PC/EMN
Numéro 11/2707
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 07/06/2011
Dossier : 08/04542
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
S.A. AXA FRANCE
C/
COMPAGNIE AVIVA ASSURANCES,
[G] [P],
S.A.R.L. DAGAND,
GAN ASSURANCES,
S.A. GENERALI FRANCE ASSURANCES,
ET AUTRES...
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 7 juin 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 29 Novembre 2010, devant :
Madame PONS, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
Monsieur DEFIX, Conseiller
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
S.A. AXA FRANCE, venant aux droits de AXA ASSURANCES, par voie de fusion absorption
[Adresse 5]
[Localité 17]
représentée par la SCP MARBOT-CREPIN, avoués à la Cour
assistée de Me ETESSE, avocat au barreau de PAU
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE ROCHE RONDE [Adresse 2]
[Localité 22]
représenté par Me VERGEZ, avoué à la Cour
assisté de Me ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMES :
Compagnie d'assurances AVIVA, venant aux lieu et place de la Compagnie ABEILLE ASSURANCES
[Adresse 9]
[Localité 15]
représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour
assistée de la SCP BERNADET, avocats au barreau de PAU
S.A.R.L. DAGAND
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par la SCP PIAULT LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assistée de Me VINCENS, avocat au barreau de BORDEAUX
GAN ASSURANCES, prise en sa qualité d'assureur tant de la SA MAISON HOSTEIN que de la Société SICOF
[Adresse 19]
[Localité 14]
représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour
assistée de Me BERNADET, avocats au barreau de PAU
S.A. GENERALI FRANCE ASSURANCES, venant aux droits de LA CONCORDE
[Adresse 12]
[Localité 16]
représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour
assistée de Me BERNADET, avocats au barreau de PAU
S.A.R.L. LASSIE PRIOU
[Adresse 7]
[Localité 11]
représentée par la SCP LONGIN-LONGIN-DUPEYRON-MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Me Nicolas PETIT, avocat au barreau de BAYONNE
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES
[Adresse 20]
[Localité 13]
représentée par la SCP LONGIN-LONGIN-DUPEYRON-MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Me Nicolas PETIT, avocat au barreau de BAYONNE
S.A. MAISON HOSTEIN
[Adresse 23]
[Localité 10]
représentée par la SCP PIAULT LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assistée de Me DUPOUY, avocat au barreau de BAYONNE
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE ROCHE RONDE [Adresse 2]
[Localité 22]
représenté par Me VERGEZ, avoué à la Cour
assisté de Me ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE
S.A. SICOF
[Adresse 21]
[Localité 8]
représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour
assistée de Me BERNADET, avocat au barreau de PAU
SMABTP
[Adresse 1]
[Localité 18]
représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour
assistée de MePERSONNAZ, avocat au barreau de BAYONNE
Madame [G] [P]
[Localité 6] (ESPAGNE)
assignée
Madame [G] [D]
[Localité 6] (ESPAGNE)
assignée
sur appel de la décision
en date du 13 OCTOBRE 2008
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
La villa Roche Ronde, sise [Adresse 2], est un ensemble résidentiel en copropriété constitué par un immeuble de la fin du XIXème siècle situé en front de mer et classé en tant qu'immeuble exceptionnel dans la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager de la ville.
Courant 1991, la copropriété a décidé de faire réaliser des travaux de rénovation des façades pour lesquels :
- la S.A.R.L. Lassie-Priou s'est vue confier une mission complète de maîtrise d'oeuvre,
- la S.A.R.L. Dagand, spécialisée dans la restauration de monuments historiques, a été chargée des travaux de ravalement proprement dits,
- la S.A. Maison Hostein a été chargée de l'application sur les façades de produits minéralisants et hydrofuges, fournis par la société Sicof aux droits de laquelle se trouve désormais la société S.T.O.
Invoquant l'existence de divers désordres affectant les façades (écaillage des enduits de ragréage, fissures, traces de salpêtre, coulures de rouille...), le syndicat des copropriétaires et Mmes [P] et [D] (respectivement propriétaires la première seule du lot 26 et les deux indivisément du lot 25) ont obtenu l'institution d'une expertise judiciaire au terme de laquelle M. [W], désigné par ordonnance du 27 septembre 1995, a déposé le 3 mai 2000 un rapport au terme duquel :
- il relevait les désordres suivants : différences importantes de nuances de teintes affectant les parties traitées, nombreuses pelades de revêtement et nombreux décollements entre support et badigeon, gonflements du badigeon, écaillement de ragréages, non remplacement de pierres rongées par l'érosion, inégalités dans l'épaisseur du ragréage entraînant des décollements, absence de traitement derrière des descentes d'eaux pluviales non déposées, décollement très important du badigeon sur la tour nord-ouest,
- il estimait que les désordres proviennent de défauts d'exécution liés soit à des réactions des produits entre eux, soit à une insuffisance ou une absence de produits de traitement ou à leur application dans des conditions non conformes aux prescriptions,
- il imputait les désordres à concurrence de 10 % à la maîtrise d'oeuvre et pour le surplus aux sociétés Dagand, Hostein et Sicof,
- il proposait la réfection intégrale des travaux pour un coût de 671.589,46 € T.T.C. sur la base d'un cahier des charges descriptif établi par un bureau d'études par lui mandaté à cet effet.
Par jugement du 13 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Bayonne, saisi par le syndicat des copropriétaires et Mmes [P] et [D] à l'encontre de la S.A.R.L. Lassie Priou et de son assureur, la Mutuelle des Architectes Français, de la S.A.R.L. Dagand et de ses assureurs, Axa Assurances et S.M.A.B.T.P, de la S.A. Sicof et de ses assureurs, le Gan et les compagnies Abeille Assurances et Concorde, de la S.A. Maison Hostein et de son assureur, le Gan, a :
- dit que les travaux de restauration des façades de l'immeuble constituent un ouvrage susceptible d'entraîner la mise en oeuvre de la garantie décennale,
- dit n'y avoir lieu à fixer judiciairement la date de réception,
- dit que l'ouvrage a été réceptionné le 14 septembre 1992,
- dit que l'action du syndicat des copropriétaires n'est pas prescrite,
- avant dire droit sur la mise en oeuvre de la garantie décennale, ordonné une contre-expertise avec mission de, notamment, donner un avis sur l'adéquation des travaux décidés par rapport à la situation de l'immeuble exposé aux embruns, de préciser si les désordres ont un caractère partiel ou généralisé, de donner un avis sur la normalité ou l'anormalité de l'état actuel des façades rénovées par rapport à ce qu'il aurait dû être au bout de quinze ans, de faire toutes observations relatives à la situation particulière de l'immeuble en front de mer en indiquant quels travaux d'entretien doivent être faits de manière régulière et avec quelle fréquence par la copropriété pour maintenir l'immeuble en état, de chiffrer le coût de l'entretien susceptible d'incomber à la copropriété pour garantir la pérennité des travaux,
- débouté Mmes [P] et [D] de leurs demandes et dit qu'elles conserveraient la charge de leurs propres dépens,
- ordonné la mise hors de cause de la S.M.A.B.T.P. et de la Compagnie Abeille.
La S.A. AXA France et le syndicat des copropriétaires de la Résidence Roche Ronde ont respectivement interjeté appel de cette décision les 19 novembre et 22 décembre 2008.
Les deux instances, enregistrées sous les numéros 2008-4542 et 2008-5021, ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction en date du 7 avril 2009.
Mmes [D] et [P], assignées à personne par actes des 17 septembre 2009 et 8 juillet 2009, n'ont pas constitué avoué.
A l'audience, avant déroulement des débats, l'ordonnance de clôture a été révoquée à la demande des parties et une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée au jour des plaidoiries, par mention au dossier.
Dans ses dernières conclusions déposées le 16 février 2010, la S.A. AXA France demande à la cour, réformant la décision entreprise :
1° - à titre principal :
- de dire que les travaux confiés à la S.A.R.L. Dagand n'ont jamais été véritablement réceptionnés et certainement pas le 21 septembre 1993, le document produit au départ et annexé au rapport d'expertise n'étant pas signé du maître de l'ouvrage, seul habilité à recevoir les travaux,
- de constater que le soi-disant procès-verbal de réception du 21 septembre 1993, produit aux débats en janvier 2010 et portant la signature du maître de l'ouvrage, est contraire aux propres écrits du maître de l'ouvrage et des parties à la procédure de première instance qui ont évoqué une absence de réception ou une réception tacite à d'autres dates,
- de dire qu'il n'existe pas plus d'éléments permettant de retenir l'existence d'une réception tacite, la copropriété n'ayant pas réglé une partie importante du solde des travaux en raison des malfaçons et autres inexécutions les entachant avant même la fin du chantier,
- de constater que les malfaçons et autres inexécutions contractuelles reprochées par la copropriété aux constructeurs étaient connues de tous en cours de chantier et apparentes tant en septembre qu'en novembre 1993,
- de dire que dans l'hypothèse d'une réception judiciaire - nécessairement assortie de réserves -, seule la garantie contractuelle des entreprises est susceptible d'être actionnée, les réserves émises n'ayant jamais été levées,
- de dire que les vices n'étant pas cachés, la copropriété n'est pas recevable à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs,
- de dire que la garantie décennale ne peut être mise en oeuvre dès lors qu'aucun défaut d'étanchéité de l'immeuble n'a été constaté, l'expert judiciaire ayant même affirmé la pérennité des façades,
- de dire que le débat ne concerne que des désordres d'ordre esthétique et relève en toute hypothèse de la responsabilité contractuelle des constructeurs, à l'exception de toute garantie décennale des assureurs,
- de condamner la copropriété, Mmes [P] et [D] et toute partie succombante à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
2° - à titre subsidiaire :
- de limiter le montant des éventuels travaux de reprise à la somme de 152.798,86 € T.T.C. tels qu'évalués par son propre expert dès lors que le classement de la villa Roche Ronde dans le patrimoine architectural de la ville de [Localité 22], postérieur aux travaux réalisés, est inopposable aux constructeurs et que le surcoût lié à cet éventuel classement doit être laissé à la charge de la copropriété,
- de dire limitée aux seuls travaux de reprise, la garantie de la S.A. AXA France à l'exclusion de tout préjudice immatériel, eu égard à la résiliation de la police,
- de dire, dans les rapports entre intervenants à l'ouvrage, que la responsabilité de la S.A.R.L. Lassie-Priou, investie d'une mission complète, est prépondérante,
- en toute hypothèse, de statuer ce que de droit quant aux dépens en fonction des succombances réciproques à l'exception du second rapport d'expertise judiciaire de M. [Z] concernant les parties privatives qui doit rester à la charge de la copropriété, avec autorisation pour la S.C.P. Marbot-Crépin, avoués à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 juin 2010, le syndicat des copropriétaires de la résidence Roche Ronde demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action recevable et fixé la date de réception de l'ouvrage et, réformant pour le surplus, de dire n'y avoir lieu à contre-expertise judiciaire et de condamner in solidum la S.A.R.L. Lassie-Priou et la M.A.F., la S.A.R.L. Dagand et la S.A AXA France, la S.A. Maison Hostein et le GAN, la S.A. Sicof et les compagnies Abeille et Concorde à lui payer:
