RN/NL
Numéro 2401/09
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 26/05/09
Dossier : 08/02583
Nature affaire :
Demande formée par le propriétaire de démolition d'une construction ou d'enlèvement d'une plantation faite par un tiers sur son terrain
Affaire :
[B] [D]
C/
[L] [P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur NEGRE, Président,
en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame PEYRON, Greffier,
à l'audience publique du 26 mai 2009
date à laquelle le délibéré a été prorogé.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 23 Février 2009, devant :
Monsieur NEGRE, Président, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Madame RACHOU, Conseiller
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [B] [D]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour
assisté de Me GARRETA, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [L] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assisté de Me LOUSTAU, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 20 FEVRIER 2006
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [P] et Monsieur [D] sont propriétaires de fonds contigus situés dans la zone artisanale de [Localité 6] La Négresse. Se plaignant notamment de ce que Monsieur [D] avait accolé à la façade sud-ouest de son garage un contre-mur sur lequel reposait la charpente métallique d'un hangar et qu'il se trouvait ainsi dans l'impossibilité de réaliser la peinture et le crépissage de son mur, Monsieur [P] a saisi le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE aux fins notamment de le voir condamner sous astreinte à supprimer le mur, la charpente et la toiture du hangar qu'il avait édifié. Soutenant de son côté que Monsieur [P] avait construit un mur sur sa propriété ainsi qu'un autre mur sans autorisation administrative, Monsieur [D] a notamment demandé la condamnation sous astreinte de Monsieur [P] à démolir les murs qu'il avait construits.
Par jugement du 6 mai 1996, le Tribunal a désigné Monsieur [U] en qualité d'expert avec mission de décrire les travaux et ouvrages effectués par chacun d'eux et de dire s'ils avaient été réalisés régulièrement au regard des autorisations administratives nécessaires et s'ils nuisaient ou non au fonds contigu. Celui-ci a déposé son rapport le 21 mars 1997.
Monsieur [P] s'étant plaint de nouveaux désordres imputables aux travaux effectués par Monsieur [D] et Monsieur [D] ayant soutenu que depuis le dépôt du rapport d'expertise, Monsieur [P] avait fait édifier un nouveau mur contigu à son immeuble et privant sa propriété de lumière, le juge de la mise en état a ordonné, le 26 juin 1998, un complément d'expertise confié à Monsieur [U]. Celui-ci a déposé son rapport le 7 janvier 2000.
Par jugement du 20 février 2006, le Tribunal :
- a ordonné sous astreinte la démolition du hangar de Monsieur [D],
- a débouté Monsieur [P] de ses autres demandes de démolition,
- a débouté Monsieur [D] de ses demandes,
- a condamné Monsieur [D] au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,
- a rejeté la demande tendant à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- a condamné chacune des parties à la moitié des dépens.
