échéances contractuellement fixées et, à tout le moins, à la date de l'échéance ultime fixée au titre de chacun des contrats de crédit.

Ainsi, la date ultime d'exigibilité :

- de la dette résultant du prêt n°2449701848 consenti le 20 août 1987 était fixée au 15 août 1997,

- celle résultant du prêt n°32140501860 accordé le 5 mars 1990, au 15 février 1997,

- celle issue du prêt n°32216301861 consenti le 6 mars 1990, au 15 mars 1997,

- celle résultant du prêt n°33280801863 accordé le 23 octobre 1990, au 15 décembre 1995,

- celle issue du prêt n°33513701864 en date du 18 décembre 1990, au 15 décembre 1995,

- celle issue du prêt n°34842801865 du 29 octobre 1991, au 15 février 1997,

- et celle résultant du prêt n°36039101866 accordé le 17'mai 1993 au 15 mai 2002.

La mise en demeure adressée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à l'emprunteur principal ainsi qu'aux cautions, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 août 2011, sollicitant le paiement de l'ensemble des sommes dues en vertu de ces sept contrats de crédit, ne pouvait à l'évidence avoir pour effet de rendre exigibles leurs dettes, ni d'entraîner une déchéance du terme puisque, pour chacun de ces engagements financiers, le terme était alors échu depuis plusieurs années. C'est donc manifestement à tort que celle-ci indiquait, dans ses lettres, que la déchéance du terme des différents prêts lui serait de plein droit acquise au terme d'un délai de 15 jours suivant réception de sa mise en oeuvre pour la totalité de sa créance, en visant en outre le capital échu et à échoir. En effet, il ne subsistait plus alors que des sommes manifestement échues depuis longtemps et qui étaient donc exigibles bien antérieurement.

En conséquence, et conformément à ce qui est exprimé précédemment, le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement doit ici être fixé à compter de chacune des échéances périodiques non réglées, et au plus tard à la date de l'échéance ultime contractuellement prévue comme étant le terme final de chaque prêt.

Or, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne n'a engagé son action en paiement à l'encontre de l'emprunteur et des cautions que par assignation du 28 octobre 2011, sans que celle-ci n'allègue ni ne justifie d'aucun acte précédent susceptible d'avoir interrompu le cours de la prescription.

En conséquence, au moment de l'introduction de l'instance, l'action était prescrite sauf au titre des obligations issues du prêt accordé le 17 mai 1993, mais seulement pour les échéances en capital et intérêts échues et non réglées postérieurement au 28 octobre 2001, c'est-à-dire durant la période de moins de dix ans ayant précédé la délivrance de l'assignation.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne ne peut soutenir que le délai de prescription a été suspendu en sa faveur par l'effet des dispositions de l'article 100 de la loi de finances rectificatives du 31 décembre 1997, de l'article 25 de la loi de finances du 30 décembre 1998 ainsi que par le décret du 4 juin 1999 ayant instauré une suspension provisoire des poursuites engagées à l'encontre des personnes qui avaient déposé, avant le 18 novembre 1997, un dossier auprès des commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente, ou de l'issue du recours gracieux ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente.

En effet, les dispositions dont il s'agit, qui avaient vocation à bénéficier tant à l'emprunteur principal qu'aux personnes ayant cautionné les engagements de ce dernier, avaient pour but de suspendre toute action du créancier pour obtenir paiement de sa créance, sans pour autant interdire le droit d'agir. La loi et les textes subséquents fixant ces mesures en faveur des personnes rapatriées ne font en effet référence qu'à une suspension des poursuites et non à une interdiction des actions en justice.

Si l'intention du législateur avait été de fixer un obstacle à toute action en justice, il l'aurait clairement énoncé à l'image de ce que prévoit l'article L. 622-21 du code de commerce qui interdit, dès le jugement d'ouverture d'une procédure collective, toute action en justice de la part des créanciers.tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

De la même façon, et par un raisonnement analogique inverse, les dispositions du code de la consommation qui prévoient que la recevabilité d'une demande de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution sur les biens et revenus du débiteur n'interdisent pas pour autant aux créanciers la possibilité d'agir en justice aux fins d'obtenir un titre exécutoire.

Il en résulte que, même en présence de dispositions protectrices instaurées en faveur des rapatriés, un créancier pouvait néanmoins valablement agir à l'encontre de toute personne bénéficiant de cette protection, l'instance ainsi engagée devant simplement faire l'objet d'une décision de sursis à statuer conformément au voeu du législateur, tel qu'il l'exprime sous la forme d'une suspension provisoire des poursuites engagées, laquelle suppose en outre bien qu'une action ait été préalablement introduite par le créancier.

Tout créancier disposait nécessairement de la faculté d'agir de manière à signifier à son débiteur son intention de faire valoir ses droits dans le délai de prescription de l'action auquel s'opposera ensuite seulement le droit à suspension voulue par le législateur.

Il s'ensuit que le créancier n'était pas dans l'impossibilité d'agir au sens de l'article 2234 du code civil, de sorte que le délai de prescription a commencé à courir à compter de la défaillance de l'emprunteur selon la distinction précédemment rappelée.

En conséquence, l'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne est bien, pour partie, prescrite et celle-ci ne peut être reçue en ses demandes qu'au titre des sommes dues en vertu du prêt accordé le 17 mai 1993, mais seulement pour les sommes venues à échéance dans la limite des dix ans précédant l'assignation. Le jugement déféré sera donc réformé de ce chef.

Sur la créance de la banque

En application des motifs précédemment exposés, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne n'est recevable et fondée à poursuivre le paiement que du montant des sommes dues en vertu du prêt consenti le 17 mai 1993, sous le n°36039101866 en ce qu'elles sont venues à échéance postérieurement à la date du 28 octobre 2001.

Au regard du contenu de l'échéancier produit aux débats, il restait dû à la date du 15 novembre 2001 une somme de 3607€ au titre du capital restant dû.

Cette somme doit être mise à la charge de la SCIA de Juliac, assortie des intérêts au taux conventionnel de 6,9% l'an à compter du 28 octobre 2001, soit la date la plus ancienne non atteinte par la prescription.

C'est en vain que la SCIA de Juliac soutient que, par application des dispositions de l'article 44 de la loi de finances rectificatives du 30 décembre 1986, les sommes restant dues au titre du prêt litigieux doivent lui être remises en capital, intérêt et frais et assumées par l'État, subrogé dans ses obligations, au profit de l'établissement financier. En effet, la disposition légale qu'ils invoquent énonce clairement que sont concernés par ces mesures les prêts accordés aux rapatriés avant le 31 mai 1981.

De même, l'article 12 de la loi du 16 juillet 1987 qu'ils invoquent par ailleurs ne concerne également que les prêts visés au premier alinéa du paragraphe I de l'article 44 de la loi du 30 décembre 1986, c'est-à-dire les emprunts antérieurs au 31 mai 1981.

En conséquence, les dispositions dont il s'agit ne sont pas susceptibles de s'appliquer au prêt litigieux qui reste exigible et à la charge exclusive de l'emprunteur, puisque celui-ci a été contracté le 17 mai 1993.

Pour les mêmes raisons, ni la SCIA de Juliac, ni les consorts [V] ne peuvent solliciter de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne la restitution des sommes qui ont été versées en exécution des prêts dont ils estiment qu'ils auraient dû être déchargés, toujours en vertu de ces mêmes dispositions, étant au surplus observé que les consorts [V] ne démontrent en outre pas avoir assumé par eux-mêmes une quelconque somme aux lieu et place de l'emprunteur principal.

Sur les engagements de caution

L'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne n'est recevable à l'égard des cautions qu'au titre du même prêt souscrit le 17 mai 1993, au regard des motifs ci-dessus exprimés concernant les autres emprunts souscrits antérieurement par la SCIA de Juliac.

Au vu du contenu des écritures prises par les consorts [V], en leur qualité de caution de la SCIA de Juliac, ces derniers ne remettent toutefois en cause, dans le dispositif de leurs écritures, qui est seul susceptible de saisir la cour de demandes valablement formulées, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, que les cautionnements apportés aux prêts souscrits le 20 août 1987 et le 29 octobre 1991 mais que, par voie de conséquence, ils ne formulent aucune critique au titre de leurs engagements dans le cadre du prêt accordé le 17 mai 1993. Dans la mesure où seul cet engagement n'est pas atteint par la prescription, ceux-ci sont donc tenus en leur qualité de caution solidaire des sommes restant dues par la SCIA de Juliac au titre de ce concours financier.

Au surplus, il sera rappelé qu'à l'époque où les consorts [V] se sont engagés en leur qualité de cautions, un tel engagement n'était régi que par les dispositions de l'ancien article 1326 du Code civil qui exigeait uniquement que l'acte par lequel une partie s'engage envers une autre contienne sa signature ainsi que la mention, écrite de sa main, en toutes lettres et en chiffres, du montant de son engagement.

Les cautions affirment encore que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a commis une faute engageant sa responsabilité à leur égard en accordant des prêts de façon abusive.

À ce titre, c'est également de manière erronée qu'ils se réfèrent aux dispositions du code de la consommation imposant à l'établissement bancaire de recueillir de la caution, préalablement à son engagement, toutes les informations utiles concernant son patrimoine, puisque ces dispositions n'étaient pas applicables au moment où ils ont souscrit leurs engagements.

Il en est de même pour ce qui est de la référence faite par eux à l'obligation d'information annuelle de la caution issue de l'article L. 341-6 du code de la consommation, dès lors qu'ils n'en tirent au surplus aucune conséquence, dans le dispositif de leurs écritures, en termes de déchéance encourue par le prêteur de deniers des pénalités ou intérêts de retard.

