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17/03/2016 | FRANCE | N°13/03651

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 17 mars 2016, 13/03651


DT/SB



Numéro 16/01099





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 17/03/2016









Dossier : 13/03651





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[J] [J]



C/



CAISSE REGIONALE CREDIT MUTUEL MIDI ATLANTIQUE









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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième aliné...

DT/SB

Numéro 16/01099

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 17/03/2016

Dossier : 13/03651

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[J] [J]

C/

CAISSE REGIONALE CREDIT MUTUEL MIDI ATLANTIQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Janvier 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller, par ordonnance du 07 décembre 2015

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [J] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant assisté de Maître DEBOIS-LEBEAULT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE CREDIT MUTUEL MIDI ATLANTIQUE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SELARL HERRI, avocats au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 06 SEPTEMBRE 2013

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : F 11/00457

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée indéterminée du 14 mars 1989, Monsieur [J] [J] a été engagé par la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique en qualité de cadre. Il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur d'unité d'agence de [Localité 1].

Le 20 octobre 2010, Monsieur [J] [J] était placé en arrêt de travail pour syndrome dépressif. Lors de l'unique visite de reprise du 10 janvier 2011 (risque de danger immédiat) il était déclaré inapte à tous les postes de l'entreprise. L'employeur a proposé des postes de reclassement qui ont été déclarés incompatibles avec l'état de santé de Monsieur [J] [J].

Ce salarié a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 février 2011, pour inaptitude totale et définitive et impossibilité de reclassement.

Le 10 octobre 2011, Monsieur [J] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de BAYONNE d'une demande fondée sur la nullité de son licenciement et tendant au paiement des indemnités afférentes.

Par jugement du 06 septembre 2013, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [J] [J] de l'ensemble de ses demandes à l'exception d'un complément d'indemnité légale de licenciement (1.075,83 €) (et non d'indemnité conventionnelle comme mentionné par erreur dans le dispositif du jugement).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2013, Monsieur [J] [J] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 13 septembre 2013.

Dans ses écritures reprises oralement à l'audience, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau de :

* dire que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

* constater que l'inaptitude de Monsieur [J] [J] est la conséquence de ce manquement ;

* juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

* condamner en conséquence la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique à lui payer les sommes suivantes :

- 15.473,91 € d'indemnité compensatrice de préavis (outre 1.547,39 € de congés payés y afférents) ;

- 62.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 15.000 € au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

- 66.902,49 € à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement, sur le fondement du caractère discriminatoire et/ou contraire au principe de l'égalité de traitement des restrictions prévues à l'article 16-2 de la Convention collective du Crédit Mutuel.

En tout état de cause, il conclut à la condamnation de l'intimée au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 € en sus des dépens.

Sur la méconnaissance de l'obligation de sécurité de résultat, Monsieur [J] [J] expose qu'à compter de l'entrée de la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique dans le groupe Crédit Mutuel CIC, courant 2009, son employeur s'est engagé dans une course à la productivité se traduisant par des performances commerciales de plus en plus élevées (multiplication des produits et des actions de prospection, politique d'objectifs, prime au résultat), des contrôles constants, individualisés et péremptoires, des méthodes de travail pénalisantes en particulier pour les dirigeants.

Monsieur [J] [J] déclare s'être totalement investi dans cette tâche au point de placer l'agence dont il avait la responsabilité au premier rang, sans parvenir à satisfaire sa direction toujours plus exigeante en matière de productivité et de résultats, sourde aux signaux d'alarme envoyés par les délégués du personnel et syndicats, comme à ses propres tentatives pour être entendu sur la dégradation inquiétante de son état de santé.

Finalement placé en arrêt maladie pour syndrome dépressif, le 20 octobre 2010, l'appelant déclare avoir été, dès son retour début novembre 2010, à nouveau soumis à la pression et aux injonctions de résultats de sa direction, au point que le 10 novembre 2010 il était à nouveau arrêté sans jamais pouvoir reprendre son poste.

