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11/06/2013 | FRANCE | N°12/00595

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 11 juin 2013, 12/00595


CB/NG



Numéro 13/2486





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 11/06/2013







Dossier : 12/00595





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale















Affaire :



OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX



C/



Société POLYCLINIQUE DE [1]

SOCIÉTÉ HOSPITALIÈRE D'ASSURANCE

S MUTUELLES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

























Grosse délivrée le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ...

CB/NG

Numéro 13/2486

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 11/06/2013

Dossier : 12/00595

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

Affaire :

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX

C/

Société POLYCLINIQUE DE [1]

SOCIÉTÉ HOSPITALIÈRE D'ASSURANCES MUTUELLES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 Juin 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 26 Février 2013, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX

[Adresse 3]

[Localité 2]

établissement public à caractère administratif, prise en la personne de son directeur, Monsieur [W] [Q]

représenté par Maître Valérie ANEROT BAYLAUCQ, avocat au barreau de PAU

assisté de Me BIROT, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEES :

Société POLYCLINIQUE DE [1]

[Adresse 4]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

SOCIÉTÉ HOSPITALIÈRE D'ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentées et assistées de la SCP DOMERCQ, avocats au barreau de PAU

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée et assistée de Maître Alexandrine BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 14 DECEMBRE 2011

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

FAITS

A la suite d'une arthrodèse au niveau lombaire, réalisée le 24 juin 2002 à la polyclinique de [1] à [Localité 3], Mme [U] [Y] née en 1929, a contracté une infection nosocomiale qui a justifié une nouvelle intervention chirurgicale le 19 novembre 2002 pour retirer le matériel posé. Au cours de cette deuxième intervention est survenu un accident médical, à l'origine d'un déficit neurologique lui interdisant désormais la station debout.

Suivant avis du 19 septembre 2007, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, saisie par Mme [Y], a conclu, au vu d'une expertise médicale réalisée par les Dr [O] et [S], à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale à hauteur du tiers du préjudice, en raison de l'accident médical non fautif, les deux autres tiers devant rester à la charge de la Polyclinique de [1] en raison de l'infection nosocomiale.

Toutefois, l' ONIAM a dû se substituer à cet établissement en raison de sa défaillance dans l'indemnisation de la victime et son refus de l'avis de la commission, en application de l'article 1142-15 du code de la santé publique et a versé à Mme [U] [Y] la somme de 63'189,27 €, en réparation de l'intégralité du préjudice subi, tant du fait de l'infection nosocomiale que du fait de l'accident médical du 19 novembre 2002.

PROCEDURE

Suivant actes des 21 et 25 février 2011, l' ONIAM a fait assigner la Société Polyclinique de [1] et son assureur, la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM) ainsi que la caisse d'assurance maladie de Pau-Pyrénées, en remboursement de la somme versée à la victime, considérant l'imputabilité de l'infection nosocomiale à l'établissement de soins à l'origine de la réintervention du 19 novembre 2002, destinée à retirer le matériel posé lors de la première opération du 24 juin 2002.

Suivant jugement en date du 14 décembre 2011 le tribunal a':

- condamné solidairement la Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux la somme de 42'126,18 €,

- condamné solidairement la Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux les deux tiers des frais d'expertises médicales occasionnés par l'instance engagée le 16 décembre 2004 par Mme [U] [Y] devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 21 février 2011, les dits intérêts étant capitalisés annuellement,

- condamné solidairement la Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à la caisse d'assurance maladie de Pau-Pyrénées la somme de 85'290,91€,

- condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à payer à la caisse d'assurance maladie de Pau-Pyrénées la somme de 42'645,46 €,

- condamné solidairement la Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à la caisse d'assurance maladie de Pau-Pyrénées la somme de 130 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à payer à la caisse d'assurance maladie de Pau-Pyrénées la somme de 70 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- donné acte à la caisse d'assurance maladie de Pau-Pyrénées de ce qu'elle pourra faire valoir solidairement auprès de la Polyclinique de [1], de la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux une créance de 980 € au titre de l'indemnité légale prévue par les articles 9 et 10 de l'ordonnance 96.51 du 27 janvier 1996.

L' ONIAM a interjeté appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 17 février 2012 puis suivant déclaration du 20 mars 2012. Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 11 juin 2012.

MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES

L' ONIAM dans ses dernières écritures en date du 20 juin 2012, conclut sur le fondement des articles L.1142-1, 1142-15 et 1142-17 du code de la santé publique, à la réformation du jugement et sollicite au titre de son recours subrogatoire, la condamnation solidaire de la Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à lui rembourser le montant de l'indemnisation versée à Mme [Y] à hauteur de 63'189,27 € outre les honoraires d'expert à hauteur de 1200 € ainsi que la pénalité de 15 % sur la somme de 42'708,27 € soit 6406,23 €, le tout avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation ainsi qu'une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que le dommage dont a été victime Mme [Y] trouve son origine exclusive dans l'infection nosocomiale contractée à la suite de l'intervention du 24 juin 2002, au sein de la Polyclinique de [1], de sorte qu'elle engage son entière responsabilité en application de l'article L. 1142-1 alinéa 2 du même code, faute pour elle de rapporter la preuve d'une cause étrangère et qu'il n'y a pas lieu de limiter le remboursement de l'indemnisation versée.

L'indemnisation au titre de la solidarité nationale n'a qu'un caractère subsidiaire. L' ONIAM n'a donc pas vocation à intervenir lorsqu'il existe une prise en charge faite dans le cadre d'un système de responsabilité.

Or, les établissements de soins sont responsables en application de l'article 1142-1 alinéa 2, des dommages résultant des infections nosocomiales hors preuve d'une cause étrangère, ce qui est le cas en l'espèce.

La Cour de Cassation admet un complément d'indemnisation au titre de la solidarité nationale dans le seul cas où les préjudices non indemnisés ont pour seule origine un accident médical non fautif (tel qu'un manquement au devoir d'information).

En l'espèce l'infection nosocomiale a joué un rôle causal direct dans la réalisation de la complication dont a été victime secondairement la patiente'; il convient donc de faire application de la théorie de la causalité adéquate qui était déjà applicable avant la loi du 4 mars 2002.

L' ONIAM sollicite l'application de son référentiel d'indemnisation en ce que, s'agissant d'une indemnisation accordée au titre de la solidarité nationale applicable sur l'ensemble du territoire, elle ne peut être différente selon la situation géographique de la victime.

Il justifie de sa demande en remboursement au titre des sommes versées en réparation des préjudices subis (frais médicaux et pharmaceutiques restés à charge, frais divers, frais d'aménagement du lieu de vie, frais d'assistance par tierce personne, déficit fonctionnel permanent, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément).

Selon l'article L.1142-12 dernier alinéa, l'office subrogé dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou son assureur peut obtenir le remboursement des frais d'expertise.

Selon l'article L. 1142-15 le juge est habilité à accorder à l'Office une somme égale au plus à 15 % de l'indemnité allouée dans le cas du silence abusif de l'assureur qui refuse de faire une offre d'indemnisation et ce, pour prévenir les comportements dilatoires des assureurs. En l'espèce, l' ONIAM a dû se substituer à l'assureur alors qu'il reconnaissait pourtant devoir au moins les deux tiers du préjudice.

S'agissant du recours subrogatoire du tiers payeur, le conseil d'Etat a rappelé dans un avis du 22 janvier 2010, qu'il s'exerce à l'encontre des auteurs responsables de l'accident survenu à la victime et que l' ONIAM n'a pas la qualité d'auteur responsable des dommages, de sorte que, le tiers payeur ne dispose d'aucun recours contre lui mais seulement contre l'auteur responsable.

La Société Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles dans leurs dernières écritures en date du 5 juillet 2012, concluent à la confirmation de la décision, considérant que l'infection nosocomiale contractée par Mme [Y] n'est pas la cause exclusive de son dommage et qu'en conséquence elles ne sont tenues qu'à hauteur des deux tiers des indemnisations versées.

Elles sollicitent la réformation de la décision qui les a condamnées à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie la somme de 85'290,91€. Elles sollicitent la condamnation de toute partie succombante à leur verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles soutiennent qu'au terme de l'arrêt du 11 mars 2010, la Cour de Cassation rappelle qu'il résulte du rapprochement des articles L.1142-1 et L. 1142-18 du code de la santé publique, que ne peuvent être exclus du bénéfice de la réparation au titre de la solidarité nationale, les préjudices non indemnisés ayant pour seule origine un accident non fautif, le juge devant déterminer la part du préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale. Dès lors, il convient en l'espèce d'homologuer le partage de responsabilité réalisé par la commission et de l'appliquer à l'indemnisation des préjudices subis par la patiente.

Le dommage trouvant son origine dans deux causes, l'accident médical non fautif et l'infection nosocomiale, l'indemnisation au titre de la solidarité nationale ne peut être exclue.

Concernant le montant de l'indemnisation, il appartient à l' ONIAM de produire les justificatifs des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais divers et des frais d'aménagement du lieu de vie justifiant l'indemnisation réclamée.

La pénalité de 15 % n'est nullement automatique et en outre, il s'agit d'un taux plafond': en l'espèce en aucun cas l'assureur n'a opéré un refus abusif. En effet, à l'époque de la contestation, la Cour de Cassation n'avait toujours pas tranché le problème de la rétroactivité de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2002, relatif à la réparation des dommages par la solidarité nationale du fait d'une infection nosocomiale dont le taux d'IPP est supérieur à 25 %. La résistance au paiement n'est donc pas fautive.

Par ailleurs, il convient de confirmer la décision qui a appliqué le principe de la répartition, au montant de la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie.

En revanche, dès lors que la caisse ne justifie pas de l'imputabilité à l'infection nosocomiale, des dépenses qu'elle a engagées, notamment au titre des périodes d'hospitalisation, des frais médicaux et de transport, il ne peut être vérifié leur lien avec l'infection nosocomiale contractée ou avec l'accident médical non fautif dont l'indemnisation incombe à l' ONIAM. La période d'hospitalisation en lien avec l'infection nosocomiale s'arrête au 19 novembre 2002, date de la survenance de l'accident médical non fautif à l'origine du syndrome de la queue de cheval. Il en est de même pour les frais futurs qui sont imputables à l'accident médical non fautif.

La Caisse primaire d'assurance-maladie de Pau Pyrénées dans ses dernières écritures en date du 1er août 2012, conclut à la confirmation du jugement qui a condamné solidairement la polyclinique de [1] et son assureur à lui verser la somme de 85'298,91€ en opérant un partage de responsabilités à hauteur des deux tiers à la charge des tiers responsables et déclare sa créance définitive d'un montant de 127'936,37 €.

Sur appel incident elle conclut à la réformation de la disposition du jugement relative à l'article 700 du code de procédure civile et sollicite l'allocation de la somme de 900 €, dès lors qu'il n'y a pas lieu de ce chef, de même que pour l'indemnité forfaitaire, d'appliquer le partage de responsabilité.

Elle demande à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle peut faire valoir une créance au titre de l'indemnité forfaitaire d'un montant de 997 €.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2013.

MOTIVATION

A titre préliminaire, il convient de préciser que les dispositions de la loi du 30 décembre 2002 ne s'appliquent qu' aux conséquences dommageables des infections nosocomiales consécutives à des activités médicales postérieures au 1er janvier 2003. En l'espèce, les textes applicables sont donc ceux en vigueur au jour des faits litigieux des 24 juin et 19 novembre 2002, dans leur rédaction issue de la loi du 4 mars 2002.

Dès lors, en vertu de l'article L1142-17 du code de la santé publique, l'ONIAM peut exercer son recours subrogatoire contre le professionnel ou l'établissement de santé qu'il estime responsable des dommages, sans qu'il soit contraint de rapporter la preuve d'une faute caractérisée d'asepsie, (contrairement à ce qu'exige le même texte dans son rédaction actuelle) sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées, en application de l'article L 1142-15.

Au terme du rapport d'expertise ordonnée par la commission régionale, il apparaît que Mme [Y] a été opérée d'une arthrodèse et ostéosynthèse le 24 juin 2002, au sein de la Polyclinique de [1]. Dans les suites de cette intervention, elle a présenté une infection nosocomiale qui a nécessité une reprise chirurgicale le 19 novembre 2002, pour «'ablation de l'ostéosynthèse'», à l'occasion de laquelle, est survenu un hématome épidural compressif, lui-même à l'origine de l'apparition le 21 novembre 2002, d'un syndrome de la queue de cheval. Les experts n'ont relevé aucune faute technique médicale. Il demeure une atteinte vertébrale en L3, L4, L5 et S1 gauche sévère entraînant un taux d'IPP de 30%, Mme [Y] étant devenue paraplégique et ne se déplaçant plus qu'en fauteuil roulant.

La commission a considéré que les séquelles subies étaient imputables à la fois à l'infection nosocomiale et à l'accident médical non fautif (l'hématome), de sorte qu'elle a estimé que la réparation du préjudice devait être partagée entre l'assureur de la clinique, à hauteur des deux tiers et la solidarité nationale, à hauteur d'un tiers, en application des articles L. 1142-1 II et L 1142-18 du code de la santé publique.

