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15/12/2011 | FRANCE | N°10/04760

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 décembre 2011, 10/04760


SG/MS



Numéro 5586 /11





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 15/12/2011







Dossier : 10/04760





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[W] [D]





C/



A.D.A.P.E.I. DES HAUTES-PYRÉNÉES

















































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour le 15 décembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa ...

SG/MS

Numéro 5586 /11

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 15/12/2011

Dossier : 10/04760

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[W] [D]

C/

A.D.A.P.E.I. DES HAUTES-PYRÉNÉES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour le 15 décembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APR'S DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 octobre 2011, devant :

Monsieur GAUTHIER, Magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame HAUGUEL, Greffière.

Monsieur GAUTHIER, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparante,

Assistée de Maître BLANCO, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

A.D.A.P.E.I. DES HAUTES-PYRÉNÉES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Maître JOURDAN, avocat au barreau de TOULOUSE de la SCP FIDAL, avocats au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 29 OCTOBRE 2010

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES

FORMATION PARITAIRE DE TARBES

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Madame [W] [D] a été engagée par l'ADAPEI 65 le 3 janvier 1985 en qualité de Chef de Service ''ducatif.

Elle a occupé différents postes dans divers établissements de l'ADAPEI, puis est devenue Directrice du Foyer d'Accueil Médicalisé (FAM) l'[6] à [Localité 4] le 1er octobre 1999, coefficient 872, classe 1, niveau 2, échelon 4 de la Convention Collective Nationale des ''tablissements et Services pour Personnes Inadaptées et Handicapées du 15 mars 1966.

Le 2 juin 2007, un avertissement lui a été notifié qu'elle a contesté par courrier du 11 juin 2007.

Mise à pied à titre conservatoire et convoquée le 11 février 2009 à un entretien préalable à son licenciement, Madame [W] [D] a été licenciée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 4 mars 2009, pour faute grave aux motifs de : l'inobservation récurrente des règles essentielles de sécurité à l'égard des résidants plaçant ceux-ci dans une situation de danger ; tolérance de l'affichage d'un calendrier pornographique dans les locaux. La lettre de licenciement indique que ces faits s'ajoutent au comportement renouvelé de la salariée consistant en : des propos déplacés et comportements inadaptés générateurs de tensions et de conflits entre l'ADAPEI, le personnel et les parents ; non-respect des règles de procédures internes ; dénigrement et mise en cause publique de membres de la hiérarchie.

Contestant son licenciement, Madame [W] [D] a saisi le Conseil de Prud'hommes de TARBES par requête en date du 20 mars 2009 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et que l'ADAPEI 65 soit condamnée à lui verser : 18 000 € à titre d'indemnité de préavis ; 1 800 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis ; 54 000 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 200 000 € au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail ; 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail au titre de l'article 1382 du code civil et 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À défaut de conciliation le 10 avril 2009, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement du 29 octobre 2010, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le Conseil de Prud'hommes de TARBES (section encadrement) :

- a condamné l'ADAPEI 65 à verser à Madame [W] [D], compte-tenu de la Convention Collective applicable :

- 04 mois pour le préavis, soit 18 000 €,

- 10 % au titre des congés payés sur ce préavis, soit 1 800 €,

- une indemnité conventionnelle plafonnée à 12 mois de salaire, compte-tenu de l'ancienneté de Madame [W] [D] à l'ADAPEI (24 ans et 2 mois), 54 000 €,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté Madame [W] [D] surplus de ses demandes.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 novembre 2010, Madame [W] [D], représentée par son conseil, a interjeté appel des dispositions du jugement portant sur l'indemnité au titre de l'article L.1235-3 du code du travail et des dommages-intérêts pour rupture vexatoire du contrat au titre de l'article 1382 du code civil.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Madame [W] [D], par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse et qu'il n'était pas vexatoire, la déboutant par conséquent de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'article L.1235-3 du code du travail et 1382 du code civil,

- annuler l'avertissement du 2 juin 2007,

- dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement,

- condamner l'ADAPEI 65 à lui verser :

- 18 000 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 1 800 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 54 000 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 200 000 € au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- 50 000 € au titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail au titre de l'article 1382 du code civil,

- dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de la saisine de la juridiction prud'homale, soit le 20 mars 1009,

- condamner l'ADAPEI 65 à lui verser une indemnité de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Madame [W] [D] fait valoir que l'employeur lui reproche, au titre du premier grief, des faits prescrits, qui sont antérieurs à l'avertissement du 2 juin 2007, outre qu'ils sont injustifiés, et que les faits relatifs au deuxième grief sont postérieurs à sa convocation à l'entretien préalable, ce qui démontre le caractère artificiel des griefs et caractérise le licenciement vexatoire.