L'examen psychiatrique ordonné par le médecin du travail imposait un arrêt pour danger immédiat pour raisons psychiatriques, les autres médecins consultés étant unanimes sur les raisons de ses palpitations cardiaques, troubles de l'appétit et du sommeil, fatigue, troubles de l'élocution, à savoir : 'surmenage professionnel, anxiété de fond, sensation d'oppression...'

Sur l'absence de recherche de reclassement, selon Monsieur [J] [J], la preuve que les propositions de reclassement qui lui ont été faites par l'employeur n'étaient pas sérieuses découle du seul fait qu'elles lui ont été adressées avant même l'avis du médecin du travail. Au demeurant ces offres sont imprécises sans indication sur les horaires, la rémunération, la classification.

Monsieur [J] [J] ajoute que la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique faisait partie du groupe du [Adresse 3] où des possibilités de reclassement auraient dû être recherchées par l'employeur ce que l'intimée ne démontre pas avoir fait.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement enfin, l'appelant fait valoir que la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique lui a versé le montant de l'indemnité légale au motif qu'ayant été licencié pour inaptitude, il n'entrait pas dans les prévisions de l'article 16-2 de la Convention collective applicable, réservé aux licenciements non disciplinaires pour 'suppression de poste' et 'insuffisance professionnelle'. Or la jurisprudence rappelle que ces restrictions ne sont pas applicables en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Subsidiairement, Monsieur [J] [J] relève le caractère discriminatoire des limitations posées par l'article 16-2 de la Convention collective applicable, rien ne justifiant au demeurant qu'un salarié atteint d'inaptitude physique soit moins bien traité qu'un salarié licencié pour insuffisance professionnelle.

Sur les autres demandes indemnitaires, et outre l'indemnité compensatrice de préavis au paiement de laquelle il affirme avoir droit, du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [J] [J] réclame le versement de dommages et intérêts à la hauteur de son ancienneté (plus de vingt ans) de l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de 'changer de métier', et des multiples avantages que présentait son statut de cadre au sein du Crédit Mutuel qu'il a perdus à 49 ans.

Il réclame enfin une indemnisation distincte pour violation de l'obligation de sécurité en rappelant le grave impact de ce manquement sur sa santé et sa vie familiale.

**********

La Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique conclut dans des écritures reprises oralement à l'audience, à la confirmation du jugement entrepris, au débouté de l'appelant de l'ensemble de ses prétentions, à sa condamnation aux entiers dépens ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure de 2.000 €.

Sur la méconnaissance de l'obligation de sécurité de résultat, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique souligne que cette demande a pour la première fois été évoquée lors de la tentative de conciliation devant le conseil de prud'hommes, le litige initial portant exclusivement sur l'indemnité conventionnelle de licenciement.

L'intimée fait valoir que les résultats de l'agence dirigée par Monsieur [J] [J] ont toujours été bons et que ce directeur faisait l'objet de plus de félicitations que de reproches. Elle ajoute que les faits de harcèlement moral allégué ne reposent sur aucune pièce probante : les tracts syndicaux relatifs à des faits de harcèlement sont postérieurs de près de trois ans au départ de Monsieur [J] [J], la rémunération variable pratiquée dans une autre fédération n'avait pas cours dans le Sud Ouest. Elle ne conteste pas la mise en place d'opérations et de stratégies commerciales qu'elle décrit comme normales dans une économie de marché concurrentiel et relève qu'en tant que directeur d'agence, Monsieur [J] [J] était soumis à un contrôle hiérarchique d'autant plus lâche qu'il était géographiquement éloigné du siège de la fédération.

Elle ne conteste pas la réalité des troubles ressentis par Monsieur [J] [J] à la fin de l'année 2010 mais fait valoir que d'une part elle n'en a jamais été informée, d'autre part, il appartient aux médecins qui délivrent des certificats médicaux de limiter leurs observations à ce qu'ils ont pu personnellement vérifier, et qu'en l'espèce aucun élément probant ne permet d'établir un lien entre les conditions de travail de l'appelant et la pathologie dont il a souffert. La Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique ajoute que le mail du mois de février 2010 invoqué tardivement par l'appelant n'a pas été reçu par la Caisse, que Monsieur [J] [J] n'a pas alerté les organes représentatifs, sa seule demande d'entretien avec le Directeur Général a été obtenue par Monsieur [J] [J]. L'intimée en déduit qu'elle ne pouvait traiter de difficultés dont elle n'avait pas connaissance et que sa responsabilité ne peut être recherchée ni sur le terrain du harcèlement moral, ni sur celui du manquement à l'obligation de sécurité de résultat.

Sur l'absence de recherche de reclassement, la Caisse rappelle que les quatre postes de reclassement disponibles en interne et au niveau du groupe ont été proposés à Monsieur [J] [J] à une époque à laquelle la direction ignorait la nature de la pathologie dont souffrait Monsieur [J] [J]. Tous ces postes ont été écartés par le médecin du travail, qui a considéré que Monsieur [J] [J] était inapte à occuper tous postes en interne et dans le groupe en sorte que l'employeur n'avait pas d'autre possibilité que de licencier son salarié.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique soutient qu'il y a lieu de se référer à la Convention collective applicable tout à fait claire qui la lie et qui réserve le bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement - plus favorable - à deux situations spécifiques : la suppression de poste et l'insuffisance professionnelle.

Elle en déduit que Monsieur [J] [J] ne peut se prévaloir de discrimination ou d'inégalité de traitement puisque tous les autres cas de rupture (dont le licenciement pour inaptitude) sont soumis au même régime et bénéficient de l'indemnité légale. Elle ajoute que cette particularité a été voulue par les partenaires sociaux et s'impose à elle et fait valoir que l'existence d'inégalités de traitement est consubstantielle aux relations de travail, voulue par la loi elle-même (régime du licenciement économique ou du licenciement pour inaptitude professionnelle par ex.) sans que cela ne crée une rupture dans le principe d'égalité.

Reste à Monsieur [J] [J] à prouver, pour pouvoir bénéficier de la jurisprudence de la Cour de cassation, que son licenciement a été abusif, ce qu'il ne fait pas.

MOTIFS

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

La demande de Monsieur [J] [J] est fondée sur deux moyens :

* le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ;

* le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.

Sur le premier moyen, il résulte des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés.

Le manquement à l'obligation de sécurité de résultat est caractérisé soit par un comportement fautif imputable à l'employeur (ou à l'un de ses salariés) ayant pour effet de porter atteinte à la santé ou à la sécurité du salarié, soit par un événement extérieur ayant les mêmes effets dont l'employeur aurait été informé et auquel il se serait abstenu de remédier ou auquel il aurait donné une réponse inappropriée.

En l'occurrence, Monsieur [J] [J] reproche à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique (et plus précisément à ses cadres dirigeants ) de l'avoir exposé à un stress prolongé occasionné par :

* la multiplication de plans objectifs à atteindre ;

* le maintien d'une pression permanente pour obtenir des résultats toujours plus élevés ;

* la mise en oeuvre de méthodes relevant de la stigmatisation et du dénigrement

qui l'ont conduit à un épuisement professionnel ayant entraîné une dégradation de son état de santé.

Cependant, après exclusion des divers tracts syndicaux dont la plupart ne sont pas datés, sont postérieurs au départ de Monsieur [J] [J] de l'agence, ou concernent des caisses autres que celles du CMMA et qui sont plutôt axés sur les 'stress' et phénomènes de 'burn out' recensés chez 'des conseillers clientèle', il apparaît que l'essentiel des pièces produites par Monsieur [J] [J] atteste certes de la mise en place d'actions ciblées à mettre en oeuvre par les agences bancaires du groupe mais dont Monsieur [J] [J] ne démontre pas qu'elles lui imposaient, en tant que directeur d'agence, une charge de travail excessive, étant observé que l'appelant ne soutient même pas qu'il ait été contraint d'effectuer des heures supplémentaires pour y faire face.

