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26/03/2019 | FRANCE | N°17/02930

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 26 mars 2019, 17/02930


PC/AM



Numéro 19/1260





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 26/03/2019







Dossier N° RG 17/02930

N° Portalis DBVV-V-B7B-GUZX





Nature affaire :



Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes















Affaire :



La Compagnie MAAF ASSURANCES



C/



[P] [Z], assistée de sa curatrice Madame [K] [Z]





















Grosse délivrée le :



à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 mars 2019, les parties en ayant été préalable...

PC/AM

Numéro 19/1260

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 26/03/2019

Dossier N° RG 17/02930

N° Portalis DBVV-V-B7B-GUZX

Nature affaire :

Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes

Affaire :

La Compagnie MAAF ASSURANCES

C/

[P] [Z], assistée de sa curatrice Madame [K] [Z]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 novembre 2018, devant :

Madame BRENGARD, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame ROSA SCHALL, Conseiller

assistés de Madame FITTES-PUCHEU, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

La Compagnie MAAF ASSURANCES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Maître Karine LHOMY de la SCP DOMERCQ - LHOMY, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître Julie JULES de la SCP DEFFIEUX - GARRAUD - JULES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

Madame [P] [Z]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

assistée de sa curatrice Madame [K] [Z], demeurant [Adresse 2], agisant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Maître Denis LEDAIN, avocat au barreau de PAU

assistée de la SELARL CHAMBOLLE & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 03 JUILLET 2017

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

Mme [P] [Z] a été victime d'un grave accident de la circulation le 18 novembre 1979 ayant notamment entraîné une incapacité permanente partielle de 82 %, selon expertise du 7 décembre 1988.

Invoquant à la fois une aggravation de son état de santé et son souhait de s'installer dans un logement lui appartenant à [Localité 1], Mme [Z], qui résidait depuis le 1er novembre 2005 dans une maison collective à [Localité 2], a, par acte du 16 avril 2014, fait assigner en référé la SA MAAF Assurances, la CPAM de la Gironde et la Mutuelle Ociane, aux fins de voir ordonner deux expertises, confiées, l'une à un médecin expert, l'autre à un ergothérapeute et de se voir allouer une provision de 139 000 € à valoir sur son préjudice définitif.

Par ordonnance du 24 juin 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne a ordonné une expertise médicale et désigné le docteur [F] en précisant que celui-ci s'adjoindra le concours de tel ergothérapeute qu'il souhaitera et condamné la MAAF à payer à Mme [Z] une provision de 75 000 €.

Par arrêt du 19 mars 2015, la cour d'appel de Pau a confirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle a ordonné une expertise médicale et désigné le docteur [F] en précisant que celui-ci s'adjoindra le concours de tel ergothérapeute qu'il souhaitera et l'infirmant pour le surplus a, notamment condamné la MAAF à payer à Mme [Z] la somme de 10 800 € à valoir sur l'indemnisation de l'aggravation de son préjudice.

Le 5 août 2015, le docteur [F], après avoir recueilli l'avis d'un ergothérapeute et d'un neuro-psychologue, déposait un rapport dont les conclusions sont, en substance, les suivantes :

-absence d'aggravation clinique, neuropsychologique et situationnelle de Mme [Z] imputable de façon directe et certaine à l'accident du 18 novembre 1979, la victime présentant également depuis 2010 une pathologie neurologique dégénérative progressive avec syndrome cérébelleux, chutes à répétition, troubles vésico-sphinctériens,

- néanmoins, compte tenu du souhait de la victime de changer de domicile, il est effectivement possible de distinguer :

$gt; les séquelles du traumatisme crânien imputables à l'accident avec les séquelles cognitivo-comportementales décrites dans le rapport du sapiteur neuro-psychologigues et fonctionnelles orthopédiques,

$gt; les signes cliniques, conséquences d'une pathologie neuro-dégérative surajoutée : troubles de l'équilibre avec chutes à répétition, syndrome cérébelleux et hyperactivité neurogéne responsable d'une pollakiurie,