Elle soutient que l'ADAPEI n'a pas respecté son obligation de motivation de la lettre de licenciement ; qu'en application de l'article 33 de la Convention Collective le licenciement, en dehors de la faute grave, suppose que deux sanctions préalables ont été infligées, de sorte que le Conseil de Prud'hommes ne pouvait se contenter de retenir l'avertissement du 8 juin 2007, dont la légitimité n'a pas été démontrée, et indiquer qu'elle aurait fait l'objet de nombreuses observations, qui ne sont pas prouvées.

Elle prétend que le reproche relatif à l'organisation du remplacement est injustifié, non démontré et prescrit ; elle conteste l'assertion selon laquelle elle aurait instauré un climat de crainte et considère que les faits sont prescrits, outre qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle fait valoir qu'elle n'est pas responsable du climat qui règne à l'ADAPEI et des conflits entre administrateurs qui ont pris un cours judiciaire et que son licenciement totalement injustifié lui a causé un préjudice considérable au regard de son âge, de son ancienneté et de la durée de la perte de son emploi puisqu'elle n'est pas parvenue à se reclasser.

L'ADAPEI-65, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- réformer le jugement dont appel,

- dire le licenciement fondé sur une faute grave et en conséquence :

- débouter Madame [W] [D] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner au titre de l'article 700 du code de procédure civile au versement de la somme de 4 000 €.

L'ADAPEI 65 expose que, quelque temps après son arrivée en 2006, le nouveau Directeur du Siège a acquis la conviction que les méthodes de direction de Madame [W] [D] étaient totalement inadaptées, et même préjudiciables à l'association ; que la remarque lui en été faite à plusieurs reprises, mais au lieu d'un changement de comportement la salariée, qui agissait en véritable potentat au sein de son établissement, a déclaré une « guerre ouverte » à la nouvelle direction, en s'opposant systématiquement de façon directe ou détournée aux demandes ou interventions de la direction, faisant régner dans l'établissement un climat de crainte, de conflit et d'agressivité entre les personnes.

Sur la prescription, l'ADAPEI 65 fait valoir que des faits antérieurs au délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure disciplinaire se sont poursuivis dans ce délai, et que les derniers faits ont été commis avant la date de notification du licenciement.

L'ADAPEI 65 expose qu'elle n'a eu connaissance que début février 2009 des faits anormaux et contraires à la sécurité des résidants au sein de l'établissement l'[6] (s'agissant de la présence des surveillants de nuit ; de la tenue des cahiers de transmission manuscrits des surveillants de nuit) ; en tolérant l'affichage d'un calendrier pornographique dans les locaux de l'établissement, Madame [W] [D] a gravement failli à son obligation de sécurité et de respect.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant l'avertissement du 02 juin 2007 :

Le Juge prud'homal tient de l'article L.1333-1 du code du travail le pouvoir d'apprécier et d'annuler une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, lorsqu'elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'avertissement notifié le 2 juin 2007 est ainsi rédigé :

« Nous avons constaté, à la lecture du compte-rendu du Conseil d'''tablissement en date du 30 novembre 2006, reçu le 27 mars 2007 au niveau du siège social, les éléments suivants :

- vous avez donné des chiffres erronés sur le coût du portail mis en place sur le site d' [Localité 4] au niveau du parking Sud ;

- vous avez validité des propos « fallacieux » dans ce même compte-rendu, pouvant mettre en cause l'intégrité d'un membre de la direction.

Nous vous précisons que vous vous devez d'une part, de vérifier les éléments que vous transmettez aux membres du Conseil d'''tablissement, et d'autre part, vous ne pouvez accepter de laisser écrire des informations fallacieuses, pouvant porter atteinte à la réputation d'intégrité d'un salarié, sans prendre la peine de rectifier le plus rapidement possible.

Nous vous rappelons en effet, qu'en cas de désaccord avec les comptes-rendus émis par le secrétaire, la direction possède un droit de réponse. Enfin, vous devez impérativement adresser les comptes-rendus au siège social concomitamment avec l'affichage qui a lieu dans votre établissement.