Par déclarations du 17 et du 24 mars 2006, Monsieur [D] a interjeté appel de ce jugement. Suivant conclusions du 14 janvier 2009, il demande à la Cour :
- de débouter Monsieur [P] de toutes ses demandes,
- de dire qu'il ne peut être tenu pour responsable de la construction [P] dont la destination était celle d'un atelier-garage et que Monsieur [P] devra supporter les frais relatifs au traitement des fissures de son mur, estimé à 1.489,21 €,
- de dire qu'en ce qui concerne le contre-mur devant être parachevé par lui, le montant des frais estimé par l'expert ne saurait être supérieur à 3.145,73 € TTC sauf à dire que lesdits travaux doivent être exécutés à frais partagés, de constater que sur ce point, il avait donné son accord pour une prise en charge desdits travaux qui avaient été refusés par Monsieur [P] et en conséquence, de dire n'y avoir lieu à actualisation de leur coût,
- de débouter Monsieur [P] de sa demande de démolition de la construction métallique sollicitée tant sur le fondement des troubles de voisinage que sur celui de la violation du cahier des charges du lotissement,
- de débouter en tout cas Monsieur [P] de ses demandes complémentaires concernant d'autres ouvrages qui sont antérieurs à l'introduction de la procédure et pour lesquels il avait obtenu un permis de construire dont il a été justifié,
- en tout état de cause, de constater que ces demandes sont prescrites en application de l'article 2270 du Code Civil,
- d'enjoindre sous astreinte Monsieur [P] d'avoir à entretenir le chéneau actuellement détérioré,
- de constater que le premier juge a omis de statuer sur sa double demande reconventionnelle en démolition aussi bien en ce qui concerne le mur d'assise et le mur de 4 mètres de haut et de 11,50 mètres de long construits sur sa propriété qu'en ce qui concerne l'extension des ateliers de Monsieur [P],
- d'ordonner en conséquence sous astreinte, sur le fondement de l'article 555 du Code Civil, la démolition par Monsieur [P] de ces deux murs,
- au visa des articles 1143 du Code Civil et 421-13 du Code de l'urbanisme, d'ordonner également sous astreinte la démolition par Monsieur [P] de l'ensemble des bâtiments réalisés en infraction des règles d'urbanisme et en particulier les constructions correspondant à l'extension de son atelier, ce conformément aux prévisions de l'article 421-13 susvisé,
- en tant que de besoin, d'ordonner un transport sur les lieux à l'effet de vérifier d'une part, la réalisation par Monsieur [P] d'un mur sur sa propriété et d'autre part, la nature et l'importance de l'extension des ateliers de celui-ci sur une surface de l'ordre de 120 m², sauf à préciser que cela résulte aussi bien du constat d'huissier réalisé en 1998 que des constatations de la mairie de [Localité 6] corroborées par les différentes attestations versées aux débats,
- à défaut, d'ordonner une expertise sur ce point, avec le même objet que celui préconisé au titre du transport sur les lieux, étant précisé que l'expert aura pour mission également de déterminer en termes de coûts la nature des dépenses à la charge de Monsieur [P] et de celles susceptibles d'être partagées, sauf à apprécier s'il y a lieu ou non de lui faire supporter une actualisation du chef du refus par la partie adverse d'entreprendre les travaux conservatoires pour l'entretien des lieux litigieux,
- de condamner également sous astreinte Monsieur [P] à démolir les ouvrages par lui réalisés en violation manifeste du cahier des charges, tels qu'enregistrés par le constat de Maître [A] du 9 octobre 2007,
- de condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts,
- de débouter Monsieur [P] de sa propre demande de dommages et intérêts,
- de condamner Monsieur [P] aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment les frais d'expertise ainsi que les différents constats d'huissier versés aux débats et en particulier ceux établis les 28 septembre 1994, 20 mars 1998 et 9 octobre 2007,
- de condamner enfin Monsieur [P] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Suivant conclusions du 4 décembre 2008, Monsieur [P] demande à la Cour :
- de débouter Monsieur [D] de toutes ses demandes,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la démolition du hangar illégalement construit sur la propriété de Monsieur [D] et causant des troubles de voisinage à sa propriété,
- y ajoutant, de condamner sous astreinte Monsieur [D] à démolir toutes les constructions édifiées sur le lot 49 de la ZAC La Négresse, sur les zones non aedificandi et se trouvant au nord, à une distance inférieure à 25 mètres de l'axe médian de la Route Nationale 10 et au sud, dans la limite des 5 mètres du terrain côté voie du lotissement,
- subsidiairement, de désigner un expert avec mission d'établir un relevé exact de l'implantation des bâtiments [D] par rapport aux axes des voies, de faire apparaître toute partie qui ne serait pas conforme aux règles applicables au sein du lotissement et de rechercher si les bâtiments ont été édifiés avec les autorisations administratives nécessaires,
- de condamner Monsieur [D] à supporter le coût des travaux de reprise en sous-oeuvre afin de consolider son propre immeuble, à partir de sa propriété, et à lui payer la somme de 20.649 € en principal, indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction, l'indice de base étant celui paru au 7 septembre 2006 et l'indice de calcul étant celui paru au jour de l'arrêt à intervenir, ainsi que la somme de 1.489,21 € au titre du traitement des fissures et celle de 3.145,73 € au titre des travaux d'étanchéité du mur, sommes à indexer dans les mêmes conditions,
- de condamner Monsieur [D] à lui payer le montant des trois constats d'huissier établis par Maître [Z] et supportés par lui pour 333,87 € en 1994, 1995 et 1997 ainsi que les frais de l'étude [N] et le coût du rapport de Monsieur [K] établi le 28 février 1994 pour 1.100 francs, soit 167,70 €,
- de condamner Monsieur [D] à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
- de condamner Monsieur [D] à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens dont notamment l'ensembles des frais des expertises de Monsieur [U].