- la somme principale de 759.691,70 €, avec indexation à compter du 18 juin 1999, au titre des travaux de réfection des désordres,
- la somme de 35.000 € à titre de dommages-intérêts,
- la somme de 25.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec autorisation pour Maître Vergez, avoué à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il expose en substance :
- qu'il fonde son action contre la S.A.R.L. Lassie-Priou, la S.A.R.L. Dagand et la S.A. Maison Hostein à titre principal sur le fondement de l'article 1792 du code civil et subsidiairement sur le fondement de l'article 1147 du code civil et contre la S.A. Silcof sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil,
- que la réception des travaux a bien été prononcée le 21 septembre 1993, l'authenticité de l'exemplaire du procès-verbal de réception produit en cause d'appel ne pouvant être contestée dès lors qu'il est identique à celui versé aux débats par l'architecte,
- que les vices n'étaient pas apparents à la réception, les réserves exprimées étant étrangères aux désordres objets de la présente procédure,
- qu'en toute hypothèse, les désordres et non conformités affectant les travaux sont cependant de nature, par leur gravité, à engager la responsabilité contractuelle de droit commun des intervenants à l'ouvrage,
- que les opérations d'expertise judiciaire ont été réalisées contradictoirement à l'égard de l'ensemble des parties en la cause,
- que l'expertise a révélé la nature généralisée des désordres, que l'existence d'une cause étrangère a été clairement et définitivement écartée par les constatations de l'expert et de son sapiteur,
- qu'il n'est produit aucun devis qui puisse constituer une alternative crédible et sérieuse à la solution réparatoire préconisée par l'expert judiciaire, la solution proposée par AXA ayant été rejetée par l'architecte des bâtiments de France en ce qu'elle ne permet pas une restitution à l'identique de l'immeuble pourtant imposée par son classement.
Dans ses dernières conclusions déposées le 9 juin 2009, la S.A.S. Dagand demande à la cour :
- à titre liminaire, de ne pas faire usage du pouvoir d'évocation prévu par l'article 568 du code de procédure civile, compte-tenu de l'atteinte au principe du double degré de juridiction qui résulterait de la mise en oeuvre de ces dispositions, alors même que l'objet du litige est considérable,
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la réception contradictoire des travaux au 21 septembre 1993 et réformant ladite décision pour le surplus, de déclarer irrecevable ou, à tout le moins, infondée l'action du syndicat de copropriété,
- subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une contre-expertise,
- très subsidiairement, de condamner la S.A. AXA à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- de condamner la partie succombante à lui payer la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, avec autorisation pour la S.C.P. Piault/Lacrampe-Carraze, avoués à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 7 avril 2010, la S.A.R.L. Lassie-Priou et la M.A.F. demandent à la cour :
- à titre principal, de déclarer l'action du syndicat de copropriété prescrite pour n'avoir pas été engagée dans l'année de la réception alors que les désordres, purement esthétiques, ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale mais de la garantie de parfait achèvement,
- subsidiairement, de dire que la S.A.R.L. Lassie-Priou n'a commis aucun manquement susceptible d'entraîner à son encontre l'application de l'article 1792 du code civil, de débouter en conséquence le syndicat de copropriété de ses demandes et de le condamner à leur payer la somme de 6.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec autorisation pour la S.C.P. Longin, Longin-Dupeyron, Mariol, avoués à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, en exposant que l'expert judiciaire a pris pour postulat que les travaux et traitements effectués par les sociétés Dagand et Maison Hostein devaient permettre de parvenir à un certain résultat que ne pouvait être atteint car étant étranger à l'objectif poursuivi par les travaux, à la fonction des produits appliqués et aux performances du mur existant,
- très subsidiairement, si une faute était retenue à l'encontre de la S.A.R.L. Lassie-Priou, de dire que la demande du syndicat de copropriété est illégitime eu égard à l'amélioration apportée à l'existant, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné de ce chef une contre-expertise, de débouter le syndicat de copropriété de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et de condamner la S.A.S. Dagand et ses assureurs, AXA et S.M.A.B.T.P., la société Maisons Hostein et son assureur, le Gan et la société Sicof et ses assureurs, les compagnies Abeille et La Concorde, à les relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 septembre 2009, la S.A.R.L. Maison Hostein demande à la cour :
- de débouter le syndicat de copropriété de ses demandes dès lors que les travaux par elle réalisés ne constituent pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et que les désordres invoqués par le syndicat ne portent atteinte ni à la solidité de l'immeuble ni à sa destination,
- subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une contre-expertise dès lors que les opérations expertales, et en particulier l'intervention d'un sapiteur, n'ont pas été menées contradictoirement à son égard,
- très subsidiairement, de condamner le Gan à la relever et garantir de toute condamnation au titre de la police souscrite dès lors que l'assureur ne prouve pas les manquements par lui invoqués de la S.A.R.L. Maison Hostein à ses obligations, s'agissant en particulier d'un prétendu défaut de mise en oeuvre des produits préconisés par la société Sicof,
- en toute hypothèse, de condamner la S.A.R.L. Lassie-Priou, la société Sicof et la S.A.R.L. Dagand à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée au profit du syndicat de copropriété,
