Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 22 MAI 2017
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/11811
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 17 mars 2015 emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 6) le 26 septembre 2013, sur appel d'un jugement rendu le 28 septembre 2011 par le tribunal de commerce de Paris, sous le n° RG : 2007064921
DEMANDERESSE A LA SAISINE
SARL SOCIÉTÉ MINIERE GEORGES MONTAGNAT dite 'SMGM'
ayant son siège social [Adresse 1]
Le [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577
DÉFENDERESSE A LA SAISINE
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 552 120 222
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Représentée par Me Matthieu BARTHELEMY de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocat au barreau de PARIS, toque : R045
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS ET PROCÉDURE
La SMGM est une société à responsabilité limitée qui exerce en Nouvelle Calédonie une activité d'extraction / exportation de minerai de nickel vers le Japon, le prix du minerai commercialisé étant fixé par référence au cours du nickel coté à [Localité 1] au LME (London Metal Exchange).
En mars 2005, la société SMGM est entrée en relation avec la division « corporate and investment banking » de la Société Générale (SG), dont elle était déjà cliente à travers la filiale de cette dernière en Nouvelle Calédonie, afin de mettre en place des produits de couverture sur le nickel. Le cours du nickel connaissait une hausse importante à cette époque, et l'idée était d'anticiper et de couvrir les évolutions défavorables pour la société SMGM qui pouvaient intervenir.
Les opérations de couverture intervenues ont donné lieu à des contrats d'option sur le nickel souscrits par l'intermédiaire de la SG, les 13 juillet et 12 août 2005 (135 tonnes de nickel par trimestre sur 11 trimestres) puis les 5 et 8 décembre 2005 (68 tonnes par trimestre sur 10 trimestres), qui ont fait l'objet de restructurations les 5 avril, 22 août et 1er septembre 2006, pour augmenter le « swap » notamment, la couverture étant finalement allongée jusqu'en août 2011.
Une convention cadre FBF concernant les opérations sur instruments financiers à terme a également été conclue entre la SMGM et la SG le 25 août 2006.
Par acte du 4 octobre 2007, la SMGM a fait assigner la SG en annulation des contrats d'option sur le nickel souscrits avec demande de restitution des sommes versées à la SG, sur le fondement des vices du consentement.
* * *
Vu le jugement avant dire droit du tribunal de commerce de Paris du 14 octobre 2008 qui a désigné M. [O] en qualité de consultant,
Vu le dépôt du rapport de M. [O] le 24 décembre 2009,
Vu le jugement prononcé le 28 septembre 2011 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- débouté la société SMGM de sa demande de résolution de la convention sur le fondement de tant de l'erreur que du dol,
- débouté la société SMGM de sa demande de dommages et intérêts,
- ordonné la réouverture des débats sur la demande reconventionnelle de la SG portant sur le montant réclamé au titre de la résiliation des positions du 7 mai 2009, la demande reconventionnelle de la SG concernant l'indemnité de résiliation des positions du 7 mai 2009,
Vu le jugement prononcé le 6 avril 2012, par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- condamné la SMGM à payer à la SG la contre-valeur en euros au jour du jugement de 3 250 000 dollars US, outre les intérêts au taux « fed funds » +1 %, à compter du 14 mai 2009 et anatocisme,
- rejeté la demande d'expertise,
- prononcé l'exécution provisoire,
- condamné la SMGM à verser à la SG la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700
cpc et aux dépens comprenant les honoraires de M. [O],
Vu les appels de la SMGM les le 2 novembre 2011 et le 17 avril 2012,
Vu l'arrêt prononcé le 26 septembre 2013 par la cour d'appel de Paris qui a :
-infirmé le jugement du 28 septembre 2011 en ce qu'il a débouté la société SMGM de sa demande de dommages et intérêts et statuant de nouveau :
- dit que la SG a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de la SMGM,
- condamné la SG à verser à la société SMGM la contre-valeur en euros de 8 millions de dollars US avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt sur la base du taux de parité euro/USD au jour du paiement effectif,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- confirmé pour le surplus le jugement du 28 septembre 2011,
- confirmé le jugement du 6 avril 2012 sauf en ce qu'il a condamné la société SMGM à payer à la SG la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc et l'a condamnée aux dépens et statuant de nouveau :
- condamné la SG à verser à la société SMGM la somme de 150 000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc,
- condamné la SG aux dépens incluant les honoraires de M. [O],
Vu l'arrêt prononcé le 17 mars 2015 par la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation qui a cassé et annulé l'arrêt prononcé le 26 septembre 2013 par la cour d'appel de Paris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société SMGM tendant à la 'résolution' pour vice du consentement des contrats conclus avec la SG,
Vu la déclaration de saisine de la Sarl SMGM le 18 mai 2015,
Vu les conclusions de la SMGM signifiées le 29 décembre 2016,
Vu les conclusions de la SG signifiées le 12 mai 2016,
La SMGM demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- réformer en toutes leurs dispositions les jugements du tribunal de commerce de Paris des 28 septembre 2011 et 6 avril 2012,
Statuant à nouveau :
- juger que la SG vis à vis de la SMGM a manqué à son obligation de conseil, d'information et de mise en garde,
- condamner la SG à payer à la SMGM, à titre de dommages et intérêts, la somme de 21 260 404,65 USD (dollars us), à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2007, date de délivrance de l'assignation,
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
En tout état de cause :
- débouter la SG de sa demande reconventionnelle,
- condamner la SG à restituer à la SMGM toutes les sommes qu'elle lui a versées dans le cadre de l'exécution du jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 avril 2012,
- condamner la SG à verser à la SMGM la somme de 500 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.
La société SMGM indique qu'elle doit être considérée comme profane au regard de son inexpérience des instruments financiers à terme pour une couverture portant sur le cours d'une matière première.
Elle soutient que la SG était tenue à son égard d'une obligation de mise en garde sur les risques encourus du fait de la hausse continue du cours du nickel, obligation qu'elle n'a pas respectée en l'absence d'informations adéquates, s'agissant de produits financiers complexes et à caractère spéculatif. Elle considère que l'appréciation de la cour d'appel sur ce point, validée par la Cour de cassation, ne devrait pas être aussi tranchée concernant les opérations de couverture et les restructurations qui sont intervenues.
Elle indique de plus qu'elle ne disposait pas d'une information satisfaisante sur la tarification et le coût de la couverture de la part de la SG, ainsi que concernant le coût de la résiliation et la valeur de ses positions. Elle précise que si elle avait pu avoir connaissance de la valeur négative de sa position plus tôt, elle n'aurait pas souscrit à un second programme de couverture en décembre 2005, son préjudice étant constitué par la perte d'une chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions différentes. Elle conteste enfin le versement d'une « soulte » à la SG au moment de la résiliation de ses positions, estimant qu'une telle somme n'est pas prévue par la convention cadre FBF.
La SG demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- débouter la SMGM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer en toutes leurs dispositions les jugements du tribunal de commerce de Paris des 28 septembre 2011 et 6 avril 2012 ;
- juger que les frais et honoraires de consultation resteront à la charge de la SMGM ;
- condamner la SMGM à payer à la Société Générale la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La SG maintient qu'elle n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de la SMGM, qui n'est pas un investisseur profane, les produits de couverture n'étant de plus pas spéculatifs par nature, en l'absence de sur-couverture.
Concernant l'obligation d'information, elle indique que la SMGM est un professionnel du nickel qui a compris le fonctionnement et les risques liés à la couverture. La SG ajoute qu'elle n'a pas à révéler le coût des opérations et qu'elle a indiqué à la SMGM l'existence d'options sèches impliquant le paiement d'une prime.
Elle indique avoir dès le début des opérations informé la SMGM de la possibilité qui lui était offerte de consulter la valeur de ses positions à sa demande, ce qu'elle a négligé de faire.
La SG considère également que les produits qu'elle a proposés à la SMGM étaient adaptés à ses besoins et qu'elle ne l'a pas privée de la possibilité de résilier les contrats d'options dans des conditions favorables.
Elle relève aussi que le rapport du consultant fait état que malgré son erreur sur l'évolution du cours du nickel, les restructurations intervenues ont permis de limiter les décaissements pour SMGM, le défaut des opérations de couverture n'ayant été source d'aucun préjudice pour celle-ci.
Sur la « soulte » due au titre de la résiliation des positions, la SG considère que la cour doit statuer sur le quantum au regard de l'arrêt de la Cour de cassation, et se réfère à la convention cadre FBF qui prévoit ses modalités de calcul.
SUR CE,
Considérant que la société SMGM ,entendant se couvrir contre les variations des cours des matières premières, a mis en place avec la SG des opérations de couverture à prime nulle portant sur une partie du nickel dont elle assurait la production ; que la première de ces opérations réalisée les 13 juillet et 12 août 2005 a consisté en l'acquisition par la SMGM d'un 'swap' de 13 500 USD 'floré' à 11 250 USD pour une période de 11 trimestres devant prendre fin le 29 février 2008 et une quantité de 135 tonnes par trimestre, avec participation à la hausse jusqu'à 16 000 USD sur les trois premiers trimestres au moyen d'un 'call spread' de 13 500/16 000 USD ; que les 5 et 8 décembre 2005 a été mise en place une couverture supplémentaire portant sur 68 tonnes de nickel par trimestre de décembre 2005 à mai 2008, au moyen d'un 'put spread' de 11 250/9 250 USD contre un 'call' dont le prix d'exercice était de 15 000 USD ; que tandis que le prix du nickel était en baisse au cours du second semestre de l'année 2005, il a connu une hausse continue au cours de l'année 2006 avant de dépasser 50 000 USD au printemps de l'année 2007, puis de redescendre pour revenir à environ 10 000 USD au 1er trimestre 2009 ; que, le 5 avril 2006, les parties ont procédé à une première restructuration partielle de la couverture de la SMGM en substituant au swap flooré initial un swap à 15 000 USD, floré à 11 250 USD, pour la période mars-novembre 2006, le swap initial étant inchangé pour la période de décembre 2006 à fin février 2008, et en allongeant la couverture sur la période mars-novembre 2008 au moyen d'un put spread de 11 000/9 000 USD contre un call à 15 000 USD ; que les 22 août et 1er septembre 2006, les parties ont procédé à la restructuration de l'ensemble des couvertures, au moyen d'une part d'un 'coll' avec un floor de 10 000 USD et une participation à la hausse jusqu'à 24 500 USD puis, de manière dégressive, dans le temps, jusqu'à 17 500 USD, pour un volume de 208 tonnes et une période allant de septembre 2006 à août 2008, et, d'autre part, de la mise en place d'un 'range out swap participatif' ;
a) Sur l'obligation de mise en garde
Considérant que les opérations de couverture ainsi décrites ne sont pas spéculatives par nature puisqu'elles ne visent pas à prévoir les évolutions du marché pour en retirer des bénéfices mais à en réduire l'impact pour se garantir contre les risques de baisse ou de hausse du marché et éviter une exposition à sa volatilité ; que les opérations n'ont pas donné lieu à une sur-couverture ; que le caractère complexe de l'opération ne la rend pas pour autant spéculative ; que la société SMGM n'a recherché aucun profit à court terme au prix de l'acceptation d'un risque particulier, les opérations ne mettant pas en oeuvre un effet de levier ;
Considérant, dans ces conditions, que la société SMGM est mal fondée à reprocher à la SG de à 1995 de ne pas avoir satisfait à une obligation de mise en garde sur les risques spécifiques de l'opération envisagée ;
b) Sur l'obligation d'information et de conseil
Considérant que, l'article L533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l'espèce, est ainsi rédigé:
'les prestataires de services d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L.421-8 ainsi que les personnes mentionnées à l'article L. 214-83-1, sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations.
Ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers. (...)
Elles obligent notamment à :
1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;
2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;
3. Etre doté des ressources et des procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en oeuvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité ;
4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ;
5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients ;
6. S'efforcer d'éviter les conflits d'intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veiller à ce que leurs clients soient traités équitablement ;
7. Se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de leurs activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de leurs clients et l'intégrité du marché.
(...)
Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu'.
