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18/09/2014 | FRANCE | N°11/03604

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 septembre 2014, 11/03604


SG/CD



Numéro 14/03108





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/09/2014









Dossier : 11/03604





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[Z] [C]



C/



MUTUELLE MYRIADE SANTÉ,



[E] [U],



[Q] [R]



C.G.E.A. DE BORDEAUX - AGS,

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Septembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions p...

SG/CD

Numéro 14/03108

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/09/2014

Dossier : 11/03604

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[Z] [C]

C/

MUTUELLE MYRIADE SANTÉ,

[E] [U],

[Q] [R]

C.G.E.A. DE BORDEAUX - AGS,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Septembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 25 Juin 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

En présence de Mesdames SEGUIN et DEYTS, greffières stagiaires.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [Z] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant et assisté de la SCP HEUTY LORREYTE LONNE CANLORBE, avocats au barreau de DAX

INTIMÉS :

MUTUELLE MYRIADE SANTÉ

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître LE DIMEET, avocat au barreau de BORDEAUX

Maître [E] [U]

ès qualités de mandataire liquidateur de LANDES MUTUALITÉ

[Adresse 1]

[Localité 1]

Monsieur [Q] [R]

ès qualités d'ancien administrateur provisoire et ancien liquidateur du Groupe VITTAVI MUTUALITÉ

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentés par Maître DESARNAUTS, avocat au barreau de TOULOUSE

C.G.E.A. DE BORDEAUX - AGS

Les Bureaux du Parc

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par la SCP DUMAS/CAMESCASSE/ABDI, avocats au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 07 SEPTEMBRE 2011

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : F 10/00040 et 10/00041

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Monsieur [Z] [C] a été engagé par la mutuelle LANDES MUTUALITÉ par contrat de travail à durée indéterminée du 29 octobre 2003 en qualité de directeur général, avec effet au 15 janvier 2004, et nommé dirigeant salarié par le conseil d'administration du 19 avril 2008.

En avril 2008, la mutuelle Landes Mutualité a créé avec la mutuelle étudiante VITTAVI une union nommée UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ (UTGVM) dans le but de constituer un groupement commun destiné à regrouper au sein d'une même entité juridique l'ensemble des moyens matériels et humains des deux mutuelles.

Le 19 avril 2008, l'assemblée générale de l'UTGVM a désigné son conseil d'administration qui a, le même jour, nommé Monsieur [Z] [C] aux fonctions de dirigeant salarié.

Le transfert effectif des moyens matériels et humains de chacune des deux mutuelles (soit 76 salariés de [H] et 110 salariés de LANDES MUTUALITÉ) a été effectif au 1er juin 2008, date à laquelle le contrat de travail de Monsieur [Z] [C] avec LANDES MUTUALITÉ a été transféré à l'UTGVM en application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail, devenu L. 1224-1.

Le 2 juin 2008, un avenant a été régularisé entre Monsieur [Z] [C] et l'UTGVM stipulant notamment : une rémunération de 224.927,26 € bruts par an, soit 18.743,93 € par mois ; la mise à disposition d'un véhicule de fonction et d'un téléphone portable ; une indemnité contractuelle de rupture hors le cas d'un licenciement pour inaptitude physique, faute lourde ou départ à la retraite à l'initiative du salarié, égale à la rémunération annuelle brute multipliée par le nombre d'années de présence de Monsieur [Z] [C] au sein de l'UTGVM plafonné à quatre années.

Le 2 juin, un nouveau contrat de travail était régularisé entre la mutuelle LANDES MUTUALITÉ et Monsieur [Z] [C] quant à ses conditions d'exercice de dirigeant salarié (directeur général) aux conditions suivantes : reprise d'ancienneté au 15 janvier 2004 ; rémunération annuelle forfaitaire brute de 24.926,72 €, soit 2.077,22 € par mois ; mise à disposition d'un logement de fonction.

Le 21 octobre 2009, l'Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM), devenue l'Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) a placé la mutuelle VITTAVI sous l'administration provisoire de Monsieur [Q] [R].

La même autorité, par décision du 12 novembre 2009, a également placé sous l'administration provisoire de Monsieur [Q] [R] la mutuelle LANDES MUTUALITÉ et l'UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ (UTGVM).

Le 19 novembre 2009, Monsieur [Z] [C] a été mis à pied et licencié pour faute lourde par lettres du 17 décembre 2009 puis du 29 décembre 2009 mettant un terme aux contrats le liant respectivement à l'UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ (UTGVM) et LANDES MUTUALITÉ.

Par requête du 5 mars 2010, Monsieur [Z] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan pour, au terme de ses dernières demandes de première instance selon le jugement que son licenciement soit dit dépourvu de cause réelle et sérieuse et que l'UTGVM soit condamnée à lui payer : 56.231,81 € au titre du préavis ; 5.623 € au titre des congés payés sur le préavis ; 18.743,93 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; 224.927,26 € au titre de l'indemnité spéciale de rupture ; 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ; 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que la mutuelle LANDES MUTUALITÉ soit condamnée à lui payer : 7.250,40 € au titre du paiement de la période de mise pied et le préavis ; 725 € au titre des congés payés sur le préavis ; 7.250,40 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; 150.000 € au titre de dommages-intérêts pour rupture injustifiée du contrat de travail ; 50.000 € au titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et entrave au rétablissement professionnel ; 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À défaut de conciliation le 12 mai 2010, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Le 9 février 2011, l'ACP a mis en 'uvre la procédure de transfert d'office de l'intégralité du portefeuille de LANDES MUTUALITÉ et d'interdiction de gestion d'affaires nouvelles sur le fondement des dispositions de l'article L. 612-33, 2° et 5°, du code monétaire et financier.

La mutuelle MYRIADE SANTÉ, qui avait adhéré à l'UTGVM en avril 2010, a déposé une offre de reprise conjointement avec la mutuelle EOVI MUTUELLE PRÉSENCE.

Le 4 mai 2011, l'Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) a prononcé le transfert d'office à la mutualité MYRIADE de l'intégralité du portefeuille des contrats et bulletins d'adhésion de LANDES MUTUALITÉ avec effet au 1er janvier 2011, selon protocole d'application du 9 juin, 1er juillet et 4 juillet 2011.

Par jugement du 7 septembre 2011, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan (section encadrement) :

- a ordonné la jonction des affaires numéro 10/40 et 10/41,

- a dit que le licenciement de Monsieur [Z] [C] repose sur une faute lourde,

- a débouté Monsieur [Z] [C] de l'intégralité de ses demandes,

- l'a condamné à payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit 1.250 € à l'union technique Vittavi Mutualité et 1.250 € à LANDES MUTUALITÉ,

- l'a condamné aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 3 octobre 2011 Monsieur [Z] [C], représenté par son conseil, a interjeté appel du jugement.

La contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts a été régulièrement acquittée par timbre fiscal de 35 €.

L'assemblée générale de l'UTGVM, par décision du 5 novembre 2011 a dissous l'union, a ouvert à cette même date la liquidation amiable, a décidé du transfert des activités gestionnaires de l'union dans MYRIADE et d'opérer la dévolution des actifs et passifs externes résiduels et d'attribuer la dévolution de l'actif net subsistant à la clôture de la liquidation à la mutuelle MYRIADE, et a désigné comme liquidateur Monsieur [Q] [R], puis par décision du 3 mai 2012 a prononcé la clôture des opérations de liquidation.

Le 9 décembre 2011, l'ACP a déposé une requête au greffe du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ.

Parallèlement, le Conseil d'État a été saisi :

- d'une part, par l'UTGVM et la mutuelle LANDES MUTUALITÉ par requête du 13 janvier 2010 tendant à l'annulation de la décision de l'ACAM du 12 novembre 2009 plaçant l'UTGVM sous administration provisoire et nommant Monsieur [R] administrateur provisoire, et à l'annulation de la décision de cette autorité du 16 décembre 2009 qui a confirmé ces mesures ;

- d'autre part, par Monsieur [K], président de LANDES MUTUALITÉ, par requêtes des 13 janvier 2010 et 29 mars 2010 tendant à l'annulation de la décision de l'ACAM du 12 novembre 2009 plaçant LANDES MUTUALITÉ sous administration provisoire et nommant Monsieur [R] administrateur provisoire, et à l'annulation de la décision de cette même autorité du 27 janvier 2010 qui a confirmé ces mesures.

Le Conseil d'État a rendu deux arrêts le 23 décembre 2011 annulant les 2 décisions du 12 novembre 2009 de l'ACAM plaçant l'UTGVM et la mutuelle LANDES MUTUALITÉ sous administration provisoire et nommant Monsieur [R] administrateur provisoire.

Le 29 décembre 2011, l'appelant a interrogé la mutuelle MYRIADE SANTÉ sur les conséquences qu'elle entendait tirer de la nullité prononcée par le Conseil d'État.

La mutuelle a répondu le 24 février 2012 que cette annulation n'entraînait pas d'effet rétroactif sur les actes posés par l'administrateur provisoire pour le compte et dans l'intérêt de l'entreprise.

Par jugement du 11 avril 2013, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ, et par jugement rectificatif du 13 juin 2013, Maître [E] [U] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte huissier de justice en date du 25 avril 2013 Monsieur [Z] [C] a fait assigner la mutuelle MYRIADE SANTÉ à comparaître devant la Cour pour être condamnée à assumer toutes les conséquences de l'irrégularité de la rupture de son contrat prononcée par Monsieur [R] en sa qualité d'administrateur de l'UTGVM et de LANDES MUTUALITÉ.

Cette assignation a été enregistrée sous le numéro RG 13/01970.

Par ordonnance du 24 juin 2013 la jonction des procédures 13/01970 et 11/03604 a été ordonnée sous le numéro RG 11/03604.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur [Z] [C], par dernières conclusions écrites, déposées le 19 juin 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- Condamner in solidum Monsieur [R] ès qualités et la société MYRIADE SANTÉ au paiement des sommes de :

* 792.158,83 € au titre de la perte de revenus,

* 224.927,28 € au titre de l'indemnité contractuelle spéciale de licenciement,

* 37.487,88 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 37.487,88 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- Condamner MYRIADE SANTÉ à lui payer les sommes de :

* 123.256,80 € au titre de la perte de ressource,

* 7.195,68 € au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement,

* 7.195,68 € au titre de l'indemnité de préavis ;

Au titre de la rupture du contrat de travail avec LANDES MUTUALITÉ ;

- Compte tenu de la solidarité entre MYRIADE SANTÉ et la liquidation de LANDES MUTUALITÉ, fixer la créance salariale aux montants précités ;

- Condamner Monsieur [R] ès qualités et la société MYRIADE SANTÉ au paiement d'une indemnité de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [R] ès qualités et la société MYRIADE SANTÉ aux entiers dépens.