- de condamner le syndicat de copropriété aux entiers dépens d'appel et de première instance, avec autorisation pour la S.C.P. Piault-Lacrampe-Carraze, avoués à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Selon conclusions du 22 avril 2010, la société S.T.O. venant aux droits de la société Sicof, la Compagnie Gan Eurocourtage IARD, ès qualités d'assureur des sociétés Sicof et Maison Hostein, la compagnie Generali Assurance venant aux droits de la compagnie Concorde et la compagnie AVIVA (ex-Abeille) demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la compagnie Abeille et, le réformant pour le surplus :
- de prononcer la mise hors de cause de la compagnie Generali qui n'est intervenue qu'en qualité de co-assureur au titre d'une police dont la compagnie Gan est l'apériteur,
- de condamner le syndicat de copropriété à payer aux compagnies Abeille et Generali la somme de 1.000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de débouter le syndicat de copropriété de ses demandes contre la société Sicof et contre le Gan ès qualités d'assureur de Sicof et de Maison Hostein en sa qualité d'applicateur de produits fabriqués par la S.A. Sicof dès lors que la société Sicof n'a commis aucune faute dans le cadre de son devoir de conseil et que l'expertise judiciaire a établi que ses produits n'ont pas été mis en oeuvre par la S.A. Maison Hostein sur l'ouvrage litigieux,
- subsidiairement, de dire que s'agissant d'une assurance responsabilité civile, le Gan est fondé à opposer les limites de son contrat tant en ce qui concerne le plafond de garantie que la franchise contractuelle,
- de condamner le syndicat de copropriété à payer à la compagnie Gan la somme de 4.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner le syndicat de copropriété aux entiers dépens d'appel et de première instance, avec autorisation pour la S.C.P. Rodon, avoué à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 22 septembre 2009, la S.M.A.B.T.P. demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné sa mise hors de cause dès lors que la police d'assurance souscrite par la S.A.R.L. Dagand est postérieure à la date d'ouverture du chantier et qu'elle ne peut se voir reconnaître la qualité d'assureur décennal de cette société au titre des travaux litigieux,
- de condamner le syndicat de copropriété et la S.A. AXA à lui payer la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel et de première instance, avec autorisation pour la S.C.P. Rodon, avoué à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Il échet de constater qu'aucune contestation n'est soulevée du chef du jugement du 13 octobre 2009 qui a débouté Mmes [D] et [P] de leurs demandes indemnitaires et de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, et a laissé à leur charge leurs propres dépens.
I - Sur l'action principale du syndicat de copropriété :
1 - Sur le fondement juridique applicable :
Aux termes mêmes des devis, les travaux de ravalement des façades de la Villa Roche Ronde devaient consister pour l'essentiel :
- pour la S.A.R.L. Dagand, dans le remplacement ou le ragréage des pierres altérées, le lavage et le brossage des parements en pierre, le déjointoiement et le rejointoiement des pierres et l'application d'un badigeon de lait de chaux,
- pour la S.A. Maison Hostein, dans l'application d'un produit minéralisant et d'un hydrofuge transparent sur l'ensemble des façades.
En ce qu'ils ne consistaient pas en un simple nettoyage avec application d'un produit d'étanchéité mais qu'ils nécessitaient, s'agissant notamment de la restauration des pierres de façade, la mise en oeuvre de techniques de travaux de bâtiment, ces travaux - d'une ampleur et d'une importance particulières compte-tenu de la valeur architecturale et de la situation du bâtiment, exposé aux embruns océaniques - doivent être considérés comme constituant un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.
Sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant son dispositif quant à la date de la réception des travaux, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a, au sens donné à ces termes par l'article 1792-6 du code civil, retenu l'existence d'une réception expresse et contradictoire des travaux, avec réserves (soit pour la S.A.R.L. Dagand, le décollement de l'encadrement pierre en rez-de-chaussée de l'appartement [N] au niveau des scellements de l'ouverture du séjour, le décollement du ragréage sur l'encadrement de la porte de l'échauguette, côté terrasse et un défaut de ragréage d'un côté du garde-corps de l'appartement [N] et, pour la S.A. Hostein, la non-réalisation de l'étanchéité de la petite terrasse sud en rez de chaussée).
Aucun élément versé aux débats ne permet en effet de douter de l'authenticité de l'exemplaire du procès-verbal de réception du 21 septembre 1993 versé aux débats par le syndicat de copropriété en cause d'appel dès lors que ce document est strictement identique aux exemplaires produits par la S.A.R.L. Dagand et la S.A. Maison Hostein tant en première instance qu'en cause d'appel, qu'il manifeste la volonté expresse et non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter, sous les réserves stipulées, les travaux et qu'aucun indice ne permet de caractériser une éventuelle collusion des entreprises et du maître de l'ouvrage en vue d'une fraude aux droits des assureurs.
Au terme d'opérations dans le cadre desquelles est intervenu en qualité de sapiteur, de manière contradictoire et avec l'accord des parties, le Centre Expérimental de Recherches et d'Etudes du Bâtiment et des Travaux Publics, chargé de rechercher l'origine des décollements de mortier et de badigeon, l'expert judiciaire a relevé les désordres suivants :
- réalisation sur les parements en pierre de faux joints avec masquage des vrais joints, non traités, par les mortiers de ragréage et les badigeons,
- différences importantes de nuances de teinte affectant les parties traitées,
- nombreuses pelades de revêtement,
- nombreux décollements entre le support et le badigeon, gonflement du badigeon par rapport au subjectile et décollements très importants du badigeon sur la tour nord-ouest,
- écaillement des ragréages,
- non remplacement de pierres rongées par l'érosion,
- inégalités dans l'épaisseur du ragréage entraînant des décollements,
- absence de traitement derrière des descentes d'eaux pluviales non déposées.
