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08/11/2012 | FRANCE | N°11/03561

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 08 novembre 2012, 11/03561


TLM/ BLL
Numéro 12/

COUR D'APPEL DE PAU 2ème CH-Section 1

ARRET DU 08/ 11/ 2012
Dossier : 11/ 03561

Nature affaire :

Demande d'évaluation et/ ou en paiement de l'indemnité d'éviction

Affaire :

S. C. I. TARB INVEST 3
C/
SARL FLORENTINE, EURL BUERA

Grosse délivrée le : à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 novembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans

les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

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APRES DÉBATS

à l'audience publique tenu...

TLM/ BLL
Numéro 12/

COUR D'APPEL DE PAU 2ème CH-Section 1

ARRET DU 08/ 11/ 2012
Dossier : 11/ 03561

Nature affaire :

Demande d'évaluation et/ ou en paiement de l'indemnité d'éviction

Affaire :

S. C. I. TARB INVEST 3
C/
SARL FLORENTINE, EURL BUERA

Grosse délivrée le : à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 novembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 11 Septembre 2012, devant :

Monsieur BERTRAND, Président

Monsieur SCOTET, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 13 décembre 2011
Monsieur LE-MONNYER, Conseiller chargé du rapport

assistés de Madame OSSELE-MENGUETE, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S. C. I. TARB INVEST 3 représentée par son gérant en exercice 39 Avenue d'Iéna 75116 PARIS

représentée par la SCP LONGIN-LONGIN DUPEYRON-MARIOL avocats à la Cour assistée de Me MONTAGNE loco Me BARRILLON, avocat au barreau de PAU

INTIMEES :

SARL FLORENTINE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège 35 Rue Maréchal Foch 65000 Tarbes

EURL BUERA agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 1 Place St Barthélemy 65200 CIEUTAT

représentées par la SCP DUALE/ LIGNEY avocats à la Cour assistées de Me FILLASTRE, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision en date du 11 AOUT 2011 rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Objet succinct du litige-Prétentions et arguments des parties :

Aux termes d'un acte authentique en date du 5 février 1982, Mme Alice B..., veuve X..., a donné à bail à la S. A. R. L. FLORENTINE divers locaux commerciaux dépendant d'un immeuble situé ... à Tarbes (65000).

Suivant acte sous seing privé, à effet du 1er février 1991, Mme B...a renouvelé le bail pour une durée de neuf années entières, moyennant un loyer annuel payable mensuellement de 78. 000 francs, soit 11. 891 €.
Le 1er juillet 1996, la S. A. R. L. FLORENTINE a donné en location gérance à l'EURL BUERA ce fonds de commerce.
Par exploit d'huissier en date du 26 avril 2005, la S. A. R. L. FLORENTINE a notifié à Mme B...une demande de renouvellement de son bail en application des dispositions de l'article L. 145-10 du code de commerce de boulangerie patisserie.
Par exploit signifié le 30 juin 2005, les consorts X...ont notifié à la S. A. R. L. FLORENTINE leur refus du renouvellement sollicité et offert de payer une indemnité d'éviction.
Dans les deux ans qui ont suivi, et par acte délivré le 13 février 2007, la S. A. R. L. FLORENTINE a saisi le tribunal de grande instance de Tarbes pour obtenir la condamnation des bailleurs au paiement de l'indemnité d'éviction.
Par ordonnance en date du 13 novembre 2007, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. Richard E.... L'expert a déposé son rapport le 3 novembre 2008.
Le 27 juin 2008, les consorts X..., venant aux droits de Mme Alice B..., ont vendu l'immeuble à la société civile TARB INVEST 3.
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Suivant jugement rendu le 11 août 2011, le tribunal de grande instance de Tarbes a :- mis hors de cause les consorts X...,- débouté la société civile TARB INVEST 3 de sa demande de dispense de paiement d'indemnité d'éviction,- condamné la société civile TARB INVEST 3 à payer à la S. A. R. L. FLORENTINE la somme de 315. 200 € au titre de l'indemnité d'éviction, la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixé à la somme de 2148, 80 € par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par la S. A. R. L. FLORENTINE à compter du 1er juillet 2005,- condamné la société civile TARB INVEST 3 aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise,- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par acte en date du 5 octobre 2011, la société civile TARB INVEST 3 a interjeté appel de ce jugement.

