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07/01/2010 | FRANCE | N°09/01201

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 07 janvier 2010, 09/01201


PPS/NG



Numéro 79/10





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRET DU 07/01/2010







Dossier : 09/01201





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



S.A.S. ONET PROPRETE



C/



[B] [R]


















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Janvier 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de...

PPS/NG

Numéro 79/10

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRET DU 07/01/2010

Dossier : 09/01201

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

S.A.S. ONET PROPRETE

C/

[B] [R]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Janvier 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 Novembre 2009, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. ONET PROPRETE

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Rep/assistant : Maître BIAIS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

Madame [B] [R]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Assistée de Maître CHAUVINC-LOQUET, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 03 MAI 2007

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BAYONNE

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [B] [R] a été embauchée par la S.A. ONET le 29 mai 1995 en qualité d'employée administrative, coefficient interne 113 et 155 de la convention collective nationale, pour une rémunération mensuelle brute de 6 410 F pour 169 h plus une indemnité de résidence.

Un avenant du 30 août 1999 a régularisé le passage aux 35 heures par semaine.

Par avenant du 1er mars 2001, Madame [B] [R] est devenue secrétaire administrative.

En juillet 2001, Madame [B] [R] s'est vu confier en plus de ses tâches habituelles la gestion administrative de la société H REINIER d'Hendaye chargée de nettoyage industriel des trains.

Le 29 octobre 2005, l'employeur a notifié un avertissement à Madame [B] [R] qui l'a contesté par courrier du 3 novembre 2005.

Elle a été en arrêt de travail le 5 novembre 2005 ; par courrier du 16 décembre 2005, la S.A. ONET lui a proposé de passer à temps partiel à compter de janvier 2006.

Se plaignant d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, malgré ses multiples demandes, Madame [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de BAYONNE le 30 janvier 2006, en vue d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, le paiement de 635 heures supplémentaires, l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral et l'annulation de l'avertissement notifié le 4 octobre 2005.

Madame [B] [R] a repris le travail à la fin de son arrêt de maladie le 3 juillet 2006.

Après échec de la tentative de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau du jugement à l'audience du 12 décembre 2006 ; un procès-verbal de partage de voix a été adressé le 27 février 2007 et l'affaire renvoyée à l'audience de départage du 5 avril 2007.

Par jugement du 3 mai 2007, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le conseil des prud'hommes de Bayonne a :

- rejeté les demandes de Madame [B] [R] fondées sur les heures supplémentaires, les rappels de salaire sur la société H REINIER et les indemnités de congés payés s'y rapportant ;

- rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 29 septembre 2005 et des dommages-intérêts ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral ;

- dit que la rupture de contrat de travail est imputable à l'employeur ;

- condamné la S.A. ONET à payer à Madame [B] [R] les sommes de :

* 3 696 €, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 3 360 €, à titre d'indemnité de préavis,

* 336 €, à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 13'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

- ordonnée l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la S.A. ONET à payer à Madame [B] [R] la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception mentionnant son expédition le 23 mai 2007, reçue au greffe de la Cour le 24 mai 2007, la S.A. ONET, représentée par son conseil, a interjeté appel de la décision limité aux condamnations de la société à payer à Madame [B] [R] :

* 3 696 €, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 3 360 €, à titre d'indemnité de préavis,

* 336 €, à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 13'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

* 700 € au titre de l'article 700 du code procédure civile et aux entiers dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, la S.A. ONET demande :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de contrat de travail de Madame [B] [R], aux torts de l'employeur et lui a alloué des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse ;

- en cela, de débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demande en découlant ;

- à titre reconventionnel, de condamner Madame [B] [R] à lui payer :

* une indemnité de 4 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,

* une indemnité de 1 500 €, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pour procédure abusive,

- de condamner Madame [B] [R] aux entiers dépens.

L'appelante soutient :

- que la salariée n'est en droit de réclamer le versement d'heures supplémentaires qu'à la condition que celles-ci lui aient été expressément demandées par son employeur ; que le service administratif a suivi l'évolution de la société en employant désormais quatre employées administratives au lieu d'une, au moment de l'arrivée de Madame [B] [R] que la S.A. ONET a embauché du personnel intérimaire pendant l'absence en arrêt maladie de Madame [B] [R], ou lors des absences de ses collègues;

- que l'avertissement du 29 septembre 2005 est parfaitement fondé ;

- que la salariée demanderesse n'établit pas la réalité des manquements de l'employeur et leur gravité suffisante pour que la Cour prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'aucun fait caractérisant un harcèlement moral n'est démontré ;

- que la Cour n'est pas compétente pour connaître la demande de rappel de salaire auprès de H REINIER.

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, Madame [B] [R] demande au contraire :

- de confirmer le jugement du 3 mai 2007 en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur ;

- de réformer pour le surplus ;

- d'annuler l' avertissement du 29 septembre 2005 et condamner la S.A. ONET au paiement d'une somme de 3 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;

- de condamner la S.A. ONET au paiement des sommes suivantes :

* 7 059 € assortis des intérêts légaux, au titre des heures supplémentaires,

* 706 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

* 10'000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* au titre de la rupture abusive du contrat de travail aux torts de l'employeur :

' 20'160 € à titre de dommages-intérêts,

' 3 696 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 3 360 € d'indemnité de préavis,

' 336 € d' indemnités de congés payés sur préavis,

* 6 094,40 €, au titre de rappel de salaire,

* 610 € au titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

* 4 000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- de rejeter toutes demandes contraires.

L'intimée, appelante à titre incident, fait valoir :

- que pendant des années elle a effectué des heures supplémentaires que son employeur a toujours refusé de rémunérer mais pour la museler, il a alterné entre la valorisation de la salariée et son humiliation, en lui délivrant des avertissements ou en la menaçant de licenciement dès qu'elle demandait une amélioration de ses conditions de travail ; que l'ensemble de ces agissements constitue à l'évidence un harcèlement moral ou à tout le moins un comportement fautif de l'employeur de nature à justifier une rupture de contrat à ses torts exclusifs ;

- qu'elle a produit à l'appui de sa demande de paiement d'heures supplémentaires des éléments tangibles alors que l'employeur est défaillant dans le rapport de la preuve qui lui incombe ;

- que dans sa réponse à l'avertissement qui lui a été notifié, elle a anéanti les reproches infondés qui lui étaient imputés, en raison de sa surcharge de travail et du harcèlement qu'elle subissait ;

- qu'elle établit des faits répétitifs caractérisant un harcèlement moral ;

- qu'elle aurait dû être salariée à mi-temps pour la société H RENIER afin de pouvoir bénéficier des conditions plus avantageuses dues à l'application de la loi de [XH] à cette entreprise.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable ;

Attendu que selon contrat de travail du 1er mars 2001, la rémunération mensuelle de Madame [B] [R] a été fixée à 8 371,04 F pour 151,67 h par mois ;

Que cette rémunération a été fixée à 1 545,70 € pour 151,67 h par avenant du 1er janvier 2004 ;

Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires

Attendu qu'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et que celui-ci doit fournir les préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu qu'au soutien de sa demande, Madame [B] [R] produit un état de ses récupérations et un décompte récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle a effectuées et qui n'ont pas été récupérées, ainsi que les copies de calendriers des années 2001 à 2005, sur lesquels, elle a mentionné, au jour le jour, les heures supplémentaires réalisées ;

Qu'elle verse également aux débats des attestations régulières en la forme délivrées par :

- Madame [HR] [M] épouse [K] et Monsieur [J] [H] qui indiquent :

* que travaillant comme chefs d'équipe Chantier Ville, du 1er avril 2000 à mars 2003, ils avaient trouvé, à plusieurs reprises les bureaux d'ONET ouverts entre 12 h et 13 h 30, car Madame [B] [R] y restait travailler au lieu de rentrer chez elle,

* qu'il leur arrivait très souvent de voir travailler Madame [B] [R] le samedi matin en fin de mois pour clôturer les payes ;

- Madame [V] [Z] épouse [NG] qui déclare :

* avoir emmené 2 fois début septembre 2003, une fois fin septembre 2003, Madame [B] [R], qui avait subi un accident au pied, à son travail pour qu'elle fasse les payes des salariés de H REINIER ;

* avoir constaté à plusieurs reprises que cette dernière ramenait du travail à faire à la maison ;

- Monsieur [DD] [L], préposé des postes, indique qu'il lui était arrivé, depuis l'année 2001, à plusieurs reprises, le samedi matin, de remettre du courrier en main propre à Madame [B] [R], présente dans les locaux d'ONET ;

Attendu que dans une lettre du 24 janvier 2001, Madame [B] [R] s'est plainte auprès de Monsieur [C] qu'il lui fallait déployer une énergie considérable et faire des heures supplémentaires pour boucler chaque fin de mois et qu'elle n'avait plus assez de temps pour s'occuper correctement de la gestion des clients ;

Que Monsieur [C] lui a répondu le 22 février 2001 que les heures supplémentaires qu'elle disait effectuer ne lui avaient jamais été demandées par sa hiérarchie et qu'elle prenait donc l'entière responsabilité de ces dernières ;

Attendu que l'employeur qui conteste l'existence d'heures supplémentaires faites par la salariée se contente d'affirmer que les dépassements d'horaire étaient toujours récupérés et ne produit aucun élément de nature à combattre les mentions manuscrites apposées sur les calendriers ou à réfuter la présence de Madame [B] [R] dans les locaux de l'entreprise durant la pose déjeuner ou certains samedis matin ;

Qu'il convient dès lors de valider le décompte précis présenté, faisant état d'heures supplémentaires effectuées et non récupérées au nombre de :

- de 164,25 en 2001,

- de 147,25 en 2002,

- de 130,5 en 2003,

- de 124,75 en 2004,

- de 63,5 en 2005,

pour un montant de 5 553,19 € plus 1 505,92 € afin de tenir compte des majorations respectives de 25 % et de 50 % ;

Qu'il convient de condamner la S.A. ONET à payer à ce titre à Madame [B] [R] la somme de 7 059 € au titre d'heures supplémentaires, ainsi qu'une indemnité de 706 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires ; que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 29 septembre 2005 et la demande de dommages et intérêts

Attendu que par lettre remise en main propre, la S.A. ONET a notifié à Madame [B] [R] un avertissement pour avoir commis des négligences dans la tenue de son poste de travail ;

Que le Directeur d'agence, Monsieur [C] a écrit :

' vous avez parmi vos missions la facturation du client UGAP ; nous avons appris par la direction de l'entreprise fin juin qu'il y avait un retard de paiement de la part de ce client pour un montant de 186'000 € ;

après recherche, il est apparu qu'il y avait des factures impayées du fait du manque de certificats de bons déroulement des prestations, document qui doivent obligatoirement être joints à la facture pour en obtenir le règlement ; il s'est avéré que de nombreux certificats manquaient pour l'année 2004 : vous ne m'en avez pas informé ;

de plus, en 2005, vous avez envoyé les factures des mois de janvier, février, mars et avril en mai, entraînant obligatoirement des retards de paiement conséquents ;

de même, pour certains clients, nous n'avons toujours pas les certificats de bon déroulement, notamment la Chambre d'Agriculture des Landes, ce qui va générer de nouveaux retards, alors que vous m'aviez indiqué au cours du premier trimestre de 2005 que tout était réglé concernant la facturation 2005 ;

ces retards de paiement sont fortement préjudiciables à l'entreprise et entraînent des pertes financières conséquentes en termes d'agios et d'écarts de trésorerie ;

ceci met en lumière un manque de communication flagrant : avec l'implication de tous les acteurs, ces retards auraient pu être évités ;

par ailleurs, concernant l'agence H REINIER d'Hendaye, ou vous avez également en charge la paie, nous avons constaté des erreurs sur le bulletin de paie ainsi, en mai 2005, un salarié a été payé 50 heures de plus que son pointage réel ; ces erreurs ont été décelées après la clôture des paies alors qu'un contrôle préalable aurait pu éviter cette erreur ;

suite à cela, il avait été demandé de vérifier de manière accrue les bulletins de paie ; voire en juillet 2005, un salarié à temps plein a été rémunéré 23 €, alors qu'il avait travaillé tout le mois

cette erreur flagrante aurait dû être constatée avant la clôture des paies, ce qui, une nouvelle fois, n'a pas été le cas ;

je considère que les faits reprochés constituent des fautes dans l'exécution de votre poste de travail et traduisent un manque de vigilance de votre part ; en effet, ces erreurs auraient pu être évitées avec plus de rigueur et un minimum de communication ...'

Attendu que Madame [B] [R] a contesté les reproches formulés à son encontre et dans une longue lettre du 22 octobre 2005 a notamment répliqué :

- que pour le dossier UGAP, elle n'avait pu, uniquement par manque de temps, contrôler tout le suivi des réceptions de certificats ; que le client n'avait pas 'respecté les règles ';

- que pour la Chambre d'Agriculture, elle était en surcharge de travail et que cette surcharge n'avait pu être compensée qu'en effectuant des heures supplémentaires tous les mois ;

- que des erreurs avaient été faites par ses collègues qui n'avaient pourtant pas été sanctionnés ;

- que depuis des années, elle subissait, ainsi que ses collègues de travail une ambiance de travail désastreuse, assimilable à du harcèlement moral de la part de Monsieur [E] ;

Attendu que Monsieur [C] a répondu à Madame [B] [R] pour réfuter la surcharge de travail dont elle faisait état qu'en juin 2004, qu'une organisation du pôle administratif avait été mise en place et que la mauvaise atmosphère était de son fait, selon les dires de ses collègues ;

Attendu que Madame [B] [R] n'a pas contesté la matérialité des reproches formulés par le directeur d'agence ; que ses explications ne permettent pas d'excuser les fautes commises dans l'exécution des taches qui lui étaient confiées ;

Qu'il n'y a donc pas lieu à annulation de l'avertissement qui constitue au contraire une sanction appropriée et proportionnée aux manquements listés par l'employeur ;

Que Madame [B] [R] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

Sur le harcèlement moral

Attendu qu'il résulte des articles L 1152-1, L 1152-2 et L 1154-1 (anciens L 122-49 et L 122-52 ) du code du travail, qu'il incombe au salarié qui se prétend victime d'un harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits de salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses actes et décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que Madame [B] [R] indique :

- qu'elle a été véritablement surchargée de travail depuis 1999, exploitée, manipulée jusqu'à son épuisement physique et nerveux fin 2005, que la S.A. ONET avait confié à son mari divers chantiers d'entretien d'espaces verts, afin de la contraindre moralement à ne pas refuser le travail ;

- que l'employeur a soufflé le chaud et le froid, en la complimentant puis en refusant le paiement de ses heures, en acceptant de l'augmenter avant de la surcharger à nouveau ;

- qu'elle a subi ainsi que ses collègues une ambiance de travail désastreuse provoquée par Monsieur [E] ;

- qu'elle est médicalement suivie depuis 2004 pour un syndrome dépressif majeur et présente depuis des céphalées quasi-permanentes ;

Attendu qu'il est constant que la S.A. ONET a passé avec Madame [R] ( [O] [T]) des marchés d'entretien d'espaces verts courant 2003 et 2004 ;

Qu'il n'est cependant pas démontré qu'il s'agissait pour l'employeur de faire pression sur Madame [B] [R], afin qu'elle accepte en contrepartie une surcharge de travail, sans rechigner ;

Attendu que le 9 janvier 2003, la S.A. ONET a informé Madame [B] [R] que depuis le 1er janvier 2003, elle bénéficierait d'une augmentation individuelle de salaire de 103,28 € sur son salaire de base ;

Attendu que Monsieur [X] [U] qui était délégué syndical d'octobre 1997 à décembre 2001 atteste avoir été saisi de plaintes d'agents de service pour harcèlement de la part d'agents de maîtrise, notamment de Monsieur [E] ;