- il est proposé de répartir pour moitié les aides humaines imputables à l'accident et les aides humaines en lien avec la pathologie neuro-dégénérative, chacune ayant des conséquences fonctionnelles et cognitives différentes mais dont la globalité justifie la nécessité d'une tierce personne comme détaillé dans les conclusions du rapport ergothérapique,

- compte tenu de ces conclusions, Mme [Z] nécessiterait à domicile l'assistance d'une tierce personne en dehors des périodes de prise en charge par les équipes paramédicales de kinésithérapie, orthophonie ou d'accompagnement qui devra se mettre en place à son domicile,

- l'assistance tierce personne pourrait être composée :

$gt; d'une tierce personne active spécialisée pour la prise des repas et des médicaments, les activités de loisir nécessitant une surveillance spécialisée et de supervision des troubles comportementaux et des difficultés d'adaptation, estimée globalement à huit heures par jour,

$gt; d'une aide-ménagère pour les activités de substitution (courses, ménage, repas, entretien propriété) évaluée à six heures par semaine,

$gt; d'une présence vigile diurne entre les périodes de présence de la tierce personne active et des intervenants paramédicaux, de 8 heures à 20 heures et, en nocturne, de 20 heures à 8 heures pour répondre aux sollicitations régulières de Mme [Z] et l'aider à aller aux toilettes,

- les aides techniques doivent être imputées à l'accident compte tenu de la gravité des séquelles orthopédiques avec une incapacité fonctionnelle majeure.

Par actes des 29 janvier et 2 février 2016, Mme [Z], assistée de son curateur, la SEAPB, a fait assigner la CPAM de Bayonne et la MAAF Assurances aux fins de voir juger qu'elle a besoin d'une assistance tierce personne 24h/24 et obtenir l'allocation d'une rente mensuelle viagère de 18 040 € outre diverses sommes au titre de l'aménagement de son domicile de [Localité 1] et de l'acquisition de divers équipements.

Par jugement du 3 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Bayonne a condamné la MAAF à payer à Mme [Z] :

- au titre des frais de tierce personne, la somme mensuelle de 12 026,66 € en complément de la rente mensuelle prévue dans le PV de transaction du 17 mars 2007,

- au titre des aides techniques, la somme de 17 477,15 €,

- au titre de l'aménagement d'un véhicule, la somme de 18 042,99 €,

- au titre de l'aménagement du domicile, la somme de 75 849,92 €.

Au soutien de sa décision, le premier juge a considéré en substance que si n'a pas été constatée une aggravation de l'état de santé clinique, neuropsychologique et situationnel de Mme [Z] en relation directe et certaine avec l'accident de 1979, il convient cependant de faire application du protocole transactionnel du 17 mars 2007 prévoyant qu'en cas d'aggravation de l'état médical par rapport aux conclusions d'expertise du docteur [Q] ayant servi de base à l'indemnisation prononcée par la cour d'appel de Pau, le préjudice nouveau en relation directe avec l'accident pourra faire l'objet d'une indemnisation sans que soit remise en cause la transaction et que les parties conviennent qu'en cas de nouvelle modification de la situation de Mme [Z], les nouveaux besoins éventuels seraient analysés,

- s'agissant de la tierce personne :

$gt; que, dès 1995, les besoins en tierce personne étaient évalués à 24 heures sur 24 heures,

$gt; que dans le protocole transactionnel de 2007, les frais de tierce personne ont été indemnisés à hauteur de 8 heures par 24 heures dans la mesure où ils étaient mutualisés au sein de la maison commune,

$gt; que sans contrevenir au protocole d'accord qui prévoit expressément une prise en compte des éventuelles modifications de la situation de la victime, il y a lieu d'accorder à Mme [Z] une rente complémentaire mensuelle de 12 026,66 € correspondant à des frais de tierce personne de 16 heures par 24 heures, sur la base horaire de 22 €.

La MAAF a interjeté appel de cette décision, selon déclaration transmise au greffe de la cour le 9 août 2017.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 7 novembre 2018.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 novembre 2017, la S.A MAAF Assurances demande à la cour :

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [Z] les sommes de 12 026,66 € par mois au titre des frais de tierce personne, en complément de la rente mensuelle convenue dans le PV de transaction du 17 mars 2007, correspondant à une tierce personne 24 h / 24 h et la somme de 75 849,92 € au titre des frais d'aménagement du domicile et de confirmer la décision déférée pour le surplus,

- de dire que le nombre d'heures de tierce personne résultant des séquelles directement imputables à l'accident de 1979 est de 12 heures par jour, comme proposé par l'expert judiciaire [F],

- de fixer la rente complémentaire devant être servie à Mme [Z] à la somme de 3 408,36 € de laquelle il convient de déduire la majoration tierce personne servie par la CPAM à hauteur de 1 060,17 €,

- de dire qu'il revient à Mme [Z], après imputation de la créance de la CPAM au titre de la majoration tierce personne, une rente complémentaire de 2 348,17 €,

- de dire que cette rente complémentaire au titre de la tierce personne n'est due qu'à compter du départ effectif de Mme [Z] de la maison collective de [Localité 2] pour regagner son appartement de [Localité 1],

- de dire que cette rente complémentaire sera versée sur production par Mme [Z] d'un justificatif du départ de la maison collective pour regagner son appartement de [Localité 1] et d'enjoindre en tant que de besoin Mme [Z] à produire celui-ci,

- de dire que le versement de la rente mensuelle à termes échus se fera à compter de la date de retour effectif à domicile à justifier, avec revalorisation selon la loi 74/1118 du 27 décembre 1974 et l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985,

- de dire que la rente sera suspendue en cas de placement de Mme [Z] dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non à partir du 46ème jour de cette prise charge,

- de dire que Mme [Z] devra fournir les 15 juin et 15 décembre de chaque année un certificat médical de non-hospitalisation attestant qu'elle n'a pas été hospitalisée et/ou n'a pas séjourné dans une maison d'accueil spécialisée plus de 30 jours l'année précédente,

- de fixer le préjudice de Mme [Z] au titre des frais d'aménagement de son domicile à la somme de 37 924,96 €,

- de dire que viendra en déduction des sommes revenant à Mme [Z] le montant des sommes versées en exécution de l'ordonnance de référé du 24 juin 2014,

- de statuer ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle expose en substance :

- que le premier juge a fait abstraction des conclusions de l'expert [F] et de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Pau de 2002 et au protocole transactionnel de 2007,

$gt; que l'expertise judiciaire a établi l'absence d'aggravation clinique, neuropsychologique et situationnelle imputable de façon directe et certaine à l'accident de 1979, la seule aggravation résultant de la volonté de Mme [Z] de quitter la maison collective pour s'installer dans son appartement de [Localité 1] et qu'il a évalué à 12 heures par jour les besoins en tierce personne imputables aux séquelles de l'accident et à 12 heures par jour ceux imputables aux conséquences de la pathologie dégénérative apparue à partir de 2010 et que la nécessité d'une tierce personne nocturne ne se justifie que par des troubles neurologiques apparus en 2010 et sans lien avec l'accident,

$gt; qu'il n'est pas établi que depuis 1995, les besoins en tierce personne de Mme [Z] étaient évalués à 24 heures sur 24, l'arrêt de 2002 ne l'ayant indemnisée de ce poste de préjudice qu'à concurrence de 3 heures par jour selon l'évaluation de l'expert [Q] dont la description situationnelle de Mme [Z] ne correspond nullement à une nécessité de tierce personne constante,

$gt; que la prise en charge du coût de la maison collective revenant à indemniser 8 heures par jour de tierce personne dans le cadre du protocole régularisé en 2007 à la suite du changement de situation de Mme [Z] n'entérine pas un besoin de tierce personne 24 h/24

$gt; qu'en effet ce protocole est intervenu conformément aux dispositions de l'arrêt de 2002 qui prévoyait que la rente tierce personne telle que fixée (coût du placement dans un établissement outre trois heures de tierce personne par jour lors de chaque retour à domicile) serait réévaluée en cas de modification de la situation de la victime,

$gt; qu'en suite de l'entrée en maison collective, elle a accepté de régler, non plus le coût de l'établissement dans lequel Mme [Z] était jusqu'alors accueillie mais le coût de la maison collective, correspondant à 8 heures de tierce personne mutualisée alors même que ces huit heures allaient au-delà du nombre d'heures retenu dans le cadre de l'expertise de 1995 et dans l'arrêt de 2002,

- qu'il y a en conséquence lieu de retenir, dans le cadre de l'aggravation situationnelle née du retour à domicile de Mme [Z], que les besoins en tierce personne directement imputables à l'accident sont de 12 heures par jour,

- s'agissant des frais d'aménagement du domicile, que les signes cliniques, conséquences de la pathologie neuro-dégénérative surajoutée, justifient, autant que les séquelles imputables à l'accident, et à eux seuls, l'aménagement du domicile en sorte que l'indemnité à allouer de ce chef doit correspondre à la moitié des frais d'aménagement.

Dans ses dernières conclusions du 9 février 2018, Mme [P] [Z], assistée de sa curatrice, Mme [K] [Z], formant appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle a besoin d'une assistance tierce personne 24 h/24 compte tenu des séquelles de l'accident, tel que constaté dans le rapport d'expertise judiciaire de 1995 et, le réformant pour le surplus :

- de condamner la MAAF à lui payer une rente mensuelle viagère de17 877 € à compter du 1er août 2016 avec rappel de ladite rente entre la date effective de son retpour à domicile et la date de l'arrêt à intervenir,

- de condamner la MAAF à lui payer, au titre des beoins matériels, les sommes de :

$gt; 7887,30 € au titre du fauteuil roulant,

$gt; 184,03 € au titre d'une réhausse WC,

$gt; 657,27 € au titre d'un siège douche rabattable,

$gt; 9 464,76 € au titre d'un fauteuil roulant de plage,

$gt; 157 220 € au titre de l'aménagement d'un véhicule,

$gt; 132 078 € au titre de l'aménagement de son domicile,

- de condamner la MAAF à lui payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Chambolle et Associés.

Elle soutient, pour l'essentiel :

- que le besoin d'une assistance permanente a été caractérisé par le docteur [Q] dans son rapport de 1995, en raison des risques physiques (risques de chutes avec impossibilité de se relever) et de l'impossibilité de prévoir les réactions de Mme [Z],

- que l'arrêt de 2002 a bien retenu un besoin en tierce personne permanent même s'il ne s'est pas prononcé sur l'indemnité correspondante, en considérant que la demande était devenue sans objet du fait de l'admission de Mme [Z] dans un établissement, rendant inutile la présence quotidienne d'une tierce personne,

- que si la description faite par le docteur [Q] d'une journée de la victime établit qu'elle peut réaliser quelques actes de la vie quotidienne, elle ne démontre pas qu'elle est autonome, l'expert considérant que ses réactions et son comportement sont impossibles à prévoir et qu'il est nécessaire et indispensable qu'elle soit entourée d'une présence responsable en permanence,

- que le premier juge n'a pas méconnu les conclusions du docteur [F] dont il a tenu compte au titre de l'indemnisation du matériel mais a considéré que ces conclusions n'étaient pas exclusives de la reconnaissance d'un besoin de tierce personne permanente avant même l'apparition de la pathologie dégénérative ayant aggravé l'état de l'intimée,

- que dans le cadre du protocole de 2007, la MAAF a accepté de prendre en charge une rente mensuelle viagère correspondant aux frais d'assistance humaine à la maison familiale d'un montant de 3 420 € outre une rente trimestrielle viagère de 625 € correspondant aux frais d'assistance humaine lors des retours à domicile, reconnaissant ainsi la nécessité d'une tierce personne permanente dans le cadre d'une mutualisation rendue possible par son admission en maison collective,

- qu'en l'espèce, l'aggravation situationnelle est constituée par le départ de Mme [Z] de la maison collective et son installation dans un logement lui appartenant, dont le bien-fondé ne peut être contesté, sauf à la priver abusivement de sa liberté de choix de mode de vie,

- qu'il est possible, sans violer l'autorité de chose jugée par le protocole transactionnel de 2007, d'allouer une indemnité compensatrice calculée sur le taux horaire de 22 €, soit après déduction de la créance de la CPAM, une rente mensuelle viagère de 17 877 €, étant considéré que les sommes visées dans le protocole correspondent non aux besoins évalués par le docteur [Q] mais seulement aux dépenses retenues à l'époque par la MAAF compte tenu de la minoration des coûts par leur mutualisation, étant constaté que la rente mensuelle prévue dans le protocole couvre uniquement le coût de la maison collective mais non les besoins réels en tierce personne de l'intimée.