* * * * * *

En l'état de ses dernières écritures enregistrées au greffe le 29 décembre 2011, la société civile TARB INVEST 3 demande à la cour,

à titre principal de :- la recevoir en son appel,- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dispense de paiement d'indemnité d'éviction, dire et juger que les motifs invoqués dans le refus de paiement d'indemnité, notifié le 12 janvier 2010, sont graves et légitimes et dire en conséquence n'y avoir lieu à fixation ni à paiement de l'indemnité, à titre subsidiaire,- infirmer le jugement en ce qu'il a dit et retenu que le fonds de commerce n'était pas transférable sans perte significative de clientèle,- dire en conséquence que l'indemnité d'éviction due à la S. A. R. L. FLORENTINE doit correspondre à la valeur du droit au bail et fixer en conséquence l'indemnité de transfert à la somme de 216. 000 €. À titre infiniment subsidiaire,- infirmer le jugement en ce qu'il a évalué l'indemnité d'éviction en fonction du seul chiffre d'affaires en fixant son montant à la somme de 315. 200 € et en ce qu'il lui a alloué une indemnité accessoire de 38. 000 € au titre des frais de réinstallation,- en conséquence, fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 199. 140 € correspondant à l'indemnité de remplacement et dire et juger qu'aucune indemnité accessoire tant au titre des frais de réinstallation qu'à celui du trouble commercial n'est due à la S. A. R. L. FLORENTINE, En toute hypothèse,- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 2. 148, 80 € et fixer son montant annuel à compter du 1er juillet 2005, à la somme de 53. 650 €,- condamner la S. A. R. L. FLORENTINE à lui payer une indemnité de 3. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LONGIN.

Au soutien de ses écritures, la société civile TARB INVEST 3 expose :- que le commandement de payer visant la clause résolutoire et les dispositions de l'article L. 145-17 du code de commerce, délivré le 3 décembre 2009 pour avoir paiement de la somme de 5. 035, 48 €, représentant le montant des indemnités d'occupation dues pour la période d'août à décembre 2009, est demeuré totalement infructueux pendant une période d'un mois, en sorte qu'elle a pu légitimement signifié le 12 janvier 2010 le refus de payer l'indemnité d'occupation, la défenderesse ne s'acquittant que partiellement de son obligation en payant la somme de 3. 555, 42 € le 18 janvier 2010,

- que postérieurement à la délivrance de cet acte, le preneur s'est libéré de manière irrégulière et chaotique de l'indemnité d'occupation,- que depuis le mois de janvier 2009, la S. A. R. L. FLORENTINE ne procède plus au paiement à bonne date des loyers mais procédait à des paiements sans provision, des paiements groupés, des paiements différés ou mal libellés,- que ces motifs caractérisent les motifs graves exigés par la jurisprudence, ces défauts de paiements ne pouvant pas lui être imputables, la bailleresse soutenant n'avoir pas changé d'adresse.