Monsieur [Z] [C] fait valoir, en substance, que :

- du fait du transfert du portefeuille et des personnels de l'UTGVM à la mutuelle MYRIADE, et donc du fait de la qualité de tiers cessionnaire de cette dernière, lui sont opposables les arrêts du Conseil d'État du 23 décembre 2011 qui ont annulé pour excès de pouvoir les décisions de l'ACAM (ACP) par lesquelles la mutuelle Landes Mutualité et l'UTGVM ont été placées sous administration provisoire et Monsieur [Q] [R] nommé administrateur provisoire, frappant de nullité tous les actes accomplis et décisions prises par l'administrateur provisoire, de sorte qu'en refusant formellement sa demande de réintégration elle doit supporter les conséquences qui résultent de cette annulation rendant son licenciement nul et impliquant sa réintégration et la réparation intégrale de son préjudice ;

- le Conseil d'État n'a considéré aucune limitation aux conséquences de sa décision et a affirmé le caractère rétroactif de sa décision ;

- la procédure de mise sous administration provisoire a été considérée comme affectée par plusieurs manquements graves ;

- le Conseil d'État a statué au regard et en lecture de la situation financière des mutuelles ;

- il a considéré que la situation économique de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ ne nécessitait pas le placement sous administration provisoire ;

- c'est la très grande fragilité de [H] justifiant sa mise sous administration provisoire qui est à l'origine des difficultés de l'UTGVM ;

- il écarte définitivement le moyen - déterminant selon Monsieur [R] ' d'une répartition inéquitable voire frauduleuse des ressources des mutuelles VITTAVI et LANDES MUTUALITÉ au profit de cette dernière ;

- le contentieux soumis à la Cour relève seulement du contrôle de la Cour de Cassation et la construction jurisprudentielle de la théorie du fonctionnaire de fait est inopérante en l'espèce et ne saurait être appliquée à une mutuelle de droit privé ;

- la théorie de l'apparence n'est pas davantage applicable dans la mesure où il (Monsieur [C]) n'est pas un tiers au contrat, qu'il ne soulève pas le moyen du mandat apparent et alors qu'il a toujours considéré cette désignation comme illégitime puisqu'il est personnellement à l'initiative du recours devant le Conseil d'État ;

- MYRIADE SANTÉ a repris les droits et obligations nés de ses contrats et doit assumer les conséquences de ce transfert comme les conséquences du refus de sa réintégration.

A MYRIADE qui conteste le principe du transfert du contrat de travail, le salarié réplique :

- que les effets de l'annulation de la décision de placement sous administration provisoire sont limités par l'effet des décisions de transfert du portefeuille de clientèle, décision non contestée ;

- le protocole d'application relatif au transfert des portefeuilles et du personnel n'est pas remis en cause par les décisions administratives.

Subsidiairement, sur les motifs de rupture :

Sur le licenciement par l'UTGVM :

- Trois motifs de licenciement seront rejetés, la Cour considérant qu'ils participent de la politique menée par LANDES MUTUALITÉ, son président et son conseil d'administration pour sortir de la situation de crise et contrer la menace de cessation d'activité que faisait peser la désignation du même administrateur provisoire d'abord aux côtés de [H] puis à la tête de LANDES MUTUALITÉ.

Restent deux motifs.

- Sur le premier, concernant la présentation d'une clé de répartition inéquitable entre [H] et I'UTGVM : le rapporteur au Conseil d'État fait litière de ce motif ;

- Sur le défaut de consultation de la Délégation Unique du Personnel avant la convocation de l'Assemblée Générale : effectivement, dans la précipitation générée par l'état de crise induisant une communication insuffisante avec les conseils en droit social, une infraction a été relevée et poursuivie devant le Tribunal Correctionnel de Toulouse dont la décision n'est pas définitive puisque frappée d'appel par Monsieur [C] ; Cette seule difficulté juridique ne pouvait en aucun cas justifier un licenciement pour faute lourde ou grave, ni même constituer un motif réel et sérieux.

Sur le licenciement par LANDES MUTUALITÉ ;

Le salarié conteste les griefs reprochés et fait valoir que le Conseil d'État, réfutant la motivation du placement sous administration provisoire, a rejeté les motifs invoqués.

En définitive, Monsieur [C] considère que ses licenciements ne sont pas motivés par une cause réelle et sérieuse mais par la seule volonté de l'administrateur d'écarter les directeurs affiliés à un conseil d'administration voulant maintenir contre l'avis de Monsieur [R] l'activité de LANDES MUTUALITÉ.

