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21/09/2020 | FRANCE | N°19/01116

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 21 septembre 2020, 19/01116


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01116 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DMI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01997



APPELANT



LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE E

T DU DÉPARTEMENT DE [Localité 7]

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représen...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01116 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DMI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01997

APPELANT

LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE [Localité 7]

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

INTIMEE

Mme [H] [E] épouse [J]

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric DONNEDIEU DE VABRES de la SELAS ARSENE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application :

- de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;

- de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;

- de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;

L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;

La cour composée comme suit en a délibéré :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors de la procédure sans audience : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

A la suite du contrôle de ses déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2008, Mme [H] [E] épouse [J] a fait l'objet d'une proposition de rectification le 21 octobre 2011 portant sur la base imposable de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). La direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France a respectivement réintégré les sommes de 1'595 424 euros en droits et 518 513 euros en intérêts en 2005, 1'757 082 euros en droits et 449 813 euros en intérêts en 2006, 2'021 022 euros en droits et 420 373 euros en intérêts en 2007, 4'132 727 euros en droits et 661 236 euros en intérêts en 2008, correspondant à la valeur des participations détenues dans les sociétés BSA, SOFINA, JEMA 1 ET JEMA 2, en tant que biens assujettis dès lors qu'elles ne sont pas constitutives de biens professionnels exonérés.

Mme [H] [E] épouse [J] ayant présenté des observations le 19 décembre 2011, 1'administration fiscale a maintenu les rectifications proposées par lettres des 26 janvier 2012, 27 septembre 2013, 19 juin 2014 et 30 juin 2014. L'avis de la commission départementale de conciliation de [Localité 6] a été rendu le 30 septembre 2014.

Le 15 décembre 2014, un avis de mise en recouvrement a été émis pour un montant total de 11 556 190 euros.

Mme [H] [E] épouse [J] a formulé une réclamation le 23 janvier 2015. Cette réclamation a été partiellement acceptée le 26 novembre 2015. Par application d'une exonération partielle, les droits et pénalités ont fait l'objet de dégrèvements en droits et en intérêts, soit un montant total exigible de 2'903 980 euros.

Par acte extrajudiciaire en date du 22 janvier 2016, Mme [H] [E] épouse [J] a assigné en décharge totale la direction générale des finances publiques (Dgfip) devant le tribunal de grand instance de Paris.

Par jugement en date du 22 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- prononcé le dégrèvement des droits d'impôt mis à la charge de Mme [H] [E] épouse [J] par décision de l'administration fiscale du 26 novembre 2015 ;

- condamné la direction générale des finances publiques à payer à Mme [H] [E] épouse [J] la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné la direction générale des finances publiques aux entiers dépens.

Par déclaration du 16 janvier 2019, la direction générale des finances publiques, direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions du 16 avril 2019, direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], pôle contrôle fiscal et affaire juridiques, demande à la cour de :

- recevoir le Directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 6] en son appel et l'y déclarer fondé ;

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 22 novembre 2018 ;

Statuant à nouveau :

- confirmer la décision d'admission partielle prononcée le 26 novembre 2015 ;

- condamner Mme [H] [E] épouse [J] à tous les dépens de première instance et d'appel ;

Dans ses dernières conclusions du 12 juillet 2019, Mme [H] [E] épouse [J] demande à la cour de :

Vu les articles 885 A, 885 E et 885 O bis du code général des impôts, L 55 et L 64 du Livre des procédures fiscales, L 225-68, L 225-81 et L. 225-83 du code de commerce, 700 du code de procédure civile ;

- juger l'appelant irrecevable et mal fondé en son appel ;

- débouter l'appelant de l'ensemble de ses conclusions ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 22 novembre 2018 en ses dispositions ;

A titre reconventionnel,

-juger que l'intimée a été privée des garanties de procédure liées à la mise en 'uvre de l'article L 64 du Livre des procédures fiscales ;

En tout état de cause,

- condamner l'appelant aux entiers dépens d'appel et au paiement d'une somme de huit mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

A titre liminaire, par conclusions du 02 mars 2020, la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France demande la révocation de l'ordonnance de clôture, faisant valoir qu'un dysfonctionnement informatique l'a empêchée de répondre aux conclusions déposées par l'appelant le 12 juillet 2019. Le respect du contradictoire constitue une cause grave le justifiant.

Mme [H] [E] épouse [J], par conclusions du 03 mars 2020, demande que soit rejetée la demande de révocation de l'ordonnance de clôture en date du 24 février 2020 et que soient déclarées irrecevables les conclusions notifiées le 2 mars 2020 par l'Intimé.

Ceci étant exposé,

La direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France ne justifie pas de l'existence d'une cause grave depuis l'ordonnance de clôture, alors que le calendrier de procédure, porté à la connaissance des parties et concernant un contentieux remontant à 2011, n'a fait l'objet d'aucune demande de modification.

La demande de rabat de clôture de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France sera rejetée.

Sur l'impôt de solidarité sur la fortune de Mme [H] [E] épouse [J]

La direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France fait valoir que les conditions d'exonération en matière d'ISF de droits sociaux au titre des biens professionnels ne sont pas remplies par Mme [H] [E] épouse [J] pour les exercices 2005 à 2007. L'article 885 O du CGI conditionne cette exonération au fait que l'exercice des fonctions de président du conseil de surveillance est effectif et donne lieu à une rémunération normale, représentant plus de la moitié des revenus soumis à l'impôt sur le revenu.

Selon l'administration, Mme [H] [E] épouse [J] n'a pas rempli de façon effective sur la période contrôlée le rôle et les fonctions de présidente du conseil de surveillance, ne justifiant pas de réunions trimestrielles pour examiner le rapport trimestriel du directoire, sans répercuter les informations du «'comité stratégique'» aux membres du conseil de surveillance et n'intervenant pas de façon active dans les débats. De plus, elle n'a jamais été pourvue de fonction de direction auparavant et a été salariée à temps complet dans une société de vente aux enchères. Mme [H] [E] épouse [J] a bénéficié de jetons de présence en tant que membre du conseil de surveillance, ce que confirme une attestation de son service comptable.

Mme [H] [E] épouse [J] soutient qu'elle a exercé effectivement les fonctions de présidente du conseil de surveillance de BSA, l'administration n'apportant pas la preuve du contraire, alors qu'il y est tenue. Ces fonctions s'exercent par nature en-dehors des réunions. Mme [H] [E] épouse [J] s'est positionnée comme présidente lors des réunions, outre qu'elle a rencontré régulièrement les membres du directoire dans un «'conseil stratégique de BSA'». Elle a bénéficié d'un aménagement de ses horaires de travail pour s'y consacrer, après un stage de six mois dans une banque d'affaires. Mme [H] [E] épouse [J] fait valoir que depuis 2007, la société BSA est détenue par trois entités, qui sont respectivement la Sa SOFINA (22,4 %), elle-même en indivision entre les trois héritiers, la SCI JEMA 1 (50,7 %) et la SCI JEMA 2 (26,6 %). Mme [H] [E] épouse [J] détient en propre 24,6 % de JEMA 1 et 49,5 % de JEMA 2.

En ce qui concerne sa rémunération, Mme [H] [E] épouse [J] fait valoir qu'elle a été fixée à un montant de 600 000 francs annuels par une délibération du conseil de surveillance en date du 3 novembre 2000. L'intitulé par le service comptable est une erreur formelle rectifiée en 2007.

Ceci étant exposé,

Le groupe d'envergure internationale Lactalis (20 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2019, 80 000 collaborateurs dans 85 pays) est spécialisé dans la production et la commercialisation de produits laitiers depuis 1933 (marques Président, Roquefort Société, Feta Salakis, Lactel, etc...). Au décès de son dirigeant M. [Z] [E], ses trois enfants ont été nommés aux organes de direction du holding du groupe, la société BSA, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 20 octobre 2000. Mme [H] [E] épouse [J], a été nommée présidente du conseil de surveillance.

A partir du 1er septembre 2007, les structures du groupe ont été réparties entre les trois héritiers, via les SCI JEMA 1 et JEMA 2, toutes deux propriétaires de la Sa BSA, se démultipliant elle-même en six filiales de premier rang, dont la Sas LACTALIS. La Sa SOFINA conserve l'indivision de la succession [E]. Le 25 décembre 2019, la société BSA est devenue une Sas au capital de 16,8 millions d'euros, et siégeant à [Localité 6].

