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26/01/2010 | FRANCE | N°08/01507

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 26 janvier 2010, 08/01507


PB/PP



Numéro 440/10





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 26/01/10







Dossier : 08/01507









Nature affaire :



Demandes relatives

à la vente















Affaire :



[L] [I]



C/



LA CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR,

[Y] [B],

[V] [W] épouse [U]


















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 Janvier 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.





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PB/PP

Numéro 440/10

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 26/01/10

Dossier : 08/01507

Nature affaire :

Demandes relatives

à la vente

Affaire :

[L] [I]

C/

LA CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR,

[Y] [B],

[V] [W] épouse [U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 Janvier 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 Novembre 2009, devant :

Monsieur NEGRE, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BELIN, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 780 du Code de Procédure Civile

assistés de Madame PICQ, faisant fonction de Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Mademoiselle [L] [I]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de Me BENSAUDE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES :

LA CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistée de Me LETE, avocat au barreau de PAU

Madame [Y] [B]

[Adresse 9]

[Adresse 10]

[Localité 5]

Madame [V] [W] épouse [U]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentées par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistées de Me DO AMARAL, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 05 MARS 2008

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Ayant hérité en qualité de légataires universelles de Madame [K] [T] veuve [P] (décédée le [Date décès 4] 2005) d'une maison dite [Adresse 12] (83), Mesdames [V] [W] épouse [U] et [Y] [B] ont mis ce bien en vente à l'agence Century 21 ABC Immobilier de SAINT RAPHAËL au prix de 480.000 euros suivant mandat du 3 mars 2006. Le bien était proposé à la vente au prix de 469.000 euros par annonce de l'agence, et par acte sous seing privé du 29 avril 2006, Mesdames [V] [U] et [Y] [B] ont vendu cette maison au prix de 270.000 euros à Mademoiselle [L] [I] et Monsieur [O] [J] ou toutes personnes physiques ou morales qui s'y substitueraient. Cet acte comprenait une condition suspensive de financement de l'opération par prêt bancaire de 350.000 euros (270.000 euros pour le prix d'acquisition et un prêt de 80.000 euros pour travaux) ; la commission de l'agence (20.000 euros) restant à la charge des venderesses. Les acquéreurs versaient un chèque de 5.000 euros à titre de séquestre.

La vente était régularisée par acte notarié du 21 août 2006 au profit de la SCI SOLE MIO, les venderesses donnaient quittance du paiement du prix de 270.000 euros. Des difficultés surgissaient ensuite entre les parties quant au sort d'un chèque de 80.000 euros établi par Mademoiselle [I] et remis à l'agence immobilière lors de la signature de l'acte sous seing privé pour paiement d'un complément de prix hors actes, hors comptabilité du notaire, autrement dit de 'dessous de table'. Mademoiselle [I] en réclamait la restitution après signature de l'acte notarié à l'agence immobilière, Madame [Y] [B], le déposait pour encaissement le 4 septembre 2006, ce chèque était rejeté pour défaut de provision en dépit des protestations de Mademoiselle [I] auprès de son établissement bancaire notamment (CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR) quant à l'absence de cause de ce chèque. Madame [B] a obtenu un certificat de non paiement du chèque qu'elle a fait signifier à Mademoiselle [I] le 25 mai 2007.

Mademoiselle [I] saisissait le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en suspension de la procédure simplifiée de l'article L 131-73 du Code Monétaire et Financier pour le chèque litigieux jusqu'à décision relative au sort de ce chèque. Le juge de l'exécution par jugement du 4 septembre 2007 accédait à cette demande.

Mademoiselle [I] saisissait également le Tribunal de Grande Instance de PAU aux fins de voir constater que le chèque était sans cause et qu'elle y a fait opposition, elle réclamait des dommages et intérêts.

Par jugement du 5 mars 2008 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de PAU a débouté Mademoiselle [I] de ses demandes et l'a condamnée à payer à Madame [B] la somme de 80.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2006 et à payer à Madame [B] et Madame [U] la somme de 3.000 euros à titre dommages et intérêts et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Le Tribunal retient que le versement du chèque n'est pas mentionné dans les actes, qu'il n'est pas justifié que ce chèque ait été remis à titre de garantie, que Mademoiselle [I] ne justifie pas de la procédure d'alerte auprès de l'établissement bancaire dont elle fait état, qu'il s'agit d'un dessous de table correspondant aux intérêts communs des parties, que le non enregistrement par la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR de l'opposition au chèque n'est pas fautive puisqu'elle ne relevait pas des cas l'autorisant (perte ou vol).

Mademoiselle [I] a interjeté appel de cette décision le 21 avril 2008.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 17 juin 2009 Mademoiselle [I] demande l'infirmation du jugement, qu'il soit dit et jugé que le chèque était sans cause au jour de la présentation à la banque, qu'il doit être annulé ; elle demande à l'encontre de Mesdames [U] et [B] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, que Madame [B] soit condamnée à lui restituer le chèque sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; que son opposition au paiement du chèque soit déclarée valable, que la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR soit condamnée à faire lever l'interdiction d'émettre des chèques dont elle est l'objet et sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle réclame conjointement à l'encontre des trois intimées une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle précise que les acquéreurs n'avaient aucun intérêt à consentir un dessous de table, c'était uniquement l'intérêt des venderesses tenues à taxations importantes ; elle précise que le jour de l'acte notarié le chèque de garantie de 80.000 euros n'a pu être restitué sous prétexte qu'il aurait été perdu. Elle rappelle l'illicéité de la pratique des dessous de table, que dès lors que ce caractère illicite n'est pas contesté par Madame [B], elle doit être déboutée de sa demande tendant à son exécution conformément à une jurisprudence constante. Elle ajoute que la remise du chèque à la signature du compromis ne peut s'expliquer et justifier que par l'effet de garantir le paiement de la partie occulte du prix, qu'il a été donné quittance du prix lors de la signature de l'acte notarié. Elle relève qu'il n'y a pas adéquation de l'identité du vendeur et de l'acheteur dans ce chèque. Elle reproche à l'établissement bancaire de n'avoir pas respecté les dispositions de l'article L 131-35 du Code Monétaire et Financier en ne prenant pas en compte son opposition.

Par conclusions du 7 avril 2009 Mesdames [B] et [U] demandent la confirmation du jugement en y ajoutant la condamnation de Mademoiselle [I] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Subsidiairement, elles demandent la condamnation de Mademoiselle [I] à leur payer la somme de 80.000 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Elles contestent que le chèque litigieux ait été remis en garantie s'agissant d'une vente consentie sous condition suspensive d'obtention d'un prêt, que l'agence immobilière, non attraite à la procédure, a du reste remis à Madame [B] le chèque après signature devant notaire. Elles reprochent à Mademoiselle [I] des procédés déloyaux pour se soustraire à son obligation de paiement du prix sous prétexte d'une perte du chèque, étant établi que le prix de 270.000 euros ne correspond pas aux prix du marché pour ce type de bien. Elles écartent la jurisprudence invoquée sur l'application de l'article 1131 du Code Civil (la cause illicite du chèque), le chèque ayant été remis postérieurement à la vente.

Par conclusions du 20 janvier 2009 LA [Adresse 8] sollicite le rejet des demandes de Mademoiselle [I] et sa condamnation à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Elle précise qu'elle ne pouvait tenir compte de l'allégation de la perte du chèque par l'agence immobilière invoquée par Mademoiselle [I] puisque Madame [B], bénéficiaire du chèque était en sa possession, et que la banque ne pouvait s'immiscer dans les relations contractuelles des parties. Elle déclare n'avoir commis aucune faute, le compte n'étant pas approvisionné du montant du chèque à sa date d'émission puis à son encaissement.

DISCUSSION

En premier lieu, il convient de considérer qu'il ressort des explications et pièces fournies aux débats que la réalité d'un dessous de table à hauteur de 80.000 euros n'est ni réellement contestée ni sérieusement contestable. En effet, le versement d'un chèque de ce montant ne correspondait à aucune autre cause possible puisque le compromis de vente ne mentionne pas cette somme à titre de dépôt de garantie mais celle de 5.000 euros tiré sur la banque 'SG' dont le montant a du reste été déduit du prix d'achat. En revanche, il doit être observé que le compromis prévoit le financement de l'acquisition au moyen d'un emprunt de 350.000 euros dont 270.0000 euros au titre du prix d'achat et 80.000 euros pour travaux. C'est du reste un prêt de 359.000 euros qui est mentionné comme ayant été consenti par la Lyonnaise de Banque aux acquéreurs dans l'acte notarié du 21 août 2006. Enfin, au regard de l'évaluation originaire du bien lors de sa mise en vente (entre 480.000 et 469.000 euros), de la description de la maison (160 m2 sur un terrain de 1.000 m2) et de son emplacement à [Localité 11] sur la Côte d'Azur, des éléments comparatifs produits aux débats pour des biens de même nature, il apparaît que la prise en compte d'un prix global du bien au montant de 350.000 euros est plus proche de la réalité de sa valeur que le montant stipulé à l'acte notarié de 270.000 euros.