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 27 janvier 2009.
Le 18 février 2009, Monsieur [P] a déposé de nouvelles conclusions selon lesquelles il demande notamment à la Cour 'de déclarer irrecevables pour ne pas avoir été produites aux débats de manière spontanée les pièces visées en pages 13, 24 et 25 des conclusions n°6 signifiées par Monsieur [D] le 14 janvier 2009 et respectivement la consultation de Monsieur [N], l'attestation de Monsieur [M] et le plan du cabinet BOSSUGUE de 1961 ainsi que le nouveau plan établi en 2008' ;
MOTIFS DE L'ARRÊT
Vu les conclusions des parties visées dans le rappel de la procédure ;
Attendu que selon bordereau de communication du 23 février 2009, Monsieur [D] a communiqué trois nouvelles pièces, à savoir une pièce n°58 'lettre de Monsieur [M] 24.11.2008', une pièce n°59 'plan topographique' et une pièce n°60 'consultation [N]' ;
Que Monsieur [D] ne justifie pas d'un motif grave de communication après clôture ;
Que seront écartées des débats les trois pièces susmentionnées ainsi que les conclusions de Monsieur [P] du 18 février 2009, elles aussi postérieures à la clôture, sauf pour ce qui concerne la demande tendant à voir déclarer irrecevables lesdites pièces ;
Sur les demandes de démolition de Monsieur [P] à l'encontre de Monsieur [D] et sur les demandes connexes :
1°) concernant le hangar métallique :
Attendu, selon l'article 8 du règlement du lotissement de la zone artisanale et commerciale de La Négresse du 30 novembre 1982, qu'il est fait obligation aux acquéreurs des lots ou éventuellement aux locataires desdits lots, de se conformer aux règlements en vigueur, et notamment aux règlements du plan d'occupation des sols de la commune de [Localité 6], secteur UY ;
Que selon l'article 12 du même règlement, toutes les constructions de quelque nature et de quelque importance que ce soit, y compris les clôtures, ne pourront être édifiées que si le propriétaire du lot a obtenu les permis correspondants, et en cas de besoin, l'autorisation préfectorale... ;
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que Monsieur [D] s'est vu refuser le permis de construire pour le hangar litigieux, dont l'emprise au sol ajoutée au bâtiment existant excédait le coefficient fixé par le plan d'occupation des sols ;
Attendu que Monsieur [D] objecte que la démolition ne pourrait être ordonnée que si Monsieur [P] démontrait l'existence d'un préjudice personnel résultant directement du défaut de permise de construire et que la demande de ce dernier ne peut prospérer, ladite construction ne lui causant aucun préjudice ;
Qu'exposant que la toiture litigieuse est simplement destinée au stockage du bois nécessaire à son activité de menuiserie pour le préserver des intempéries, il fait valoir que Monsieur [P] ne peut se plaindre d'aucune nuisance particulière et d'aucun trouble anormal de voisinage ;
Attendu que Monsieur [P], qui n'établit pas la contractualisation des dispositions visées du règlement de lotissement, invoque à la fois la violation du règlement du lotissement et l'existence de troubles anormaux de voisinage, faisant valoir en se référant au rapport d'expertise que les travaux effectués par Monsieur [D] ont porté atteinte à sa propriété, les troubles créés consistant dans la déstabilisation de son immeuble et dans l'impossibilité de terminer et d'entretenir sa façade ;
Attendu que le rapport d'expertise ne met pas en évidence une déstabilisation de l'immeuble [P] par les travaux effectués par Monsieur [D] ;
Que l'expert [U] note que le contre-mur [D] a été bâti par précaution et que pendant plus de dix ans, aucun désordre probant ne s'est manifesté ;
Que le sapiteur [F] précise dans son rapport annexe que le contre-mur et les travaux de terrassement réalisés par Monsieur [D] n'ont pas d'incidence directe sur l'assise de la fondation du pied de portique appartenant au mur de Monsieur [P] et qu'en conclusion de son rapport annexe, il attribue l'origine des désordres présentés par le mur de l'atelier [P] aux mouvements structurels liés aux effets climatiques et notamment à la pression du vent, observant que la nature du désordre constaté (micro-fissure horizontale) ne remet pas en cause la solidité de l'ouvrage bien qu'à son avis, un raidissement des panneaux maçonnés aurait été nécessaire lors de la conception de l'ouvrage ;
Attendu qu'il ressort par ailleurs du premier rapport d'expertise que l'ouvrage litigieux, constitué d'une ossature métallique reposant sur le contre-mur et d'une couverture à deux pentes et faîtage se trouvant entièrement sur la propriété [D], un espace de quelques centimètres a été réservé entre le mur [P] et les poteaux et chêneaux de cet abri, d'où la difficulté de protéger le mur [P] contre les ruissellements ;
Que le rapport d'expertise complémentaire préconise à cet égard de parachever l'ouvrage en prévoyant un dispositif avec solin et chape étanche évalué selon devis de la SARL BIARRITZ BATIMENT (MORETTI) du 22 décembre 1999 à 20.634,66 francs TTC (ou 3.145,73 €) ;
Attendu que le grief relatif à la déstabilisation de l'immeuble n'étant pas fondé et la présence de la construction litigieuse n'empêchant pas réellement la protection du mur de l'atelier de Monsieur [P], ni l'existence d'un trouble sérieux causé à ce dernier par l'infraction au règlement du lotissement, ni l'existence d'un trouble anormal de voisinage ne sont avérés, en sorte qu'il y a lieu non pas d'ordonner la démolition sollicitée mais de permettre le parachèvement préconisé par l'expert ;
Attendu que l'expert note à propos de la non-accessibilité des pieds des poteaux métalliques pour en assurer l'entretien qu'il eût été préférable, pour assurer la pérennité du mur, de prévoir ces poteaux métalliques côté intérieur du mur, c'est à dire côté [P] ;
Que néanmoins, le caractère illicite de l'extension réalisée par Monsieur [D] ne permet pas de reprocher à Monsieur [P] d'avoir fait preuve d'imprévoyance ;
Qu'il y a lieu de mettre le coût des travaux préconisés à la charge exclusive de Monsieur [D] ;
Que ne justifiant pas d'une offre satisfactoire, ce dernier en supportera l'indexation sollicitée sur la base de l'indice paru au 7 septembre 2006 ;
2°) concernant les constructions édifiées sur le lot 49 de la ZAC de la Négresse et sur les zones non aedificandi :
Attendu que s'appuyant sur un relevé topographique du lot 49 de la ZAC effectué par un géomètre-expert, Monsieur [P] reproche en outre à Monsieur [D] d'avoir violé les distances minimales d'implantation des constructions par rapport à la voirie prévues par l'article UY 6 du règlement du lotissement, repris dans le PLU de [Localité 6] ;
Attendu que Monsieur [D] s'oppose aux demandes de Monsieur [P] concernant ainsi d'autres ouvrages, pour lesquels il précise qu'il avait obtenu le permis de construire, en faisant valoir qu'en tout état de cause, ces demandes sont prescrites en application de l'article 2270 du Code Civil ;