Considérant dans la présente espèce que, contrairement à ce que soutient la SG, l'expérience acquise par la SMGM dans le cadre d'opérations de couvertures en matière de taux de change par des contrats de vente à terme de dollars lors de l'exportation de son minerai vers le Japon ne lui confère pas d'expérience, ni de compétence en matière d'opérations de couvertures destinées à protéger sa production des fluctuations du cours du nickel qui sont plus complexes, ne recourent pas aux mêmes outils et présentent des profils de risque différents ainsi que relevé par M. [O] dans son rapport ; que celui ci poursuit comme suit en page 16 de son rapport :
'(...) Dans le cadre ses opérations mises en place par la SG, la SMGM ne connaissait pas à l'avance le prix auquel elle allait vendre son nickel, ce prix dépendant, selon les périodes de la nature de la couverture mise en place et des évolutions des cours. A contrario, dans le cadre de ses ventes à terme sur le dollar, la SMGM connaissait le prix auquel elle allait vendre les dollars reçus en contrepartie de ses livraison de nickel.
En conclusion, la SMGM, bien qu'elle ait réalisé dans le passé des ventes à terme de dollars, n'a pas réalisé d'opérations strictement de même nature que celles en cause dans les cinq années ayant précédé la date de son assignation' ;
Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que la SMGM était peu expérimentée, quand bien même M. [F], son directeur, a exercé les fonctions de responsable de réseau à la Banque Calédonienne d'Investissement de 1991 à 1995 ; que les retranscriptions des entretiens téléphoniques entre la SG et M. [F] en date des 29 avril 2005, 17 mai 2005, 3 juin 2005, 30 juin 2005 et 1er juillet 2005 confirment les difficultés de ce dernier à appréhender les instruments de couverture mis en oeuvre ; que le niveau des informations devant être délivrées par la SG devait prendre en compte le niveau limité des connaissances de ce client ;
Considérant que le devoir d'information et de conseil de la SG doit être apprécié au regard de l'absence de connaissance de la société SMGM des opérations auxquelles elle a souscrit et de la complexité de ces dernières ainsi que cela a été ci dessus démontré ;
Considérant que la SG a adressé à la SMGM le 27 avril 2005 un document intitulé « Couverture Nickel à la Société Générale » qui comportait les formalités administratives préalables aux opérations de couverture, l'identification du risque chez SMGM, les outils de couverture, l'identification du risque Nickel chez SMGM, le suivi de ces opérations ; que des entretiens téléphoniques ont été échangés entre M. [F], directeur général de la SMGM et M. [A], salarié à la SG, notamment un échange le 29 avril 2005 dont le compte rendu a été retranscrit par lequel le représentant de la banque informe le directeur de la société qu'il peut à tout moment prendre connaissance de la valeur de ses positions sur le marché avec faculté de résiliation ; que des informations ont ainsi été fournies relatives aux opérations de couverture à prime nulle permettant d'appréhender les différentes possibilités à la disposition d'un opérateur souhaitant se couvrir sans payer de prime.
Considérant cependant que, lors de la présentation d'avril 2005 effectuée indirectement via Mme [L] la SG n'a pas informé la SMGM de la stratégie de couverture consistant à acheter des options de vente ; que de même, si la SG a donné des informations à la SMGM sur la possibilité de connaître le « mark to market » de sa position en indiquant que celle-ci était disponible à la demande ou par consultation sur le site internet, elle n'a pas fourni les éléments susceptibles d'influencer ce « mark to market » et n'a pas indiqué que ce mode de paiement permettait de dénouer les couvertures mises en place ;
Considérant que la première opération de couverture mise en place a consisté à mettre un swap au cours de 13 500 USD flooré à 11 250 USD sur une quantité de 135 tonnes par trimestre pendant 11 trimestres (juin 2005/ février 2008 ) avec une participation à la hausse limitée à 16 000 USD sur les 3 premiers trimestres (juin 2005/février 2006) ; que la seconde opération a consisté à mettre en place un put spread 11 250/9 250 en contrepartie de la vente d'un call 15 000 USD sur une quantité de 68 tonnes par trimestre pendant 10 trimestres ; qu'indépendamment des profits qui ont résulté pour la SG de la hausse continue du cours du nickel pendant la période considérée et de l'impossibilité lors de la souscription de la première opération de prévoir cette tendance haussière, il doit être relevé, ainsi que constaté par M. [O], que la SG aurait dû proposer d'autres stratégies à prime nulle et notamment des swaps ou des dollars ou des stratégies nécessitant le paiement d'une prime avec acquisition d'options sèches ; que des propositions auraient également dû porter sur des achats d'options de vente avec des prix d'exercice plus faibles ; que ces propositions auraient dû être présentées même si elles impliquaient des sorties de fonds immédiates à la différence des stratégies à prime nulle ;
Considérant ensuite, concernant les deux opérations de restructuration intervenues en avril 2006 et août 2006, que M. [O] a caractérisé le fait que la première opération n'avait pas été adaptée compte tenu de son objectif qui était d'absorber les décaissements auxquels la SMGM allait devoir faire face lors des trimestres à venir du fait du décalage entre le prix d'exercice des calls vendus implicitement par la SMGM dans la première opération de couverture et le cours du nickel de 11 250 USD/tonne au comptant le jour de l'opération et de la dégradation consécutive de la couverture de la SMGM dans la mesure où le flux qu'elle perçoit en cas de baisse du cours du nickel en dessous de 11 250 USD est diminué de 250 USD par tonne puisque la protection maximale passe de 2 500 USD à 2 000 USD, ce qui a contribué à la dégradation de la valeur de marché de sa couverture dans un contexte de hausse du nickel ; qu'elle a été elle même structurée avec toutes les positions antérieures de la SMGM lors de la seconde restructuration toujours pour éviter des décaissements au titre des couvertures antérieures du fait du décalage persistant et important entre les cours du nickel et les prix d'exercice des calls vendus dans le cadre des précédentes opérations ; que, sans occulter le caractère difficilement prévisible de la hausse continue du cours du nickel pendant la période considérée, que la SG aurait dû informer la SMGM de l'existence d'options sèches ainsi que de leurs coûts ; que la SMGM n'a pas plus été informée de la possibilité de résilier ses positions avec exposition aux risques inhérents à la volatilité du marché et calcul du solde de résiliation en fonction de la valeur de ses positions ; que la SMGM aurait ainsi pu opérer un choix face à l'évolution du marché qui, à la hausse, se révélait défavorable aux options de couverture mises en place ; que la parfaite information de la société ne saurait se déduire de son absence de résiliation des contrats en mai 2006 losqu'elle a appris que ses positions étaient négatives à hauteur de 9 millions de dollars ;
Considérant que la la SMGM est ainsi fondée à reprocher à la SG de ne pas l'avoir suffisamment informée du fonctionnement des produits de couverture et, pendant le déroulement des opérations de ne pas l'avoir avisée de la possibilité d'acquérir des options moyennant le paiement d'une prime, ni du coût de la résiliation et de la possibilité de retourner ses positions dans des conditions avantageuses ; que le jugement déféré qui a dit que la SG avait satisfait à son devoir d'information et de conseil doit être infirmé ;
Considérant que le préjudice subi par la SMGM porte sur la perte de chance de ne pas avoir pu contracter à de meilleures conditions incluant notamment des options sèches qui n'ont pas été proposées de manière suffisamment compréhensible en 2006 lors des restructurations ; que le montant du préjudice est indépendant des gains obtenus par la SG lors du déroulement des opérations puisqu'il a été généré par la hausse continue, spectaculaire et imprévisible du cours du nickel pendant les années 2005 et 2006 ; que le préjudice ne peut pas non plus correspondre aux sommes payées par la SMGM par l'effet du dénouement des instruments financiers à terme qui ont été sosucrits et qu'elle chiffre à 21 260 404,65 USD ; que la perte de chance ainsi caractérisée sera intégralement indemnisée par la contre valeur en euros de 10 millions USD tenant compte du fait qu'entre le 31 mai 2006 et le 22 août 2006 son portefeuille est passé d'une position négative de - 10 707 258 USD à - 22 234 395 USD ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de signification du présent arrêt, et capitalisation ;
3°) Sur la demande incidente
Considérant que la convention-cadre conclue entre la Société Générale et la SMGM et à laquelle l'ensemble des confirmations signées par la SMGM renvoie expressément, prévoit les conditions dans lesquelles les opérations sur instruments financiers à terme peuvent être résiliés; que l'article 8.1 de la convention-cadre FBF relatif au « Calcul du Solde de Résiliation » stipule que :
« 8.1.1. En application du principe général relatif à la détermination du solde de résiliation, chaque transaction résiliée donne lieu à la détermination de sa valeur de
remplacement ainsi que, le cas échéant, à celle du montant dû par chaque partie pour cette
transaction. La charge de déterminer les valeurs de remplacement et montants dus est confiée à la partie non défaillante ou à la partie non affectée (ou, s'il y a deux parties affectées, à chaque partie). Cette détermination doit intervenir dès que possible.
8.1.2. Afin de déterminer le solde de résiliation pour l'ensemble des transactions résiliées, la partie en charge des calculs déduira alors du total des valeurs de remplacement affectées d'un signe positif et des montants dus par l'autre partie le total des valeurs de remplacement affectées d'un signe négatif et des montants dus par elle. Cette différence (positive ou négative) sera le solde de résiliation ».
L'article 2 de la convention-cadre FBF définit à cet égard la 'valeur de remplacement' de la manière suivante :
« La valeur de remplacement est établie par la partie non défaillante ou la partie non affectée (ou s'il y a deux parties affectées, chaque partie affectée). Elle résulte, pour une
transaction donnée, de l'application de la moyenne arithmétique des cotations fournies par au moins deux intervenants de marché de premier rang. Chacune de ces cotations permettra d'exprimer le montant que l'intervenant de marché verserait ou recevrait à la date de résiliation s'il devait reprendre l'intégralité des droits et obligations financières de l'autre partie à compter de cette date au titre de la transaction concernée. Le montant correspondant sera affecté d'un signe positif s'il devait être versé à l'intervenant de marché. Il sera affecté d'un signe négatif dans le cas contraire. S'il ne peut être obtenu qu'une seule cotation, la valeur de remplacement résultera de cette cotation. Si aucune cotation ne peut raisonnablement être obtenue, la valeur de remplacement sera égale, selon le cas, au profit de la partie en charge des calculs (et affectée d'une signe négatif) ou à la perte de la partie en charge des calculs (et affectée d'un signe positif) résultant pour cette partie de la résiliation de la transaction. La partie établissant la valeur de remplacement choisit les intervenants de marché auxquels sont demandées les cotations précitées » ;
que c'est en application de ces stipulations que la SG a demandé le 7 mai 2009 à deux intervenants de marché de premier rang, [T] [H] et JP [T], de lui communiquer une cotation pour le rachat de l'intégralité des droits et obligations de la SMGM au titre des opérations de couverture mises en place ; que [T] [H] a communiqué à la Société Générale sa cotation qui s'élevait, selon ses calculs, à un montant compris entre 3,45 et 3,5 M$ et JP [T] a communiqué également à la Société Générale sa cotation qui s'élevait à 4,05 M$ ; que la SG a réalisé sa propre cotation du coût de résiliation de l'ensemble des opérations de la SMGM qui s'est établi à un montant de 3,25 M$ ; que le jugement déféré du 6 avril 2012 doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SMGM à payer à la SG la contre-valeur en euros au jour du jugement de 3 250 000 dollars US, outre les intérêts au taux « fed funds » +1 %, à compter du 14 mai 2009 et anatocisme ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans la limite de la saisine,
INFIRME le jugement prononcé le 28 septembe 2011 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Minières Georges Montagnat de sa demande de dommages et intérêts et statuant de nouveau :
DIT que la Société Générale a manqué à son obligation de conseil et d'information ;
CONDAMNE la Société Générale à verser a la société Minières Georges Montagnat la contre valeur en euros de 10 millions USD outre les intérêts au taux légal à compter de signification du présent arrêt ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts aux conditions de l'article 1154 du code civil ;
CONFIRME le jugement prononcé le 6 avril 2012 par le tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il a condamné la société Minières Georges Montagnat à verser à la Société Générale la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau de ce chef :
DÉBOUTE la Société Générale de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE la compensation ;
CONDAMNE la Société Générale à verser à la société Minières Georges Montagnat la somme de 150 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE la Société générale aux entiers dépens de première et d'appel qui comprendront les honoraires taxés de M. [O] et accorde à la SCP Grappotte Benetreau Jumel, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS