CB/AM
Numéro 13/2829
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 28/06/2013
Dossier : 12/01538
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés à une chose mobilière ou immobilière par un immeuble
Affaire :
[C] [V]
SELARL LEGRAND, ès qualités de liquidateur de Monsieur [V]
C/
[I] [G]
SA AVIVA ASSURANCES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 juin 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 26 mars 2013, devant :
Madame PONS, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [C] [V]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 6] (65)
de nationalité française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
SELARL LEGRAND, ès qualités de liquidateur de Monsieur [V]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentés et assistés de Maître Robert MALTERRE, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
Mademoiselle [I] [G]
née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée et assistée de Maître Philippe GACHASSIN, avocat au barreau de TARBES
SA AVIVA ASSURANCES
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP LONGIN - MARIOL, avocats à la Cour
assistés de Maître Soledad RICOUARD, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 05 AVRIL 2012
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
FAITS
Dans la nuit du 27 au 28 décembre 2006, un incendie s'est déclaré dans la partie ancienne de l'hôtel des voyageurs à [Localité 7], appartenant à M. [C] [V], après que son fils [T] et sa petite amie Melle [G] ont, afin d'effectuer des taches de déménagement et de nettoyage de meubles, fait un feu dans la cheminée durant toute la journée.
PROCEDURE
Par acte du 1er décembre 2009, M. [C] [V] et la SELARL Legrand, ès qualités de liquidateur de M. [C] [V], ont assigné Melle [G] et son assureur la SA Aviva Assurances, devant le tribunal de grande instance de Tarbes, en responsabilité et réparation des préjudices subis sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil.
Par jugement en date du 5 avril 2012, le tribunal a déclaré recevable l'action engagée par M. [C] [V] et la SELARL Legrand, ès qualités de liquidateur de M. [C] [V], mais les a déboutés de leurs demandes.
Ils ont interjeté appel suivant déclaration au greffe en date du 2 mai 2012.
MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES
M. [C] [V] et la SELARL Legrand, ès qualités de liquidateur de M. [C] [V], dans leurs dernières écritures en date du 28 septembre 2012, concluent':
- à titre principal, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, à la recevabilité de l'appel, à la recevabilité de leur action en raison de leur qualité pour agir, à la condamnation solidaire de Melle [G], seule à l'origine de l'incendie pour avoir allumé le feu et pour en avoir conservé la garde, et son assureur la compagnie Aviva, au paiement de la somme principale de 853'900 € TTC, avec intérêts depuis l'assignation, au profit de la SELARL Legrand, ès qualités de liquidateur de M. [C] [V], outre 20'000 € à titre de réparation du préjudice moral,
- à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à la condamnation solidaire de Melle [G] et son assureur, au paiement de la somme principale de 853'900 € TTC avec intérêts depuis l'assignation au profit de la SELARL Legrand, ès qualités de liquidateur de M. [C] [V], ainsi que 20'000 € à titre de réparation du préjudice moral, considérant qu'en allumant et en alimentant un feu pendant plusieurs heures dans une cheminée d'un bâtiment fermé depuis plusieurs années, Melle [G] a commis une faute au sens de l'article 1382 du code civil,
- à la condamnation solidaire de Melle [G] et son assureur au paiement à la SELARL Legrand, ès qualités de liquidateur de M. [C] [V], d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Melle [G] dans ses dernières écritures en date du 22 février 2013, conclut à la confirmation du jugement et sollicite une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle considère que les circonstances du sinistre ne sont pas établies, qu'elle n'avait pas la garde de la cheminée, cause de l'incendie et qu'aucune faute n'est caractérisée contre elle. Sa compagnie d'assurances devrait la garantir de toutes sommes mises à sa charge.
La SA Aviva Assurances dans ses dernières écritures en date du 18 septembre 2012, conclut à l'irrecevabilité de l'action à défaut pour M. [V] de sa qualité pour agir n'étant plus propriétaire et à la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité de ce dernier sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, en ce qu'il a conservé la garde de la chose instrument du dommage soit la cheminée.
A titre subsidiaire, elle conclut à sa mise hors de cause en l'absence des conditions de la mise en jeu de la responsabilité de son assurée, sur le fondement des articles 1382 et 1383 et 1384 alinéa 2 du même code à défaut de preuve d'une faute et en l'absence de transfert de garde de la chose constituée par la cheminée.
Très subsidiairement, elle oppose une exclusion de garantie.
Plus subsidiairement encore, elle conclut au débouté des demandes en l'absence de justificatifs probants et notamment en l'absence d'un rapport d'expertise contradictoire.
A titre infiniment subsidiaire, elle conclut à la désignation d'un expert aux fins de rechercher les causes de l'incendie et d'évaluer les préjudices matériels subis, aux frais avancés des appelants.
Elle sollicite enfin l'allocation d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2013.
MOTIVATION
I - Sur la recevabilité de l'action
La SA Aviva Assurances soutient que M. [C] [V] ne justifie pas de sa qualité de propriétaire de l'immeuble alors qu'il a déclaré que la partie récente avait fait l'objet d'une vente.
M. [C] [V] justifie par une attestation notariée du 13 janvier 2011 et la copie du fichier immobilier, qu'il est toujours propriétaire de l'immeuble détruit par l'incendie. Son action est donc recevable.
II - Sur la responsabilité
Il ressort du rapport d'enquête et notamment des investigations menées par la brigade de recherches de [Localité 9] et des sapeurs-pompiers de [Localité 8], des déclarations des protagonistes et des photographies du foyer de l'incendie':
- qu'il trouve son origine dans la grande cheminée du séjour, à la suite d'une reprise de feu dans la nuit, au niveau des chevrons de la cheminée et la gendarmerie a été prévenue par un voisin à 6 heures 20 le matin du 28 décembre 2006,
- que Melle [G] a allumé ce feu et l'a entretenu toute la journée en même temps que M. [T] [V], fils du propriétaire,
- que ce dernier s'est assuré avant de partir à la fin de la journée que les braises étaient éteintes,
- qu'il s'est ainsi dégagé une forte chaleur entraînant la lente combustion d'une poutre en bois,
- que la cheminée n'avait pas été régulièrement ramonée et qu'un début d'incendie dans les années 1990, en avait déjà fragilisé la structure.
M. [C] [V] et la SELARL Legrand, ès qualités, soutiennent à titre principal, que'la responsabilité de Melle [G] est engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 en ce que':
- la chose objet du dommage n'est pas la cheminée qui ne s'est pas enflammée, s'agissant de la combustion des chevrons, mais le feu lui-même,
- le feu est une chose ayant un dynamisme propre et dangereux, qui a eu le rôle actif dans la production du dommage'; il a été l'instrument du dommage,
- Melle [G] a pris l'initiative d'allumer le feu, avec un activateur inadapté (alcool à brûler) et l'a alimenté tout au long de la journée de façon totalement inappropriée et excessive, avec divers papiers et objets mobiliers,
- elle a donc exercé tout au long de la journée l'usage, la direction et le contrôle du feu, éléments qui caractérisent la garde de la chose à l'origine du dommage,
- le défaut de ramonage n'a aucun lien causal avec le sinistre.
Or, dès lors que l'âtre était éteint lors du départ des utilisateurs et que l'incendie a été dénoncé en fin de nuit à 6 heures 20, il s'agit donc bien d'une reprise de feu.
Le feu allumé et entretenu notamment par Melle [G] durant la journée, sans qu'il soit scientifiquement mis en cause l'activateur d'allumage, a été parfaitement maîtrisé. Ce feu n'est donc pas à l'origine de l'incendie mais plutôt la combustion lente des composants de la cheminée et son conduit.
Ainsi, le dommage n'est pas survenu dans l'utilisation du feu ou de la cheminée mais dans un vice de la cheminée en raison de sa vétusté s'agissant d'une construction très ancienne, fragilisée par un premier incendie dans les années 1990, dont il n'est justifié d'aucune réparation et qui surtout, n'avait pas été entretenue par un ramonage régulier, sachant que M. [T] [V] a reconnu que la cheminée était régulièrement utilisée lors des nettoyages de l'hôtel.
Dès lors, le propriétaire de la cheminée, seul en capacité d'en connaître et déceler les vices et d'en prévenir les dangers, doit être considéré comme le gardien de la chose qui a causé le dommage, en ce qu'il avait conservé sur elle, les pouvoirs de direction et de contrôle sans en avoir transféré la maîtrise aux usagers.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré que M. [V] était responsable de son propre préjudice par application de l'article 1384 alinéa 1 du code civil.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare M. [C] [V] et la SELARL Legrand, ès qualités, recevable en leurs demandes ;
- Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 5 avril 2012 en toutes ses dispositions ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [C] [V] et la SELARL Legrand, ès qualités, à verser à la SA Aviva Assurances et à Melle [G], la somme de de 1 500 € (mille cinq cents euros) à chacune ;
- Condamne M. [C] [V] et la SELARL Legrand, ès qualités, aux dépens d'appel';
- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS