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21/05/2015 | FRANCE | N°14/01219

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 21 mai 2015, 14/01219


SG/SB



Numéro 15/02031





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 21/05/2015









Dossier : 14/01219

14/01287





Nature affaire :



- Contredit



- Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire opposant :



[O] [R]



à



SAS PROS-CONSULTE







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mai 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième...

SG/SB

Numéro 15/02031

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 21/05/2015

Dossier : 14/01219

14/01287

Nature affaire :

- Contredit

- Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire opposant :

[O] [R]

à

SAS PROS-CONSULTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mai 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 30 Mars 2015, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

DEMANDERESSE AU CONTREDIT ET APPELANTE A L'APPEL :

Madame [O] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SCP ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE

DÉFENDERESSE AU CONTREDIT ET INTIMÉE A L'APPEL:

SAS PROS-CONSULTE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante en la personne de Monsieur CAMARD, Président, assisté de la SCP BACHY - VALTON - CORNAUD, avocats au barreau de LORIENT

sur contredit et appel de la décision

en date du 06 MARS 2014

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

L'activité de la SAS PROS-CONSULTE (la société) consiste à mettre en relation des professionnels avec des internautes, au moyen d'une plate-forme Internet, dans le cadre de l'exercice de leur activité.

Mme [O] [R] a conclu avec la société le 9 janvier 2012 une convention intitulée « contrat de collaboration » qui fixe ses conditions de participation de psychologue clinicienne à la plate-forme Internet « prosconsulte.com » et « jeconsulteunpsy.com », destinée à l'écoute et au soutien par téléphone d'employés et de cadres d'entreprises rencontrant des problèmes de souffrance au travail.

La convention faisait obligation à Mme [R] de disposer d'un ordinateur connecté à une ligne ADSL, de posséder une ligne téléphonique fixe et de consacrer 8 heures de connexion au minimum par semaine à la plate-forme, avec inscription des heures sur un planning, contre rémunération d'un montant de 50,16 euros par heure de consultation.

La convention prévoyait en outre une période d'essai de 3 mois, et un avenant a précisé le montant de certaines consultations.

Le 30 avril 2012 le président de la société a informé Mme [R], par téléphone, qu'il n'entendait pas poursuivre leur collaboration.

Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne, par requête en date du 30 mai 2012 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que la société soit condamnée à lui régler : 2.200 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 12.000 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L8223-1 du code du travail ; 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la société soit condamnée à lui délivrer les bulletins de salaire correspondant au mois de janvier à avril 2012.

In limine litis, et à titre principal, la société a soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit soit du Tribunal de Grande Instance, soit du tribunal de commerce.

À défaut de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement qui, par décision du 28 novembre 2013, s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement du 6 mars 2014, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Bayonne (section activités diverses), statuant après avoir pris l'avis des conseillers présents, a ainsi statué :

- Se déclare incompétent pour connaître des demandes formulées par Mme [R] à l'égard de la société au profit du tribunal de commerce ou du Tribunal de Grande Instance,

- invite Mme [R] à mieux se pourvoir,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- réserve les dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 25 mars 2014, Mme [R], représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement.

Cet appel a été enregistré sous le RG 14/01219.

Par courrier du 21 mars 2014 Mme [R], représentée par son conseil, a formé contredit à l'encontre du jugement.

Ce contredit a été enregistré sous le RG 14/01287.

Les 2 procédures seront jointes sous le numéro RG 14/01219.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Mme [R], par conclusions écrites, déposées le 8 septembre 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bayonne le 6 mars 2014 en ce qu'il a déclaré incompétente la juridiction prud'homale pour statuer sur les demandes qu'elle a présentées,

- dire que le contrat qui la liait à la société est un contrat de travail dont les modalités d'exécution et de résiliation relèvent du contrôle du conseil de prud'hommes,

- évoquer le fond conformément aux dispositions de l'article 89 du code de procédure civile et condamner la société à lui régler les sommes de :

* 2.200 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 12.000 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L8223-1 du code du travail, sanctionnant le travail dissimulé,

- condamner la société à lui délivrer les bulletins de salaire des mois de janvier à mai 2012, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société à lui régler une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [R] soutient qu'elle était liée par un contrat de travail aux motifs que le contrat de collaboration, son avenant et les conditions dans lesquelles elle a exercé ses fonctions, doivent être considérés comme ayant établi une relation de subordination.