La situation de pression permanente est censée découler des actions incessantes dont la direction exigeait la mise en oeuvre et des contrôles opérés par cette même direction sur les directeurs d'agences. Cependant et là encore les pièces produites par Monsieur [J] [J] n'apparaissent pas probantes, ainsi :

* des opérations de contrôle des caisses illustrées par la création d'un poste de responsable d'inspection chargé de vérifier : la conformité du fonctionnement des caisses avec les règles de sécurité informatique, la sécurité des bâtiments, le respect des dispositions légales et réglementaires, des règles de gestion et d'usage des outils mis à disposition des caisses.

Ces opérations de contrôle donnent lieu notamment à un compte rendu annuel détaillé sur le fonctionnement de l'ensemble des caisses, dit 'synthèse des révisions réalisées' dont l'objet est de 'sensibiliser sur les risques les plus sensibles et ceux qui font l'objet d'une couverture insuffisante au sein de notre réseau de caisses'. Monsieur [J] [J] produit celui de 2010, qui pointe des anomalies ou irrégularités relevées et les moyens à mettre en oeuvre pour y remédier, comporte des encouragements lorsque des améliorations ont été constatées et la reconnaissance des situations satisfaisantes. Un tel document relève du contrôle de fonctionnement normal et nécessaire des groupes bancaires sur leurs établissements locaux et ne saurait être assimilé à une méthode relevant de la stigmatisation ou du dénigrement et ce d'autant moins qu'il est rédigé en termes objectifs et qu'il concerne l'ensemble des caisses sans distinction.

* des 'Flashes commerciaux', bulletins mensuels apparemment destinés aux directeurs d'agences, qui sont des bilans : des actions menées au cours du mois, des objectifs fixés, des moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre et des résultats d'ores et déjà obtenus : seules les caisses ayant réussi à atteindre ces objectifs sont désignées pour des félicitations (étant observé que celle qui était dirigée par Monsieur [J] [J] y figure à plusieurs reprises). Ces documents qui sont conçus comme des outils destinés à la mise en oeuvre de la politique commerciale définie par la direction de l'entreprise et ont pour objet d'entretenir un esprit d'émulation raisonnée ne peuvent être assimilés à des moyens de pression ou de stigmatisation dès lors que les objectifs à atteindre - dont le caractère démesuré ou excessif n'est pas établi - sont assortis de conseils et mesures d'accompagnement, que les caisses les moins performantes n'y sont pas citées, qu'ils sont rédigés en termes neutres et mesurés.

* des courriels directement adressés à Monsieur [J] [J], qui ne démontrent pas contrairement aux allégations de l'appelant qu'il était constamment contraint de 'rendre compte' et dont deux seulement comportent des 'critiques' :

- un message du 04 novembre 2010 constatant l'absence de mise en oeuvre d'une action (Equipement Epargne), abstention que Monsieur [J] [J] ne conteste pas et pour laquelle il ne donne aucune explication sur les difficultés qu'il aurait pu rencontrer pour la mettre en place. Les termes restent objectifs et sont dépourvus d'agressivité, et d'atteinte personnelle. Le message se termine ainsi :

'Merci de me communiquer en retour les actions correctives engagées à cette fin. Je sais que je peux compter sur ton engagement. Bien cordialement'

- un échange de messages relatifs à une action de communication ou de partenariat avec les Galeries Lafayette que Monsieur [J] [J] avait apparemment engagée sans l'accord préalable de sa direction ce qui lui a été rappelé. Non seulement l'appelant n'a pas été 'sanctionné' pour ce manquement, mais l'action en cause a été 'exceptionnellement' et 'cordialement' autorisée, même si Monsieur [J] [J] a fait le choix d'y renoncer, ce pour quoi il a également été approuvé.