Aucun élément du dossier n'établit que ces désordres sont de nature à compromettre la solidité du bâtiment, alors même que l'expert judiciaire a indiqué (page 26 du rapport définitif du 26 avril 2000) n'avoir pas constaté d'infiltrations d'eau consécutives aux malfaçons extérieures et qu'il n'est pas justifié de la survenance, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, d'infiltrations imputables aux travaux litigieux.
Néanmoins, ces désordres esthétiques généralisés des façades doivent être appréciés par rapport à la situation particulière de l'immeuble qui constitue l'un des éléments emblématiques du patrimoine architectural de la ville de [Localité 22], dont ils affectent sensiblement l'aspect extérieur, portant ainsi une grave atteinte à la destination architecturale et culturelle de l'ouvrage, connue des participants à l'ouvrage, qui justifie la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1792 du code civil à l'égard des parties contractuellement liées au maître de l'ouvrage.
Le caractère non apparent à la réception de ces désordres se déduit des constatations de l'expert judiciaire qui relève qu'un effet de vieillissement s'est rapidement manifesté et qu'au moment de la réception, de nombreux désordres n'étaient pas visibles comme au moment de l'expertise, les traitements sur pierres, ragréages, laits, mortiers, hydrofuges fraîchement appliqués étant alors encore en aspect de neuf, bien que des remarques de l'architecte aient déjà conduit à faire reprendre certaines parties des façades.
Au terme de ses constatations et des analyses techniques du C.E.B.T.P. (opérées sur des échantillons dont la localisation a été convenue d'un commun accord entre les participants aux opérations d'expertise judiciaire), l'expert judiciaire a indiqué :
- que contrairement aux stipulations contractuelles prévoyant la mise en oeuvre de deux compositions chimiques différentes pour le ragréage et le badigeon, un seul produit a été utilisé pour les deux destinations, le mortier de ragréage ayant servi de badigeon,
- que les mortiers sont affectés d'une double pollution par le chlorure et par le gypse, accélérant le vieillissement du mortier et du badigeon et provoquant une dégradation des produits de traitement,
- que les produits de traitement consolidant-minéralisant et hydrofuge spécifiés dans le C.C.T.P. n'ont pas été appliqués systématiquement par la S.A. Maison Hostein et ont été mis en oeuvre sans respecter les prescriptions des notices techniques, notamment celles de n'appliquer ces produits que sur des surfaces parfaitement sèches, les délais de séchage n'ayant pas été respectés alors même que les travaux se sont déroulés dans des conditions climatiques délicates marquées par une forte humidité,
- que les analyses du C.E.B.T.P. n'ont pas révélé sur les échantillons prélevés la présence des composants caractéristiques de l'hydrofuge SM 262 et du consolidant SM 296 fabriqués par la S.A. Sicof mais seulement la présence d'un hydrocarbure aliphatique présentant quelques qualités hydrofuges
2 - Sur l'appréciation des responsabilités :
Ces éléments sont, en l'espèce, de nature à engager la responsabilité des participants à l'ouvrage sur le fondement de l'article 1792 du code civil, étant considéré :
- que la preuve d'une immixtion fautive du maître de l'ouvrage dans la réalisation des travaux n'est pas rapportée, non plus que celle d'un défaut d'entretien du bâtiment,
- qu'il ne peut être déduit des conclusions d'un rapport d'expertise judiciaire afférent à des travaux similaires réalisés sur une résidence voisine dite Résidence Grand Hôtel et attribuant exclusivement la cause des désordres à l'efflorescence de sels, sulfates, chlorures et nitrates contenus dans la pierre du fait de l'influence maritime et de la pollution urbaine, l'existence d'un phénomène naturel inévitable, exonérant de toute responsabilité les locateurs d'ouvrage et le maître d'oeuvre.
Il convient en effet d'observer :
- qu'il n'est fourni aucune précision sur les conditions dans lesquels s'est déroulé (plusieurs années après les travaux litigieux) le chantier de ravalement de la Résidence Grand Hôtel alors même qu'en l'espèce, à l'examen des comptes-rendus de chantier et au vu des résultats des analyses du C.E.B.T.P., l'expert [Z] a caractérisé l'existence des fautes d'exécution ci-dessus décrites, en relation de causalité avec les désordres dont réparation est sollicitée,
- que la mauvaise qualité des murs de la copropriété, même à la supposer avérée, ne peut constituer une cause étrangère exonératoire pour les intervenants à l'ouvrage auxquels il appartenait, compte-tenu de l'ampleur du chantier, de l'environnement du bâtiment et de l'importance toute particulière des travaux qui leur étaient confiés, de vérifier la qualité du support sur lequel ils devaient intervenir afin d'assurer la pérennité de l'ouvrage alors même que le devis de travaux prévoyait l'application d'un produit minéralisant sur l'ensemble des parements, en quatre passes, afin d'enrayer le phénomène d'érosion et qu'il résulte d'un courrier du 1er juin 1992 (pièce n° 13 produite par la S.A. Maison Hostein) que des échanges ont eu lieu, en cours de chantier, avec le fabricant des produits hydrofuge et minéralisant devant être mis en oeuvre, sur le problème de pollution affectant le support d'intervention des entreprises.
