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14/03/2005 | FRANCE | N°1125

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre civile 1, 14 mars 2005, 1125


JLL-CP Numéro /05

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre ARRÊT DU 14/03/2005

Dossier : 03/03465 Nature affaire : Demande en réparation des dommages causés par des faits personnels Affaire : Louis X... C/ Thierry Y... RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R Ê T prononcé par Monsieur PARANT, Président, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame Z..., Greffière, à l'audience publique du 14 mars 2005 date à laquelle le délibéré a été prorogé. * * * * *

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 15

Décembre 2004, devant : Monsieur LESAINT, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame Z......

JLL-CP Numéro /05

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre ARRÊT DU 14/03/2005

Dossier : 03/03465 Nature affaire : Demande en réparation des dommages causés par des faits personnels Affaire : Louis X... C/ Thierry Y... RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R Ê T prononcé par Monsieur PARANT, Président, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame Z..., Greffière, à l'audience publique du 14 mars 2005 date à laquelle le délibéré a été prorogé. * * * * *

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 15 Décembre 2004, devant : Monsieur LESAINT, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame Z..., greffière présente à l'appel des causes, Monsieur LESAINT, en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur PARANT, Président Monsieur LESAINT, Conseiller Madame RACHOU, Conseiller qui en ont délibéré conformément à la loi. dans l'affaire opposant : APPELANT : Monsieur Louis X... CENTRE MEDICAL CHIRURGICAL A... 64250 CAMBO LES BAINS représenté par la SCP LONGIN C. ET P., avoués à la Cour assisté de Me MORICEAU, avocat au barreau de BAYONNE INTIME :

Monsieur Thierry Y... Maison Laket Leku B... du Docteur C... 64250 CAMBO LES BAINS représenté par la SCP J.Y RODON, avoués à la Cour assisté de Me ASSIE, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision en date du 05 NOVEMBRE 2003 rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE BAYONNE

FAITS ET PROCÉDURE :

Au mois d'Août 1999, Monsieur Pierre D..., cardiaque, diabétique et souffrant d'une insuffisance rénale, après avoir subi une opération, a été admis pour la durée de sa convalescence à la clinique A... à CAMBO (Pyrénées Atlantiques), dirigée par le docteur Louis X... ; Dans la nuit du 19 au 20 Août 1999, alors que Monsieur Thierry Y..., infirmier, était de garde, Monsieur D... a été pris d'un malaise et, en dépit des soins reçus de la part de Monsieur Y... puis du médecin de garde, est décédé au matin du 20 Août ;

En réponse à une lettre écrite par Madame D..., la veuve du patient décédé, Monsieur Louis X... lui a adressé un courrier daté du 21 Septembre 1999 par lequel, jugeant excellents les soins apportés par le médecin de garde, il a expressément mis en cause le comportement de Monsieur Y... en affirmant qu'il y avait eu de sa part une faute administrative à ses yeux indiscutable et incompréhensible devant entraîner des sanctions et que cet infirmier était pour lui manifestement inapte à suivre des malades de rééducation ou de médecine ;

Au mois de Novembre 1999, Madame D..., citant des extraits de cette lettre, a déposé plainte contre X...avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE pour homicide involontaire ;

Après mise en examen de Monsieur Y... mais aussi de plusieurs médecins et de l'établissement, une ordonnance de non-lieu à l'égard de tous a été rendue le 12 Février 2002, confirmée par arrêt de la Chambre de l'Instruction de cette Cour le 14 Mai 2002 ;

Le 14 Novembre 2002, Monsieur Thierry Y... a assigné Monsieur Louis X... en justice en indemnisation du préjudice subi à la suite des propos tenus à son sujet ;

Par jugement du 5 Novembre 2003, le Tribunal d'Instance de BAYONNE a fait droit à la demande sur le fondement de l'article 16 du Code Civil et a condamné Monsieur Louis X... à payer à Monsieur Y... les sommes de 4.000 ç à titre de dommages-intérêts et de 762,25 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et a ordonné l'affichage de la décision au centre médical ;

Le 17 Novembre 2003, Monsieur Louis X... a relevé appel de cette décision dans des conditions qui ne sont pas contestées ;

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions déposées le 17 Mars 2004, Monsieur Louis X..., appelant, fait valoir que : * la vie professionnelle est assimilée à la vie publique ; en tant que représentant légal de l'employeur, il n'a fait état que des compétences professionnelles et a seulement porté un jugement sur des comportements supposés fautifs de son employé ; l'existence d'un droit à la considération professionnelle n'a jamais été reconnu par la jurisprudence ; * les dispositions de l'article 16 du Code Civil visant les atteintes à la dignité humaine ne sont pas applicables au droit à l'honneur invoqué par Monsieur Y... ; * l'article 226-10 du Code Pénal réprimant la dénonciation calomnieuse n'est pas plus applicable, car il n'a pas dénoncé de faits mensongers aux autorités ni donné mandat pour ce faire à un représentant légal ;

Il conclut :

- à la réformation de la décision déférée et au rejet des demandes ;