Mademoiselle [I] n'invoque ni ne justifie du paiement effectif de cette somme occulte de 80.000 euros étant observé que chacune des parties à la convention avait intérêt, fût-ce inégalement, à frauder l'administration fiscale par ce biais, les venderesses pour minorer leurs droits successoraux, les acquéreurs pour minorer les droits d'enregistrement de la transaction. Il n'est pas contesté que le chèque a été remis à l'agence bancaire qui l'a transmis aux venderesses après l'acte notarié, ce qui corrobore l'absence de paiement de cette somme occulte, Madame [B] déposant le chèque pour paiement le 4 septembre 2006 soit deux semaines après l'acte notarié. La mention contenue à cet acte de quittance, c'est-à-dire du paiement effectif du prix, ne pouvait valoir qu'à hauteur du montant mentionné, à savoir 270.000 euros et non 350.000 euros montant réel de la transaction.

Mademoiselle [I] s'oppose en définitive à l'encaissement du chèque au motif de l'illicéité de sa cause résultant du caractère occulte du prix. Il doit être relevé que la traçabilité d'un chèque atténue le caractère occulte d'un tel paiement. Il s'avère en outre qu'en l'espèce, Mesdames [B] et [U] ont demandé au notaire par courrier du 4 septembre 2006 de régulariser l'acte en mentionnant le complément de prix à hauteur de 80.000 euros pour 'être en conformité avec la législation fiscale'. Il n'est pas justifié d'une réponse quelconque du notaire, ni d'une quelconque explication de la part de l'agence immobilière qui n'a pas été attraite à la procédure. Au sens des articles 1131 et 1133 du Code Civil, le chèque moyen de paiement de partie du prix de vente a une cause résultant d'une obligation contractuelle dont l'objet est licite en ce qu'il porte sur une transaction immobilière. La cause illicite du paiement d'un prix occulte, librement consentie entre les parties, ne saurait être valablement invoquée par l'un des co-contractants qui par ailleurs ne poursuit pas la nullité du contrat et a obtenu livraison de la chose acquise et partiellement payée.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande principale de Mademoiselle [I] à l'encontre de Mesdames [B] et [U].

Mademoiselle [I] a dans le cadre de ses démarches d'opposition au chèque adressé deux courriers à la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR les 22 et 25 août 2006, où elle avance deux argumentations erronées : l'obtention et la conservation frauduleuse de ce chèque de garantie (sans préciser de quelle garantie), la perte du chèque. Le premier ne rentrait pas dans le cadre légal de l'article L 131-35 du Code Monétaire et Financier fixant limitativement les cas d'autorisation à opposition d'un chèque, sous peine de sanction pénales à l'encontre du tiré contrevenant à ces dispositions ; le second s'avérait inexact puisque Madame [B], personne désignée par Mademoiselle [I] comme bénéficiaire du chèque dans son courrier du 22 août 2006 à l'établissement bancaire, en réclamait paiement. Il ne saurait donc dans ces conditions être reproché à la banque de faute dans l'exécution de ses obligations, les textes ci-dessus évoqués imposant aux établissements bancaires et aux titulaires de comptes de ne pas, après délivrance d'un moyen de paiement, revenir sur des engagements souscrits dans ces conditions en dehors des cas strictement énumérés par la loi. La banque se devait donc également, de ne pas faire obstacle à la remise du chèque au paiement dont l'effectivité était soumise à la suffisance de la provision. Par deux fois, l'encaissement du chèque n'a pu prospérer faute de provision. Mademoiselle [I] ne peut donc imputer à la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR la responsabilité du rejet du chèque, des frais en résultant et de l'interdiction d'émettre des chèques s'ensuivant par application de l'article L 131-80 du Code Monétaire et Financier.

Il en résulte donc que le jugement sera également confirmé sur la demande de Mademoiselle [I] à l'encontre de la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR en l'absence de faute établie de sa part.

Une somme de 1.500 euros sera allouée à la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Au regard des faits de la cause, il ne sera pas fait droit à cette demande au profit de Mesdames [B] et [U].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de PAU du 5 mars 2008 ;

Condamne Mademoiselle [I] à payer à la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Déboute Madame [Y] [B] et [V] [W] épouse [U] de leur demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne Mademoiselle [I] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour ;

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger NEGRE, Président, et par Madame Pascale PICQ, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Pascale PICQRoger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08/01507
Date de la décision : 26/01/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°08/01507 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-26;08.01507 ?
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