La société civile TARB INVEST 3 considère que le tribunal a fait une mauvaise application du droit en retenant que l'indemnité d'éviction devait être calculée en fonction du chiffre d'affaires alors qu'elle démontre qu'en l'espèce, le fonds de commerce de boulangerie pourrait être transféré sans perte significative de clientèle, en sorte que l'indemnité doit correspondre à une indemnité de déplacement et non de remplacement, laquelle s'apprécie, selon la jurisprudence, en considération de la valeur du droit au bail qui s'élève selon l'expert à la somme de 216. 000 €.
La bailleresse critique le mode de calcul retenu par l'expert ; elle indique également qu'en raison de la très forte distorsion existant entre le CA réalisé qui est très élevé et les bénéfices commerciaux lesquels sont négatifs sur les trois exercices retenus pour référence, la méthode fondée sur le seul CA ne saurait prospérer ; elle considère donc que l'évaluation du fonds doit être recherchée par capitalisation de la capacité bénéficiaire dégagée par l'exploitation, capacité appréciée par référence à l'excédent brut d'exploitation.
La société civile TARB INVEST 3 ajoute qu'il existe en outre une incertitude quant à la réalité des CA liés à l'absence de comptabilité propre à chaque établissement, la S. A. R. L. FLORENTINE en exploitant quatre.
Il est en outre demandé à la Cour de calculer l'indemnité de remplacement sur la base d'un CA H. T.
Enfin, la société civile TARB INVEST 3 considère le pourcentage d'évaluation retenu par M. E...de 95 % comme élevé et propose de se fonder sur un pourcentage de 75 % de ce CA. En conséquence, l'indemnité principale liée à la perte du fonds de commerce doit être retenue à hauteur de 199. 140 €.
En ce qui concerne l'indemnité de réinstallation, la bailleresse considère que ces frais doivent être calculés non pas par rapport aux agencements réalisés dans les locaux évincés mais par rapport aux travaux qui devront être réalisés par la société locataire dans les locaux de remplacement.
La société civile TARB INVEST 3 rappelle qu'il n'y a pas lieu à envisager d'allouer à la S. A. R. L. FLORENTINE une indemnité pour trouble commercial dès lors que la S. A. R. L. FLORENTINE n'exploite pas personnellement le fonds donné en location gérance à l'EURL BUERA.
En ce qui concerne l'indemnité d'occupation, la société civile TARB INVEST 3 soutient que le tribunal a, à juste titre retenu que l'indemnité d'occupation devait correspondre à la valeur locative et non au loyer plafonné et que son point de départ devait être fixé au 1er juillet 2005 sauf à corriger son montant conformément au prix du marché. La bailleresse estime qu'il n'y a pas lieu d'exclure du calcul de la moyenne le loyer exceptionnel payé par un franchisé ni d'appliquer un abattement de 40 % comme l'a fait le tribunal au motif de la situation économique ce qui a pour effet de baisser le prix au m ² à un niveau inférieur, l'abattement de précarité ne pouvant excéder 10 %.

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Suivant conclusions récapitulatives signifiées le 25 novembre 2011, la S. A. R. L. FLORENTINE et l'EURL BUERA demandent à la Cour de :- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société civile TARB INVEST 3 de sa prétention tendant à être dispensée du paiement de l'indemnité d'éviction et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 2. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner la société civile TARB INVEST 3 à leur verser 10. 000 € de dommages et intérêts en raison de ses comportements déloyaux,- fixer l'indemnité d'éviction due aux concluantes à la somme de 315. 200 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2005, outre les indemnités versées aux salariés attachés au fonds de Tarbes par suite des ruptures des contrats de travail, sur justificatifs, ainsi que la somme de 70. 000 € pour trouble commercial,- fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 11. 891, 04 € HT par an,- condamner la société civile TARB INVEST 3 à leur payer la somme supplémentaire de 3. 000 € d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et autoriser la SCP GINESTET à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Rappelant les termes de l'ordonnance de référé confirmée par la cour d'appel, la S. A. R. L. FLORENTINE et l'EURL BUERA stigmatisent le comportement douteux et déloyal de la société bailleresse : elles prétendent que les difficultés rencontrées pour que les paiements adressés soient effectivement encaissés par la société bailleresse lui sont imputables, les envois ne parvenant pas systématiquement au destinataire ou les chèques n'étant encaissés tardivement qu'à seule fin de se constituer la preuve d'un prétendu manquement de leur part et prendre artificiellement la S. A. R. L. FLORENTINE en défaut.
Aussi, elles considèrent que l'acharnement opposé par la société civile TARB INVEST 3 à user de moyens illicites et de mauvaise foi lui interdit de se prévaloir de la prétendue situation irrégulière de la locataire pour se dispenser de payer l'indemnité due.
La S. A. R. L. FLORENTINE rappellent que les bailleurs ont initialement offert de s'acquitter de l'indemnité d'éviction.
Elles font leurs les conclusions de l'expert E...quant à la détermination du montant de l'indemnité due à laquelle il convient d'ajouter le coût éventuel des licenciements à opérer. La S. A. R. L. FLORENTINE demande à la juridiction d'écarter l'arrêt isolé invoqué par l'appelante du 17 décembre 2003, et demande l'application de la loi qui fait référence aux usages de la branche, lesquels en l'espèce prennent en compte la TVA dans le CA servant à déterminer la valeur des cessions.
La S. A. R. L. FLORENTINE rappelle que devant l'expert, la société civile TARB INVEST 3 s'est avérée dans l'incapacité de justifier de la possibilité de sa réinstallation à proximité.
Invoquant le préjudice commercial découlant de la perte d'un fonds qu'elles exploitaient depuis plus de 20 ans, la S. A. R. L. FLORENTINE et l'EURL BUERA soutiennent subir un préjudice qui mérite d'être indemnisé à hauteur de 70. 000 €.
En ce qui concerne l'indemnité d'occupation, la S. A. R. L. FLORENTINE et l'EURL BUERA exposent que l'on ne saurait déterminer une indemnité d'occupation représentant plus du double du montant du loyer alors même que le bailleur,- ne peut se prévaloir du jeu de la clause résolutoire,- n'a, à aucun moment, notifié une volonté de révision de son montant.

