Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 05 JUILLET 2016
(n° 422 , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00371
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Décembre 2014 -Président du Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014061003
APPELANTS
LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
en la personne de Madame Brigitte GARRIGUES, avocat général
SAS VOXTUR ayant pour nom commercial LECAB
représentée par son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 534 912 365
[Adresse 4]
[Adresse 4]
SASU GREENTOMATOCARS
représentée par son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 3]
[Adresse 3]
SAS TRANSDEV SHUTTLE FRANCE société par actions simplifiée à associé unique, ayant pour nom commercial SUPER SHUTTLE,
représentée par son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
immatriculée au RCS de PONTOISE sous le n° 490 471 414
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentées par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
assistées de Me Maxime DE GUILLENCHMIDT de l'AARPI DE GUILLENCHMIDT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R125
INTIMEES ET APPELANTES INCIDENTES
SASU UBER FRANCE SAS agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Société UBER BV société à responsabilité de droit néerlandais, agissant en la personne de ses
représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Adresse 10]
PAYS-BAS
Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
assistées de Me Hugues CALVET de l'AARPI BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T12
Association UNION NATIONALE DES TAXIS (UNT) agissant poursuites et diligences en la personne de son Président Monsieur [N] [M] né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
assistée de Me Jean-Paul LEVY et Me Charles Emmanuel SOUSSEN, de la SCP J-P LEVY & CH-E SOUSSEN, avocats au barreau de Paris, toque W 17
INTIMES
LA CHAMBRE SYNDICALE DES ARTISANS DU TAXI
[Adresse 7]
[Adresse 7]
assignée à personne morale habilitée le 22 janvier 2015
ASSOCIATION FRANCAISE DES TAXIS
[Adresse 6]
[Adresse 6]
assignée à personne morale habilitée le 11 février 2015
SYNDICAT POUR L'AMELIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DU TAXI ET DES SERVICES RENDUS AUX USAGERS
[Adresse 8]
C/O [Adresse 8]
[Adresse 8]
assigné à étude le 26 janvier 2015
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- PAR DEFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Par arrêt rendu par défaut le 5 avril 2016, auquel la présente décision renvoie pour un plus ample exposé des faits et procédures, la cour d'appel de céans a ordonné la réouverture des débats afin que les parties concluent sur l'incidence des décisions du Conseil d'Etat du 9 mars 2016 et du tribunal correctionnel de Lille du 17 mars 2016 sur le litige qui lui est soumis.
Par leurs dernières conclusions transmises le 23 mai 2016, la SAS Voxtur, la SASU Greentomatocars et la SAS Transdev Shuttle France, appelantes, demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les sociétés Uber France et Uber BV de leurs demandes de sursis à statuer et de leurs demandes ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 873 al.1 du code de procédure civile ;
Et, statuant à nouveau :
- constater que les sociétés Uber France et Uber BV organisaient, par le biais du service uberPOP, qu'elles ont provisoirement suspendu, un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l'article L. 3120-1 du code des transports sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code des transports, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du même code, en violation de l'article L. 3124-13 du code des transports et par complicité, de l'article L. 3124-4 du même code ;
- constater que les sociétés Uber France et Uber BV , en percevant une commission sur le service uberPOP, commettaient l'infraction de recel du délit prévu et réprimé à l'article L.3124-4 du code des transports ;
- constater que ces violations évidentes de la loi constituent un trouble manifestement illicite ;
- constater le risque réel de reprise d'un service similaire ou ne respectant pas les dispositions du code des transports eu égard aux déclarations et l'attitude d'Uber, et constater la nécessité de prévenir la survenance de ce dommage ;
- dire et juger que la règle posée à l'article L.3124-13 du code des transports ne constitue pas une règle technique au sens de la Directive 98/34 invoquée par Uber car elle ne concerne les services de la société de l'information que d'une manière implicite ou incidente ;
- dire et juger que l'article L.3124-13 n'est pas concerné par l'exigence de notification de la Directive 98/34
En conséquence :
- faire injonction aux sociétés Uber BV et Uber France de ne pas proposer au public, directement ou indirectement, le service dénommé uberPOP et tout système équivalent de mise en relation de clients avec des personnes qui proposent une prestation de transport routier de personnes effectuée à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places dans des conditions ne respectant pas le titre II du livre Ier de la troisième partie du code des transports, sous astreinte de 250.000 euros par infraction constatée ;
- faire interdiction aux sociétés Uber BV et Uber France de proposer et participer, directement ou indirectement, à toute opération de facturation en relation avec le service dénommé uberPOP et tout système de mise en relation de clients avec des personnes qui proposent une prestation de transport routier de personnes effectuée à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places dans des conditions ne respectant pas le titre II du livre Ier de la troisième partie du code des transports, sous astreinte de 50.000 euros par infraction constatée ;
- ordonner la publication dans les quinze jours de son prononcé de la décision à intervenir pendant un mois en page d'accueil des sites Internet www.uber.com et www.chauffeur-uber.com ainsi que dans deux quotidiens nationaux du choix des requérantes et aux frais des sociétés Uber, dans la limite de 20.000 euros par publication ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- condamner solidairement les sociétés Uber BV et Uber France à payer aux sociétés Voxtur, Greentomatocars et Transdev Shuttle France la somme de 50.000 euros chacune de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elles soutiennent que les dispositions de l'article L 3124-13 du code des transports ne visent pas exclusivement les services de la société de l'information mais constituent une règle générale interdisant tout système de mise en relation de clients et de chauffeurs non-professionnels, sans distinguer que ce système de mise en relation utilise une voie électronique ou une autre voie (stations dans la rue, petites annonces, etc), et n'avaient donc pas à être notifiées, et se réfèrent à la décision du Conseil d'Etat du 9 mars 2016, qui a jugé que l'article R. 3124-13 du code des transports n'était pas une règle technique et n'avait donc pas à l'être non plus.
Elles font valoir que ni le jugement du tribunal correctionnel de Lille du17 mars 2016 ni la question préjudicielle n'ont été communiqués par les sociétés Uber BV et Uber France.
Elles font encore valoir que l'activité de chauffeur UberPOP est illégale, nonobstant l'éventuelle inopposabilité de l'article L 3124-13 du code des transports, la plate-forme UberPOP fournissant à des faux taxis et des faux VTC l'outil indispensable pour entrer en contact avec leurs clients et ainsi commettre des délits, ce qui rend nécessaire l'intervention du juge des référés afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite constitué par la violation évidente de la règle de droit.
Elles ajoutent que, quelques jours après l'audience de plaidoirie du 9 février 2016, la société Uber a modifié ses conditions générales applicables à la France, qui mentionnent désormais à l'article 5 une offre de 'services de transport de particulier à particulier sans détenir de licence ou de permis professionnel', de sorte que le dommage est plus qu'imminent et le trouble manifestement illicite, au jour du jugement attaqué, et en tout état de cause, au jour où la cour se prononcera.
Elles reprennent pour le surplus les moyens de fait et de droit débattus lors de l'audience de plaidoirie du 9 février 2016.
Par avis transmis le 20 mai 2016, le Ministère Public, appelant, conclut :
- qu'il y a lieu de ne pas statuer sur la question intéressant la compatibilité des articles L. 3120-2 III 1° et L. 3124-13 du code des transports, pour considérer, même si le Conseil d'Etat a déjà estimé que l'article L. 3120-2 III 1°était 'inconventionnel', qu'il convient d'attendre la décision de la CJUE déjà saisie par le Tribunal correctionnel de Lille pour rendre une décision globale concernant ces deux articles intéressant les services de la société d'information ;
- que le juge des référés devra donc se déclarer incompétent pour statuer sur la mise en oeuvre de ces deux dispositions ;
- qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a enjoint les sociétés Uber France et Uber BV de retirer de leur support de communication toute mention qui présenterait comme licite :
* le fait de s'arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique en attente de client sans être titulaire d'une autorisation réservée aux taxis, en violation de l'article L.3120-2 II du code des transports,
* le fait, la course terminée et sauf réservation préalable, de ne pas retourner au lieu d'établissement ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, en violation des dispositions de l'article L.3122-9 du code des transports et ce, pour le montant de l'astreinte fixée par le Tribunal de commerce de Paris.
Il fait valoir que le juge des référés ne peut pas appliquer un texte dont il n'est pas certain qu'il puisse juridiquement fonder une interdiction de mise en relation de clients particuliers avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l'article L.3120-1, sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du présent livre, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du présent titre ; qu'il ne paraît pas
davantage possible à un juge des référés de surseoir à statuer pendant un temps qui ne peut être précisé ; que I'ensemble du litige portant sur l'application des articles L. 3120-2 III 1° et L.3124-13 du code des transports ne pourra être traité que par le juge du fond ; que le juge des référés, qui aura décidé d'attendre la réponse à la question préjudicielle posée par le tribunal correctionnel de Lille, devra en conséquence se déclarer incompétent pour statuer en référé, sur l'application des articles L. 3120-2 III, l° et L.3124-13, en l'absence de trouble actuel qui soit manifestement illicite.
A l'inverse, il fait valoir que, dans son arrêt du 9 mars 2016, le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur l'article L.3120-2 II du code des transports qui n'a pas trait à un «service de la société de l'information '' mais à l'exercice même de l'activité des voitures de tourisme avec chauffeur, sans référence à la géolocalisation, et que cette décision ne peut donc être invoquée ici ; que lorsque les sociétés Uber BV et Uber France utilisent un support de communication pour présenter comme licites les activités que l'article L.3120-2 Il interdit, il n'est pas question d'un service effectué à distance, sans que les parties soient simultanément présentes et assuré par voie électronique, déclenché par une demande individuelle du destinataire et rémunéré, mais bien de la présentation de l'activité des sociétés Uber BV et Uber France.
Par ses dernières conclusions transmises le 23 mai 2016, l'association Union Nationale des Taxis, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Sur son intervention volontaire
- dire son intervention volontaire recevable et bien fondée ;
- confirmer sur ce point l'ordonnance entreprise ;
Sur son intervention principale
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté l'Union Nationale des Taxis de sa demande aux fins d'interdiction des sociétés Uber France et Uber BV de proposer un système utilisant une technique de géolocalisation contraire aux dispositions de l'article L. 3120-2 III 1° du Code des Transports ;
- en conséquence, constater l'existence d'un trouble manifestement illicite et l'urgence ;
- faire interdiction aux sociétés Uber France et Uber BV de proposer, dans un délai de 24 heures à compter de la date de l'arrêt à intervenir, le service actuellement dénommé Uberpop et tout système équivalent de mise en relation des clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l'article L.3120-1 du code des transports sans être des entreprises de transports routiers pouvant effectuer des services occasionnels mentionnés au chapitre III du titre Ier du livre Ier de la 3 ème partie du code des transports, ni des taxis ni des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transports avec chauffeur au sens du même code et ce sous astreinte de 250.000 euros par jour de retard ;
- faire interdiction aux sociétés Uber France et Uber BV de proposer leurs services actuellement dénommés UberPOP, UberX, Uber BERLINEE et UberVAN et tout système équivalent en ce qu'ils utilisent une technologie de géolocalisation contraire aux dispositions de l'article L.3120-2 III 1° du Code des Transports sous astreinte de 250.000 euros par jour de retard et ce dans les 24 heures du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- se réserver la liquidation des astreintes ;
Sur son intervention accessoire :
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté l'Union Nationale des Taxis de son intervention accessoire ;
- y faire droit, et en conséquence, faire injonction aux sociétés Uber France et Uber BV de cesser de proposer au public directement ou indirectement dans un délai de 24 heures à compter de la décision à intervenir, le service actuellement dénommé UberPOP et tout système équivalent de mise en relation des clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l'article L.3120-1 du code des transports en l'occurrence des prestations de transport routier de personnes effectuées à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du Code des Transports, ni des taxis, ni des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du même code, et ce sous astreinte de 250.000 euros par jour de retard, dans les 24 heures du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- condamner les sociétés Uber France et Uber BV au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur l'appel incident des sociétés Uber France et Uber BV :
- dire et juger les sociétés Uber France et Uber BV mal-fondées en leur appel incident, les en débouter ;
- dire et juger mal-fondée la question préjudicielle présentée par les sociétés Uber France et Uber BV, s'agissant des dispositions des articles L3124-13 et L3120-2 II du code des transports, les en débouter ;
- donner acte à la concluante de qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de la question préjudicielle soulevée relativement aux dispositions de l'article L3120-2 III du code des transports ;
- confirmer pour le surplus la décision entreprise sauf à porter l'astreinte prononcée par le premier juge à la somme de 25.000 euros par jour de retard à compter de la décision dont appel et à tout le moins à compter du 9 avril 2015 ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- condamner les sociétés Uber France et Uber BV aux dépens.
Elle fait valoir que le conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 mai 2015, a retenu que la loi du 1er octobre 2014 prévoit l'interdiction de 'toutes les formes de maraude, quelle que soit la technologie utilisée'; que dès lors, les dispositions de l'article L.3120-2 du code des transports ne visent pas directement un service de la société de l'information.
Elle ajoute que le conseil d'état, dans son arrêt du 9 mars 2016, ne s'est pas prononcé sur l'article L 3120-2 II du code des transports qui n'a pas trait à un service de la société de l'information mais à l'exercice même de l'activité des voitures de tourisme avec chauffeur, son objet étant d'énumérer, sans référence à la géolocalisation, les pratiques interdites aux VTC; que le premier juge, au vu des éléments relevés par constat d'huissier sur le site internet d'Uber, a justement considéré que les sociétés Uber France et Uber BV en « affichant dans une communication aux termes ambigus, que les conducteurs peuvent se positionner '' en fonction de la localisation des autres partenaires d'Uber connectés au réseau sans préciser qu'il est illicite de le faire sur la voie publique contribuent « à tromper ses partenaires » et qu'il convenait de mettre fin à ce trouble manifestement illicite.
S'agissant des dispositions de l'article L. 3124-13 du code des transports, elle rappelle que le conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 septembre 2015 a considéré que le législateur n'a pas incriminé l'organisation des systèmes de mise en relation des personnes souhaitant pratiquer le covoiturage, tel que défini par l'article L. 3132-1, mais a entendu assurer le respect de la réglementation de l'activité de transport public particulier de personnes à titre onéreux ; que l'article L. 3124-13 n'entre donc pas dans le cadre de la directive du 22 juin 1998 mais bien à réprimer des agissements facilitant l'exercice d'une activité interdite.
Par ses dernières conclusions transmises le 24 mai 2016, la SAS Uber France et la société à responsabilité de droit néerlandais Uber BV, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :
A titre principal :
- constater la cessation du service UberPop et de tout service équivalent depuis le 3 juillet 2015 ;
- constater que l'article L. 3124-13 du code des transports est inopposable au justiciable depuis la publication de la loi n° 2014-1104 du 1 er octobre 2014 en raison de son incompatibilité avec la Directive 98/34/CE du 22 juin 1998 ;
- constater que les conditions de l'article L. 3124-4 du code des transports ne sont pas réunies, de sorte qu'aucune « complicité d'exercice illégal de l'activité de taxi » ne saurait être reprochée à Uber, relaxée de ce chef de prévention par le Tribunal correctionnel de Lille le 17 mars 2016 ;
- en conséquence, dire et juger qu'aucun trouble manifestement illicite ni aucun dommage imminent résultant du service UberPop ou de tout autre service équivalent ne saurait être constaté ;
- en conséquence, débouter la SAS Voxtur, la SAS Greentomatocars, la SAS Transdev Shuttle France et l'ensemble des intervenantes à titre accessoire de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- constater que l'article L. 3120-2 III 1°) du code des transports est inopposable à Uber, conformément à l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 mars 2016, de sorte que la notion de « maraude » réservée aux taxis est exclusive de tous les dispositifs de géolocalisation exploités par Uber et mettant en relation clients et chauffeurs professionnels ;
- en conséquence, confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté l'Union Nationale des Taxis de sa demande d'interdiction de l'application développée et exploitée par Uber sur le fondement combiné des articles L. 3120-2 et L. 3122-9 du code des transports définissant et protégeant la « maraude » réservée aux taxis ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit à la demande d'injonction formée par l'Union Nationale des Taxis fondée sur les articles L. 3120-2 et L. 3122-9 du code des transports prévoyant une définition nulle et non avenue de la « maraude » et annuler ladite injonction ;
A titre subsidiaire :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes de la SAS Voxtur, la SAS Greentomatocars, la SAS Transdev Shuttle France et l'ensemble des intervenantes à titre accessoire à l'encontre des sociétés Uber France et Uber BV et de leur service UberPop et fondées sur l'article L. 3124-13 du code des transports, ces demandes ne relevant pas de la compétence de la juridiction des référés ;
- constater que les extraits de vidéo produits par l'UNT ne démontrent aucune violation des articles L. 3120-2 et L. 3122-9 du code des transports, en ce sens qu'Uber n'incite les conducteurs ni à les enfreindre, ni à pratiquer une quelconque maraude.
A titre très subsidiaire :
- dire et juger qu'en raison du renvoi préjudiciel ordonné par le Tribunal correctionnel de Lille le 17 mars 2016 concernant l'article L. 3124-13 du code des transports, les conditions qui subordonnent l'application de l'article 873 al. 1 er du code de procédure civile font défaut en l'espèce, de sorte qu'il ne saurait y avoir lieu à référé ;
En tout état de cause :
- dire et juger que les conditions qui subordonnent l'application de l'article 873 du code de procédure civile font défaut en l'espèce, de sorte qu'il ne saurait y avoir lieu à référé ;
- dire et juger que les sociétés Voxtur, Greentomatocars, Transdev Shuttle France, l'Union nationale des taxis et les autres intervenantes à titre accessoire ne démontrent aucun trouble manifestement illicite ni aucun dommage imminent de sorte qu'il ne saurait y avoir lieu à référé ;
- dire et juger qu'aucun acte de concurrence déloyale n'est démontré à l'encontre d'Uber par les sociétés Voxtur, Greentomatocars, Transdev Shuttle France et l'Union nationale des taxis ;
- en conséquence, rejeter l'intégralité des prétentions formulées par les sociétés Voxtur, Greentomatocars, Transdev Shuttle France et l'Union nationale des taxis ;
- condamner les sociétés Voxtur, Greentomatocars, Transdev Shuttle France au paiement solidaire de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société l'Union nationale des taxis au paiement la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les sociétés Voxtur, Greentomatocars, Transdev Shuttle France et l'Union nationale des taxis aux dépens.
Elles font valoir que le Conseil d'Etat, par arrêt du 9 mars 2016, a relevé que la prohibition édictée par l'article L. 3120-2 III 1°) du code des transports constituait 'une exigence de nature générale visant spécifiquement l'accès à un service de la société de l'information', de sorte que ses dispositions devaient 'être regardées comme des règles techniques relevant de l'article 8 de la directive 98/34/CE'; que la loi du 1er octobre 2014 n'avait pas été valablement notifiée à la Commission européenne et que 'le 1° du III de l'article L. 3120-2 du code des transports est affecté d'un vice de procédure'; que le Conseil d'Etat a ainsi formellement et définitivement reconnu que la procédure d'adoption de l'article L. 3120-2 III 1°) du code des transports, qui constitue le fondement des demandes de l'Union Nationale des Taxis, aurait dû respecter l'obligation de notification prescrite par la Directive 98/34/CE, de sorte que ce texte devait être considéré comme affecté d'un « vice de procédure » qui le rend inopposable au justiciable ; que l'arrêt du Conseil d'Etat rétroagit à la date de publication de l'article L. 3120-2 III 1°) du code des transports soit le 1er octobre 2014; que dès lors, le caractère inopposable de l'article L 3120-2 III 1° du code des transports prive l'injonction du 12 décembre 2014 de tout fondement.
Elles ajoutent que le tribunal correctionnel de Lille, par jugement du 17 mars 2016, a relaxé Uber du chef de complicité d'exercice illégal de l'activité de taxi et a renvoyé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne sur le point de savoir si l'article L 3124-13 du code des transports aurait dû faire l'objet de la notification préalable prescrite par la directive 98/34/CE ; que ce renvoi préjudiciel traduit le profond doute exprimé par la juridiction pénale ; que le Conseil Constitutionnel n'a statué que sur la conformité de l'article L 3124-13 du code des transports au bloc de constitutionnalité français et non à sa compatibilité avec le droit européen ; que cet article est relatif au service de la société de l'information au sens de la directive 98/34/CE, l'exposé des motifs de la proposition de loi qui en est à l'origine visant spécifiquement à sanctionner les centrales de réservation organisant un système frauduleux de faux covoiturage.