Maître [U], ès qualités de liquidateur de Landes Mutualité et Monsieur [Q] [R] ès qualité d'ancien administrateur provisoire et ancien liquidateur du Groupe VITTAVI MUTUALITÉ, par dernières conclusions écrites, déposées le 12 juin 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demandent à la Cour de :

A titre principal :

- dire que le licenciement de Monsieur [Z] [C] prononcé par l'administrateur provisoire n'est pas nul, l'acte prononcé par l'administrateur provisoire avant la décision du Conseil d'État du 23 décembre 2011 étant parfaitement valable par application de la théorie du fonctionnaire de fait,

- dire que le licenciement pour faute lourde de Monsieur [Z] [C] est bien fondé,

en conséquence,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 7 septembre 2011 et débouter Monsieur [Z] [C] de l'ensemble de ses demandes et le condamner au versement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre subsidiaire :

- si par extraordinaire la Cour d'Appel devait considérer que le licenciement de Monsieur [Z] [C] est nul du fait de l'annulation de la nomination de l'administrateur provisoire,

- condamner, en vertu de l'article L. 1224-1 du code du travail, de l'acte de cession en date du 4 mai 2011, et du protocole d'application du 9 juin, 1er juillet et 4 juillet 2011, la mutuelle MYRIADE au lieu et place de LANDES MUTUALITÉ à payer les sommes qui selon la Cour devraient incomber à LANDES MUTUALITÉ en tant qu'ancien employeur de Monsieur [Z] [C].

Ils soutiennent :

- que le licenciement est régulier car survenu avant l'annulation de la nomination de l'administrateur provisoire, par application de la théorie des fonctionnaires de fait et par application de la théorie de l'apparence en vertu desquelles une personne doit être regardée comme légalement investie de ses fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée par le juge ;

- que ce sont les nombreuses et graves irrégularités découvertes par les contrôleurs de l'ACP qui les ont conduits à placer sous administration provisoire LANDES MUTUALITÉ.

- Le Conseil d'État, dans aucune de ses deux décisions, ne s'est prononcé sur la gestion par le salarié de la mutuelle et n'approuve aucunement cette gestion, mais il s'est attaché à résoudre une question de droit administratif et ne s'est prononcé que sur la régularité et la procédure de placement sous administration provisoire et non sur l'état de santé financière de Landes Mutualité ;

Ils font notamment valoir que :

- les contrôleurs ont relevé :

- une confusion de la comptabilité opérée par la direction de Landes Mutualité avec les organismes VITTAVI MUTUALITÉ et LANDES MUTUALITÉ ;

- une très mauvaise tenue de la comptabilité permettant de contester la sincérité des comptes ;

- un résultat technique de LANDES MUTUALITÉ déficitaire depuis plusieurs années ;

- une indifférence manifeste de Landes Mutualité à l'égard du coût de ses investissements, Monsieur [Z] [C] se souciant exclusivement du développement commercial de LANDES MUTUALITÉ ;

- [H] a été victime d'un abus de confiance commis par les dirigeants de LANDES MUTUALITÉ ;

- LANDES MUTUALITÉ a masqué ses pertes ;

- la présentation de faux bilan a été confirmée, ainsi que des opérations réalisées contrairement à l'intérêt social de la mutuelle ;

- il existait un climat violent entretenu par Monsieur [Z] [C] qui a fait preuve de harcèlement moral et de discrimination à l'encontre de certains membres du personnel qui avaient refusé le transfert qu'il leur proposait en démissionnant de l'union afin d'être réembauchés par la mutuelle LANDES MUTUALITÉ.

Ils considèrent que : Monsieur [Z] [C] a abusé de la confiance dont il bénéficiait auprès des membres du conseil d'administration et leur a dissimulé la situation financière réelle : nombre de ses décisions sont illégales et avaient pour but, sinon pour effet, de nuire soit à la mutuelle LANDES MUTUALITÉ, soit à l'UTGVM, soit à la mutuelle VITTAVI ; ses décisions ont été prises sans que le conseil d'administration soit informé ou utilement éclairé ; il a tenté par tous les moyens de désolidariser LANDES MUTUALITÉ et l'UTGVM et de dissoudre de manière totalement illégale cette dernière ; il a commis le délit pénal d'entrave, lors de l'assemblée générale du 7 novembre 2009, en prévoyant les transferts des contrats de travail sans les avoir soumis préalablement au comité d'entreprise de l'UTGVM ; il a poussé 25 salariés issus de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ à démissionner de l'UTGVM pour les réembaucher au sein de LANDES MUTUALITÉ.

La mutuelle MYRIADE SANTÉ, par conclusions écrites, déposées le 10 juin 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- dire mal fondée et abusive la mise en cause de la mutuelle MYRIADE SANTÉ par Monsieur [Z] [C],

- le débouter de l'intégralité des demandes dirigées à l'encontre de la mutuelle MYRIADE SANTÉ,

- condamner Monsieur [Z] [C] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil, ainsi qu'à une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner en tous les dépens.

A titre infiniment subsidiaire :

- dire qu'en tout état de cause, les contrats de travail de Monsieur [Z] [C] n'ont pas été transférés à la mutuelle MYRIADE SANTÉ qui ne saurait être exposée à une quelconque condamnation.

La mutuelle MYRIADE SANTÉ soutient que Monsieur [R] doit être regardé comme ayant été régulièrement investi de ses fonctions d'administrateur provisoire de LANDES MUTUALITÉ et de l'UTGVM jusqu'à l'annulation de sa nomination à ses fonctions et en conséquence, que les actes qu'il a accomplis en cette qualité, dont la mise en 'uvre des licenciements, ne peuvent être contestés du seul fait que sa nomination a été au final jugée irrégulière et annulée, en application de la théorie, en droit public, des « fonctionnaires de fait », principe ayant été inspiré dans un souci de préserver la sécurité juridique qui, pour le Conseil d'État, constitue un principe général du droit, et qui trouve son prolongement en droit privé avec la théorie du « mandat apparent », en vertu de laquelle le bénéficiaire d'un acte pris par un prétendu mandataire peut exiger du mandant qu'il respecte cet acte dès lors qu'il a pu légitimement croire au pouvoir du prétendu mandataire.

Elle en conclut que, dès lors que l'ACP a prononcé le transfert d'office de l'intégralité du portefeuille de contrats de Landes Mutualité à Myriade le 4 mai 2011, avec effet à compter du 1er janvier 2011, Monsieur [Z] [C], régulièrement licencié depuis le 29 décembre 2009, ne pouvait être concerné par ce transfert, pas plus que par la reprise des contrats de travail des salariés de l'UTGVM par la mutuelle MYRIADE SANTÉ à compter du 10 mai 2011, de sorte qu'elle doit être mise hors de cause.

Elle ajoute que cette mise en cause infondée et illégitime lui a causé un préjudice évident qui doit être réparé.

La délégation UNEDIC AGS, prise en son C.G.E.A de Bordeaux, par conclusions écrites, déposées le 23 juin 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- mettre le C.G.E.A de Bordeaux délégation AGS hors de cause,

- constater que Monsieur [C] ne demande pas à voir déclaré opposable à l'AGS l'arrêt ;

Vu les articles L. 625-3 du code de commerce et L. 3253-8 du code du travail :

- déclarer Monsieur [C] irrecevable au tout le moins mal fondé et le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- mettre le C.G.E.A de Bordeaux, délégation AGS, hors de cause,

- en toute hypothèse, dire que les indemnités éventuelles prononcées ne seront pas opposables à l'AGS en son C.G.E.A de Bordeaux,

En tout état de cause :

- rappeler le caractère subsidiaire de l'intervention du CGEA,

- dire que le jugement est simplement opposable au CGEA dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables,

- constater que l'indemnité conventionnelle de licenciement ne peut excéder 7.195,68 €,

- dire que l'AGS ne peut procéder à l'avance des créances que dans les termes et conclusions résultant des dispositions des articles L. 3253-8, L. 3253-17 et L. 3253-19 et suivants du code du travail,

- dire que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

- dire que Monsieur [Z] [C] ne peut être admis que dans le cadre du plafond numéro 6,

- dire que l'AGS ne saurait être tenue aux dommages et intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles, ni dépens, ni autres indemnités n'ayant pas le caractère de créances salariales,

- condamner Monsieur [Z] [C] aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant les licenciements :

Monsieur [Z] [C], engagé par la mutuelle LANDES MUTUALITÉ à compter du 15 janvier 2004 en qualité de directeur général, puis nommé dirigeant salarié à compter du 19 avril 2008, a été mis à pied le 19 novembre 2009 et licencié le 17 décembre 2009 pour faute lourde.

Nommé aux fonctions de dirigeant salarié de l'UTGVM le 19 avril 2008, il a également été mis à pied le 19 novembre 2009 et licencié le 29 décembre 2009 pour faute lourde.

Les deux licenciements ont été prononcés par Monsieur [Q] [R], nommé administrateur provisoire par l'Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM), devenue l'Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP), qui, par décisions du 12 novembre 2009, a placé sous administration provisoire la mutuelle LANDES MUTUALITÉ et l'UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ (UTGVM), confirmées le 16 décembre 2009 pour l'union et le 27 janvier 2010 pour la mutuelle LANDES MUTUALITÉ.

Le 13 janvier 2010, le Conseil d'État, section du contentieux, a été saisi par deux requêtes :

- l'une (numéro 335511) présentée pour l'union GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ, représentée par son directeur général, et la MUTUELLE LANDES MUTUALITÉ, représentée par son président, demandant au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision numéro 2009/63 du 12 novembre 2009 par laquelle l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles a placé l'union GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ sous administration provisoire et nommé Monsieur [Q] [R], administrateur provisoire, de cette union ;

- l'autre (numéro 335513) présentée pour la MUTUELLE LANDES MUTUALITÉ représentée par son président, Monsieur [L] [K], et pour Monsieur [L] [K] agissant en son nom personnel, demandant au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision numéro 2009/64 du 12 novembre 2009, par laquelle l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles a placé la MUTUELLE LANDES MUTUALITÉ sous administration provisoire et a nommé Monsieur [Q] [R] administrateur provisoire de cette mutuelle.

Par 2 décisions du 23 décembre 2011 (numéros 335511 et 335513), le Conseil d'État, section du contentieux, a annulé la décision du 12 novembre 2009 par laquelle l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles a placé sous administration provisoire l'union GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ, a annulé la décision du 16 décembre 2009 confirmant ce placement et a annulé la décision du 12 novembre 2009 par laquelle l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles a placé sous administration provisoire la MUTUELLE LANDES MUTUALITÉ, ainsi que la décision du 27 janvier 2010 confirmant ce placement.

Sur l'effet de cette décision d'annulation :

Par une décision rendue le 11 mai 2004 (n° 255886 ' Association AC) l'Assemblée du contentieux du Conseil d'État a reconnu au juge administratif un nouveau pouvoir, celui de déroger au caractère rétroactif de l'annulation pour excès de pouvoir.

Concernant l'office du juge, le conseil d'État a considéré « que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ».