La S. A. R. L. FLORENTINE et l'EURL BUERA qui précisent avoir libéré les locaux le 29 septembre 2011, considèrent qu'il convient de retenir le montant du loyer auquel il convient d'appliquer un abattement pour précarité de 20 %, mais acceptent que l'indemnité soit fixée à la somme de 11. 891, 04 €.
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Plaidée à l'audience du 11 septembre 2012, la décision a été mise en délibéré au 23 octobre suivant.

Sur ce

sur la demande de dispense de paiement de l'indemnité d'éviction :

Le bailleur a, dès le mois de juin 2005, à l'occasion de la signification au preneur du refus de renouveler le bail, offert de payer une indemnité d'éviction dont le montant sera fixé conformément aux dispositions prévues par ce texte.

Pour solliciter la dispense de cette obligation, sur le principe duquel son auteur avait souscrit, la société civile TARB INVEST 3 invoque les paiements erratiques des loyers et notamment le non respect du commandement de payer délivré le 3 décembre 2009.

En application des dispositions de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail est tenu, en principe, au paiement d'une indemnité d'éviction, sauf à justifier d'un motif grave et légitime, tel que défini par l'article L. 145-17 du dit code. Ce texte énonce notamment que s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser.

Suivant commandement de payer les loyers visant notamment les dispositions de l'article L. 145-17 du code de commerce, délivré le 3 décembre 2009, la société civile TARB INVEST 3 a fait commandement à la S. A. R. L. FLORENTINE d'avoir à payer la somme de 5. 035, 48 €, ainsi détaillée :- solde indemnité d'occupation d'août 2009 : 124, 48 €,- indemnités d'occupation de septembre à décembre 2009 : 4 x 1. 185, 14 €,- frais : 170, 44 €.

Au vu des justificatifs des paiements produits par la S. A. R. L. FLORENTINE (régularisation du précédent commandement du 26 juin 2009, paiement des indemnités d'occupation de juillet, d'août et de septembre 2009), il est établi que la prétention formulée par le bailleur au titre d'un solde d'indemnité d'occupation pour le mois d'août 2009 ne repose sur aucun élément et que le terme de septembre était d'ores et déjà acquitté au jour de la délivrance du commandement.
Au 3 décembre 2009, l'obligation s'élevait donc en réalité à la somme de 3. 555, 42 €.
Celle-ci ne sera régularisée que le 18 janvier 2010, deux semaines après le terme du délai d'un mois suivant la délivrance du commandement.
La S. A. R. L. FLORENTINE soutient qu'en réalité, la bailleresse avait reçu deux des trois termes visés par le commandement :- elle affirme, sans toutefois en justifier, l'intéressée n'adressant à l'époque ses règlements que par lettre simple, avoir adressé le chèque concernant le terme d'octobre à bonne date, celui-ci n'étant encaissé que tardivement en janvier 2010,- en ce qui concerne le paiement du terme de novembre 2009, il convient de relever que la S. A. R. L. FLORENTINE justifie, par la production de l'enveloppe qui lui a été retournée par la Poste, que l'envoi du chèque concernant ce règlement, lui sera retourné au début du mois de décembre 2009 avec la mention " boîte non identifiable ".