Attendu que Monsieur [P] produit notamment devant la Cour un constat topographique du 13 juillet 2007 faisant apparaître le non respect par Monsieur [D] de l'alignement à 25 mètres de l'axe de la RN 10 et de la zone de reculement à 5 mètres par rapport à la rue Chapelet ;
Que néanmoins, étant rappelé qu'il n'établit pas la contractualisation des dispositions visées du règlement du lotissement, il ne justifie pas du préjudice personnel et direct que lui causerait l'infraction invoquée et qui lui permettrait de poursuivre la démolition de l'ouvrage litigieux sur le fondement de l'article 1143 du Code Civil ;
Qu'en outre, sa demande apparaît prescrite dans la mesure où Monsieur [D] a obtenu le permis de construire le 13 mars 1988 pour l'extension de ses locaux, où il n'a pas été retrouvé de procès-verbal d'infraction et où la demande additionnelle de Monsieur [P] n'apparaît être intervenue qu'en 2003 ;
Que Monsieur [P] sera débouté de ses demandes de ce chef ;
Sur les demandes reconventionnelles en démolition formées par Monsieur [D] à l'encontre de Monsieur [P] :
1°) concernant 'le mur d'assise et le mur de 4 m de haut construits sur 11,50 m de long construits sur la propriété du concluant' (Monsieur [D]) :
Attendu que soutenant que Monsieur [P] a construit sciemment sur un terrain qui ne lui appartenait pas, Monsieur [D] demande à la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article 555 du Code Civil, d'ordonner sous astreinte la démolition de ce mur par Monsieur [P] ;
Attendu qu'estimant cette demande injustifiée et expliquant qu'en 1993, suite à une acquisition de parcelle complémentaire, il avait sollicité l'autorisation de passer par la propriété voisine pour permettre la construction plus aisée d'un mur de soutènement et de clôture de 6 mètre de haut et de 11,58 m de long mais qu'il s'est arrêté à 4 mètres de haut sur la partie confrontant la propriété [D], Monsieur [P] fait valoir que ce mur, autorisé par un permis de construire obtenu le 1er juillet 1994, a été édifié sur sa seule propriété ;
Que Monsieur [D] réplique que Monsieur [P] n'a jamais disposé d'un accord verbal de sa part pour réaliser son mur sur sa propriété ;
Attendu que l'expert judiciaire a précisé, à propos des 'travaux [P]', n'avoir pas découvert d'irrégularité notoire au regard des autorisations administratives en ce qui concerne la limite séparative ;
Qu'il est noté dans son rapport : En 1990, Monsieur [P] obtenait verbalement l'accord de Monsieur [D] afin de réaliser sur la propriété de celui-ci un contre-mur et reprise en sous-oeuvre, car simultanément Monsieur [D] avait prolongé sa plate-forme jusqu'à un mètre environ de l'angle Nord-Est en supprimant le talus.$gt;$gt;
Attendu que Monsieur [D] verse lui-même aux débats une attestation de Monsieur [O] [M] en date du 11 octobre 2007, ainsi rédigée :
Je soussigné... certifie ce qui suit :
Avoir vu à plusieurs reprises des travaux de construction d'un soubassement en maçonnerie sur la partie Nord de la clôture séparant l'atelier de Menuiserie [D] et ce qui était à l'époque le Garage [P].
Ces travaux ont attiré mon attention car ils ont duré plusieurs mois, peut-être même plus d'une année.
Je pense qu'ils se sont déroulés l'année 1992 ou aux environs de cette année.
Ces travaux se situaient sur le sol de la propriété [D] mais étaient réalisés par Monsieur [P] lui-même.