- au paiement de la somme de 2.000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dans ses dernières conclusions déposées le 28 Mai 2004, Monsieur Thierry Y..., intimé et appelant incident, réplique que : * dans son courrier adressé à Madame D..., Monsieur X... l'a accusé d'être la véritable cause du décès de son époux et la décision de non-lieu met en évidence son rôle d'accusateur et d'initiateur et l'état d'esprit qui l'anime ; * alors qu'il a été mis hors de cause, ces accusations, injustifiables au regard des compétences médicales de Monsieur X..., médecin, ont bafoué son droit à l'honneur et la considération professionnelle, lui occasionnant un grave préjudice moral ; * la formulation de l'article 16 du Code Civil couvre à la fois les aspects physiques et moraux de la personne humaine, l'intégrité morale et par là l'honneur, élément du patrimoine moral ; * l'article 9 du Code Civil ouvre le droit à réparation à l'atteinte à la vie privée, qui peut se produire, comme en l'espèce, dans le cadre de la vie professionnelle ; * subsidiairement, l'atteinte à la considération professionnelle, à l'honneur et à la réputation s'analyse en une diffamation ou une injure au sens des articles 29 et suivants de la loi du 29 Juillet 1881, la prescription de trois mois n'étant pas applicable en cas d'atteinte à la vie privée ;

Il conclut, au principal sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, subsidiairement sur le fondement conjugué de l'article 9 du même code et de la loi du 29 Juillet 1881 :

- à la confirmation du jugement entrepris ;

- au paiement des sommes de 4.500 ç à titre de dommages-intérêts et 1.600 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- à l'affichage du jugement et sa publication dans un journal régional comme l'autorise l'article 226-31 du Code Pénal en cas de

dénonciation calomnieuse et d'atteinte à l'honneur ;

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 28 Septembre 2004 ;

DISCUSSION :

Monsieur E... est lui-même médecin et en même temps directeur de l'établissement au sein duquel Monsieur Y... exerce sa profession d'infirmier ;

Les propos qu'il a tenus à l'égard de celui-ci, rappelés ci-dessus, affirmant qu'il avait commis des fautes et qu'il était inapte à exercer sa profession, péremptoires et sans nuance, adressés dans un courrier à un tiers, et qui se sont révélés sans fondement, sont une atteinte manifeste à l'honneur et à la considération de Monsieur Thierry Y... ;

Pour obtenir réparation du préjudice qui lui été ainsi occasionné, Monsieur Y..., comme devant le premier juge, fonde principalement son action sur l'article 16 du Code Civil ;

Ce texte assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à sa dignité et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie ; il a ainsi pour objet de sanctionner des comportements mettant en cause l'intégrité de la personne humaine dans son aspect physique ou dans l'essence même de ce qui constitue sa personnalité et son humanité ;

En l'espèce, les propos tenus par Monsieur X..., s'ils visaient manifestement à déconsidérer Monsieur Y..., n'étaient cependant pas de nature à porter atteinte à ce qui fait l'humanité de son individu

;

L'article 16 du Code Civil n'est donc pas applicable ;

Les propos tenus, qui s'attachent à déprécier la valeur professionnelle de Monsieur Y..., ne constituent pas non plus une atteinte à la vie privée sanctionnée par l'article 9 du Code Civil, évoqué subsidiairement par l'intimé ;

En revanche, étant des allégations portant atteinte à son honneur et à sa considération, ils constituent une diffamation définie par l'article 29 de la loi du 29 Juillet 1881 ;

Ces propos diffamatoires ne révèlent pas une faute distincte de celle relevant des dispositions de cette loi ; son application est dès lors exclusive de tout autre texte et particulièrement de l'article 1382 du Code Civil, évoqué par l'intimé ;

Mais, en application de l'article 65 de la loi du 29 Juillet 1881, les actions fondées sur les infractions qu'elle définit se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où elles ont été commises ou du denier acte d'instruction ou de poursuite ; cette prescription s'applique en tous les cas, contrairement à ce que soutient l'intimé ;

Les écrits de Monsieur X... sont datés du 21 Septembre 1999 ; en tout état de cause, l'information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile qui a repris ces allégations a été clôturée le 14 Mai 2002 et Monsieur Y... a engagé son action le 14 Novembre suivant ; la prescription est donc acquise ;

Ainsi, quel que soit le bien fondé de son action, Monsieur Y... est irrecevable à agir contre Monsieur X... ;

Le jugement entrepris doit être infirmé et l'ensemble des demandes de Monsieur Y... doivent être rejetées ;

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort :

Dit l'appel formé par Monsieur Louis X... fondé ;

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Déclare Monsieur Thierry Y... irrecevable en ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dit l'ensemble des dépens de la procédure à la charge de Monsieur Thierry Y..., avec autorisation donnée à la S.C.P. LONGIN, avoué, qui en a fait la demande, de faire application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

Mireille Z...

André PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 1125
Date de la décision : 14/03/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

DIFFAMATION ET INJURES

Pour que l'article 16 du code civil s'applique, un médecin, directeur de l'établissement doit porter atteinte à la considération d'un infirmier mais non à sa personne humaine. Toutefois ses propos constituent une diffamation au sens de l'article 29L du 29 juillet 1881 en ce qu'il porte atteinte à son honneur et à sa considération. Cependant, l'infirmier ayant tardé à engager son action contre les propos écrit du médecin, eu égard à l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, la prescription est acquise. L'infirmier, malgré le motif légitime de son action, est irrecevable à agir contre le médecin diffamateur.


Références :

articles 29, 65 de la loi du 29 juillet 1881

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2005-03-14;1125 ?
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