Elle fait valoir que :

- la présomption de non salariat instaurée par les dispositions de l'article L8221-6 du code du travail, qui précisent que les personnes physiques immatriculées auprès des URSSAF sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail, est une présomption simple ;

- l'indépendance technique n'est pas incompatible avec l'état de subordination ;

- dans son cas, le lien de subordination est caractérisé par :

une période probatoire d'essai de 3 mois ;

l'obligation de disposer d'un ordinateur connecté à une ligne ADSL et celle de posséder une ligne téléphonique fixe ;

l'interdiction d'utiliser un téléphone portable ;

l'obligation de consacrer au minimum 8 heures de présence connectée sur la plate-forme Internet, et de porter ces heures sur un planning ;

l'impossibilité de se faire remplacer ;

l'interdiction d'indiquer aux utilisateurs des informations la concernant et leur permettant d'entrer directement en relation avec elle au téléphone ;

l'obligation de limiter à 3 appels les entretiens avec les salariés sollicitant son intervention dans le cadre de ce service et celle d'en référer immédiatement à un psychologue référent dans le cas où le nombre des appels dépasserait cette fréquence ;

l'obligation d'établir des comptes-rendus d'activité ;

- la société lui donnait des instructions qui concernaient l'exercice même de ses fonctions et les modalités de son intervention étaient précisément déterminées et limitées.

La société, par conclusions écrites, déposées le 5 août 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

In limine litis, vu les articles 75 du code de procédure civile et L 1411-1 et L8221-6 du code du travail,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bayonne le 6 mars 2004 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit soit du tribunal d'instance, soit du tribunal de commerce, et inviter Mme [R] à mieux se pourvoir,

si, par extraordinaire, la cour s'arrogeait la compétence et statuait sur le fond de l'affaire, à titre subsidiaire :

- dire mal fondée l'action de Mme [R] à l'encontre de la société, faute de contrat de travail entre les parties,

- rejeter en conséquence en intégralité les demandes, fins et conclusions formalisées par Mme [R],

en tout état de cause :

- condamner Mme [R] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société fait valoir que :

- elle n'exerce pas l'activité de psychologue, mais est une entreprise commerciale qui ne fait que proposer un service ; il s'agit d'un outil informatique mis à disposition moyennant rémunération mais qui ne fait pas de la société une société de psychologues et encore moins un employeur capable de donner des directives ou ordres à des psychologues dans l'exercice de leur profession et de leur art ;

- dans son CV Mme [R] a exposé être indépendante et avoir son propre cabinet ;

- sur Internet elle fait la publicité de son activité professionnelle en indiquant qu'elle partage son activité entre l'accueil de patients dans son cabinet et l'intervention auprès des entreprises et des institutions ;

- elle a indiqué son numéro SIRET et le dernier avis de situation relevé auprès de l'INSEE fait état qu'elle est indépendante depuis le 3 janvier 2011 ;

- Mme [R] ne donne aucun élément probant pour renverser la présomption de l'article L8221-6 du code du travail et l'existence d'un lien de subordination n'est pas démontrée ;

- sur les 8 heures de présence connectée, lorsque le psychologue est connecté il est à son cabinet et profite de plages horaires libres pendant ses heures de travail à son cabinet pour répondre aux appels reçus par l'intermédiaire de la plate-forme : il n'est pas demandé d'assurer 8 heures d'entretiens téléphoniques par semaine avec des patients ;

- la société n'a jamais donné d'instructions à Mme [R] pour l'exercice de son art ;

- sur le psychologue référent : dans le cadre des contrats avec les entreprises clientes, les psychologues s'organisent de telle manière que l'un d'eux soit référent dans sa zone géographique ;

- les rapports individuels des psychologues, consultés par des salariés, permettent d'assurer une meilleure gestion par l'entreprise de son personnel et des problèmes rencontrés au travail, et ne sont pas des instructions sur des missions précises.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Concernant la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article 80, alinéa 1, du code de procédure civile, lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit, quand bien même le juge aurait tranché la question de fond dont dépend la compétence.

En l'espèce, le premier juge ne s'est prononcé que sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige, de sorte qu'il y a lieu de dire l'appel irrecevable.

Concernant la recevabilité du contredit :

La déclaration de contredit a été faite dans les formes et délais prescrits par la loi, de sorte qu'il sera déclaré recevable en la forme.

Concernant l'exception d'incompétence :

En vertu de l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail.

Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s'engage, moyennant une rémunération, à mettre son activité à la disposition d'une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

L'existence d'une relation de travail ne dépend donc ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.