Que Madame [HR] [ZA] fait état de la mauvaise ambiance et du stress de certaines personnes qui travaillent au secrétariat et s'est plainte des agissements de son responsable à son encontre ;

Que Madame [HR] [M] épouse [K] indique avoir été témoin du comportement abusif de Monsieur [E] à l'égard de plusieurs personnes, en commençant par les secrétaires ;

Que cependant, ces éléments n'établissement pas la réalité de faits dont a été directement victime Madame [B] [R] ;

Attendu que selon certificat du 6 juin 2006, le Docteur [D] indique que Madame [B] [R] est suivie depuis 2004 pour un syndrôme dépressif majeur nécessitant un traitement quotidien ;

Qu'en raison de céphalées continues depuis 2004, elle a subi un scanner cérébral qui s'est révélé normal mais, selon certificat du Docteur [KL], elle a gardé le même fond céphalalgique avec difficultés de concentration ;

Que si l'ambiance générale de travail a pu retentir sur son état de santé, il n'est pas démontré que celui-ci soit lié à une dégradation de ses conditions de travail ;

Attendu que Madame [B] [R] soutient qu'à son retour de congé de maladie le 10 juillet 2006, elle a été installée seule, sans contact dans la salle de réunion-formation de l'agence ;

Que le Directeur Régional, répondant le 27 juillet 2006 à ses récriminations, a expliqué qu'il n'avait pas été souhaitable de la réintégrer sans son poste de travail sans un avis du médecin de travail sur sa reprise et compte tenu de ses prises de position vis-à vis de ses collègues de travail et des réactions de l'ensemble de l'équipe administrative et d'exploitation en place ;

Que l'ensemble du personnel de l'agence a en effet adressé le 7 juillet 2006

un message électronique au directeur, lui faisant part de son étonnement et de son écoeurement en apprenant le retour de Madame [B] [R] pour le 10 juillet ; que ses collègues ont notamment indiqués :

'nous avons peur que sa présence occasionne des débordements, des arrêts de travail, voire des démissions et nous n'arrivons pas à comprendre comment la S.A. ONET puisse accepter qu'une telle personne capable de provoquer des conflits autant avec les clients, les salariés, et ses collègues puissent réintégrer l'agence en toute tranquillité ; nous avons absorbé son travail et rectifié ses multiples erreurs et aujourd'hui vous demandez de retravailler avec elle ; comment est-ce possible''

Que Monsieur [C], dans une lettre du 21 juillet 2006, a lui-même répondu

aux doléances de Madame [B] [R], que 'compte-tenu du climat régnant au sein de l'agence depuis que vous avez mis en cause votre entreprise et vos collègues de travail, et pour préserver les conditions de travail de vous-même et de vos collègues de travail, nous avons choisi de vous installer dans ce bureau ; il relève en effet de ma responsabilité de protéger les conditions de travail de l'ensemble de l'équipe ';

Que Madame [W] [BT], contremaître, atteste que depuis novembre 2005, date du début de l'arrêt de travail de Madame [B] [R], le calme et la bonne ambiance de travail étaient revenus à l'agence, les rapports étaient clairs, sains et cordiaux notamment avec le secrétariat ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus que les faits constitutifs de harcèlement moral invoqués par Madame [B] [R] ne sont pas caractérisés ;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré le harcèlement moral non établi et a rejeté la demande de dommages et intérêts y afférent ;

Sur la demande de rappel de salaire

Attendu que Madame [B] [R] soutient qu'elle aurait dû être salariée à mi-temps pour la société H REINIER, afin de pouvoir bénéficier des conditions plus avantageuses dues à l' application de la loi de [XH] à cette entreprise ;

Que sans préciser le fondement juridique de sa prétention, elle sollicite un rappel de salaire de 6 094,41 € ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés payés de 610 € de juillet 2001 à janvier 2005 ; qu'elle ne fournit pas le détail de calcul de ces sommes ;

Attendu qu'il est constant qu'en juillet 2001, Madame [B] [R] a été chargée de la gestion administrative de la société H REINIER, comprenant l'établissement des fiches de paye, des factures fournisseurs et clients et des situations comptables ;

Qu'elle n'a pour autant jamais été la salariée de cette société ;

Attendu que la société H REINIER Hendaye qui avait repris le chantier S.N.C.F. depuis le 19 avril 2001 avait appliqué volontairement les dispositions de l'accord collectif RTT précédemment applicable ;

Que par accord du 1er février 2006, les dispositions précédentes relatives à la loi de [XH] ont été annulées et remplacées ; que les salariés concernés, ce qui n'est pas le cas de Madame [B] [R], ont été destinataires d'un avenant à leur contrat de travail ;

Attendu que Madame [B] [R] est quant à elle, soumise à l'annexe du contrat de travail du personnel employé et maîtrise de la filière administrative s'appliquant à la S.A. ONET, qui prévoit une durée de travail fixée à 151,67 par mois ;

Qu'elle sera purement et simplement déboutée de ce chef de demande ;

Sur la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur

Attendu que Madame [B] [R] demande que soit prononcée la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, lui reprochant l'inexécution de ses obligations ;

Qu'il incombe à la salariée d'établir la réalité des manquements de l'employeur et leur gravité suffisante ;

Attendu qu'au cours d'un entretien périodique individuel du 1er mars 2005, l'employeur a noté que Madame [B] [R] souhaitait passer de 35 h à 20 h par semaine ;

Que la S.A. ONET a ainsi proposé à la salariée un avenant à son contrat de travail, faisant droit à sa demande de passer du 1er juin 2005 au 31 août 2005 à temps partiel, soit 20 h hebdomadaires ; que cet avenant a été signé le 1er juin 2005 ;

Attendu qu'il convient de rappeler que, suite à la notification d'un avertissement dont le bien fondé a été consacré, Madame [B] [R], dans sa lettre du 3 novembre 2005 a proposé à l'employeur de prendre contact avec son avocat pour envisager un départ transigé ;

Que la S.A. ONET a répondu le 14 décembre 2005 qu'elle ne souhaitait pas donner suite à une solution transactionnelle concernant une éventuelle rupture du contrat de travail de Madame [B] [R], précisant qu'elle n'était pas à l'origine de son souhait de quitter l'entreprise et que son licenciement n'avait pas été envisagé ;

Que Madame [B] [R] a été en arrêt de travail à compter du 5 novembre 2005 ;

Que le 16 décembre 2005, la S.A. ONET a proposé à Madame [B] [R] un passage à temps partiel, conformément à son souhait ;

Que Madame [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes le 30 janvier 2006 ;

Attendu que contrairement à l'appréciation des premiers juges, il ne ressort pas

des circonstances de la reprise du travail de Madame [B] [R] le 10 juillet 2006 après son arrêt maladie, que l'employeur aurait par son attitude rendu impossible le maintien de la relation de travail.

Qu'en effet, comme déjà énoncé plus haut, l'employeur a du prendre des mesures pour apaiser les inquiétudes manifestées par les collègues de travail apprenant le retour de Madame [B] [R] ; que celle-ci est en effet décrite par ses collègues de travail comme ayant une forte personnalité voulant tout diriger, au caractère changeant, versatile, voire lunatique, dépourvue d'esprit d'équipe ;

Que l'employeur a notifié par lettre du 10 juillet 2006, à la salariée, que suite à sa reprise de travail, ses horaires seraient du lundi au vendredi de 14 h 30 à 18 h , et que son acceptation ou son refus était souhaité pour le 13 juillet 2006 ;

Que la S.A. ONET a sollicité le 13 juillet 2006 une rencontre avec l'inspecteur du travail pour avoir son avis quant aux solutions envisagées pour permettre la bonne marche de l'entreprise ; que le CHSCT a également été réuni ;

Attendu que par lettre du 13 juillet 2006, Madame [B] [R] a fait savoir qu'elle refusait la proposition de passage à temps partiel ;

Que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 juillet 2006, la S.A. ONET a alors indiqué à Madame [B] [R] que ses horaires de travail seraient de 35 h hebdomadaires, sans tolérer de dépassement ; que la salariée a été installée dans un bureau individuel, l'ensemble des bureaux administratifs étant occupés ; que Monsieur [G] [IT], agent de maîtrise confirme dans une attestation le manque de place qu'il a lui même constaté depuis sa mutation le 1er février 2006 ;

Que Madame [B] [R] a remis à l'employeur, le 24 juillet 2006, un arrêt de travail prolongé successivement jusqu'au 12 décembre 2006, date de l'audience devant le juge départiteur ;

Attendu cependant qu'il est établi que Madame [B] [R] a réalisé des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées ;

Que le volume retenu de ces heures est de 630, échelonnées sur 5 années ;

Que certes, le chef d'agence a, de bonne foi, veillé à ce que l'effectif du personnel administratif croisse au fur et à mesure de la montée en charge de l'activité de la société ; qu'ainsi l'effectif est passé de 1 à 4 avec l'embauche successive de Madame [FY] [EN], de Madame [F] [P] et de Madame [S] [I] épouse [Y] qui sont venues renforcer Madame [B] [R] ; que Mademoiselle [A] [N] a été engagée suivant contrat à durée déterminée du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2004 pour 151,67 h par mois, afin de compenser le surcroît d'activité lié à la mise en place du nouveau logiciel de paie HR ACCES ;

Que toutefois, l'employeur qui conteste avoir demandé à la salariée de travailler

au delà de son temps de travail, ne pouvait ignorer l'existence de ces heures supplémentaires, compte tenu de leur volume et de la durée de la période pendant lesquelles elles ont été effectuées ;

Attendu que ce manquement relevé à l'encontre de la S.A. ONET, dans l'exécution du contrat de travail de la salariée, apparaît de nature à justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Que dès lors, Madame [B] [R] est fondée dans le principe de sa demande et de ses prétentions indemnitaires relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les demandes de Madame [B] [R] relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse

Attendu que l'indemnité conventionnelle de licenciement sera fixée à : 1/5 x 1617,64 x11 = 3 358,80 € ;

que l'indemnité de préavis sera fixée à 1622,96 x 2 = 3 245,92 € ;

que l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis sera de 324,59 € ;

Attendu que, compte tenu de l'ancienneté de Madame [B] [R] au sein de l'entreprise, il lui sera alloué en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail une indemnité égale à 10 mois de salaire, soit 16 230 € ;

Sur la demande reconventionnelle de la S.A. ONET

Attendu que faute de caractériser en quoi l'exercice par Madame [B] [R] de son droit d'ester en justice a dégénéré en abus, la S.A. ONET sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner la S.A. ONET à payer à Madame [B] [R], la somme de 1 000 € destinée à compenser les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;

Que la S.A.ONET supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de BAYONNE en date du 3 mai 2007, en ce qu'il a rejeté les demandes formées par Madame [B] [R] tendant :

- au paiement d'un rappel de salaire sur la société H REINIER,

- à l'annulation de l'avertissement du 29 septembre 2005 et aux dommages et intérêts y afférents,

- au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

et en ce qu'il a :

- dit que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et que le licenciement de Madame [B] [R] était sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la S.A. ONET à payer à Madame [B] [R] la somme de 700 € au titre de l' article 700 du code procédure civile ainsi qu' aux entiers dépens ;

- condamné la S.A. ONET aux dépens de première instance ;

Infirme le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau,

Condamne la S.A. ONET à payer à Madame [B] [R] :

- la somme de 7 059 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2006, à titre de paiement des heures supplémentaires effectuées ainsi que la somme de 706 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;

- la somme de 3 358,80 €, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- la somme de 3 245,92 € à titre d'indemnité de préavis ;

- la somme de 324,59 € , à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- la somme de 16 230 €, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail ;

- la somme de 1 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Madame [B] [R] du surplus de ses demandes ;

Déboute la S.A. ONET des fins de sa demande reconventionnelle ;

Condamne la S.A. ONET aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01201
Date de la décision : 07/01/2010

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°09/01201 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-07;09.01201 ?
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