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07/05/2015 | FRANCE | N°13/01302

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 07 mai 2015, 13/01302


CP/CD



Numéro 15/01784





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 07/05/2015









Dossier : 13/01302





Nature affaire :



Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable















Affaire :



SA ETS CARRE



C/



CAISSE PRIMAIRE D'AS

SURANCE MALADIE DE PAU-PYRÉNÉES,



[L] [E] veuve [X],



[U] [X] épouse [K],



[W] [X]













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ...

CP/CD

Numéro 15/01784

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 07/05/2015

Dossier : 13/01302

Nature affaire :

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

Affaire :

SA ETS CARRE

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU-PYRÉNÉES,

[L] [E] veuve [X],

[U] [X] épouse [K],

[W] [X]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Mai 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Mars 2015, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA ETS CARRE venant aux droits de la société GRÈS DU COLOMBIER

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Maître GARRETA, avocat au barreau de PAU

INTIMÉS :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU-PYRÉNÉES

Service du contentieux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Comparante en la personne de Madame [Y] [Z], responsable du service contentieux, munie d'un pouvoir régulier

Madame [L] [E] veuve [X]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Madame [U] [X] épouse [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Monsieur [W] [X]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentés par Maître GARCIA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 25 FÉVRIER 2013

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE PAU

RG numéro : 20110039

FAITS ET PROCÉDURE

Par requête du 2 février 2011, Mme [L] [E] veuve [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande visant à voir reconnaître la faute inexcusable commise par la SA ETS Carre à l'égard de son époux [H] [X], décédé le [Date décès 1] 2009 des suites d'un cancer broncho-pulmonaire dont elle affirme qu'il est du à une exposition à l'amiante pendant plus de 30 ans au sein de la SA ETS Carre qui l'employait depuis 1974 jusqu'en 2002 en qualité d'ouvrier spécialisé chargé plus précisément des opérations d'émaillage à proximité immédiate de fours qui contenaient de l'amiante.

Par jugement du 25 février 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau a dit que la maladie professionnelle dont M. [H] [X] était atteint et dont il est décédé est due à la faute inexcusable de son employeur la SA ETS Carre, il a fixé au maximum le montant de la majoration de la rente et alloué au titre du préjudice personnel de M. [H] [X] la somme de 30'000 € et dit que cette indemnité doit entrer dans l'actif de sa succession, il a fixé l'indemnisation du préjudice psychologique subi par ses ayants droit aux sommes de :

30'000 € pour Mme [L] [E] veuve [X],

18'000 € pour Mme [U] [X],

18'000 € pour M. [W] [X],

- dit que les sommes fixées au titre de l'actif successoral ainsi qu'en faveur des consorts [X] seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées laquelle en obtiendra le remboursement par la SA ETS Carre augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour de leur règlement,

- il a condamné la SA ETS Carre à verser aux consorts [X] une indemnité globale de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA ETS Carre a interjeté appel de ce jugement le 4 avril 2013 dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

Les parties ont comparu à l'audience par représentation de leur conseil respectif, la CPAM de Pau-Pyrénées par représentation de Mme [Z] suivant pouvoir du 17 mars 2015 joint au dossier.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 11 mars 2015 et développées à l'audience, la SA ETS Carre demande à la cour de déclarer l'appel recevable, d'infirmer le jugement, de rejeter l'intégralité des demandes, de condamner Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants [U] et [W] [X] à payer la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux dépens.

Subsidiairement, et pour le cas où le caractère inopposable de la décision ne serait pas retenu par la cour, ordonner la désignation d'un autre CRRMP, ou ordonner en tant que de besoin une expertise technique médicale pour déterminer les conditions prétendues d'exposition à l'amiante de M. [X] au regard de l'analyse du poste de travail, du rapport de l'APAVE, du dossier médical de ce dernier, encore plus subsidiairement, réduire les indemnisations relatives au préjudice moral.

La SA ETS Carre fait valoir que les travaux exécutés par le salarié ne sont nullement associés à la production de matériaux contenant de l'amiante, que sa spécialisation industrielle ne l'a jamais conduit à utiliser de l'amiante, qu'il n'a jamais été chargé de la maintenance, ni de la conduite des fours, qu'il se trouvait placé au moins à 30 m des matériaux contenant de l'amiante et que le demandeur ne rapporte pas la preuve que la victime aurait été exposée à de l'amiante, que l'avis du professeur [J] ne s'impose pas, qu'il n'est corroboré par aucune constatation clinique ou radiologique, qu'il n'existe aucun lien entre le développement du cancer bronchique dit à petites cellules et l'inhalation de fibres d'amiante. Il est établi en revanche que le salarié était un très gros fumeur, que le demandeur n'établit aucune caractérisation évidente de l'exposition du sujet de nature à permettre d'établir une corrélation entre la pathologie dont il était atteint et le risque d'amiante dont s'agit, que les conditions cumulatives limitativement énumérées du tableau 30 bis ne sont pas remplies.