Ces faits, et plus particulièrement le deuxième point, nous amène donc à vous notifier ici un avertissement qui sera conservé dans votre dossier personnel. »

Il ressort des pièces versées aux débats que le 24 novembre 2006, Monsieur [G] [M], Directeur au siège de l'ADAPEI-65, a adressé un courrier à l'attention, notamment, de Madame [W] [D], portant pour objet « Portail [Localité 4] », faisant état du besoin de changer le portail et indiquant :

« M. [F] a fait chiffrer les solutions.

Nous sommes partis sur le principe le plus simple, avec un peu de transformations.

Portail à deux vantaux (').

Un seul vantail serait utilisé normalement (largeur 4 m), le semi-fixe très occasionnellement. Sans motorisation pour réduire le coût.

L'ensemble se monte à 5 319 ,17 € TTC installé.

Cet investissement serait imputé au FAM, le loyer de compensation serait assuré par l'IME.

Nous vous joignons : la synthèse de M. [F] ; la copie du principe de portail.

Pour des raisons de sécurité évidente, nous souhaitons mettre en oeuvre ce projet rapidement.

Il convient à chacun, sous huitaine : de confirmer la solution ; de valider éventuellement le système de motorisation (de l'ordre de 2 600 à 2 700 € TTC) pour augmenter la sécurité d'accès en automatisant l'ouverture d'un vantail ; d'apporter une modification à la solution (éventuellement en partant d'un portail barreaudé et en le fermant ensuite par nous-même : les barreaux font prison ! ! !). »

La « synthèse de Monsieur [F] », technicien supérieur du service technique immobilier, en date du 6 novembre 2006, intitulée « PORTAIL ENTRÉE IMPRO [Localité 4] », expose, dans un tableau, la désignation des ouvrages et le devis de l'entreprise LACAVE.

Sont ainsi désignés :

- « Portail fer à barreaudage avec serrure à code mécanique » pour un montant TTC de 2 649,38 € ;

- « Portail fer à barreaudage avec serrure à code mécanique et peinture de finition » pour un montant TTC de 3399,81 € ;

Variante :

- « Portail fer tolé avec serrure à code mécanique et peinture de finition » pour un montant TTC de 5 257,37 € ;

- « Motorisation électromécanique, type FAAC 415 L autoblocant y compris deux émetteurs, alimentation électrique, entreprise FOURNIER » pour un montant TTC de 3 798,20 €.

Le compte-rendu de la réunion du Conseil d'''tablissement du 30 novembre 2006 porte notamment, dans un paragraphe intitulé « Informations de la Présidente » la mention suivante : « M. [M] demande le changement de portail (portail parking Sud), il veut un portail motorisé (coût 5 300 € installation + 3 798 € pour le moteur).

Les représentants du CE et du CCE, ont donné un avis sur le prévisionnel 2007 sans qu'il y ait cette dépense sur le budget prévisionnel. Les représentants du CCE feront remonter le manque de procédure en CCE. Les investissements changent après que l'avis du CCE soit donné. »

Ce n'est que postérieurement à la tenue de cette réunion du Comité d'''tablissement que la direction de l'ADAPEI a retenu un portail d'un coût inférieur à celui initialement envisagé.

Ainsi, par courrier du 23 janvier 2007, adressé à l'entreprise LACAVE, le Président de l'ADAPEI a donné son accord pour le devis d'un montant TTC de 2 713,12 €, signalant que le taux d'application de la TVA n'était pas de 19,60 % mais de 5,5 %, ramenant le montant TTC à 2 393,26 €.

C'est ce montant de 2 393,26 € qui a été repris dans l'information donnée par Madame [W] [D] au Conseil d'''tablissement du 5 février 2007, ainsi que cela ressort du compte-rendu.

Par conséquent, il y a lieu de constater que lors de la réunion du Conseil d'''tablissement du 30 novembre 2006, Madame [W] [D] a communiqué les chiffres qui lui avaient été transmis par la direction, qu'elle n'a donc pas donné de chiffres erronés sur le coût du portail et n'a validé aucun propos fallacieux dans ce compte-rendu, de sorte que l'avertissement du 2 juin 2007, injustifié, sera annulé.

Concernant le licenciement :

La lettre de licenciement pour faute grave du 4 mars 2009 est ainsi rédigée :

« Nous avons en effet eu connaissance récemment des faits suivants :

inobservation récurrente des règles essentielles de sécurité à l'égard des résidants plaçant ceux-ci dans une situation de danger ;

tolérance de l'affichage d'un calendrier pornographique dans les locaux.

Ces faits viennent en outre s'ajouter à un comportement renouvelé de votre part consistant, et ceci encore très récemment, et malgré les mises en demeure qui vous ont été faites précédemment, dans les faits suivants :

propos déplacés et comportements inadaptés et générateurs de tension et de conflit entre l'ADAPEI, le personnel et les parents ;

non-respect des règles de procédures internes ;

dénigrement et mise en cause publique de membres de la hiérarchie.

Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre licenciement a un effet immédiat au 4 mars 2009. »

La faute grave, dont la charge de la preuve pèse sur l'employeur, est la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle, qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

Sur la prescription :

En application des dispositions de l'article L.1332-4 (ancien L.122-44) du code du travail, aucun agissement fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à des poursuites disciplinaires plus de deux mois au-delà de la date à laquelle l'employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, en a eu connaissance, sauf s'il a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai.

Dès lors qu'il est établi que les faits ont été commis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, c'est à l'employeur de prouver qu'il n'en a eu connaissance que postérieurement au point de départ du délai de prescription de 2 mois, en justifiant, au besoin de la nécessité de procéder à une enquête et à des vérifications pour avoir une connaissance complète et précise des faits, de leur degré de gravité et de leur imputabilité.

S'agissant des propos déplacés, des comportements inadaptés et générateurs de tension et de conflits entre l'ADAPEI, le personnel et les parents, l'employeur fait état des « réponses stupides, provocatrices » qu'il considère avoir été faites par une partie du personnel « sous la houlette de Madame [D] qui s'est livrée à une véritable fronde à l'égard de l'auditeur. »

Il convient cependant de relever que l'ADAPEI écrit dans ses conclusions d'appel que « la direction de l'ADAPEI avait en effet demandé au cabinet de formation VECMA dirigé par Madame [O] [C], d'effectuer un audit de l'établissement [6], comme pour les autres établissements de l'ADAPEI » et que cet audit s'est déroulé à la fin de l'année 2005.

L'employeur a donc nécessairement eu connaissance de l'audit qu'il avait lui-même demandé, alors qu'il a notifié à Madame [W] [D] un avertissement le 2 juin 2007, épuisant ainsi son pouvoir disciplinaire pour les faits contemporains ou antérieurs à cette sanction. En tout état de cause, du fait de la connaissance qu'en avait l'employeur, ces faits étaient nécessairement prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, le 11 février 2009.

Il est reproché à Madame [W] [D] d'avoir fait une « publicité malsaine » à des lettres qui lui avaient été adressées par son employeur « à titre personnel », dans le cadre de l'avertissement qui lui a été notifié le 2 juin 2007, « publicité » portée à la connaissance de l'employeur à la fin du mois de juin 2007 par une lettre-pétition d'une association des parents de résidants (CVS), auquel le président de l'ADAPEI a répondu par courrier du 26 juillet 2007, de sorte que ces faits, connus de l'employeur, antérieurs de près de deux ans à l'engagement de la procédure de licenciement, sont prescrits.

Il est encore reproché à Madame [W] [D] son « obstruction à la recherche de solutions » dans sa réponse du 10 septembre 2008 à la demande faite le 17 novembre 2008 par un Délégué à la Tutelle (Monsieur [V] [I]) au foyer [6] pour un hébergement provisoire du 10 décembre 2008 au 26 janvier 2009, dont la direction de l'ADAPEI a été informée puisqu'elle a écrit le 9 décembre 2008 à l'association tutélaire des HAUTES-PYRÉNÉES, sur cette question, de sorte que ces faits, antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement, sont prescrits.

L'ADAPEI reproche principalement à Madame [W] [D] les « inobservations récurrentes des règles essentielles de sécurité à l'égard des résidants plaçant ceux-ci dans une situation de danger » et, à l'appui de ce grief, produit des extraits des « cahiers de nuit », dits encore « cahiers de transmission », ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 5 février 2009 qui porte sur la vérification de ces cahiers pour la période du 1er janvier 2003 au 5 février 2009.