Aux termes de ce courrier du 1er juin 1992, la S.A. Sicof, fabricant et fournisseur des produits consolidant-minéralisant et hydrofuge devant être mis en oeuvre par la S.A. Maison Hostein, indiquait ainsi :
'Sur votre demande, M. [J] et moi-même (responsable du département pierre) nous sommes déplacés le 21 mai 1992 sur cette résidence, cette démarche ayant pour objectif de déterminer précisément une solution technique appropriée à ces altérations.
Sur cette demeure située en bord de mer, on peut observer en première analyse qu'indubitablement, les pluies, les embruns, etc, sont des phénomènes qui accentuent le transfert de ces sels marins (chlorure de sodium) par quelques interstices de ces roches sédimentaires.
Située à un point culminant, cette villa est balayée constamment par des turbulences atmosphériques, de ce fait la cristallisation de ces sels nocifs prolifère sur ces parois calcaires sans effort.
Tous ces facteurs destructeurs ont engendré des altérations profondes : désquamation, alvéolisation en géodes, désagrégation sableuse.
L'entreprise qualifiée restauration-pierre a prévu dans son descriptif d'effectuer une substitution de certaines pierres profondément altérées. Des ragréages et reprises seront exécutés avec un mortier chaux armé. Les pierres marbrières éclatées seront nettoyées à l'aide d'un nettoyeur haute-pression.
Devant ces phénomènes de pollution et étant confronté à un processus de dégradation permanent, il faut d'ores et déjà pallier ces méfaits par l'apport de techniques appropriées à ce support pierre.
Comme évoqué après l'intervention de l'entreprise Dagand, différents produits de notre gamme spécifique pierre peuvent être mis en oeuvre.
En l'occurrence, sur cette affaire, notre minéralisant-consolidant SM 296 sera appliqué en trois passes : mouillé sur mouillé à refus, dont la première couche sera diluée à raison d'un volume de produit pour un volume de white spirit. Cette consolidation doit être mise en oeuvre sur toute surface ragrée ainsi que tous les éléments calcaires présentant ou amorçant une pulvérulence superficielle.
Ce dérivé de l'acide silicique (SM296) sera recouvert impérativement, au minimum dix jours après par l'hydrofuge SM 262. Comme prévoit ce descriptif, cette villa recevra une protection dans sa totalité par l'apport d'un hydrofuge (SM 262).'
Si ces termes révèlent une intervention dépassant le cadre d'une simple information in abstracto sur les caractéristiques et modalités de mise en oeuvre des produits livrés par la S.A. Sicof, ils sont insuffisants à caractériser l'existence d'une défaillance de celle-ci :
- soit au titre de la qualité des produits livrés dont aucun élément technique du dossier n'établit un quelconque défaut ou une quelconque inaptitude à l'emploi,
- soit au titre des conseils et propositions par elle ainsi formulés dès lors qu'il résulte des analyses effectuées par le C.E.B.T.P. sur des échantillons dont l'emplacement a été déterminé contradictoirement avec les parties dans le cadre de l'expertise judiciaire qu'aucune trace de l'hydrofuge SM 262 et du produit consolidant SM 296 n'a été retrouvée, en sorte qu'il ne peut être reproché à la S.A. Sicof la délivrance de conseils qui n'ont pas été suivis et dont elle n'avait pas le pouvoir de faire respecter la mise en oeuvre.
L'institution d'une nouvelle mesure d'instruction n'étant, compte-tenu de ce qui précède, pas nécessaire à la détermination des responsabilités, il convient, réformant le jugement entrepris et faisant application de l'article 568 du code de procédure civile dont la mise en oeuvre est justifiée par l'ancienneté du litige :
- de débouter le syndicat de copropriété de ses demandes contre la S.A. Sicof (aux droits de laquelle se trouve désormais la S.A. S.T.O.) et contre ses assureurs, le Gan, ès qualités d'apériteur de la police responsabilité civile de la S.A. Sicof, et les sociétés Aviva et Generali, co-assureurs,
- de déclarer la S.A.R.L. Lassie-Priou, la S.A.R.L. Dagand et la S.A. Maison Hostein responsables, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, des désordres affectant les travaux de ravalement litigieux.
3 - Sur la réparation des préjudices:
En conformité avec les dispositions de l'article 278 du code de procédure civile, compte-tenu de la technicité et de la complexité particulières de l'ouvrage, l'expert judiciaire s'est adjoint l'assistance d'un bureau d'études spécialisé (BET ECCTA Ingénierie) afin d'établir un cahier des charges et un descriptif des travaux nécessaires, selon ses propres termes, à la remise des lieux dans l'état auquel ils auraient dû se trouver si les travaux prévus avaient été exécutés dans les règles de l'art et sollicité trois devis auprès de trois entreprises pourvues des qualifications correspondantes à la nature des travaux et des difficultés d'exécution à surmonter.
Le cahier des charges des travaux de réfection prévoit notamment :
- le nettoyage des parements en pierre au moyen de procédés n'utilisant pas de produits chimiques et ne détériorant pas le parement superficiel,
- la restauration des pierres et le changement impératif des pierres cassées, éclatées, atteintes de maladie, altérées, présentant des différences de nuance inacceptables ou appartenant à des zones dont l'enduit ou le badigeon n'a pas tenu,
- le rejointoiement,
- l'application de produits minéralisants et hydrofuges, avec dans le cas de la présence de sels, extraction de ceux-ci par des moyens appropriés (compresses, nébulisation ou ruissellement d'eau...).