MOTIFS

Au terme de son rapport d'arbitrage du 9 juin 1995, le docteur [Q], après avoir, dans ses commémoratifs, rappelé notamment le bilan neurologique établi par le docteur [S] (page 8 du rapport) faisant état d'un défaut total d'initiative et de la nécessité d'une stimulation dans les activités de la vie journalière, concluait de la manière suivante :

'actuellement un équilibre social précaire est intervenu :

- Mlle [Z] habite chez sa mère qui s'occupe intégralement d'elle et assure une présence constante à ses côtés,

- en plus de la présence de sa mère, il paraît indispensable que, trois heures par jour, il y ait une personne qui puisse prendre le relais, personne non spécialisée, non médicalisée, en raison des risques physiques (risque de chute avec impossibilité de se relever) et surtout de l'impossibilité de prévoir les réactions de Mlle [Z],

- par la suite et en cas de défaillance de Mme [Z] mère, il sera nécessaire d'envisager un placement dans une structure spécialisée mais qu'il n'existe pas de C.A.T. spécialisé dans les problèmes rencontrés par Mlle [Z].'

Dans son arrêt du 17 janvier 2002, la cour, prenant acte du fait que Mlle [Z] avait quitté le domicile de sa mère pour être hébergée en établissement, ce qui rend pour l'instant inutile la présence quotidienne d'une tierce personne laquelle n'est nécessaire que lors des visites ponctuelles, a notamment dit que la MAAF devra régler à Mlle [Z] une indemnité journalière de trois heures pour une aide à domicile, même si cette assistance est exercée par un membre de la famille sur la justification de la présence de Mlle [Z] dans un lieu autre qu'un établissement adapté.

En suite du transfert de Mlle [Z] dans une maison familiale à [Localité 2], a été signé les 15 février et 17 mars 2007, un protocole transactionnel ainsi rédigé :

- un arrêt du 17 janvier 2002 prévoyait le règlement sous forme de rente, des frais de placement sur justificatifs de celui-ci ainsi que trois heures d'assistance d'une tierce personne lors de la présence de Mlle [Z] au domicile familial et une révision des méthodes d'indemnisation en cas de modification de la situation de la victime,

- le 1er novembre 2005, Mlle [Z] a quitté l'établissement qu'elle occupait pour intégrer la maison familiale avenue de [Localité 3] à [Localité 2],

- en raison du changement situationnel de Mlle [Z], les parties conviennent de revoir l'indemnisation des frais d'aide humaine comme suit :

$gt; frais d'assistance humaine à la maison familiale : le 1er novembre 2005, Mlle [Z] a intégré la maison familiale à [Localité 2], la rente précédemment versée en règlement des frais de placement à [Établissement 1] se trouve en conséquence modifiée, il est convenu qu'à compter du 1er novembre 2005, une rente mensuelle de 3 420 € sera versée entre les mains de l'A.T.I., au bénéfice de Mlle [Z] et correspondant aux frais d'assistance humaine de la maison familiale,

$gt; frais d'assistance humaine lors des retours à domicile : par procès-verbal d'accord antérieur du 26 février 2006, les arrérages des frais de tierce personne échue sur la base de 3 h/jour pour la période du 1er janvier 1994 au décembre 2004, à compter du 1er janvier 2005, les parties conviennent du versement d'une rente trimestrielle de 625 €,

- suite au changement de situation intervenu le 1er novembre 2005, il est convenu d'effectuer le règlement suivant :

1) une rente mensuelle viagère correspondant aux frais d'assistance humaine à la maison familiale, d'un montant de 3 420 €...,

2) une rente trimestrielle viagère correspondant aux frais d'assistance humaine lors des retours à domicile, d'un montant de 625 €,

