DS/CD
Numéro 14/02508
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 03/07/2014
Dossier : 12/02447
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
SA GUYENNE ET GASCOGNE
C/
[T] [M]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Juillet 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 14 Mai 2014, devant :
Monsieur CHELLE, Président
Madame PAGE, Conseiller
Monsieur SCOTET, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SA GUYENNE ET GASCOGNE
Carrefour Market
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SCP PERSONNAZ HUERTA BINET JAMBON, avocats au barreau de BAYONNE
INTIMÉE :
Madame [T] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/005820 du 11/01/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Comparante et assistée de Maître MENDIBOURE, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 26 JUIN 2012
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F 11/00394
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2005, Mme [T] [M] a été embauchée à temps partiel par la SA GUYENNE et GASCOGNE en qualité d'employée commerciale, au magasin "CARREFOUR MARKET" de [Localité 1].
Après un entretien préalable précédé d'une mise à pied conservatoire, elle a été licenciée pour faute grave le 28 juillet 2011, son employeur lui reprochant un vol de marchandises dans les termes suivants :
"... mercredi 13 juillet 2011 vers 19 h 30, vous avez effectué vos courses, puis posé votre carton de courses à l'accueil. Vers 19 h 40, alors que le magasin était fermé, le vigile vous a vu vous servir au rayon frais, au niveau des nems, puis partir au fond du rayon.
Alors que Madame [K] comptait la caisse d'un collègue, vous êtes revenu du fond du magasin et posé trois barquettes (une de nems, une de crabe farci, une d'escalopes panées) dans votre carton.
Alors que vous montiez votre caisse, le vigile interpellé par la situation à vérifier le contenu de votre carton en le comparant avec votre ticket de caisse : les 3 barquettes n'apparaissaient pas sur votre ticket de caisse.
Madame [K] vous a donc demandé des explications. Dans un premier temps, vous avez certifié que ces produits ne vous appartenaient pas, pour ensuite dire qu'il s'agissait de vos produits mais que votre collègue, en caisse, n'avait pas dû les encaisser. Les caisses étant clôturées, vous avez remis ces produits en rayon, en précisant que vous n'aviez rien à manger pour le soir. Depuis, vous avez de nouveau changé de version, en expliquant qu'il s'agissait d'un oubli de votre part".
Le 1er septembre 2011, Mme [M] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bayonne.
Par jugement du 26 juin 2012, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, le Conseil de Prud'hommes a :
- dit que le licenciement de Mme [M] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la SA GUYENNE et GASCOGNE à payer à Mme [M] les sommes de :
* 846,91 €, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
* 2.935,96 €, bruts à titre d'indemnité de préavis,
* 1.761,57 €, à titre d'indemnité de licenciement,
* 20.000 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SA GUYENNE et GASCOGNE aux dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 11 juillet 2012, la société GUYENNE et GASCOGNE a relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 28 juin 2012, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions déposées le 20 janvier 2014 et reprises oralement à l'audience, la société GUYENNE et GASCOGNE demande de :
- réformer le jugement,
- dire que le licenciement de Mme [M] repose sur une cause réelle et sérieuse et grave, constitué par les faits de vols de marchandises commis le 11 juillet 2011,
- débouter Mme [M] de ses demandes,
- la condamner à payer la somme de 1.500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Elle prétend que la soustraction des barquettes est établie par le non-respect de la procédure prévue par le règlement intérieur, étant précisé qu'un salarié qui souhaite acquérir des marchandises sur son lieu de travail, ne peut le faire que durant ses heures de pause, et ne peut encaisser lui-même ses achats et doit se soumettre au contrôle de son panier ; que cette soustraction ne prête pas à discussion à la lecture du ticket de caisse et de l'attestation de M. [I], témoin direct des faits. Elle soutient qu'il s'agit d'un vol puisque Mme [M] s'est volontairement soustraite à la procédure en place pour les produits concernés ; que si la procédure autorise le placement des surgelés achetés par le personnel dans les frigos du magasin c'est à la condition d'un passage préalable en caisse ; que Mme [M] était dans l'impossibilité de faire enregistrer les marchandises puisque les caisses étaient fermées, ce fait établissant qu'elle n'avait pas l'intention de payer les marchandises ; qu'en outre, elle a donné des versions contradictoires.
Par conclusions déposées le 29 avril 2014 et reprises oralement à l'audience, Mme [T] [M] demande de :
- dire et juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse de licenciement conformément au jugement déféré,
- condamner la SA GUYENNE et GASCOGNE à lui payer les sommes de :
* 846,91 € bruts, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre
conservatoire,
* 2.935,96 € bruts, à titre d'indemnité de préavis,
* 1.761,57 €, à titre d'indemnité de licenciement,
* 35.000 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3.000 €, en application de l'article 37 de la Loi du 10 juillet 1991,
- condamner la SA GUYENNE ET GASCOGNE aux dépens.
Elle expose notamment qu'elle a effectué sa journée de travail de 8 h 30 à 19 h 30 intervenant successivement sur trois postes de travail (fruits et légumes, boulangerie et caisse). Durant sa pause, elle a effectué des achats personnels qu'elle a déposés dans un carton à l'accueil dans l'attente de leur encaissement en fin de journée ; qu'elle a mis, comme à son habitude, pour les produits frais et périssables, deux articles dans le frigo de la boulangerie afin de les récupérer en fin de journée ; que selon la procédure mise en place, les courses réalisées par les salariés doivent avant le départ du magasin être contrôlées par un responsable en sa présence et une fois son travail terminé ; qu'en l'espèce, et avant même qu'elle ait pu récupérer et faire vérifier ses courses, un des responsables du magasin venait constater que les articles sortis du frigo n'était pas réglés ; que malgré ses explications qui indiquait qu'elle n'avait pu vérifier, ni faire vérifier ses emplettes personnelles puisqu'elle était occupée à clôturer sa propre caisse, l'employeur n' a pas hésité pas à l'accuser d'avoir dérobé trois produits pour un montant de 6 € ; que le vol n'est pas caractérisé puisqu'elle n'avait pas franchi les portes du magasin et n'avait pas l'intention de dérober les produits. Elle fait valoir que l'attestation de M. [I], vigile du magasin, est erronée puisqu'elle n'a pas fait ses courses à 19 h 00 mais durant sa pause ; qu'elle n'a pas pris d'escalopes milanaises, le montant des courses prétendument dérobées n'étant pas compatibles avec les trois produits cités ; que M. [I] précise que le ticket de caisse ne comprenait pas les deux ou trois produits frais, ce qui n'a jamais été nié par elle, qui a immédiatement indiqué que ces produits n'avaient pas été encaissés (et pour cause) puisqu'elle les avait ramenés du frigidaire de la boulangerie dans lequel elle les avait entreposés avant de les récupérer. Elle prétend que se fondant volontairement sur des éléments douteux l'employeur a décidé de se défaire d'elle, étant dotée d'une ancienneté certaine.
Pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit invoqués par les parties il convient de se référer à leurs conclusions susvisées.
MOTIFS :
Les attestations délivrées par M. [I], agent de sécurité, et Mme [K], secrétaire, confirment en tous points la relation des faits mentionnés dans la lettre de licenciement.
Il convient de constater que le ticket de caisse correspondant aux achats effectués le 13 juillet 2011 par Mme [M] ne comportaient pas les trois articles litigieux, ces faits contredisant son affirmation selon laquelle elle aurait déposé ses achats dans un carton à l'accueil dans l'attente de leur encaissement.
Elle ne saurait prétendre que ces produits périssables n'auraient pas été encaissés pour avoir été placés comme à l'habitude dans le frigo de la boulangerie avant d'être récupérés en fin de journée, alors qu'au contraire, la procédure d'achats du personnel en vigueur dans l'entreprise stipule expressément que "les courses achetés ne devront pas retourner dans la surface de vente. A titre exceptionnel, elles pourront être entreposées dans le local désigné par la direction ou dans le vestiaire, et seront obligatoirement accompagnées du ticket de caisse" et également "que tout article pris dans le magasin doit être immédiatement réglé et emporté le jour même".
Mme [M] n'aurait pas pu faire également encaisser ces articles qu'elle était allée chercher dans les rayons après avoir déjà fait des courses et qu'elle avait placées ensuite à l'intérieur du carton, puisque les caisses étaient déjà fermées, ainsi que le confirme les attestations susvisées, peu importe à cet égard qu'elle n'ait pas franchi les portes du magasin.
Ces éléments établissent la réalité du motif du licenciement, les faits reprochés rendant manifestement impossible la poursuite du contrat de travail même pendant la durée limite du préavis.
En conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et Mme [M] déboutée de ses demandes.
Mme [M] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
L'équité ou la situation des parties ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Déboute Mme [T] [M] de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [T] [M] aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés en la forme prévue en matière d'aide juridictionnelle.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,