En l'absence de l'existence d'un contrat de travail écrit, il incombe à celui qui se prévaut de l'existence du contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, les parties ont conclu le 9 janvier 2012 une convention intitulée « contrat de collaboration » qui prévoit notamment que Mme [R] certifie être en règle avec les inscriptions professionnelles et les cotisations y attenant, telle que l'URSSAF, stipulation en vertu de laquelle la société, arguant également de l'inscription de Mme [R] au répertoire Siren au titre de son activité principale exercée (APE- 8690F-activités de santé humaine non classées ailleurs), invoque l'article L8221-6 du code du travail qui dispose que sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à l'immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.

Mais, ainsi que le soutient Mme [R], il s'agit d'une présomption simple qui peut être renversée par la preuve de l'existence d'un lien de subordination.

Le contrat liant les parties stipule notamment que :

« Pros-Consulte s'engage à mettre à la disposition du PSYCHOLOGUE l'outil informatique de plateforme nommé 'je consulte un psy.com' et 'pros-consulte.com' en lui donnant les codes d'accès nécessaires à son utilisation en tant que psychologue consultant.

Le PSYCHOLOGUE s'engage à disposer d'un ordinateur connecté à une ligne ADSL en état de marche.

Le PSYCHOLOGUE s'engage à posséder une ligne fixe. Il est donc possible d'exercer cette activité de n'importe quel lieu. Il est impossible d'utiliser les téléphones portables, la qualité ne permettant pas, selon nos services informatiques, de garantir la qualité requise aux entretiens téléphoniques. Aucune activité n'est possible à partir d'une ligne mobile, quel que soit l'opérateur. Il est d'autre part fortement conseillé d'acquérir un poste téléphonique avec ampli et casque à fil, pour le confort du psychologue et des appelants. »

Ainsi, une partie du matériel était fournie par la société (l'outil informatique), et, si le reste du matériel nécessaire à l'exercice de l'activité devait être possédé par Mme [R], et donc être sa propriété, elle n'avait cependant pas le choix du matériel à utiliser, puisqu'il lui était imposé de disposer d'un ordinateur connecté à une ligne ADSL et de posséder une ligne fixe, mais encore, et surtout, il lui était interdit d'utiliser certains modes de communication, tels que les téléphones portables.

S'il est compréhensible que pour l'exercice de l'activité concernée il était impossible, ou en tout cas préférable, de ne pas utiliser de téléphone portable, il n'en reste pas moins qu'il s'agissait d'une limite aux conditions d'exercice de l'activité, qui ne pouvait donc pas se faire librement, et était donc soumise à des contraintes imposées, indice de l'existence d'un lien de subordination.

De même, si le contrat stipule qu'il est possible d'exercer l'activité de n'importe quel lieu, cette liberté du choix du lieu d'exercice est cependant limitée du fait de l'interdiction, ou de l'impossibilité, d'utiliser un téléphone portable, ce qui impose par conséquent que l'activité ne peut pas être exercée de n'importe quel lieu, indice de l'existence d'un lien de subordination.

Le contrat stipule encore que « le psychologue s'engage à allouer au minimum 8 heures de présence connectée sur la plate-forme « Pros-Consulte » par semaine.

La société fait valoir qu'il n'était pas pour autant demandé d'assurer 8 heures d'entretiens téléphoniques par semaine avec des patients et lorsque Mme [R] était connectée à son cabinet elle profitait de plages horaires libres pendant ses horaires de travail pour répondre aux appels reçus par l'intermédiaire de la plate-forme.

Il s'agissait cependant d'un volume horaire imposé au point qu'en cas de non-respect de ce volume la société se réservait le droit de résilier de plein droit le contrat ainsi qu'il est stipulé dans le dernier alinéa de celui-ci (« faute de connexion du maximum convenu de 8 heures par semaine, ou d'absence totale de connexion pendant 3 mois, le présent contrat sera résilié de plein droit, sans préavis ni indemnités »), ce qui caractérise, outre un volume horaire imposé, l'exercice d'un pouvoir de sanction, indice de l'existence d'un lien de subordination.

Pour contester l'existence d'une relation salariale, la société fait notamment valoir qu'elle n'exerce pas l'activité de psychologue, mais qu'elle est une entreprise commerciale qui ne fait que proposer un service, en l'espèce une plate-forme Internet, aux professionnels concernés, à savoir des psychologues, comme moyen moderne d'exercice de leur profession indépendante (conclusions écrites page 4).