L'ADAPEI-65 prétend n'avoir eu connaissance de ces manquements aux règles de sécurité qu'après en avoir été informée par Madame [J] [R] au début du mois de février 2009.

Il convient, cependant, de relever que l'ADAPEI-65 écrit dans ses conclusions d'appel (page 2), qu'en 2006 il y a eu une nouvelle direction et que « l'arrivée d'une nouvelle direction est souvent l'occasion pour que les langues se délient. Après un certain temps et de nombreux signes et déclarations concordantes, le directeur acquit la conviction que les méthodes de Madame [W] [D] à la tête de cet établissement étaient totalement inadaptées, et même préjudiciables à l'association », le Directeur, Monsieur [M], « lui en fit la remarque à plusieurs reprises, espérant que Madame [W] [D] changerait de comportement. Au lieu de cela, Madame [W] [D] déclara une guerre ouverte à la nouvelle direction », « les nouveaux dirigeants constataient ainsi que Madame [W] [D] agissait en véritable potentat au sein de son établissement, que malgré les demandes de la direction elle s'obstinait à gérer et diriger en autonomie totale en s'opposant systématiquement - de façon directe détournée - aux demandes de la direction générale. »

L'employeur poursuit dans ses conclusions écrites (p 3) : « si la direction avait connaissance de certains aspects de cette situation, elle n'en avait cependant qu'une vision partielle, les gens hésitant à parler » et, après avoir indiqué que Madame [J] [R] avait demandé un rendez-vous au Président début février 2009 pour « porter à sa connaissance des faits particulièrement graves concernant tant le non-respect des règles de sécurité des résidants que le comportement de Madame [W] [D] à l'égard de certains salariés », ajoute : «  le président avait déjà eu connaissance des faits semblables mais aucun salarié n'avait accepté d'en attester, compte tenu du climat de tension et de crainte entretenu par Madame [W] [D] dans l'établissement de [Localité 4]. »

Ainsi, l'employeur reconnaît expressément que, dès 2006, il avait acquis la conviction, par de nombreux signes et déclarations concordantes, que les méthodes de Madame [W] [D] étaient totalement inadaptées et préjudiciables à l'association, et qu'il avait déjà eu connaissance des faits semblables à ceux dénoncés par Madame [J] [R].

En ayant connaissance de ces faits, ou en tout cas de faits de même nature, plusieurs années avant l'engagement de la procédure de licenciement, l'employeur les a tolérés.

Il ne saurait échapper à la prescription de ces faits au motif que les salariés hésitaient à parler alors qu'il lui appartenait, à partir du moment où il avait connaissance « de nombreux signes et déclarations concordantes », de procéder à toutes les mesures d'enquête utiles pour avoir, éventuellement, une connaissance plus complète et plus précise des faits, ainsi qu'il a pu le faire, notamment, en saisissant un huissier de justice pour faire constater les différents manquements tels qu'ils pouvaient paraître dans les « cahiers de liaison », sans attendre pour cela plusieurs années, seule une telle mesure d'enquête étant de nature à suspendre le délai de prescription.

Or, les manquements que l'ADAPEI prétend relever dans les cahiers de transmission datent notamment des années 2003 à 2007, de sorte qu'ils doivent être dits prescrits, de même que les faits exposés par Madame [J] [R] dans son attestation et dans la sommation interpellative puisqu'ils datent des années 2005 et 2008.

Il est également reproché à Madame [W] [D] d'avoir créé une « déstabilisation » en ayant informé de la procédure de licenciement engagée à son encontre qui a donné lieu à trois lettres, dont l'une du 20 février 2009 signée par plusieurs parents de résidants (20), et une autre reçue au siège social de l'ADAPEI le 26 février 2009, signée par trente salariés du foyer, qui se plaignent de la mesure envisagée et qui témoignent leur soutien à Madame [W] [D], ainsi qu'un courrier reçu le 2 mars 2009 au siège social, émanant de la mère d'une résidante qui dénonce, dans des termes plus virulents que les deux précédents courriers, le licenciement envisagé.

Mais, il ne saurait être reproché à la salariée la connaissance, à partir du 20 février 2009, par les parents des résidants et les salariés du foyer, de la procédure de licenciement engagée à son encontre alors que sa mise à pied à titre conservatoire du 11 février 2009 constituait une information du public et des salariés sur la procédure en cours qui ne saurait lui être imputable.