Cette situation s'était déjà produite quelques mois auparavant lorsque, souhaitant régulariser le paiement de quatre mensualités d'indemnité d'occupation consécutivement à la justification par le bailleur de sa qualité, sur injonction du juge de la mise en état, en avril 2009, la lettre d'envoi avait été retournée au preneur avec la mention " boîte non identifiable ".
Le commandement litigieux est ainsi intervenu dans un contexte particulier au cours duquel les courriers adressés au bailleur ne lui parvenaient pas systématiquement ; si les éléments communiqués ne permettent pas de considérer que les difficultés d'acheminement du courrier soient imputables au bailleur, il est certain que de telles difficultés étaient de nature à placer le preneur dans une situation de confusion sur les règlements effectivement encaissés par le bailleur et la réalité de l'obligation réclamée.
Postérieurement à la date de délivrance du commandement du 3 décembre 2009, le bailleur allègue sans en justifier avoir enregistré de nouvelles difficultés de paiement ; les éléments communiqués par la S. A. R. L. FLORENTINE (bordereaux mensuels des chèques adressés par son conseil à l'avocat de la bailleresse) attestent à l'inverse que le preneur, tirant les enseignements de cet incident, fera parvenir à bonne date ses règlements par l'entremise de son conseil.
Au vu de ces éléments, desquels il est établi que des incidents de paiement de l'indemnité mensuelle d'occupation sont ponctuellement intervenus par suite, dans un premier temps de la résistance manifestée par le bailleur de justifier de sa qualité (incidents non visés par le commandement du 3 décembre 2009), puis de difficultés de distribution du courrier à au moins deux reprises, dont on ne peut imputer la responsabilité ni à l'une ni à l'autre des parties, qui rendaient délicates l'appréciation par le preneur de l'étendue exacte de son obligation, il sera jugé compte tenu de l'ancienneté des relations contractuelles (une trentaine d'années) et de la régularisation diligente de l'arriéré, que la société civile TARB INVEST 3 ne peut se prévaloir d'un motif grave et légitime pour s'opposer au droit de la S. A. R. L. FLORENTINE à percevoir son indemnité d'éviction.
La preuve de manoeuvres émanant du bailleur pour créer artificiellement des incidents de paiement n'étant pas rapportée, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la bailleresse au paiement de dommages et intérêts.

Sur le montant de l'indemnité d'éviction :

En vertu de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail devra " payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ".
Il ressort de l'expertise de M. E...que le fonds litigieux est situé à Tarbes, sur la rue Foch, voie semi-piétonne qui est la plus commerçante de la ville, bordée d'arbres et de larges trottoirs ; selon l'expert, et ce point n'est pas discuté, le fonds bénéficie d'un emplacement commercial qualifié de " premier plan ".
Après avoir décrit les locaux, l'expert souligne que la réserve et les vestiaires situés à l'étage constituent un élément favorable ; les locaux du ré de chaussée sont en très bon état d'entretien, l'étage étant en revanche vétuste.
Si la société civile TARB INVEST 3 soutient qu'il existe une possibilité de réinstallation à proximité, force est de constater que l'expert, qui était d'un avis différent, a vainement invité le bailleur à apporter des éléments de nature à accréditer cette allégation. Devant la Cour, aucun élément contraire à l'avis de M. E...n'est apporté. Faute par le bailleur de démontrer que le fonds de commerce serait transférable sans perte significative de la clientèle, l'indemnité d'éviction ne saurait se limiter à une indemnité de transfert calculé sur la seule valeur du droit au bail des locaux évincés.

De manière classique, l'expert a proposé de déterminer la valeur marchande du fonds de commerce, donné en location gérance, en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Il convient de relever qu'en 1996, la S. A. R. L. DACUNCAO a cédé à l'EURL BUERA les 200 parts de la S. A. R. L. FLORENTINE moyennant le prix de 243. 918, 45 €, l'EURL BUERA versant au preneur une redevance annuelle de 27. 440, 88 €.
Le chiffre d'affaires moyen de l'établissement, fondé sur les trois exercices 2005 à 2007 est attesté par l'expert comptable de l'EURL BUERA à hauteur de 280. 123 €. Contrairement à ce qui est plaidé par la société civile TARB INVEST 3, cette attestation, qui confirme les chiffres communiqués par ailleurs par le locataire, atteste suffisamment des chiffres d'affaires dégagés pour le fonds considéré.
Le chiffre d'affaires TTC de l'entreprise BUERA, qui exploite, outre le fonds de Tarbes, trois autres établissements situés dans des communes extérieures, est qualifié d'important (756. 808 €), mais l'entreprise accuse des pertes sur les trois derniers exercices :-18993 € en 2005,-13270 € en 2006,-8041 € en 2007.

Ainsi que l'indique justement l'expert, un fonds de commerce s'évalue généralement d'après les chiffres d'affaires et non les bénéfices qui sont extrêmement variables selon les méthodes d'exploitation et le poids des frais généraux ou du personnel plus ou moins important. A ce titre, la charge de la redevance versée au preneur par le locataire gérant, qui excède en l'espèce de 15. 549 € le loyer acquitté par la S. A. R. L. FLORENTINE à la bailleresse, permet de considérer que ces pertes ne sont pas significatives.
En ce qui concerne un fonds de boulangerie-pâtisserie, cette évaluation repose sur un pourcentage de ce chiffre d'affaires fixé, selon les auteurs entre 70 et 110 % de ce chiffre d'affaires annuel TTC.
La loi invitant le juge à évaluer ce fonds de commerce conformément aux usages de la profession, il y a lieu de retenir pour base du calcul le chiffre d'affaires TTC, ainsi qu'il est d'usage dans ce domaine d'activités, et non hors taxes comme plaidé par le bailleur.
M. E...propose de retenir un pourcentage médian, au regard des fourchettes proposées par les auteurs, de 90 % de ce chiffre d'affaires en tenant compte de l'emplacement du fonds, de premier plan, de la valeur du droit au bail, en faisant observer que les locaux sont situés en un lieu où les seuls droits au bail se négocient généralement entre 100. 000 et 460. 000 € suivant la superficie du commerce, la largeur de la vitrine, le montant du loyer et la destination des lieux, et enfin de la récente dégradation de la situation économique.
Ainsi qu'il a été indiqué ci-avant, les pertes enregistrées par l'entreprise sur l'ensemble des quatre sites ne sont pas de nature à réviser à la baisse le montant de cette indemnité ; le bailleur ne rapporte pas d'éléments établissant la preuve que le préjudice serait moindre.

90 % du CA moyen TTC de 280. 123 € retenu, détermine le montant de l'indemnité principale à la somme de 252. 000 €.

L'indemnité de remploi destiné à couvrir les divers frais à payer pour un fond de même valeur peut être chiffrée à 10 % de l'indemnité principale, soit 25. 200 €.
Enfin, l'expert souligne que les agencements qui sont en très bon état d'entretien ont une valeur économique, peu important leur amortissement total ou partiel, de 38. 000 €.
Dans ces conditions, le rapport de l'expert E...sera entériné sur ce point et l'indemnité d'éviction fixée à 315. 200 €. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les autres préjudices :

Le preneur qui a donné le fond en location gérance n'est pas fondé à requérir paiement d'une indemnité pour trouble commercial.

L'EURL BUERA, qui intervient à l'instance au coté du preneur, est un tiers au contrat de bail. Elle n'est pas fondée à poursuivre la bailleresse en paiement de dommages et intérêts sur le fondement délictuel dans la mesure où elle ne peut invoquer un manquement contractuel du bailleur, celui-ci ayant légitimement pu refuser le renouvellement du bail sans engager sa responsabilité contractuelle.
Cette prétention sera en conséquence déboutée.
De même, alors que la clôture de l'instance est intervenue le 9 mai 2012, soit largement postérieurement à la date de restitution des locaux, en date du 29 septembre 2011, aucun élément n'est communiqué au titre des indemnités de licenciements que le locataire gérant déclarait pouvoir été amené à régler par suite de la fermeture de l'établissement considéré ; la demande, non chiffrée consistant à solliciter paiement de toute indemnité sur présentation de justificatif sera en conséquence rejetée.