Mais, l'activité de psychologue de Mme [R] n'était cependant pas exercée de manière libre et indépendante, puisqu'elle ne pouvait pas être appelée plus de 3 fois sur une durée de 30 jours par le même salarié. En effet, l'avenant au contrat stipule : « Dans le cas où un salarié appelle le Psychologue plus de 3 fois sur une durée de 30 jours, le Psychologue doit en informer immédiatement le psychologue référent correspondant. L'échange avec le psychologue référent permettra de prendre ensemble la décision de continuer les appels, sous la responsabilité du psychologue référent, ou d'interrompre ceux-ci, auquel cas, le psychologue référent pourra le notifier dans son rapport mensuel. »

Ainsi, Mme [R] ne pouvait pas librement décider de poursuivre, ou non, avec le même salarié les échanges entrepris, et s'il était décidé qu'elle pouvait poursuivre les appels cela ne pouvait se faire que sous la responsabilité d'un autre professionnel, dans des conditions fixées par la société qui, par ailleurs, était tenue informée de certaines situations telles que le risque de passage à l'acte, l'avenant prévoyant qu'une telle information était donnée au psychologue référent « et au responsable de Pros-Consulte le jour même ».

En outre, les psychologues référents devaient être tenus informés par Mme [R] de ses rapports mensuels d'activité, et lorsque cela n'était pas fait, le président de la société le lui rappelait comme ce fut le cas par son courriel du 8 mai 2012.

Si les rapports mensuels ne faisaient pas état du contenu des séances, mais seulement du nom du salarié et du nombre de séances mensuelles, ainsi que cela est mentionné dans l'avenant au contrat, il s'agissait malgré tout d'une modalité de contrôle de l'activité de Mme [R], comme cela lui a également été rappelé par un courriel de la directrice générale qui lui demandait de noter les appels provenant des entreprises avec la date du jour de l'appel.

Ainsi, la mise à disposition d'une partie du matériel nécessaire à l'exercice de l'activité, les conditions d'exercice du matériel détenu par Mme [R], pendant un volume horaire fixé et l'obligation de référer à un autre professionnel dans des conditions fixées par la société caractérisent l'intégration de l'activité à un service organisé qui constitue un autre indice de l'existence d'un lien de subordination.

De plus, Mme [R] n'avait pas le choix des personnes avec lesquelles elle pouvait être en relation professionnelle, non seulement en ce qu'elle ne pouvait pas choisir les personnes qui solliciteraient son écoute et son aide, ce qui n'est pas en soi et à lui seul un élément suffisant pour caractériser une relation salariale, mais surtout en ce qu'elle ne pouvait pas choisir de garder, ou de ne pas garder, telle personne avec laquelle elle allait être en relation par le biais de la plate-forme Internet en fonction de la problématique rencontrée, puisque, par exemple, l'avenant au contrat de collaboration stipule, à la rubrique cadre, que « le psychologue prendra en charge les appels des salariés, que ces appels soient liés à son activité professionnelle ou à des problématiques personnelles », ou encore lui interdit d'assurer des entretiens lors d'appels de salariés dans un état alcoolisé ou sous l'emprise de médicaments, de même qu'elle ne pouvait pas décider du nombre d'entretiens puisque ledit avenant limite le nombre des appels à 3, ou encore elle ne pouvait pas décider de la nature des informations échangées avec son interlocuteur puisque par le contrat il lui était fait obligation « de ne pas indiquer aux utilisateurs des informations la concernant et leur permettant de la contacter en direct au téléphone ».

De même, elle n'avait pas dans son activité la liberté de déterminer l'orientation à donner à la personne avec laquelle elle serait en relation et en fonction de la problématique rencontrée, puisque l'avenant au contrat prévoit que « dans le cas où un salarié appelle le psychologue plus de 3 fois sur une durée de 30 jours, le psychologue doit en informer immédiatement le psychologue référent correspondant », ce qui caractérise, outre l'existence d'une activité intégrée à un service organisé ainsi qu'il a été dit précédemment, le fait que son activité était exercée selon les directives qui lui étaient données et dans des limites qui lui étaient fixées.

La limitation de sa liberté dans l'exercice de son activité ressort également de ce qu'elle ne maîtrisait pas les orientations qu'elle pouvait donner à son interlocuteur en fonction de la problématique rencontrée puisque par courriel la directrice générale, Madame [W] [D], a notamment rappelé que lorsque la prise en charge dépasse 3 appels l'appelant doit être envoyé à la médecine du travail.

Les instructions données à Mme [R] pour l'exercice de son art vont même au-delà de consignes générales puisque dans un courriel la directrice générale écrit notamment, dans un chapitre intitulé « prise en charge de [B] de la CPM 93 » : « j'ai demandé à [O] (0061) avec qui elle a un bon contact de la cadrer à une séance de travail par semaine », dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de Mme [R] sous le nom de « [O] » à qui il est ainsi fixé le nombre de séances par semaine à consacrer à cette personne, ce qui relèverait pourtant manifestement de l'appréciation du professionnel qu'est le psychologue dans le cadre d'un exercice libéral, et constitue donc par cette limitation à la liberté d'exercice de son activité une instruction, une directive et donc un indice de l'existence d'un lien de subordination.