Le courriel du 7 juillet 2010 également évoqué par Monsieur [J] [J] dans ses écritures est adressé à l'ensemble des directeurs d'agence et relève un manquement caractérisé (dossiers retournés incomplets ou avec retard) que ne conteste pas Monsieur [J] [J] et dont il n'est pas même soutenu qu'il s'appliquait à l'agence qu'il dirigeait.

Enfin, Monsieur [J] [J] ne peut sérieusement soutenir que des documents reçus au cours des mois d'octobre et novembre 2010 l'auraient déterminé à se lancer dans une course à corps perdu dans la performance - qui serait à l'origine de sa dépression - dont les résultats se seraient révélés en septembre 2010. Il en va de même des incitations financières à la course aux objectifs dénoncées par l'appelant qui n'existaient pas à l'époque des faits.

Il en découle que si la dégradation de l'état de santé de Monsieur [J] [J] est établie par la communication de plusieurs certificats médicaux émanant notamment d'un médecin psychiatre, les griefs reprochés à l'employeur quant aux méthodes de travail mises en place et aux pressions anormales exercées sur les directeurs d'agence ne sont pas établis.

Il apparaît en outre que contrairement aux allégations de l'appelant, aucune des pièces produites n'établit qu'il avait fait part - à d'autres que ses médecins - des perturbations de sa santé apparues en 2010, a fortiori des liens prétendus entre cette dégradation et ses conditions de travail :

- le mail du 26 février 2010 que Monsieur [J] [J] concluait ainsi qu'il suit :

'Pour votre information compte tenu de votre comportement insistant et non à l'écoute sachant que nous vous avons démontré que ce dossier est carré m'empêche de travailler en toute sérénité ; Je pars donc chez le médecin et compte lui parler du harcèlement moral' doit être replacé dans son contexte à savoir celui d'un différend opposant Monsieur [J] [J] à d'autres cadres à propos d'un dossier SOCOLIA dans lequel il était réclamé à Monsieur [J] [J] des documents que celui-ci affirmait avoir déjà fournis, l'allusion soudaine à la dénonciation d'un harcèlement moral résonnant plus comme l'expression d'une exaspération que comme celle d'une réelle souffrance, ce que confirme au demeurant le certificat médical produit par Monsieur [J] [J] dans lequel à la suite de l'exposé du principal motif de consultation (étranger au harcèlement moral allégué) son médecin conclut 'il est en période de stress professionnel', ce qui est très largement en deçà des accusations de harcèlement moral que portera ensuite Monsieur [J] [J] à l'encontre de son employeur et qu'il ne reprend d'ailleurs pas devant la cour. Il sera au demeurant observé que les propos du salarié, menaçant de dénonciation, ne se situent pas dans la période au cours de laquelle il a commencé à ressentir des troubles dépressifs et qu'ils ne se sont accompagnés ou n'ont été suivis d'aucune demande de soutien ou d'entretien.

- il ressort des propres pièces de Monsieur [J] [J] que l'entrevue qu'il avait sollicitée avec le directeur général en avril 2010 lui a été accordée. Cependant rien ne permet de déterminer quel était l'objet de cet entretien en sorte que Monsieur [J] [J] ne peut le mettre en lien avec le mal-être prétendument ressenti à cette époque.

- l'appel téléphonique du 10 novembre 2010 de Mme [J], avait, selon l'attestation de celle-ci, pour seul objet de signaler 'l'incapacité de son mari à se rendre à une réunion du 10 novembre 2010" la circonstance que celle-ci ait téléphoné en pleurs n'étant pas nécessairement significative pour son interlocuteur de la nature des troubles ressentis par Monsieur [J] [J] pas plus d'ailleurs que d'une relation entre cet état émotionnel et l'état de son époux.