Sur l'indemnité d'occupation :

Ainsi que le plaide justement la société civile TARB INVEST 3, si le droit au maintien dans les lieux, tant que l'indemnité d'éviction n'est pas réglée, s'exécute aux charges et conditions du bail expiré et non renouvelé, la contrepartie de cette occupation n'est pas le loyer jusqu'alors pratiqué, mais une indemnité d'occupation spécifique dont le montant est déterminé, selon les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, conformément aux dispositions des sections VI et VII, c'est à dire qu'il doit correspondre à la valeur locative, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

Les parties critiquent toutes deux le calcul retenu par les premiers juges.
Afin de déterminer l'indemnité d'occupation et pour tenir compte de la précarité dans laquelle se trouve le preneur, il n'y a pas lieu, comme l'ont fait les premiers juges et le sollicite la société civile TARB INVEST 3 de retenir le " prix réel de la location ", qui tient compte notamment du droit au bail censé être acquitté par le futur preneur, lequel est néanmoins fortement dépendant de l'évolution du marché locatif et de la situation économique.
M. E...communique dans son rapport les loyers habituellement pratiqués sur la rue du maréchal Foch :-...: 416 € pour 30 m ²,-...: 900 €, pour 81 m ²,-...: 1387 €, pour 78 m ²,-...: 1083 €, pour 70 m ²,-...: 2783 €, pour 119 m ²,-...: 1000 €, pour 67 m ².

La moyenne des loyers s'établit à la somme de 17, 35 € HT le m ².
L'expert E...a retenu le prix du m ², hors capitalisation du droit au bail acquitté par les références de commerces voisins, et appliqué à ce prix locatif de 208, 26 € annuel ou 17, 35 € mensuel le m ², un taux d'abattement de 15 % tenant compte de la dégradation économique.
Les locaux litigieux ont une surface de 79 m ² ; cela détermine une valeur locative mensuelle de 1370, 65 € HT. Application faite d'un abattement de 10 % tenant compte de la précarité dans laquelle est placé l'occupant et en l'absence d'éléments particuliers permettant, sur la période considérée de retenir une dégradation de la situation économique, l'indemnité sera fixée à la somme mensuelle de 1233, 59 € HT due par la S. A. R. L. FLORENTINE à compter du 1er juillet 2005 et jusqu'au 1er septembre 2011, date de restitution des locaux.

Sur les dépens et l'indemnisation des frais irrépétibles :

L'équité commande d'indemniser la S. A. R. L. FLORENTINE des frais irrépétibles exposés à hauteur de 2. 000 €. Les dépens de l'instance seront mis à la charge de la société civile TARB INVEST 3.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- mis hors de cause les consorts X...,
- débouté la société civile TARB INVEST 3 de sa demande de dispense de paiement d'indemnité d'éviction,

- condamné la société civile TARB INVEST 3 à payer à la S. A. R. L. FLORENTINE la somme de 315. 200 € (trois cent quinze mille deux cents euros) au titre de l'indemnité d'éviction et une indemnité de 2. 500 € (deux mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus et statuant de nouveau,
- déboute la S. A. R. L. FLORENTINE et l'EURL BUERA de leur demande conjointe en paiement des éventuelles indemnités de licenciement versées aux salariés attachés au fonds de Tarbes, et de dommages et intérêts au titre du trouble commercial,
- fixe à la somme mensuelle de 1 233, 59 € HT le montant de l'indemnité d'occupation due par la S. A. R. L. FLORENTINE à compter du 1er juillet 2005 et jusqu'au 29 septembre 2011 ;
- condamne la société civile TARB INVEST 3 à verser à la S. A. R. L. FLORENTINE une indemnité de 2. 000 € (deux mille euros) et à supporter les entiers dépens de première instance, qui comprendront les frais d'expertise, et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur BERTRAND, Président, et par Madame OSSELE MENGUETE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 11/03561
Date de la décision : 08/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2012-11-08;11.03561 ?
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