Il résulte de cette décision que le principe de l'annulation d'un acte implique que cet acte est réputé n'être jamais intervenu, sauf au juge à considérer que l'effet rétroactif de l'annulation emporterait des conséquences manifestement excessives le conduisant, dans un souci de sécurité juridique, à décider qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif de l'annulation et de prévoir dans sa décision que tout ou partie des effets de cet acte ne soit pas atteint par cette annulation et soit regardé comme définitif, ou que les effets de cette annulation seront différés à une date déterminée qu'il détermine.

En l'espèce, les décisions d'annulation du Conseil d'État des décisions de l'autorité de contrôle du placement sous administration provisoire de l'union et de la mutuelle ne sont assorties d'aucune disposition prévoyant la limitation de l'effet rétroactif de l'annulation soit en définissant les actes qui devraient être regardés comme définitifs et donc comme non atteints par l'annulation, soit en arrêtant une date à partir de laquelle l'annulation prendrait effet, de sorte que les décisions de placement sous administration provisoire sont réputées n'avoir jamais existé, et, par voie de conséquence, Monsieur [Q] [R] est réputé n'avoir jamais été administrateur provisoire de l'union et de la mutuelle.

Pour s'opposer à l'annulation rétroactive de la désignation de l'administrateur provisoire, et donc pour s'opposer aux conséquences de cette annulation sur les licenciements prononcés par cet administrateur, les intimés invoquent la théorie des fonctionnaires de fait qui, en droit public, a été inspirée dans un souci de préserver la sécurité juridique, et son prolongement en droit privé avec la théorie de l'apparence en vertu de laquelle le bénéficiaire d'un acte pris par un prétendu mandataire peut exiger du mandant qu'il respecte cet acte dès lors qu'il a pu légitimement croire au pouvoir du prétendu mandataire.

Mais, s'agissant de la théorie du fonctionnaire de fait, application jurisprudentielle de la théorie de l'apparence en droit, il appartenait, le cas échéant, à la juridiction administrative d'en faire application et de juger que l'effet rétroactif de l'annulation des décisions de l'autorité de contrôle du placement sous administration provisoire de l'union et de la mutuelle était de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que ces actes ont produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'ils étaient en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets. Or la plus haute juridiction administrative n'en a pas jugé ainsi et il n'appartient pas à la cour, juridiction de l'ordre judiciaire, de substituer à une décision administrative définitive une décision autre sans violer le principe de la séparation des pouvoirs.

Quant à la théorie de l'apparence, celle-ci permet de protéger les tiers de bonne foi qui ont traité avec des personnes apparemment titulaires de droits. La théorie de l'apparence a donc pour fonction de protéger celui qui s'est fié à l'apparence et qui a commis une erreur légitime sur le véritable titulaire du droit.

En l'espèce, c'est donc seulement le salarié qui serait susceptible d'invoquer la théorie de l'apparence pour que le droit obtenu de celui qu'il croyait légitime lui soit reconnu comme droit opposable au véritable titulaire.

Ce serait donc au salarié de démontrer que les conditions de mise en 'uvre de la théorie de l'apparence sont réunies dans la relation tripartite entre l'administrateur provisoire, dont la nomination a été annulée, le véritable titulaire du droit revendiqué, et lui-même.

Or, l'acte litigieux est le licenciement du salarié que celui-ci, précisément, conteste depuis son prononcé, comme il a contesté la nomination de l'administrateur provisoire qui y a procédé puisqu'il a été notamment à l'origine de la requête par laquelle, en sa qualité de directeur général de l'union, il a demandé au Conseil d'État l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de placement de l'union sous administration provisoire et de la nomination de Monsieur [Q] [R] en qualité d'administrateur provisoire de cette union.

Il ne peut donc être sérieusement opposé au salarié la théorie de l'apparence pour justifier la validité de son licenciement par l'administrateur provisoire dont la nomination a été annulée par le conseil d'État qui n'a, par aucune disposition, limité les effets de l'annulation rétroactive de cette nomination.

Par conséquent, il y a lieu de dire que du fait de l'annulation rétroactive de la décision de placement sous administration provisoire de l'union et de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ, et donc de l'annulation rétroactive de la nomination de l'administrateur provisoire, Monsieur [Q] [R], ce dernier, qui n'était pas salarié ni de l'union, ni de la mutuelle, était sans qualité pour prononcer le licenciement du salarié.

Sur la nature du licenciement :

Le salarié soutient que, du fait de l'annulation de la décision de nomination de l'administrateur provisoire, son licenciement est nul.

Mais, à défaut de texte prévoyant expressément la nullité du licenciement lorsqu'il est prononcé par une personne dépourvue de qualité à agir, et alors que ce défaut ne constitue pas la violation d'une liberté fondamentale, l'annulation de la nomination de l'administrateur provisoire n'entraîne pas la nullité des licenciements prononcés en vertu de la décision annulée, mais les prive de fondement et emporte donc les conséquences de licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences des licenciements :

S'agissant de MYRIADE SANTÉ :