- ces rentes seront revalorisables... sachant que leur montant serait suspendu dans le cas où Mlle [Z] se trouverait placée dans une structure de type hospitalier et/ou disposant de soins, pour une durée supérieure à 30 jours....,

- en cas d'aggravation de son état médical par rapport aux conclusions d'expertise du docteur [Q] ayant servi de bases à l'indemnisation prononcée par la cour d'appel de Pau, le préjudice nouveau en relation directe avec l'accident pourra faire l'objet d'une indemnisation sans que soit remise en cause la transaction,

- les parties conviennent qu'en cas de nouvelles modifications de la situation de Mlle [Z], les nouveaux besoins éventuels seraient analysés.

Sur la demande d'indemnisation de l'assistance par tierce personne :

Au terme de son rapport du 5 août 2015 dont les conclusions médicales ne sont pas contestées sur ce point, le docteur [F] a imputé l'aggravation de l'état de Mlle [Z] par lui constatée aux séquelles d'une pathologie neurologique dégénérative, sans lien avec l'accident de 1979 et apparue à partir de l'année 2010.

Il en résulte que la clause du protocole transactionnel prévoyant, en cas d'aggravation de l'état médical par rapport aux conclusions du docteur [Q], l'indemnisation des préjudices nouveaux en relation directe avec l'accident, sans remise en cause de la transaction, ne peut recevoir application.

La non-imputabilité de l'aggravation de l'état de santé de Mlle [Z] à l'accident de 1979 constatée par l'expert [F] n'est cependant pas exclusive d'une possibilité de révision des conditions d'indemnisation de celle-ci telles que fixées dans le protocole transactionnel par application de la clause de révision 'en cas de nouvelles modifications de la situation de la victime' qui doit être analysée comme concernant des hypothèses autres que celle de l'aggravation de l'état médical et, notamment, le cas d'un départ de l'établissement dans lequel elle résidait à la date de la transaction.

Il y a lieu de considérer ici :

- que la nécessité d'une assistance permanente par une tierce personne était caractérisée dès le rapport [Q] de 1995 qui fait état du défaut total d'initiative de la victime, de la nécessité d'une stimulation dans les actes de la vie journalière, du fait que la mère de Mlle [Z] s'occupe intégralement d'elle et assure une présence constante à ses côtés, nécessaire en raison des risques physiques (risque de chute avec impossibilité de se relever) et surtout de l'impossibilité de prévoir les réactions de Mlle [Z] ainsi que de la nécessité d'un placement en structure spécialisée en cas de défaillance de la mère de la victime,

- que l'intervention d'une tierce personne 'extérieure' proposée par le docteur [Q] à concurrence de trois heures par jour ne peut être considérée comme établissant la mesure des besoins journaliers de Mlle [Z] à l'époque, s'agissant d'une intervention 'relais' destinée à soulager la mère de la victime pour les tâches que celle-ci assumait,

- que la circonstance que l'arrêt de 2002 et le protocole transactionnel de 2007 ont indemnisé les besoins en tierce personne sur la base de trois heures par jour lors des séjours de Mlle [Z] dans sa famille est sans incidence dès lors qu'il n'est pas établi que celle-ci a effectivement sollicité indemnisation sur une base de 24 heures sur 24 alors même qu'il est acquis que les frais de séjour en centre spécialisé ([Établissement 1]) préalablement à l'admission de Mlle [Z] en maison familiale, ont été intégralement pris en charge par l'assurance,

- que l'indemnité versée, en exécution du protocole transactionnel de 2007, dans le cadre de l'admission de Mlle [Z] en maison familiale, à supposer même qu'elle corresponde à huit heures de tierce personne par jour, ne peut pas plus constituer la mesure des besoins effectifs de la victime avant la survenance de la pathologie dégénérative courant 2010 dès lors qu'il est constant que le placement en maison familiale permet une mutualisation des frais de tierce personne.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a jugé que les conditions d'application de la clause de révision en cas de modification de la situation de Mlle [Z] stipulée au protocole de 2007 étaient réunies et que l'indemnisation des frais de tierce-personne, en lien direct avec les conséquences de l'accident de 1979, indépendamment même des conséquences de pathologie dégénérative affectant Mlle [Z] depuis 2010, doit s'opérer sur la base d'une assistance permanente et constante, 24 heures sur 24.