L'ADAPEI cite, au titre du non-respect des règles de procédures internes le fait que Madame [W] [D] a présenté le 12 janvier 2009 une demande de congé de validation des acquis de l'expérience (VAE) financée par le plan de formation, alors que cette demande devait être adressée directement à l'organisme collecteur (UNIFAF) qui le finance.

Si un tel grief paraît réel, en revanche il n'a pas le caractère sérieux qui justifierait un licenciement ni, a fortiori, un licenciement pour faute grave.

Sur le calendrier pornographique :

À l'appui de ce grief, l'ADAPEI-65 verse aux débats des photocopies dudit calendrier et un courriel de Monsieur [Y] [U] adressé le 26 février 2009 à Monsieur [G] [M] ainsi rédigé : « J'ai demandé immédiatement dès la découverte des photos dans les toilettes des salariés à Madame [A] [T] (AMP et élue du F.A.M) de les ôter. Cela a été fait avant 17 heures 45 ce mercredi 25 février 2009. »

Pour imputer l'affichage de ce calendrier à Madame [W] [D], l'ADAPEI-65 se borne à affirmer dans ses conclusions écrites : « Tout le monde savait dans l'établissement que c'est elle qui a offert ce calendrier et toléré son affichage. »

Outre le fait qu'une affirmation ne constitue pas une démonstration, ladite affirmation est contredite par la seule pièce produite à l'appui de ce grief.

En effet, si ces photos ont été enlevées dès leur découverte, et si cet enlèvement a eu lieu le 25 février 2009, alors leur affichage ne peut être imputé à Madame [W] [D] qui a été mise à pied à titre conservatoire le 11 février 2009, de sorte qu'à la date de la découverte de ces photos elle n'était plus dans l'établissement. En tout état de cause sa responsabilité dans cet affichage n'est pas démontrée.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais confirmé en ce qu'il a condamné l'ADAPEI-65 à payer Madame [W] [D] : 18 000 € au titre du préavis ; 1 800 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis ; 54 000 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Compte-tenu de l'ancienneté de Madame [W] [D] (24 ans), de son âge (51 ans), du montant de son salaire mensuel moyen (4 500 €), il convient de fixer à la somme de 80 000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Madame [W] [D] ne démontre pas en quoi l'employeur aurait eu un comportement fautif dans les circonstances de la rupture, caractérisant des conditions vexatoires et occasionnant un préjudice distinct de la perte de son emploi, de nature à justifier l'octroi de dommages-intérêts autres que ceux accordés pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

L'ADAPEI-65 sera également condamnée à rembourser à PÔLE-EMPLOI les indemnités de chômage versées à Madame [W] [D] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

L'ADAPEI-65, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Madame [W] [D] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

REÇOIT l'appel formé le 24 novembre 2010 par Madame [W] [D] à l'encontre du jugement rendu le 29 octobre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de TARBES (section encadrement), et l'appel incident formé par l'ADAPEI-65,

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il a condamné l'ADAPEI-65 à payer à Madame [W] [D] :

- 04 mois pour le préavis, soit 18 000 €,

- 10 % au titre des congés payés sur ce préavis, soit 1 800 €,

- une indemnité conventionnelle plafonnée à 12 mois de salaire, compte-tenu de l'ancienneté de Madame [W] [D] à l'ADAPEI (24 ans et 2 mois), 54 000 €,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et en ce qu'il a débouté Madame [W] [D] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant

ANNULE l'avertissement notifié le 2 juin 2007,

CONDAMNE l'ADAPEI-65 à payer à Madame [W] [D] :

- 80 000 € (quatre-vingts mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les sommes de 18 000 € et 1 800 € (indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis) produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la demande en justice, soit à compter du 20 mars 2009, en application des dispositions de l'article 1153 du code civil,

DIT que la somme de 54 000 € produira intérêts au taux légal à compter de la date du jugement du Conseil de Prud'hommes, soit à compter du 29 octobre 2010, et que les autres sommes produiront intérêts à compter de la date de la présente décision, en application des dispositions de l'article 1153 du code civil,

CONDAMNE l'ADAPEI-65 à rembourser à PÔLE-EMPLOI les indemnités de chômage versées à Madame [W] [D] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

CONDAMNE l'ADAPEI-65 aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/04760
Date de la décision : 15/12/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°10/04760 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-15;10.04760 ?
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