Les consorts [V] seront donc solidairement tenus, en vertu de leur engagement de caution, au même titre que le débiteur cautionné, au paiement de la somme de 3067€, assortie des intérêts au taux de 6,90% l'an à compter du 28 octobre 2001.

Sur la demande de dommages-intérêts

Les appelants soutiennent que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, en leur consentant successivement plusieurs prêts, leur a accordé des crédits de manière excessive, dépassant leur capacité de remboursement et entraînant un endettement excessif. Ils sollicitent de ce chef condamnation de celle-ci au paiement de dommages-intérêts équivalant au montant des sommes par elle réclamées dans son assignation.

D'emblée, il convient de rappeler qu'une semblable demande ne peut être formulée que par l'emprunteur lui-même à l'égard de la banque et aucunement par les cautions.

Par ailleurs, il appartient à la SCI de Juliac de démontrer le caractère fautif car excessif du concours bancaire qui lui a été accordé.

Pour ce faire, les appelants déclarent se fonder sur un rapport d'expertise qu'ils ont fait établir par un expert-comptable, par ailleurs expert judiciaire, en date du 24 janvier 2017, dans lequel ce professionnel conclut qu'à partir de l'année 1988, la SCIA de Juliac avait un montant de remboursement d'emprunts en capital supérieur à sa capacité de remboursement en capital.

Quand bien même ce rapport n'a été établi que sur la demande unilatérale des appelants et que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne n'a aucunement participé à son élaboration, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une pièce régulièrement produite aux débats et qui a été soumise à la libre discussion des parties, de sorte qu'elle peut être valablement soumise à l'analyse de la cour.

Il ressort de ce document que, parallèlement aux sept emprunts contractés par la SCIA de Juliac auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, celle-ci avait également sollicité et obtenu deux prêts pour un montant total de 630'000 francs auprès de la Sovac, un prêt de 450'000 francs auprès du Crédit Lyonnais, quatre prêts auprès de la BNP et six prêts souscrits pour un montant total de plus de 790 000 francs auprès de l'UFB.

Outre qu'il n'est aucunement établi que la SCIA de Juliac a porté à la connaissance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne les très nombreux engagements qu'elle avait souscrits par ailleurs, auprès d'autres établissements financiers, au moment où elle a contracté de nouveaux engagements auprès de cette dernière, il se déduit que l'avis exprimé par l'expert selon lequel la SCIA de Juliac affichait un déficit global de capacité de remboursement dès 1988 est, pour une très large part, motivé par un endettement constitué ailleurs qu'auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne.

Dès lors, il doit être constaté que la SCIA de Juliac ne démontre pas que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a manqué à son devoir de mise en garde, étant au surplus rappelé qu'à l'époque de souscription des engagements litigieux, cette notion, de création essentiellement jurisprudentielle, commençait tout juste à apparaître.

Les appelants sollicitent également condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à leur payer à chacun une somme de 2500€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.

Une semblable demande nécessite que soit démontré le caractère abusif de la procédure, cette démonstration n'étant pas faite en l'espèce. En outre, si la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne est pour partie rejetée pour cause de prescription, il n'en demeure pas moins que des condamnations à paiement sont toutefois prononcées dans le cadre de la présente instance à l'encontre des appelants, de sorte que la procédure dont ils font l'objet ne peut être considérée comme abusive.

En outre ils n'établissent pas la consistance du préjudice qu'ils invoquent.

Les demandes de dommages-intérêts sont donc rejetées

Sur les autres demandes

Au regard de l'issue du litige, et notamment de ce que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne succombe dans la grande majorité de ses prétentions, il convient de mettre à sa charge les dépens.

Compte tenu de la position des parties, il serait contraire à l'équité de laisser les appelants supporter la totalité des frais dont ils ont pu faire l'avance, en dehors des dépens, et celle-ci sera également tenue de leur verser une indemnité globale de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan en date du 1er août 2018,

Statuant à nouveau,

Dit que les demandes en paiement présentées par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à l'égard de la SCIA de Juliac et des consorts [V], en leur qualité de cautions de cette dernière, sont irrecevables comme prescrite, à l'exception d'une partie de celles formulées en exécution du prêt consenti le 17 mai 1993 sous le n°36039101866,

Condamne en conséquence solidairement la SCIA de Juliac, [P] [V], [D] [V] et [I] [V] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne la somme de 3067€, augmentée des intérêts au taux conventionnel de 6,90% l'an à compter du 28 octobre 2001,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne aux dépens,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à verser à la SCIA de Juliac et aux consorts [V] une indemnité globale de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 18/02805
Date de la décision : 28/02/2020

Références :

Cour d'appel de Pau 21, arrêt n°18/02805 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-28;18.02805 ?
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