S'agissant de la détermination de l'indemnité due au titre de la tierce personne, il convient de considérer :

- que le besoin en tierce personne de Mlle [Z] doit être fixé à un équivalent de 24 heures par jour compte tenu des besoins et de la gravité du handicap en lien avec l'accident de 1979 tels que décrits tant dans le rapport [Q] que dans le rapport [F],

- que le taux horaire de 22 € retenu par le premier juge est justifié au regard de ces éléments,

- que le coût de la tierce personne doit être calculé sur la base d'une intervention de 24 h / 24, sans référence à la somme mentionnée dans le P.V. de transaction de 2007 dès lors qu'est intervenue une modification substantielle du fait du départ de Mlle [Z] de la maison familiale, rendant caduc le protocole transactionnel, conditionné à la présence de Mlle [Z] dans l'établissement,

- que sur la base de calcul retenue par le premier juge (année de 410 jours), le montant de la rente annuelle s'établit 410 (jours) x 22 (€) x 24 (heures) = 216 480 €, dont il y a lieu de déduire le capital constitutif de la majoration tierce personne versée par la CPAM (pièce 28 produite par Mlle [Z]) soit 51 197 €,

- que pour déterminer le solde de la rente devant revenir à la victime, en retenant un point de rente viagère de 26,291 selon le barème de capitalisation 2018 (Gazette du Palais 28/11/2017, n° 41, p. 36 suivantes) compte tenu de l'âge de la victime (58 ans) à la date de son départ de la maison familiale de [Localité 2], un capital représentatif de 5 691 475 € dont à déduire le capital constitutif de la majoration tierce personne, soit en définitive, un capital représentatif de 5 640 278 €,

- la rente annuelle à verser à la victime à compter du 1er août 2016 (date de son départ de la maison familiale, cf. attestation de la présidente de l'association AFTC Gironde, gestionnaire de l'établissement, pièce 21 de l'intimée) est donc de 5 640 278 / 26,291 soit 214 532 €, par an et 17 877 €,

- qu'il convient donc, réformant le jugement entrepris de ce chef, de condamner la MAAF à payer à Mlle [Z] (assistée de sa curatrice) au titre de la rente tierce personne une rente mensuelle de 17 877 € à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mlle [Z] dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46ème jour de cette prise en charge.

Sur les demandes relatives aux dépenses futures :

1 - fauteuil roulant manuel motorisé :

Le litige est de chef limité à l'appel incident de Mlle [Z] tendant à l'application du barème de capitalisation le plus récent (barème 2018), appel incident auquel il sera fait droit, en cohérence avec l'application dudit barème à laquelle il a été procédé ci-dessus.

Sur la base d'un euro de rente de 216,291 € au 1er août 2016, date du départ de Mlle [Z] de l'établissement de [Localité 2], ce poste de préjudice sera réparé, selon le principe de calcul retenu par le premier juge qui ne fait l'objet d'aucune contestation, par l'octroi d'une indemnité de 1 500 € x 26,291 / 5 : 7 887,30 €.

2 - réhausse WC avec accoudoir :

pour les mêmes motifs, l'indemnité due de ce chef sera fixée à la somme de 70 x 26,291 / 10 : 184,03 €.

3 - siège douche rabattable :

il y a lieu de constater que le calcul de l'indemnité réclamée de ce chef par Mlle [Z] est entaché d'une erreur matérielle en ce que, revendiquant une périodicité quinquennale de renouvellement, elle établit sa demande chiffrée sur une périodicité décennale pour finalement solliciter une indemnité inférieure (657,27 €) à celle allouée par le premier juge (722,45 €) et correspondant à la moitié de l'indemnité exigible (1 309 €) selon la méthode de calcul ci-dessus appliquée qui lui sera en conséquence allouée.

4 - fauteuil de plage de type Hyppocamp :

il sera pour les mêmes motifs fait droit à l'appel incident de Mlle [Z] et alloué de ce chef à celle-ci, la somme de 3 600 € (coût d'acquisition) x 26,291 (euro de rente) / 10 (périodicité de renouvellement) 9 464,76 €.

5 - véhicule aménagé :

sauf à rectifier le montant de l'indemnité devant être allouée de ce chef, qui sera calculée sur la base du barème de capitalisation 2018, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement considéré que l'indemnisation en peut consister que dans le coût de l'adaptation nécessaire aux besoins de la victime et non dans la valeur totale du véhicule adapté.

Il sera en conséquence alloué à Mlle [Z] la somme de 7 550 € (coût de l'aménagement) x 26,291 (euro de rente) / 10 (périodicité de renouvellement) : 19 849,70 €.

Sur les demandes formées au titre de l'aménagement du domicile :

Le projet de vie de Mlle [Z] consiste à s'installer dans un appartement situé au premier étage d'un ensemble immobilier à [Localité 1] dont elle a hérité à la suite du décès de son père, l'une de ses soeurs étant propriétaire de l'appartement du rez de chaussée et une autre ayant fait construire une maison sur le terrain.

Il est constant et établi par l'expertise judiciaire de 2015 (cf. notamment de l'ergothérapeute) que l'appartement dont s'agit n'est pas adapté à la situation médicale de Mlle [Z] et nécessite un aménagement s'agissant tant des modalités d'accès depuis l'extérieur que des conditions d'utilisation à l'intérieur, ainsi détaillé dans le rapport de Mme [B] :

- accès extérieur : cheminement d'1,50 m de largeur, abri voiture, plate-forme élévatrice verticale, transformation d'une fenêtre existant en porte de 0,90,

- nécessité d'adapter le logement à l'utilisation d'un fauteuil roulant : aires de rotation de 1,50 m de diamètre dans chaque pièce, élargissement des portes à 90 cm,

- salle de bains : douche à l'italienne, plan vasque ou lavabo peu profond, évidé au dessous,

- cuisine avec deux postes accessibles en fauteuil roulant et espace ouvert pour en faciliter le passage,

- placards aménagés,

Aucun élément versé aux débats n'établit que la modification de la disposition des pièces par rapport à celle décrite dans le plan de l'existant annexé à l'avis de l'ergothérapeute est nécessitée par la condition physique de Mlle [Z] et c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le devis du cabinet [W] proposé par Mlle [Z] (qui prévoit lesdites modifications) comporte des postes de travaux qui ne sont pas en lien de causalité avec les séquelles de l'accident de 1979 alors que le devis du cabinet Handi Expert produit par la MAAF reprend les éléments d'accessibilité et d'aménagement préconisés par l'expert.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a évalué le préjudice indemnisable à la somme de 75 849,92 € correspondant au montant total du devis Handi Expert, après avoir constaté que l'expertise judiciaire a établi l'imputabilité des aides techniques (auxquelles il convient d'assimiler l'aménagement du logement) aux séquelles orthopédiques, d'une particulière gravité, de l'accident de 1979.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle condamné la MAAF à payer à Mlle [Z] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et d'allouer à l'intimée une indemnité complémentaire de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel.

La SA MAAF Assurances sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 3 juillet 2017,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA MAAF Assurances à payer à Mlle [Z] (assistée de sa curatrice) la somme de 75 849,92 € au titre des frais d'aménagement de son domicile de Saint de Luz, la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,

Réformant la décision entreprise pour le surplus :

Condamne la SA MAAF Assurances à payer à Mlle [Z], assistée de sa curatrice :

- au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 € à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mlle [Z] dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46ème jour de cette prise en charge,

- au titre des aides techniques, la somme de 18 845,09 €,

- au titre des frais d'aménagement de véhicule, la somme de 19 849,70 €,

Ajoutant au jugement entrepris :

- Condamne la SA MAAF Assurances à payer à Mlle [Z], en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel,

- Condamne la SA MAAF Assurances aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence Brengard, Président, et par Mme Julie Fittes-Pucheu, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/02930
Date de la décision : 26/03/2019

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°17/02930 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-26;17.02930 ?
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