Sur la base des prescriptions de ce cahier des charges l'expert a recueilli trois devis d'entreprises spécialisées pour des montants respectifs horst taxes de 566.136,35 €, 697.520,11 € et 659.440,27 €, outre les honoraires de maîtrise d'oeuvre évalués à 11,50 % du marché, étant rappelé que le marché initial portait sur une somme globale de 284.000 € T.T.C.
Les défendeurs contestent la pertinence et l'efficacité même des solutions techniques retenues par M. [Z] en s'appuyant sur :
- les conclusions du rapport [H] indiquant, s'agissant du chantier de la Résidence Grand Hôtel qu'il n'existe pas de solution réaliste et financièrement raisonnable pour traiter le problème, la seule solution consistant en une reprise ponctuelle des zones concernées, dans le cadre de l'entretien des façades,
- une note technique d'un cabinet d'expertise mandaté par les architectes indiquant que des interventions en réparations ponctuelles et régulières paraissent plus appropriées pour supprimer les sels contenus dans la pierre, avec, à terme d'une ou deux décennies, un ultime ravalement sur un support ainsi devenu sain.
Aucun élément technique ne permet cependant de douter de l'efficacité même, en termes de traitement de toute pollution interne des pierres, des procédés de réfection préconisés par l'expert [Z] (tamponnage, remplacement des pierres défectueuses, ce procédé étant d'ailleurs qualifié de 'radical' par M. [H]), toutes méthodes dont les rapports invoqués par les défendeurs ne mettent pas en cause la pertinence technique mais excluent l'application pour des raisons financières, sans en proposer cependant une évaluation.
Par ailleurs, la demande indemnitaire du syndicat de copropriété ne peut être considérée, par application du principe de réparation intégrale du préjudice, comme génératrice d'un enrichissement sans cause alors que, s'impose à la copropriété, en raison du classement de l'immeuble, une obligation de réparation à l'identique et qu'il a été considéré ci-dessus que l'éventuelle pollution interne des parements en pierre ne constituait pas une cause étrangère exonératoire pour les intervenants à l'opération de ravalement, le syndicat de copropriété étant en droit d'obtenir un ouvrage exempt de vices et correspondant aux stipulations contractuelles.
Sur la base du devis de réfection de l'entreprise moins disante (soit 566.136,35 € H.T.), avec application d'un taux d'honoraires de maîtrise d'oeuvre de 11,50 %. H.T. et d'un taux de T.V.A. de 5,5 %, la S.A.R.L. Lassie-Priou, la S.A. Dagand et la S.A. Maison Hostein seront condamnées in solidum à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Roche Ronde la somme de 665.960,34 € T.T.C. au titre de la nécessaire reprise des travaux de ravalement litigieux, indexée sur l'évolution de l'indice de la construction publié par l'I.N.S.E.E, l'indice de référence étant celui en vigueur au 2ème trimestre 1999, date d'établissement dudit devis.
Si l'analyse de la procédure engagée depuis 1993 ne révèle l'existence d'aucun comportement susceptible de faire dégénérer en abus le droit fondamental des entreprises et des assureurs d'assurer leur défense, il n'en demeure pas moins que les désordres affectant les travaux litigieux ont, par leurs conséquences esthétiques déplorables sur l'aspect extérieur d'un immeuble de standing et de caractère, causé à la collectivité des copropriétaires représentée par son syndicat un trouble manifeste de jouissance qui sera compensé par l'octroi d'une indemnité de 15.000 €.
4 - Sur les demandes dirigées contre les assureurs :
1° - s'agissant de la Mutuelle des Architectes Français :
La Mutuelle des Architectes Français, assureur responsabilité décennale de la S.A.R.L. Lassie-Priou, qui ne soulève aucune exception de non-garantie, sera condamnée solidairement avec son assurée au paiement des indemnités allouées au syndicat de copropriété.
2° - s'agissant de la S.A. AXA France I.A.R.D :
La S.A. AXA France I.A.R.D. assureur responsabilité décennale de la S.A. Dagand à la date d'ouverture du chantier, sera également condamnée solidairement avec son assurée au paiement des indemnités allouées au syndicat de copropriété, à l'exception de l'indemnité réparant le trouble de jouissance collectif.
Il résulte en effet de l'article 5 des conditions générales de la police responsabilité décennale souscrite par la S.A. Dagand auprès de la S.A. AXA, en vigueur à la date d'ouverture du chantier, pour les dommages autres que ceux relevant de l'assurance obligatoire (dont ne font pas partie les dommages immatériels) la garantie de l'assureur n'est acquise que pour les dommages donnant lieu à des réclamations formulées un an au plus tard après l'expiration de la période de validité de la garantie.
Or, l'examen des pièces versées aux débats permet de constater que la police responsabilité décennale souscrite par la S.A. Dagand auprès d'AXA a été résiliée à l'initiative de l'assurée à compter du 1er janvier 1993 et que la réclamation du syndicat de copropriété n'a été présentée que postérieurement au 1er janvier 1994.
3° - s'agissant de la S.M.A.B.T.P.:
Aucune demande n'est formée en principal par le syndicat de copropriété à l'encontre de la S.M.A.B.T.P. dont la garantie ne peut en toute hypothèse être mobilisée puisque la souscription de la police est postérieure à la déclaration d'ouverture de chantier et à la résiliation du contrat d'assurance liant la S.A. Dagand à la S.A. AXA France.
4° - s'agissant de la société Gan Eurocourtage I.A.R.D.