Ce soubassement est toujours visible ; il a servi de base à un mur de clôture qui lui, a été construit en limite de propriété.$gt;$gt;
Attendu qu'il n'est pas établi que le mur lui-même édifié par Monsieur [P] l'ait été sur la propriété de Monsieur [D] et qu'en ce qui concerne le soubassement, Monsieur [P] n'a pu, vu la durée du chantier, le réaliser sur la propriété de Monsieur [D] sans l'accord de ce dernier ;
Qu'il convient de considérer que l'ouvrage a été bien été réalisé conformément à une convention verbale et de débouter en conséquence Monsieur [D] de ses demandes de ce chef ;
2°) concernant 'les constructions réalisées par Monsieur [P] sans permis de construire et comportant une extension des installations de Monsieur [P] (PV de constat de Maître [I] en date du 20 mars 1998)' :
Attendu que Monsieur [D] verse aux débats un procès-verbal dressé à sa requête par un huissier de justice le 20 mars 1998, aux termes duquel celui-ci a constaté :
La cour gravillonnée située devant la façade de la construction [P] au n°[Adresse 2] présente un niveau surbaissé dont il demeure les traces sur les murs périphériques par absence d'enduit projeté sur les zones dégagées (voir photographie n°1).
A l'opposé de la construction [P] et sur toute sa largeur côté RN 10, le volume délimité par les prolongements de murs latéraux et le mur de soutènement côté Route Nationale est couvert par une couverture de bacs acier (voir photographies n°2 et 3).
Le mur parpaings séparatif des établissements [P] a été prolongé côté RN 10 par une élévation béton haute de 4,10 m sur 4,20 m de largeur et poursuite surbaissée en parpaings de 2 m de large.
Au bas de ce mur, le soubassement existant sur restant de bâtiment a été prolongé à l'identique. (Voir photographies n°4 et n°5).$gt;$gt;
Attendu que reprenant un chef de demande effectivement contenu dans ses conclusions de première instance et faisant valoir que les bâtiments en cause n'ont fait l'objet d'aucune autorisation administrative, Monsieur [D] se fonde sur les articles L 421-13 du Code de l'urbanisme et 1143 du Code Civil afin de voir ordonner 'la démolition de toutes les constructions édifiées par Monsieur [P], sans permis de construire, qui constituent l'extension frauduleuse de la surface de son aire d'activité ;
Que soulignant que 'l'emprise de l'extension réalisée par Monsieur [P] est en totale infraction avec la zone non aedificandi' et rappelant le principe selon lequel 'le cahier des charges constitue le titre commun des parties et autorise en cas d'infraction le co-loti à exiger la destruction de ce qui a été réalisé en contravention', il observe que l'action tendant à l'exécution d'une obligation contractuelle n'est pas soumise à l'existence d'un préjudice ;
Attendu que Monsieur [P] réplique, d'une part, que Monsieur [D] ne justifie pas de l'existence d'une construction qui serait édifiée par lui contrairement aux règles du lotissement et d'autre part, qu'il n'indique pas quelles sont les constructions édifiées sur son fonds qui lui causeraient grief ni quels seraient ces griefs ;
Qu'il fait par ailleurs valoir que faute de demande expresse de maintien des règles d'un lotissement de plus de dix ans, ce qui est le cas en l'espèce, seules les règles du PLU en vigueur au moment de la construction seraient applicables et en aucun cas, les règles du lotissement devenues obsolètes par application de l'article L 315-2-1 du Code de l'urbanisme ;
Attendu que Monsieur [D] produit au soutien de sa demande un extrait du règlement du lotissement de la zone artisanale et commerciale de La Négresse visé le 30 novembre 1982 pour être annexé à la délibération du Conseil du district de [Localité 5]-[Localité 4]-[Localité 6] du même jour ;
Que ce document ne constitue pas un cahier des charges tel qu'envisagé au 3ème alinéa de l'article L 315-2-1 du Code de l'urbanisme, et que Monsieur [D] ne justifie pas d'une contractualisation des dispositions du règlement du lotissement dont il fournit un extrait ni des règles d'urbanisme dont la violation est invoquée ;