Dans ce cadre, Mme [H] [E] épouse [J], présidente du conseil de surveillance, fait valoir que ses participations dans les sociétés BSA, SOFINA, JEMA 1 ET JEMA 2 sont des biens professionnels qui ne doivent pas être intégrés dans la base imposable de son imposition de solidarité sur la fortune pour les exercices 2005 à 2008. Mais, pour ouvrir le droit à la qualification de biens professionnels, les fonctions de présidente du conseil de surveillance doivent satisfaire aux conditions suivantes : une nomination régulière, des fonctions effectivement et personnellement exercées, une rémunération normale représentant plus de la moitié des revenus professionnels du redevable.

En effet, selon l'article 885 O bis du CGI, dans sa version applicable entre 2003 et 2011, « les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes :

1° Etre (') président du conseil de surveillance d'une société par actions. Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62.

2° Posséder 25 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs. Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions. Les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés sont présumées constituer un seul bien professionnel lorsque, compte tenu de l'importance des droits détenus et de la nature des fonctions exercées, chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues pour avoir la qualité de biens professionnels, et que les sociétés en cause ont effectivement des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la condition de possession de 25 % au moins du capital de la société n'est pas exigée des gérants et associés visés à l'article 62.

Sont également considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues directement par (') le président du conseil de surveillance d'une société par actions, qui remplit les conditions prévues au 1° ci-dessus, lorsque leur valeur excède 50 % de la valeur brute des biens imposables, y compris les parts et actions précitées (...). »

1.De première part, Mme [H] [E] épouse [J], nommée présidente du conseil de surveillance de la société BSA, en a effectivement exercé les fonctions entre 2004 et 2007.

Mme [H] [E] épouse [J] justifie des procès-verbaux de délibération du conseil de surveillance des 31 janvier 2004, 31 mars 2004, 30 avril 2004, 15 septembre 2004, 30 octobre 2004, 26 novembre 2004, 27 novembre 2004, 11 décembre 2004, 30 mars 2005, 10 mai 2005, 23 septembre 2005, 29 octobre 2005, 04 janvier 2006, 09 janvier 2006, 29 mars 2006, 22 avril 2006, 27 avril 2006, 10 mai 2006, 22 mai 2006, 28 juin 2006, 31 juillet 2006, 25 novembre 2006, 5 décembre 2006, 09 décembre 2006, 28 mars 2007, 30 mars 2007, 23 avril 2007, 28 avril 2007, 8 juin 2007, 05 septembre 2007, 19 septembre 2007, la mentionnant personnellement en tant que «'présidente du conseil de surveillance'» de la société anonyme à directoire et conseil de surveillance BSA et qui ne sont pas contestés.

Par ailleurs, l'implication dont Mme [H] [E] épouse [J] doit justifier à l'égard de ses fonctions découle des dispositions de l'article L. 225-68 du code de commerce, alors applicable, selon lequel «'le conseil de surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire ; les statuts peuvent subordonner à l'autorisation préalable du conseil de surveillance la conclusion des opérations qu'ils énumèrent. Toutefois, la cession d'immeubles par nature, la cession totale ou partielle de participations, la constitution de sûretés, ainsi que les cautions, avals et garanties, sauf dans les sociétés exploitant un établissement bancaire ou financier, font l'objet d'une autorisation du conseil de surveillance dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. (')

A toute époque de l'année, le conseil de surveillance opère les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Une fois par trimestre au moins le directoire présente un rapport au conseil de surveillance. Après la clôture de chaque exercice et dans le délai fixé par décret en Conseil d'Etat, le directoire lui présente, aux fins de vérification et de contrôle, les documents visés au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.

Le conseil de surveillance présente à l'assemblée générale prévue à l'article L. 225-100 ses observations sur le rapport du directoire ainsi que sur les comptes de l'exercice. Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, le président du conseil de surveillance rend compte, dans un rapport joint au rapport mentionné à l'alinéa précédent et aux articles L. 225-102, L. 225-102-1 et L. 233-26, de la composition, des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil, ainsi que des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place par la société, en détaillant notamment celles de ces procédures qui sont relatives à l'élaboration et au traitement de l'information comptable et financière pour les comptes sociaux et, le cas échéant, pour les comptes consolidés.(...) Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ce rapport présente en outre les principes et les règles arrêtés par le conseil de surveillance pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux et il mentionne la publication des informations prévues par l'article L. 225-100-3. Le rapport prévu au septième alinéa du présent article est approuvé par le conseil de surveillance et est rendu public.'»

