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26/09/2013 | FRANCE | N°11/03420

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 26 septembre 2013, 11/03420


CP/CD



Numéro 13/03622





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 26/09/2013









Dossier : 11/03420





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SA [B]



C/



[K] [H]



















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 Septembre 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procé...

CP/CD

Numéro 13/03622

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 26/09/2013

Dossier : 11/03420

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SA [B]

C/

[K] [H]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 Septembre 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Juin 2013, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame PAGE, Conseiller

En présence de Madame AUVERGNON, auditrice de justice

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA [T] [B] Investissements

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Maître THEVENIAUD, avocat au barreau de PAU

INTIMÉ :

Monsieur [K] [H] venant aux droits de son épouse Madame [M] [H] décédée le [Date décès 1] 2011

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Maître BLANCO, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 12 SEPTEMBRE 2011

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 09/00619

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [M] [H] a été embauchée par la SA [T] [B] Investissements le 1er avril 1975 en qualité de personnel d'accueil suivant contrat à durée indéterminée, au moment de son licenciement, elle était responsable des achats de miel import et faisait partie de l'équipe de direction.

Après avoir été convoquée par lettre du 17 juillet 2009 à un entretien préalable au licenciement fixé le 31 juillet 2009, elle a été licenciée par lettre du 5 août 2009 au motif que ses absences prolongées depuis le 11 février 2009 perturbent sérieusement le fonctionnement de l'entreprise compte tenu de l'importance des fonctions qu'elle occupe et ont nécessité son remplacement ; elle a saisi le Conseil de Prud'hommes pour obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le Conseil de Prud'hommes de Pau, section encadrement, par jugement contradictoire du 12 septembre 2011, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a débouté Madame [M] [H] de sa demande relative au harcèlement moral, il a considéré que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, il a condamné la SA [T] [B] Investissements à verser à Madame [M] [H] les sommes de :

60.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le licenciement ayant été déclaré illégitime et sanctionné par l'article L. 1235-4, il a ordonné le remboursement par la SA [T] [B] Investissements à Pôle Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 3 mois,

- il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la SA [T] [B] Investissement aux dépens de l'instance.

La SA [T] [B] Investissements a interjeté appel de ce jugement le 23 septembre 2011 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Madame [M] [H] est décédée le [Date décès 1] 2011 et l'instance a été reprise par son époux Monsieur [K] [H].

Les parties ont comparu à l'audience, par représentation de leur conseil respectif.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SA [T] [B] Investissements par conclusions déposées le 14 mars 2013 et développées à l'audience demande à la Cour de confirmer le jugement sur le rejet du harcèlement moral et de l'infirmer pour le surplus, de dire le licenciement fondé, de débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes, de la condamner à payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SA [T] [B] Investissements fait valoir que :

- qu'au moment de son licenciement, Madame [M] [H] s'était vu confier depuis déjà quelques temps la direction des achats de miel à l'international pour optimiser les approvisionnements de l'entreprise en collaboration directe avec le PDG, elle couvre 81 % des approvisionnements de l'entreprise ce qui représente plus de 80 % de son chiffre d'affaires, qu'elle a été en arrêt maladie du 11 février 2009 jusqu'au 11 mars 2009, qu'elle a repris le travail le 1er avril 2009 après avoir été déclarée apte sous réserve d'un suivi médical, puis de nouveau en arrêt maladie du 8 avril jusqu'au 7 mai 2009 prolongé jusqu'au 31 juillet 2009, sans visibilité de reprise à raison du cancer dont elle est atteinte ;

- son absence met en péril l'activité de l'entreprise de telle sorte qu'un processus de recrutement est lancé dès le 25 mars 2009 pour pourvoir à son remplacement par le biais d'un cabinet spécialisé, un candidat est retenu en juin, l'offre est acceptée par lui le 11 juin et il intégrera l'entreprise le 14 septembre 2009 pendant que parallèlement une procédure de licenciement est engagée à l'encontre de la salariée au motif de son absence qui perturbe le fonctionnement de l'entreprise ;

La SA [T] [B] Investissements indique que Madame [M] [H] a subi depuis 2007 un grave épisode dépressif qu'elle ne saurait imputer à son employeur qui a toujours proclamé des valeurs sociales affirmées des faits de harcèlement non précisés dont elle ne rapporte aucunement la preuve qui lui incombe.

********

Par conclusions déposées le 24 mai 2013 et développées à l'audience, Monsieur [K] [H] venant aux droits de son épouse décédée demande à la Cour de confirmer le jugement sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais de le réformer pour le surplus et de condamner la SA [T] [B] Investissements à payer les sommes de :

400.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

100.000 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité de résultat,

4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est rappelé que Madame [M] [H] avait 34 ans et trois mois d'ancienneté au moment de son licenciement, qu'elle avait été obligée de suspendre son activité pour de graves problèmes de santé liés au harcèlement moral de son employeur, qu'elle était suivie pour un état réactionnel dépressif depuis le mois de novembre 2008 et alors qu'elle reprenait le travail le 1er avril 2009, elle a été convoquée par son employeur le 8 avril 2009 pour un entretien qui s'est transformé en un véritable réquisitoire violent et injuste qui a motivé un nouvel arrêt de travail à compter du 8 avril 2009. Il est précisé que Monsieur [T] [B] avait tout tenté pour la déstabiliser et l'obliger à quitter son emploi depuis la fin de 2007, qu'elle n'a pas résisté à ce nouvel assaut pour découvrir fin avril début mai qu'elle était atteinte d'un cancer et en a informé son employeur, le certificat médical qui relate les troubles anxio-dépressifs en lien avec une problématique professionnelle conflictuelle depuis un an avec l'employeur et le certificat du Docteur [R] [Z] confirment cette situation et établissent l'existence d'un harcèlement moral incontestable ; qu'en toute hypothèse, le comportement de l'employeur constitue une atteinte à la dignité de la salariée qui mérite réparation au regard de la précipitation avec laquelle l'employeur s'est emparé de son absence pour immédiatement lui trouver un remplaçant, ce qu'il cherche à faire depuis plusieurs mois.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond,

Sur les faits de harcèlement moral :

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail : 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

Selon les dispositions de l'article L. 1154-1, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Il est précisé pour fonder le harcèlement moral que Monsieur [T] [B] avait tout tenté pour déstabiliser et obliger Madame [M] [H] à quitter son emploi depuis la fin de 2007, sans qu'aucun fait précis ne soit cité qui puisse venir corroborer cette affirmation qui n'est sous tendue par aucune pièce.

Est aussi visé l'entretien du 8 avril 2009 qui se serait transformé en un véritable réquisitoire violent et injuste qui aurait motivé un nouvel arrêt de travail à compter du 8 avril 2009 sans qu'ici non plus aucun propos n'ait été rapporté à l'appui de cette affirmation, ni aucune pièce produite à cet égard.

Aucun fait précis n'étant cité, rien ne permet de présumer l'existence d'un harcèlement qui sera rejeté tout comme la prétendue violation à l'obligation de sécurité et de résultat qui n'est sous tendue par aucun argument, les certificats médicaux qui ne sont que le reflet des dires de Madame [M] [H] ne sauraient être retenus comme éléments de preuve à défaut de tout autre élément.

Sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail :

Si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction à tout employeur de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son bon fonctionnement.

Les juges de première instance ont retenu pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse que Madame [M] [H] devait être remplacée sur le poste achat à l'export pour se tourner vers la formation et que donc son remplacement à ce poste était prévu de longue date et n'était pas dû à son absence pour maladie, qu'elle n'avait pas été remplacée dans ses autres fonctions, qu'il ne s'agissait donc que d'un remplacement partiel et que la perturbation de l'entreprise n'était pas démontrée, argumentation qui n'apparaît pas avoir jamais été soutenue par la salariée en première instance, ni dans les conclusions, ni à l'audience. Cette argumentation a été reprise mot pour mot par Madame [M] [H] devant la Cour sans qu'aucun élément ne vienne démontrer que son remplacement au poste achat était prévu, seul le recrutement du futur responsable de l'entité achat courtage est prévu en 2008 comme le démontre son entretien annuel de février 2008, par ailleurs les missions complémentaires dont elle était investie ont été réparties ainsi qu'il est démontré.

En effet, le service achat courtage comprend une équipe de 5 personnes dirigée par Monsieur [J] qui dans un premier temps va, en plus de ses fonctions, remplacer Madame [M] [H] qui occupe la fonction d'acheteur international senior responsable des achats de miel à l'importation et non à l'export comme l'a retenu à tort le Conseil de Prud'hommes.

Madame [M] [H] est en arrêt maladie depuis le 11 février 2009, elle occupe un poste stratégique dont dépend 80 % du chiffre d'affaires de la société sans que cet élément soit contesté, la SA [T] [B] Investissements va signer un contrat avec une agence de recrutement le 25 mars 2009.

Madame [M] [H] a repris le travail le 1er avril 2009 après avoir été déclarée apte sous réserve d'un suivi médical, puis de nouveau en arrêt maladie du 8 avril jusqu'au 7 mai prolongé jusqu'au 31 juillet sans visibilité de reprise.

Madame [M] [H] a indiqué qu'elle avait découvert qu'elle était atteinte d'un cancer fin avril début mai 2009 et en a informé son employeur, il n'existe donc aucun lien entre la maladie dont Madame [M] [H] était atteinte et la signature du contrat de recrutement le 25 mars 2009.

Aux termes de la recherche, une offre sera faite au futur remplaçant de Madame [M] [H] le 3 juin 2009.

Il ne peut pas être contesté qu'au regard de l'importance de l'activité de Madame [M] [H], son absence prolongée de février à juillet a perturbé le fonctionnement de l'entreprise, qu'il ne peut pas être reproché à la SA [T] [B] Investissements de s'être mis en quête d'un cabinet de recrutement pour assurer le remplacement de Madame [M] [H] au regard de la spécificité de l'activité alors que la maladie fatale n'était pas encore connue et d'avoir pourvu à son remplacement après en avoir eu connaissance en contractant le 3 juin 2009, et d'avoir initié la procédure de licenciement par lettre du 17 juillet 2009 de convocation à un entretien préalable au licenciement fixé le 31 juillet 2009, conclu par lettre de licenciement du 5 août 2009 avec un préavis de trois mois, qu'il n'apparaît pas que le licenciement adressé 6 mois après le début de l'arrêt maladie ait été précipité, il convient de réformer le jugement et de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [K] [H] qui succombe en ses prétentions sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement sur le rejet de la demande relative au harcèlement moral,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déboute les parties de toutes leurs demandes,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [K] [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame ROBERT, Conseiller, suite à l'empêchement de Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,Pour LE PRÉSIDENT empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/03420
Date de la décision : 26/09/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°11/03420 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-26;11.03420 ?
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