Et attendu que ne justifiant pas d'un préjudice personnel et direct à lui causé par les infractions qu'il reproche à son voisin, Monsieur [D] ne peut qu'être débouté de ce chef de demande ;
Sur les demandes réciproques de dommages et intérêts :
1°) la demande de Monsieur [P] à l'encontre de Monsieur [D] :
Attendu, selon Monsieur [P], que la faute de Monsieur [D] réside dans le fait qu'il appartenait à ce dernier, avant tous travaux sur son fonds, de prendre toutes précautions utiles, notamment pour la réalisation de terrassements et constructions en limite de propriété, afin d'éviter toute atteinte aux constructions voisines préexistantes ;
Que la responsabilité délictuelle de Monsieur [D] est ainsi engagée et que le préjudice personnel subi par lui est important car il est contraint de se heurter aux agissements intempestifs de Monsieur [D] qui ne respecte ni les règles sociales, ni les règles contractuelles qui s'imposent à lui ;
Attendu que l'expertise ayant fait ressortir que Monsieur [D] n'était pas responsable de la fissuration du mur de l'atelier de Monsieur [P] et le parachèvement de l'ouvrage de Monsieur [D] étant de nature à assurer la protection de ce mur contre le ruissellement d'eau de pluie, l'expert ayant même noté que l'abri litigieux n'était pas un facteur aggravant pour ce ruissellement car dans le cas de sa suppression, le mur serait exposé sur toute sa hauteur, Monsieur [P] ne justifie pas d'un préjudice matériel imputable aux agissements de Monsieur [D] ;
Que par ailleurs, Monsieur [P] a été, en raison du caractère excessif de ses demandes, co-responsable de la durée de la procédure dont il se plaint ;
Qu'il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts, laquelle apparaît injustifiée ;
2°) la demande de Monsieur [D] à l'encontre de Monsieur [P] :
Attendu que Monsieur [D] ne justifie pas d'un préjudice qui serait imputable à une faute de Monsieur [P] ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de le débouter de sa demande de dommages et intérêts ;
Sur les dépens et sur les frais non taxables :
Attendu qu'en raison de sa désinvolture à l'égard des règles d'urbanisme, Monsieur [D] est à l'origine du litige dans lequel il succombe partiellement ;
Qu'il échet de le condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire mais non compris le coût des constats de Maître [Z] et de l'expertise privée effectuée par Monsieur [K], qui resteront à la charge de Monsieur [P] ;
Attendu qu'il est équitable d'allouer à Monsieur [P] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Ecarte des débats les pièces communiquées par Monsieur [D] selon bordereau du 23 février 2009, à savoir une pièce n°58 'lettre de Monsieur [M] 24.11.2008', une pièce n°59 'plan topographique' et une pièce n°60 'consultation [N]';
Ecarte des débats les conclusions de Monsieur [P] du 18 février 2009, sauf pour ce qui concerne la demande tendant à voir déclarer irrecevables les pièces ci-dessus mentionnées ;
Infirme en tant que de besoin le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [D] à supporter le coût des travaux destinés à assurer l'étanchéité du mur de l'atelier de Monsieur [D] pour un montant de 3.145,73 € (trois mille cent quarante cinq euros et soixante treize centimes), somme qui sera indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction, l'indice de base étant celui paru au 7 septembre 2006 et l'indice de calcul étant celui paru au jour du présent arrêt,
Condamne Monsieur [D] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire mais non compris le coût des constats de Maître [Z] et de l'expertise privée effectuée par Monsieur [K],
Condamne Monsieur [D] à payer à Monsieur [P] la somme de 3.000 € (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Accorde à la SCP de GINESTET - DUALE - LIGNEY, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Mireille PEYRONRoger NEGRE