Mme [H] [E] épouse [J] n'a produit ni les autorisations éventuelles accordées, ni les conditions de réception du rapport trimestriel du directoire, ni les observations du conseil de surveillance adressées en fin d'exercice à l'assemblée générale, qui sont des documents formels.

Néanmoins, Mme [H] [E] épouse [J] a convoqué le conseil de surveillance et en a dirigé les débats à huit reprises en 2004, quatre reprises en 2005, 12 reprises en 2006 et sept reprises en 2007, en application de l'article L. 225-81 du code de commerce, alors applicable. L'interprétation de l'administration fiscale tirée de la lecture des procès-verbaux («'la présidente se contente de restituer l'opération envisagée par le directoire sans émettre de commentaires ou de questions critiques'») ne démontre aucunement l'absence d'animation des débats ou d'information des membres du conseil de surveillance de la part de Mme [H] [E] épouse [J], sans qu'il soit fondé de porter une appréciation sur le mode de gouvernance de la société dualiste.

En outre, les vérifications et contrôles que le conseil de surveillance doit exercer sur le directoire de la société BSA sont justifiés non seulement par les procès-verbaux du conseil de surveillance, mais également par les procès-verbaux d'un «'conseil stratégique'», les comptes sociaux, des documents annotés, des extraits d'agenda et des notes manuscrites.

L'appelante a en effet versé aux débats des éléments sensibles sur le groupe Lactalis, alors qu'elle est tenue, en tant que membre du conseil de surveillance, à la discrétion à l'égard d'informations présentant un caractère confidentiel, en application de l'article L. 225-92 du code de commerce.

Mme [H] [E] épouse [J] révèle l'existence d'une sorte de cogestion avec les membres du directoire présidé par M. [Y] [E], son frère. Des réunions régulières ont ainsi été tenues entre 2004 et 2007 au sein d'un «'conseil stratégique'» au siège social de Lactalis à [Localité 5]. De ce point de vue, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que les réunions du «'conseil stratégique'», aux relevés précis et techniques, n'ont pas été l'occasion d'un rapport du directoire à destination de Mme [H] [E] épouse [J] sur la gestion des trois derniers mois écoulés, alors que le contrôle légalement prévu est «'permanent'» et que les vérifications sont opérées «'à toute époque de l'année'».

Les membres du conseil de surveillance n'exercent pas une fonction de direction mais une mission de contrôle de la gestion de la société. L'administration fiscale ne démontre pas l'inexistence de la mission de contrôle confiée à Mme [H] [E] épouse [J] (stratégie des sociétés du groupe, contrôle et suivi trimestriel des stratégies exprimées dans les budgets des sociétés du groupe, suivi et contrôle des conventions des sociétés du groupe, contrôle des relations sur le plan mondial, analyse et contrôle des politiques d'investissements, contrôle de la création d'entités, concepts, produits nouveaux dans le groupe). La supervision de la planification et de la direction stratégique ou organisationnelle de ce groupe familial de taille internationale n'a fait l'objet d'aucune contestation ou remise en cause à l'assemblée générale annuelle.

L'administration fiscale mentionne l'existence d'activités salariées dans une société de vente aux enchères exercées par Mme [H] [E] épouse [J], concomitamment au mandat de présidente du conseil de surveillance. Mais cet «'indice'» est insuffisamment justifié, notamment en ce qui concerne les heures ouvrées, dans sa proposition de rectification.

Au vu de l'ensemble des éléments analysés, l'administration fiscale n'établit pas que Mme [H] [E] épouse [J] n'a pas exercé de façon effective des fonctions de présidente du conseil de surveillance entre 2004 et 2007.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé l'effectivité des fonctions exercées par Mme [H] [E] épouse [J] entre 2004 et 2007.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

2. De seconde part, la rémunération de Mme [H] [E] épouse [J] en tant que présidente du conseil de surveillance pour les années 2004, 2005 et 2006 représente une proportion supérieure à la moitié des revenus à raison desquels l'intéressée est soumise à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62, tel que le prévoit l'article L. 225-68 du code de commerce, alors applicable.

Le président du conseil de surveillance peut percevoir trois types de rémunérations : des jetons de présence fixés annuellement par l'assemblée générale, en tant que membre du conseil de surveillance (article L. 225-83 du code de commerce), une rémunération en contrepartie de l'activité exercée en tant que président de ce conseil (article L. 225-81 du code de commerce), cette dernière relevant du régime fiscal des revenus de capitaux mobiliers, et enfin des rémunérations exceptionnelles pour mandats ou missions.

Mme [H] [E] épouse [J] n'a reçu aucune rémunération correspondant à des jetons de présence et, de ce point de vue, l'administration fiscale ne peut se substituer à l'assemblée générale de la société. La requalification opérée en 2005, 2006 et 2007, au vu d'un courrier interne à la société, en est malfondée.

Mme [H] [E] épouse [J] a produit une décision du conseil de surveillance en date du 3 novembre 2000 lui octroyant une rémunération annuelle de 600 000 francs ( soit 91 469 euros) pour ses fonctions et responsabilités au titre de présidente du conseil de surveillance. Le conseil de surveillance de la société BSA n'a ni indexé, ni mis à jour la rémunération de ses membres et ne l'a pas renouvelée au terme du premier mandat.

Mme [H] [E] épouse [J] a perçu un montant réel de 128 000 en 2004, 149 500 euros en 2005 et 178 000 euros en 2006. La rémunération annuelle de 91 469 euros au titre de présidente du conseil de surveillance représente de ce fait plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressée est soumise à l'impôt sur le revenu, tel que prévu au 1° de l'article 885 O bis du CGI, pour les années 2004 à 2006.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont prononcé le dégrèvement des droits d'impôt mis à la charge de Mme [H] [E] épouse [J] par décision de l'administration fiscale du 26 novembre 2015 pour les exercices fiscaux 2005 à 2007.

En ce qui concerne l'année 2007, Mme [H] [E] épouse [J] a perçu un montant total de revenus de 237 000 euros, avec le constat que la rémunération annuelle de 91 469 euros au titre de présidente du conseil de surveillance n'en représente pas plus de la moitié, tel que le prévoit l'article 885 O bis du CGI. Il en résulte que les dispositions prévues à l'article 885 O bis du CGI ne s'appliquent pas pour l'année fiscale 2008.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce chef.

Sur les garanties de procédure

Mme [H] [E] épouse [J] soutient que les rectifications relèvent de l'abus de droit. En appliquant la procédure prévue à l'article L55 du LPF, sans invoquer l'article L64 du LPF, le Service l'a privée de garanties spécifiques. L'appelante fait valoir que le reproche du non-respect de formalités liées au fonctionnement du conseil de surveillance revient à invoquer le caractère artificiel du choix de la société à directoire et conseil de surveillance.

La direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France fait valoir que l'article 64 du LPF lui permet d'écarter les actes constitutifs d'un abus de droit. Toutefois, elle n'invoque pas le caractère fictif de la nomination à la présidence du conseil de surveillance, ni la fictivité du conseil de surveillance, ni le but d'éluder l'impôt, ce qui n'entre pas dans le champ de l'article 64 du LPF.

Ceci étant exposé,

Dans la mesure où il a été retenu que Mme [H] [E] épouse [J] a exercé de façon effective des fonctions de présidente du conseil de surveillance entre 2004 et 2007, il s'évince que la procédure suivie n'a plus lieu d'être mise en cause.

La demande de Mme [H] [E] épouse [J] sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la demande de révocation de clôture de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France ;

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a prononcé le dégrèvement des droits d'impôt mis à la charge de Mme [H] [E] épouse [J] pour l'année fiscale 2008 ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

DÉBOUTE Mme [H] [E] épouse [J] de ses demandes concernant l'année 2008';

REJETTE toute autre demande y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la direction générale des finances publiques aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/01116
Date de la décision : 21/09/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°19/01116 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-21;19.01116 ?
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