Dans un autre courriel du 23 mars 2012 la directrice générale réitère ses instructions à Mme [R] au sujet de la même personne, [B], en écrivant notamment : « le but du jeu est déjà de la cadrer en lui disant que vous êtes sa psy sur la plate-forme, ensuite de faire en sorte qu'il y ait un travail suivi. Il ne peut pas y avoir d'avancée si la personne change de psy chaque jour », ce qui là encore constitue une directive dans l'exercice de l'activité en ce qu'il est indiqué ce qui devra être fait, et donc caractérise une consigne touchant au contenu même de l'activité et un contrôle effectif du travail qui ne peut dès lors être considéré comme étant libre et indépendant, soit un autre indice de l'existence d'un lien de subordination..

La société ne se bornait pas à donner des instructions ou des directives à Mme [R], mais avait mis en place un système de contrôle effectif de son activité par le biais d'une « grille de compte rendu d'appel », selon les termes mêmes de la directrice générale dans un de ses courriels.

Par conséquent, il résulte de tous ces éléments qu'il était fixé des limites à la liberté de Mme [R] dans l'exercice de sa profession caractérisées par la fourniture de certains matériels, la fixation des conditions d'utilisation des matériels détenus à titre privé, le volume horaire de l'activité avec une sanction possible en cas de non respect, l'intégration à un service organisé de l'activité exercée dans le cadre d'instructions, de directives et contrôlée, soit autant d'indices qui, ensemble, démontrent l'existence d'un lien de subordination.

Il y a donc lieu de dire que les parties étaient liées par un contrat de travail, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré incompétent, d'évoquer l'affaire conformément aux dispositions de l'article 89 du code de procédure civile, et dire que la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture :

Mme [R] n'explicite pas les modalités de calcul du montant de l'indemnité compensatrice réclamée et la société se borne, non pas à contester les montants réclamés, mais à soutenir qu'en l'absence de contrat de travail Mme [R] doit être déboutée de toutes ses demandes.

Compte-tenu des modalités particulières de rémunération fixées par heure de consultation, il convient de chiffrer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis sur la base de la moyenne des rémunérations perçues sur les 3 mois pleins d'activité, soit de février à avril 2012, la somme de 1.439,79 euros (1.456,96 + 1.646,86 + 1.215,54).

La société sera également condamnée à payer à Mme [R] la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société sera condamnée à établir et à remettre à Mme [R] les bulletins de salaire des mois de janvier à mai 2012.

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L8221-6, qui renvoie à l'article L8221-5 du Code du travail, n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur s'est intentionnellement soustrait à la déclaration aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale, ou à la remise du bulletin de salaire, ou a intentionnellement mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur au nombre d'heures effectivement réalisées.

En l'espèce, aucun élément n'est produit de nature à démontrer la soustraction intentionnelle de l'employeur, la qualification du contrat liant les parties ne suffisant pas à établir cette preuve, de sorte que Mme [R] sera déboutée de ce chef de demande.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

La société, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à Mme [R] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

ORDONNE la jonction des procédures RG numéro 14/01219 et 14/01287 sous le numéro 14/01219,

DÉCLARE recevable le contredit formé le 21 mars 2014 par Mme [O] [R] à l'encontre du jugement rendu le 6 mars 2014,

DÉCLARE irrecevable l'appel formé le 25 mars 2014 par Mme [O] [R] à l'encontre du jugement rendu le 6 mars 2014,

INFIRME le jugement du 6 mars 2014 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et évoquant,

DIT que la SAS PROS-CONSULTE et Mme [O] [R] étaient liées par un contrat de travail,

En conséquence,

DÉCLARE la juridiction prud'homale compétente,

CONDAMNE la SAS PROS-CONSULTE à payer à Mme [O] [R]:

- 1.439,79 euros (mille quatre cent trente-neuf euros soixante-dix-neuf cents) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 3.000 euros (trois mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse,

- 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS PROS-CONSULTE à établir et remettre à Mme [O] [R] les bulletins de salaire pour les mois de janvier à mai 2012,

DÉBOUTE Mme [O] [R] de sa demande au titre du travail dissimulé,

CONDAMNE la SAS PROS-CONSULTE aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01219
Date de la décision : 21/05/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°14/01219 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-21;14.01219 ?
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