Aux termes d'une police 914 173 007, la S.A. Sicof a souscrit auprès de la S.A. GAN une assurance 'bonne tenue' de ses produits la garantissant, ainsi que ses applicateurs agréés, du fait de l'application des produits garantis, pour toutes les conséquences dommageables de ladite application
Il résulte cependant de ce qui précède que la garantie du Gan ne peut en l'espèce être mobilisée dès lors :
- que le syndicat de copropriété a été débouté de sa demande dirigée contre la S.A. Sicof,
- qu'il résulte de l'expertise judiciaire qu'aucune trace des produits Sicof SM 262 et SM 296 n'a été retrouvée sur les prélèvements analysés par le C.E.B.T.P. en sorte que la garantie offerte aux applicateurs des produits de cette marque ne peut être mobilisée au bénéfice de la S.A. Maison Hostein..
II - Sur les recours entre co-responsables :
Au vu de ce qui précède, la charge définitive de la réparation des désordres sera supportée, en raison de l'importance et de la gravité des fautes imputables à chacune d'entre elles :
- à concurrence de 60 % pour la S.A.R.L. Dagand, entreprise spécialisée dans la restauration des monuments historiques, spécialement chargée de la préparation - manifestement défaillante - du support en pierre dont l'assèchement insuffisant est la cause principale des désordres,
- à concurrence de 25 % pour la S.A.R.L. Lassie-Priou, investie d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre d'exécution, dont l'expertise judiciaire a pu établir la défaillance dans le suivi et la surveillance du chantier, s'agissant en particulier du non-respect des délais de séchage révélés par l'examen des comptes-rendus de chantier,
- à concurrence de 15 % pour la S.A. Maison Hostein qui n'a pas assuré la mise en oeuvre des produits minéralisants et hydrofuges dans les conditions contractuellement prévues ainsi que l'ont démontré les analyses pratiquées dans le cadre de l'expertise judiciaire.
IV - Sur les demandes accessoires :
L'équité commande d'allouer au syndicat des copropriétaires de la Villa Roche Ronde la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les autres parties de ce chef de demande.
La S.A.R.L. Dagand, la S.A. AXA France, la S.A.R.L. Lassie-Priou, la M.A.F. et la S.A. Maison Hostein seront condamnées in solidum aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise, avec autorisation pour Maître Vergez et la S.C.P. Rodon, avoués à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort:
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 13 octobre 2008 ;
En la forme, déclare recevables les appels principaux de la S.A. AXA France et du Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Roche Ronde ;
Au fond :
Constate qu'aucune contestation n'est soulevée contre les chefs du jugement déféré ayant débouté Mmes [D] et [P] de leurs demandes indemnitaires et de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, et ayant laissé à leur charge leurs propres dépens ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que les travaux de restauration des façades de l'immeuble constituent un ouvrage susceptible d'entraîner la mise en oeuvre de la garantie décennale ;
- dit que l'ouvrage a été réceptionné, sauf à constater que la réception expresse des travaux avec réserves est intervenue le 21 septembre 1993 et non le 14 septembre 1992 comme indiqué par erreur dans le dispositif du jugement déféré,
- dit que l'action du syndicat des copropriétaires n'est pas prescrite ;
- prononcé la mise hors de cause de la S.M.A.B.T.P. et de la compagnie Abeille aux droits de laquelle se trouve la S.A. Aviva ;
Réformant le jugement pour le surplus et faisant application de l'article 568 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à institution d'une expertise complémentaire ;
Prononce la mise hors de cause ;
- de la S.A. Sicof aux droits de laquelle se trouve la S.A. S.T.O.;
- de la S.A. GAN Eurocourtage au titre de la police 914 173 007 à l'égard tant de la S.A. Sicof (aux droits de laquelle se trouve désormais la S.A. S.T.O.) que de la S.A. Maison Hostein ;
- de la S.A. Generali, venant aux droits de la compagnie La Concorde ;
Condamne in solidum la S.A.R.L. Dagand et son assureur, la S.A. AXA France, la S.A.R.L. Lassie-Priou et son assureur, la Mutuelle des Architectes Français, et la S.A. Maison Hostein à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Roche Ronde la somme de 665.960,34 € T.T.C (six cent soixante cinq mille neuf cent soixante euros et trente quatre centimes) au titre de la réfection des travaux de ravalement litigieux, indexée sur l'évolution de l'indice de la construction publié par l'I.N.S.E.E., l'indice de référence étant celui en vigueur au 2ème trimestre 1999 ;
Condamne in solidum la S.A.R.L. Dagand, la S.A.R.L. Lassie-Priou et son assureur, la Mutuelle des Architectes Français et la S.A. Maison Hostein à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Roche Ronde la somme de 15.000 € (quinze mille euros) en réparation du trouble de jouissance subi par la collectivité des copropriétaires ;
Dit que dans leurs rapports entre eux, la charge définitive des indemnités allouées au syndicat de copropriété sera supportée à concurrence de 60 % par la S.A.R.L. Dagand, 25 % par la S.A.R.L. Lassie-Priou et 15 % par la S.A. Maison Hostein ;
Condamne in solidum la S.A.R.L. Dagand, la S.A. AXA France, la S.A.R.L. Lassie-Priou, la M.A.F. et la S.A. Maison Hostein à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Roche Ronde, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 6.000 € (six mille euros) au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en cause d'appel qu'en première instance ;
Condamne in solidum la S.A.R.L. Dagand, la S.A. AXA France, la S.A.R.L. Lassie-Priou, la M.A.F. et la S.A. Maison Hostein aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise, avec autorisation pour Maître Vergez et la S.C.P. Rodon, avoués à la cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme Françoise Pons, Président, et par Mme Sabine Dal Zovo, Greffier en Chef, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Sabine DAL ZOVOFrançoise PONS