Les ruptures des contrats de travail de Monsieur [Z] [C], bien qu'abusives, du fait qu'elles résultent de licenciements sans cause réelle et sérieuse, et non de licenciements nuls, sont intervenues le 17 décembre 2009 pour ce qui concerne le contrat de travail liant le salarié à l'UTGVM et le 29 décembre 2009 pour ce qui concerne le contrat de travail liant le salarié à la mutuelle LANDES MUTUALITÉ, soit antérieurement au transfert du portefeuille de contrats et des bulletins d'adhésion à des règlements de LANDES MUTUALITÉ à MYRIADE SANTÉ selon la décision du 4 mai 2011 de l'Autorité de Contrôle Prudentiel (JORF du 10 mai 2011), et à l'application volontaire par MYRIADE de l'article L. 1224-1 du code du travail avec effet au 1er janvier 2012 (selon protocole d'application relatif au transfert d'office des portefeuilles d'engagements de LANDES MUTUALITÉ à MYRIADE et à EOVI Mutuelles Présence) au personnel de l'UTGVM (qui a fait l'objet d'une liquidation amiable le 5 novembre 2011, clôturée le 3 mai 2012), de sorte que la mutuelle MYRIADE SANTÉ n'a jamais été employeur de Monsieur [Z] [C], et aucun élément produit ne permet d'établir que la mutuelle MYRIADE SANTÉ serait tenue des créances résultant de la rupture de contrats de travail de salariés de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ ou de l'UTGVM prononcée avant son intervention.

En l'espèce, les licenciements n'ont pas été prononcés à l'occasion du transfert des contrats de travail du salarié et il n'est pas invoqué, ni a fortiori démontré, l'existence d'une collusion frauduleuse, entre le cédant et le cessionnaire, dans le prononcé de ces licenciements pour faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, et les licenciements, jugés sans cause réelle et sérieuse car prononcés par une personne dépourvue de qualité pour le faire, ne sont donc pas ni des licenciements nuls qui ouvriraient droit au salarié à sa réintégration, et donc à la poursuite de son contrat par le repreneur, ni des licenciements qui seraient privés d'effet permettant le rétablissement de l'effet translatif de l'article L 1224-1.

Par conséquent, il y a lieu de dire hors de cause la mutuelle MYRIADE SANTÉ.

S'agissant de l'UTGVM :

Sur l'indemnité contractuelle spéciale de licenciement :

Le contrat de travail en date du 12 octobre 2009, liant Monsieur [Z] [C] à l'union technique GVM comporte l'article 14 intitulé « indemnité contractuelle de rupture » qui stipule :

« compte tenu de la nature des fonctions et du niveau de responsabilité de Monsieur [Z] [C] au sein de l'UTGVM, celle-ci s'engage expressément en cas de rupture du contrat de travail à verser à Monsieur [Z] [C] une indemnité contractuelle de licenciement en sus des indemnités conventionnelles ou légales.

Les parties conviennent que cette indemnité ne sera pas due dans les cas suivants :

- licenciement pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail sauf en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;

- licenciement pour faute lourde ;

- départ à la retraite à l'initiative du salarié.

En dehors de ces cas, Monsieur [Z] [C] pourra prétendre, en cas de licenciement à cette indemnité contractuelle.

Le montant de cette indemnité est égal à autant de fois la rémunération annuelle brute perçue par Monsieur [Z] [C] au cours de l'année civile précédente que d'année de présence comptées par Monsieur [Z] [C] au sein de l'UTGVM.

En toute hypothèse, le montant de l'indemnité versée à Monsieur [Z] [C] ne saurait excéder quatre fois la rémunération annuelle brute perçue par Monsieur [Z] [C] au cours de l'année civile précédant celle au cours de laquelle est intervenue la rupture de son contrat ».

Le contrat a fait l'objet d'un avenant le 12 octobre 2009 qui a limité le montant de l'indemnité contractuelle de rupture à deux fois la rémunération annuelle brute perçue.

En l'espèce, l'article 16-2 de la Convention Collective Nationale de la Mutualité du 31 janvier 2000 prévoit une indemnité de licenciement représentant autant de fois la moitié du dernier salaire mensuel brut moyen des 12 derniers mois que le salarié compte d'années de présence dans l'organisme, sans pouvoir dépasser la valeur de 15 demi-mois.

Le contrat de travail prévoyait une rémunération annuelle forfaitaire brute de 224.927,26 €, versée en 12 mensualités égales, soit 18.743,938 €.

Monsieur [Z] [C] a été nommé directeur général à compter du 1er juin 2008 avec reprise de son ancienneté au 15 janvier 2004 acquise à LANDES MUTUALITÉ, selon le dernier alinéa de l'article premier du contrat du 2 juin 2008.

À la date de son licenciement Monsieur [Z] [C] comptait donc une ancienneté de 6 ans. Le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement serait donc de 56.231,81 €.

Le montant de l'indemnité contractuelle de rupture, tel que prévu au contrat, serait donc 8 fois supérieur au montant de l'indemnité conventionnelle (224.927,26 x 2 / 56.231,81), et, tel qu'il est réclamé, il serait 4 fois supérieur au montant de l'indemnité conventionnelle (224.927,26 / 56.231,81), et 6 fois supérieur au montant de l'indemnité conventionnelle réclamée (224.927,26 / 37.487,88).

Ainsi, quel que soit le montant de l'indemnité conventionnelle retenu (celui prévu par la CC ou celui réclamé), le montant de l'indemnité contractuelle de rupture est manifestement excessif et manifestement disproportionné par rapport au préjudice subi par le salarié, de sorte qu'il représente pour partie une pénalité qu'il convient de réduire, par application de l'article 1152 du code civil, à la somme de 120.000 €.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

En application de l'article 16-1 de la convention collective applicable, il convient de fixer à la somme de 37.487,88 € le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à deux mois de la rémunération mensuelle, montant dont le quantum n'est pas contesté.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Ainsi qu'il a été dit précédemment, du fait que le salarié comptait une ancienneté de six ans et percevait un salaire mensuel de 18.743,94 € le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, tel que les modalités de calcul sont fixées par l'article 16-2 de la convention collective serait de 56.231,81 €.