Elle ajoute enfin, qu'aucun salarié n'a été victime d'un accident du travail liée à la présence d'éléments contenant de l'amiante, qu'aucun manquement aux règles de sécurité n'a été relevé à son égard et que'Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants [U] et [W] [X] ne font pas la preuve de la conscience qu'elle pouvait avoir du danger auquel leur époux et père aurait pu être exposé ; que le décret intégrant cette pathologie au tableau 30 est en date du 22 mai 1996 et ne concerne que les travaux d'entretien ou de maintenance de matériel contenant de l'amiante, qu'elle ne peut se voir reprocher une absence particulière de protection.

Subsidiairement, sur les demandes d'indemnisation, elle précise que Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants [U] et [W] [X] bénéficient déjà d'une rente qui a vocation à indemniser le préjudice économique résultant du décès, qu'il ne peut être fait droit à la demande d'indemnisation du préjudice personnel du défunt qui, seul, est en droit d'en demander réparation, que les demandes faites au titre du préjudice moral sont disproportionnées.

*******

Par conclusions déposées le 17 mars 2015 et développées à l'audience, la CPAM Pau-Pyrénées demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la justice sur la faute inexcusable, de dire que seuls les dommages non couverts par le livre quatre du code de la sécurité sociale donnent droit à une action en réparation, de débouter Mme [X] de sa demande en réparation du préjudice économique et de condamner la SA ETS Carre à reverser à la caisse des sommes dont elle aura à faire l'avance en vertu des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale avec les intérêts au taux légal à compter du jour du règlement.

*******

Par conclusions déposées le 16 mars 2015 et développées à l'audience, Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants demandent à la cour de confirmer le jugement, de condamner la SA ETS Carre à payer la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens d'appel.

Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants font valoir que l'employeur est de mauvaise foi, que l'enquêteur a constaté l'exposition à l'amiante durant de nombreuses années en relatant les postes de travail de M. [X], que son épouse a parfaitement connaissance des conditions de travail de son défunt mari puisque elle-même a travaillé dans cette usine, que l'inhalation de poussières d'amiante sur de nombreuses années est la démonstration de la faute inexcusable.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond,

Il a déjà été statué par cette même cour sur la prise en charge à titre professionnel du caractère professionnel de la maladie et du décès de M. [H] [X] et sur le caractère inopposable de la décision de prise en charge à titre professionnel de la maladie et du décès de M. [H] [X] de telle sorte que la cour n'a pas à examiner à nouveau cette question et n'a à répondre qu'à la demande relative à la faute inexcusable.

En effet, par application du principe de l'indépendance des rapports victime/caisse et employeur/caisse, la décision d'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge d'une part, n'a pas pour conséquence de remettre en cause les rapports entre la caisse et le salarié, et donc n'a pas pour conséquence de remettre en cause la prise en charge de la maladie du salarié par la caisse au titre de la législation professionnelle et d'autre part, fait obstacle à la contestation par l'employeur de cette reconnaissance, puisque celle-ci lui est déclarée inopposable.

En revanche, en application du même principe de l'indépendance des rapports victime/caisse, employeur/caisse et victime/employeur, le salarié, en dépit de la déclaration d'inopposabilité à l'employeur, la victime ou ses ayants droit ne sont pas privés du droit de demander la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de prétendre aux indemnisations complémentaires y afférent.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et accidents du travail soit du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou d'un manquement aux règles d'hygiène ou de sécurité de sorte que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il appartient donc à Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants [U] et [W] [X] de démontrer d'une part, que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'avait pris aucune mesure pour l'en préserver.

Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants [U] et [W] [X] ne développent aucun argument à cet égard devant la cour, la seule affirmation du fait que l'inhalation de poussières d'amiante sur de nombreuses années est la démonstration de la faute inexcusable ne peut être retenue en l'absence de toute autre argumentation.

La SA ETS Carre indique, à bon droit, que le décret intégrant cette pathologie au tableau 30 est en date du 22 mai 1996 et ne concerne que les travaux d'entretien ou de maintenance de matériel contenant de l'amiante ou de production de matériau contenant de l'amiante, qu'elle ne se voit pas reprocher une absence particulière de protection et que les intimés n'offrent même pas de démontrer qu'elle avait conscience du danger auquel était exposé le salarié.

En l'absence de démonstration reposant tant sur des éléments concernant la conscience que la SA ETS Carre aurait dû avoir du danger existant en relation avec une exposition à l'amiante que sur l'absence de mesures nécessaires pour préserver le salarié de ce danger, la faute inexcusable reprochée à la SA ETS Carre n'est pas établie.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA ETS Carre les frais par elle exposés et non compris dans les dépens, la cour lui alloue à ce titre la somme de 1 500 €.

La procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est indemne de tout dépens par application de l'article L. 144-5 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes,

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [E] veuve [X] et ses enfants [U] et [W] [X] à payer à la SA ETS Carre la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens par application de l'article L. 144-5 du code de la sécurité sociale.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01302
Date de la décision : 07/05/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/01302 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-07;13.01302 ?
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