En vertu de l'article L1142-1- II du code de la santé publique':

«'II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret»

Il en résulte que le système d'indemnisation par la solidarité nationale n'a qu'un caractère subsidiaire: il ne s'applique que si aucune responsabilité médicale n'est encourue par ailleurs. Et ce, dans le but de répondre au principe de l'indemnisation intégrale du préjudice subi par la victime.

Toutefois, l'article L1142-18 du même code'dispose que:

«'Lorsque la commission estime qu'un accident médical n'est que pour partie la conséquence d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, elle détermine la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office.'»

La Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles soutiennent que ce principe, applicable aux commissions, s'impose également à l' ONIAM. Celui-ci réfute ce moyen, au nom du principe de subsidiarité.

Or, les établissements de soins sont responsables en application de l'article 1142-1 alinéa 2, des dommages résultant des infections nosocomiales sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. En l'espèce, la Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles ne rapportent pas cette preuve dans la survenance de l'infection nosocomiale incontestable, contractée par Mme [Y] lors de son hospitalisation du 24 juin 2002. La responsabilité de l'établissement de santé est donc engagée vis à vis de la victime.

Selon les experts, l'infection nosocomiale du disque invertébral «'a une responsabilité indirecte puisque le dommage est intervenu à la suite de l'intervention d'ablation de l'ostéosynthèse rendue nécessaire par l'infection'».

Quelle que soit l'imperfection ou l'inadaptation des termes utilisés par ces experts, il en résulte que, si l'accident médical non fautif est la cause immédiate du dommage, l'infection nosocomiale est quant à elle, à l'origine de l'accident médical survenu lors de la ré-intervention,'puisque sans l'infection nosocomiale il n'y aurait pas eu de dommage. L'accident médical non fautif et l'infection nosocomiale sont donc à l'origine de l'entier dommage.

Or, quand l'une des causes possibles, directes et certaines du dommage, quelle que soit sa part d'imputabilité, entraîne la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, comme en l'espèce où l'infection nosocomiale engage la responsabilité de la polyclinique de [1], le partage d'indemnisation entre l'établissement de santé et la solidarité nationale prévue par l'article 1142-18 du code de la santé publique s'efface au profit de l'article L1142-1 II, en application de la règle de subsidiarité qu'il édicte et au nom de laquelle, l'indemnisation par la solidarité nationale ne peut être mise en jeu qu'en cas d'absence de responsabilité d'un établissement ou de professionnels de santé.

Il en résulte que l' ONIAM est fondé en son recours subrogatoire prévu à l'article 1142-17 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 qui n'exige pas la preuve d'une faute caractérisée d'asepsie.

L' ONIAM réclame le remboursement de l'indemnisation versée à la victime en vertu des transactions intervenues entre eux, soit la somme totale de 63'189,27€, au vu des conclusions du rapport d'expertise qui fixe la consolidation des blessures au 3 octobre 2003, l' incapacité temporaire totale imputable au dommage, du 29 juillet au 3 octobre 2003, l'incapacité permanente partielle à 30%, le préjudice esthétique à 3/7, les souffrances endurées à 5/7, un préjudice d'agrément pour la perte d'indépendance pour les sorties, l'aide d'une tierce personne non spécialisée une heure par jour et la nécessité d'aménager le lieu de vie.

La Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles soutient que les indemnisations réclamées au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais divers et des frais d'aménagement du lieu de vie, ne sont pas suffisamment justifiées.

Or, l' ONIAM produit au débat':

- les trois protocoles transactionnels signés par Mme [Y] pour un montant total de 63 189,27 €,

- les factures des frais médicaux et pharmaceutiques pour un montant de 852,45 € (pince, siège bain pivotant, lombat, facture de la mutuelle pour les 50% du forfait hospitalier resté à la charge de la victime,

- la facture des frais divers (frais de couches depuis le retour au domicile) sur la base de 15,6 € par mois,

- les factures des frais d'aménagement du lieu de vie pour un montant de 6184,96 € déduction faite des aides perçues (menuiserie, plomberie, équipement ménager, carrelage, électricité).

Il apparaît donc que les montants réclamées à ces titres sont parfaitement justifiés. Les autres postes de préjudices n'étant pas contestés, il convient de condamner la Société Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles in solidum, à rembourser à l' ONIAM la somme de 63 189,27 €.