Cependant, le salarié sollicite la somme de 37.487,88 € qu'il convient dès lors de retenir en application des dispositions de l'article 5 du code de procédure civile.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le liquidateur amiable, sera également condamné, ès qualités, à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 120.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, les éléments produits n'étant pas de nature à justifier l'octroi de la somme sollicitée à ce titre.

En outre, le liquidateur amiable sera condamné, ès qualités, à rembourser aux organismes concernés (Pôle Emploi) les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

S'agissant de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ :

Monsieur [Z] [C] a été engagé par Landes Mutualité en qualité de directeur général à compter du 15 janvier 2004.

A la suite du regroupement de l'ensemble des moyens matériels et humains des mutuelles LANDES MUTUALITÉ et VITTAVI en juin 2008, au sein de l'UTGVM son contrat de travail a été transféré à cette union à compter du 1er juin 2008, le salarié conservant cependant ses fonctions de dirigeant salarié de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ en contrepartie d'une rémunération annuelle forfaitaire brute de 24.926,72 € versée en 12 mensualités, soit 2.077,226 € mensuels.

À la date de son licenciement le 29 décembre 2009, le salarié comptait donc une ancienneté de six années.

L'AGS, ni aucune autre partie, ne conteste pas le montant de 7.195,68 € réclamé par le salarié au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, probablement dénommée par erreur matérielle dans ses conclusions écrites « indemnité contractuelle », alors que le contrat de travail produit ne comporte aucune clause relative à une telle indemnité.

Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis de 7.195,68 € n'est pas davantage contesté.

Ces deux montants seront donc fixés au passif de la mutuelle Landes Mutualité, placée en liquidation judiciaire par décision du 11 avril 2013.

En outre, il convient de fixer à la somme de 22.000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, les éléments produits n'étant pas de nature à justifier l'octroi de la somme sollicitée à ce titre.

Concernant la demande reconventionnelle de la mutuelle MYRIADE SANTÉ :

La mutuelle MYRIADE SANTÉ ne démontre pas en quoi Monsieur [Z] [C] aurait fait preuve de mauvaise foi en exerçant son droit de recours et en l'appelant en la cause, ni en quoi l'exercice de ce droit aurait dégénéré en abus alors que la bonne foi est présumée, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

Monsieur [Q] [R], ès qualités de liquidateur amiable de l'UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'ordonnance du 24 juin 2013 ordonnant la jonction des procédures 13/01970 et 11/03604 sous le numéro RG 11/03604,

REÇOIT l'appel formé le 3 octobre 2011 par Monsieur [Z] [C] à l'encontre du jugement rendu le 7 septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan, et les appels incidents formés par les intimés,

INFIRME ledit jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT les licenciements de Monsieur [Z] [C] sans cause réelle et sérieuse,

MET hors de cause la mutuelle MYRIADE SANTÉ,

CONDAMNE Monsieur [Q] [R], ès qualités de liquidateur amiable de l'UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ à payer à Monsieur [Z] [C] :

- 120.000 € (cent-vingt mille euros) au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement,

- 37.487,88 € (trente-sept mille quatre cent quatre-vingt-sept euros quatre-vingt-huit cents) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 37.487,88 € (trente-sept mille quatre cent quatre-vingt-sept euros quatre-vingt-huit cents) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 120.000 € (cent vingt mille euros) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE Monsieur [Q] [R] ès qualités de liquidateur amiable de l'union technique Groupe VITTAVI MUTUALITÉ, à rembourser aux organismes concernés (Pôle Emploi) les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

FIXE la créance de Monsieur [Z] [C] à inscrire au passif de la mutuelle LANDES MUTUALITÉ, placée en liquidation judiciaire, aux sommes suivantes :

- 7.195,68 € (sept mille cent quatre-vingt-quinze euros soixante-huit cents) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 7.195,68 € (sept mille cent quatre-vingt-quinze euros soixante-huit cents) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 22.000 € (vingt-deux mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT qu'à défaut de paiement par le liquidateur, et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à ce paiement, la délégation UNEDIC AGS devra garantir le paiement de ces sommes dans la limite de ses obligations légales et réglementaires, en application des dispositions des articles L. 3253-2, L. 3253-3, L. 3253-4, et suivants (anciens L. 143-10, L. 143-11-1), D. 3253-1, D. 3253-3 (anciens D. 143-1 et D. 143-2) du code du travail,

RAPPELLE qu'en application de l'article L. 622-28 (ancien L. 621-48 ) du code de commerce le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels,

DÉBOUTE la mutuelle MYRIADE SANTÉ de sa demande de dommages-intérêts,

CONDAMNE Monsieur [Q] [R], ès qualités de liquidateur amiable de l'UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ, à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [Q] [R], ès qualités de liquidateur amiable de l'UNION TECHNIQUE GROUPE VITTAVI MUTUALITÉ aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/03604
Date de la décision : 18/09/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°11/03604 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-18;11.03604 ?
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