Il en découle que Monsieur [J] [J] ne rapporte pas la preuve de comportements imputables à l'employeur ou à l'un de ses subordonnés, propres à générer une dégradation de son état de santé, ni d'une absence de réponse appropriée de l'employeur au signalement d'une souffrance au travail.

S'agissant des manquements de l'employeur à son obligation de reclassement, ensuite, Monsieur [J] [J] reproche à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique :

* de lui avoir communiqué des propositions de reclassement avant de connaître l'avis du médecin du travail,

* de lui avoir communiqué des propositions de postes qui n'étaient pas précises ;

* de ne pas démontrer que des recherches sérieuses et loyales ont été entreprises au niveau du groupe.

Or, le premier argument est contraire aux pièces produites puisque les avis d'inaptitude établis par le médecin du travail datent du 13 décembre 2010 et 10 janvier 2011 alors que les quatre propositions de reclassement faites par la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique datent des 25 et 28 janvier 2011.

Ces propositions (deux postes de directeur de caisse, un poste de chargé de clientèle professionnelle, un poste de chargé de clientèle patrimonial) sont en outre accompagnées d'un descriptif précis et détaillé des postes proposés dont il sera observé que deux d'entre eux correspondaient exactement aux fonctions exercées par Monsieur [J] [J].

Il sera enfin rappelé qu'à la suite de ces propositions, le médecin du travail, interrogé par l'employeur sur leur compatibilité a clairement précisé que Monsieur [J] [J] était 'inapte à tous les postes de l'entreprise et du groupe' en sorte qu'aucun des postes envisagés n'était compatible, ni aucune adaptation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail, dès lors qu'ils correspondaient à des emplois au sein du groupe. Il ne peut dès lors être fait grief à l'employeur de n'avoir pas effectué d'autres recherches au sein du groupe puisque l'intégralité de ce périmètre avait été exclue par le médecin du travail.

La demande de Monsieur [J] [J] ayant pour objet de faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est dès lors pas fondée et le jugement qui l'a débouté de cette demande doit être confirmée.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Les parties s'accordent à reconnaître l'application de la Convention collective du personnel du [Adresse 3] du 22 octobre 2004, qui est au demeurant expressément mentionnée sur les bulletins de salaire de Monsieur [J] [J] et dont l'article 16 -2 consacré à 'l'indemnité conventionnelle de licenciement' était ainsi rédigé (une nouvelle rédaction étant depuis lors entrée en vigueur) :

'Par dérogation aux dispositions légales, l'indemnité versée en cas de licenciement pour suppression d'emploi une insuffisance professionnelle calculée sur la base du dernier mois de traitement tel que défini à l'article 7.2 de la présente convention est égale à (....) Pour les cadres : 45 % d'un mois de traitement brut par semestre de service au Crédit Mutuel avec un maximum de 22 mois de traitement.

Seuls les semestres complets de services entrent en compte pour la détermination de l'indemnité de licenciement qui est calculée sur le traitement final du salarié licencié et non sur la moyenne des traitements mensuels qu'il a reçus depuis un certain nombre de mois.

Toutefois en cas de suppression d'emploi l'indemnité de licenciement est calculée sur la base du traitement brut conventionnel annuel y compris le 13ème mois et la prime enfant, sauf l'intéressement si ce mode de calcul est plus favorable. Les taux ci-dessus 45% et 22,5 % passent respectivement à 50 % et 25 % avec un maximum de 18 mois de traitement pour les employés et les techniciens et de 24 mois de traitement pour les cadres.

L'indemnité de licenciement ne dispense pas l'employeur du versement du 13ème mois prorata temporis. S'il était établi que le paiement de l'indemnité a donné lieu à des abus, la question devrait faire l'objet d'un règlement établi en commission paritaire.'

Après avoir rappelé que la jurisprudence considérait cette clause applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [J] [J] soutient qu'elle ne peut être écartée en cas de licenciement pour inaptitude sous peine d'instaurer un régime discriminatoire lié à l'état de santé.

La Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique conteste cette analyse en faisant valoir que les termes de l'article 16-2 sont le fruit de la négociation collective et s'imposent à l'employeur comme au salarié, et que cette clause ne revêt pas de caractère discriminatoire mais instaure une indemnité spécifique pour deux types de licenciement, l'indemnité due dans les autres cas de rupture relevant de l'application des dispositions légales, qu'enfin il ne suffit pas de constater une inégalité de traitement pour établir la preuve d'une discrimination, la loi créant elle-même de telles différences.

Il est incontestable que Monsieur [J] [J], qui a été licencié pour inaptitude totale et définitive, ne relève pas de l'application de l'article 16-2 de la Convention collective applicable dans ses relations avec la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique qui réserve le bénéfice de l'indemnité conventionnelle qu'elle détermine aux salariés licenciés pour 'suppression d'emploi 'et 'insuffisance professionnelle' .

Cependant, selon l'article L 1132-1 du Code du travail :

'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'

Le principe de non discrimination proclamé par la loi relève d'un droit fondamental auquel ne saurait déroger les partenaires sociaux, dont l'application des accords doit être écartée s'ils ne sont pas conformes au respect des droits fondamentaux des personnes au travail.

En l'occurrence, il résulte de la clause précitée que dans toutes les hypothèses de rupture du contrat à l'initiative de l'employeur pour motif personnel, les salariés y compris ceux qui sont licenciés pour insuffisance professionnelle bénéficient de l'application de la clause conventionnelle contestée, hormis ceux qui sont licenciés pour motif disciplinaire ou pour inaptitude.

Si l'on peut admettre que le motif disciplinaire du licenciement constitue une situation 'objective et raisonnablement justifiée' d'exclusion du bénéfice de la clause

conventionnelle plus favorable, rien ne justifie en revanche une telle exclusion au détriment des salariés licenciés pour cause d'inaptitude, qui caractérise dès lors une discrimination fondée sur l'état de santé des salariés et justifie l'application au profit de ceux qui en sont victimes de l'indemnité conventionnelle litigieuse.

Le calcul du montant réclamé à ce titre par Monsieur [J] [J] sur la base d'une rémunération brute de 5.157,97 € et d'une ancienneté de 43 semestres, non contestées, est conforme à celui de l'article 16-2 de la Convention collective du personnel du [Adresse 3] du 22 octobre 2004 et doit en conséquence être retenu.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de BAYONNE qui a considéré que Monsieur [J] [J] ne pouvait bénéficier de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de lui allouer le montant correspondant à cette indemnité déduction faite de la somme déjà versée par la caisse au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il appartient à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique qui succombe, de supporter la charge des dépens de l'instance d'appel et de verser à Monsieur [J] [J] une indemnité de procédure de 1.500 €.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de BAYONNE sauf en ce qu'il a jugé que Monsieur [J] [J] ne pouvait bénéficier de l'indemnité conventionnelle de licenciement et a condamné la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique à lui payer une somme de 1.075,83 € à titre de complément d'indemnité légale de licenciement ;

ET STATUANT À NOUVEAU DE CE CHEF :

DIT que l'exclusion du licenciement pour inaptitude du bénéfice de l'indemnité conventionnelle par l'article 16-2 de la Convention collective du personnel du [Adresse 3] du 22 octobre 2004 a un caractère discriminatoire et ne peut donc être appliqué à Monsieur [J] [J] ;

CONDAMNE en conséquence la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique à payer à Monsieur [J] [J] une somme de 66.902,49 € (soixante six mille neuf cent deux euros et quarante neuf centimes) à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Midi Atlantique aux dépens de l'instance d'appel et à payer à Monsieur [J] [J] une indemnité de procédure de 1.500 € (mille cinq cents euros).

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03651
Date de la décision : 17/03/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/03651 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-17;13.03651 ?
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