L'article L 1142-15 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, dispose qu' «'en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue».

Par courrier du 15 avril 2008, la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles, contestant la proposition émise par la commission régionale d'indemnisation dans son avis du19 septembre 2007, a signifié à Mme [Y] son refus de formuler une offre d'indemnisation, au motif que la cause exclusive du dommage provenait de l'aléa thérapeutique. Or, tant devant le tribunal que devant la cour, elle n'a jamais maintenu cette position et, au contraire, elle a demandé la confirmation de la solution proposée, de partage d'indemnisation à hauteur des deux tiers à sa charge. L'incertitude, à l'époque, sur la rétroactivté de la loi du 30 décembre 2002 est sans incidence dès lors que cette sanction existait déjà sous l'empire de la loi du 4 mars 2002.

Son refus total de formuler une offre apparaît donc injustifié et abusif de sorte que la demande de l' ONIAM fondée sur l'article L 1142-15 du code de la santé publique, en paiement de la somme de 6406,23€ représentant 15% de la somme versée à Mme [Y] (en application de l'avis de la commission) est justifiée et il y sera fait droit.

En vertu des articles L 1142-12 et 15, l'office national d'indemnisation qui a pris en charge le coût des missions d'expertise, est habilité à en obtenir le remboursement auprès des personnes responsables du dommage. La Société Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles seront donc condamnées in solidum à lui rembourser la somme de 1200 € au vu des deux certificats de paiement du 21 juillet 2009 effectués au profit des deux experts.

La polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles contestent la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Pau Pyrénées d'un montant de 127 936,37 €, en ce que, les périodes d'hospitalisation ne sont pas justifiées et notamment, celle du centre hospitalier de Bagnères qui n'est pas imputable aux faits de la cause ainsi que la créance de frais médicaux, pharmaceutiques et de transports ainsi que des frais futurs qui ne concernent que l'état actuel de la victime ou qui apparaissent en lien direct avec l'accident médical non fautif.

Au stade de la contribution à la dette, il convient en effet, de n'admettre à la charge du débiteur que les frais imputables directement au fait dommageable dont il est responsable. Or, parmi les deux causes possibles du dommage actuel de Mme [Y], l'accident médical non fautif constitue la cause qui a joué le rôle véritablement perturbateur alors que l'infection nosocomiale n'a eu qu'un rôle secondaire. De sorte que, seuls les frais de santé relatifs aux soins de l'infection nosocomiale doivent lui être imputés.

Ainsi, au titre des frais d'hospitalisation, doivent être exclus, ceux postérieurs à la réintervention du 19 novembre 2002 (du 12 novembre 2002 au 15 janvier 2003 soit 56 838 €). En revanche, ceux du 20 août au 2 octobre 2002 de 3369,63 €, sont compris dans la période de l'incapacité temporaire totale déterminée par les experts, de sorte que ne relevant pas de la prise en charge normale de l'intervention du 24 juin 2002, leur imputabilité n'est pas contestable.

Les frais futurs capitalisés (52 670,47 €) à compter de 2004 sont également non imputables à l'infection nosocomiale.

Ainsi, la créance justifiée de la caisse, imputable aux faits dont la Société Polyclinique de [1], assurée par la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles, est responsable, s'élèvent à 18 427,90 €.

Il y a lieu de faire droit à la demande du tiers payeur fondée sur l'application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, à hauteur de 997 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 14 décembre 2011 en toutes ses dispositions';

- Statuant à nouveau :

- Condamne la Société Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles in solidum, à rembourser à l' ONIAM les sommes de soixante trois mille cent quatre vingt neuf euros vingt sept centimes (63 189,27 €) et mille deux cents euros (1200 €)';

- Condamne la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à l'ONIAM la somme de six mille quatre cent six euros vingt trois centimes (6406,23 €)';

- Condamne in solidum la Société Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau Pyrénées les sommes de dix huit mille quatre cent vingt sept euros quatre vingt dix centimes (18 427,90 €) au titre des ses débours et une indemnité de neuf cent quatre vingt dix sept euros (997 €) sur le fondement de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale';

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la Société Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à verser à l' ONIAM la somme de trois mille euros (3000 €) et à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau Pyrénées la somme de neuf cents euros (900 €)';

- Condamne in solidum la Société Polyclinique de [1] et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles aux dépens de première instance et d'appel';

- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/00595
Date de la décision : 11/06/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°12/00595 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-11;12.00595 ?
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