Elles soutiennent qu'en tout état de cause, l'application conçue par Uber n'est pas illicite au regard des dispositions de l'article L 3120-2 III 1° du code des transports ; qu'en effet, l'utilisation d'applications de géolocalisation est autorisée aux plateformes d'intermédiation ; qu'en outre, selon les avis de l'Autorité de la concurrence, la maraude « traditionnelle » au sens de l'article L. 3120- 2 II du code des transports est exclusive des transports réalisés au moyen d'une réservation préalable.
Elles font valoir, s'agissant de l'obligation de retour « à la base » ou « dans un parking » s'imposant aux VTC et prévue à l'article L. 3122-9 du code des transports, qu'à la suite d'un amendement du Sénat le 23 juillet 2014, deux exceptions ont été prévues à cette obligation dans les cas où les VTC peuvent justifier d'une réservation préalable ou d'un contrat avec le client final.
SUR CE, LA COUR
Considérant que l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Que le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit ; que même si le référé est devenu sans objet au moment où elle statue, il appartient à la cour de déterminer si la demande était justifiée lorsque le premier juge a statué ;
Considérant que l'article L. 3120-2 III du code des transports dispose :
III.- Sont interdits aux personnes réalisant des prestations mentionnées à l'article L. 3120-1 et aux intermédiaires auxquels elles ont recours : 1° Le fait d'informer un client, avant la réservation mentionnée au 1° du II du présent article, quel que soit le moyen utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité d'un véhicule mentionné au I quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique sans que son propriétaire ou son exploitant soit titulaire d'une autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1 ;
2° Le démarchage d'un client en vue de sa prise en charge dans les conditions mentionnées au 1° du II du présent article ;
3° Le fait de proposer à la vente ou de promouvoir une offre de prise en charge effectuée dans les conditions mentionnées au même 1°'.
Considérant qu'en application de l'article 8 de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et règles relatives aux services de la société de l'information, tout Etat membre qui souhaite adopter une nouvelle règle technique au sens de cette directive ou modifier une règle technique existante doit, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne ou d'une exception expressément prévue par la directive, en informer la Commission européenne dans les conditions prévues à cet article ; que constituent notamment une règle technique au sens de la directive, selon l'article 11) de l'article 1er, une 'règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un Etat membre ou dans une partie importante de cet Etat, de même que, sous réserve de celles visées à l'article 10, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres interdisant (...) de fournir ou d'utiliser un service ou de s'établir comme prestataire de services' ; que la 'règle relative aux services' est définie au 5) du même article comme : 'une exigence de nature générale relative à l'accès aux activités de services visées au point 2 et à leur exercice, notamment les dispositions relatives aux prestataires de services, aux services et au destinataire des services, à l'exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis au même point' ; que selon le 2) de cet article, on entend par 'service' pour l'application de la directive : 'tout service de la société de l'information, c'est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services' ;
Considérant que la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur édicte des règles nouvelles, dont celle résultant de l'article L. 3120-2 III 1° précitée, interdisant aux personnes, non titulaires d'une autorisation de stationnement, d'informer un client, avant la réservation, et quel que soit le moyen utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité d'un véhicule, quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique ; que cette interdiction vise ainsi un service effectué à distance, sans que les parties soient simultanément présentes, assuré par voie électronique et déclenché par une demande individuelle du destinataire et rémunéré, de sorte qu'elle entre manifestement dans la définition du service de la société de l'information prévue par la directive 98/34/CE ; qu'elle a pour objet de réserver aux taxis la possibilité d'informer leurs clients à distance, par l'intermédiaire d'un service de réservation par voie électronique et grâce à un système de géolocalisation, de la localisation et de la disponibilité de leurs véhicules, faisant ainsi obstacle à l'utilisation d'un tel service de réservation par d'autres catégories de transporteurs, comme les VTC ; qu'elle constitue ainsi manifestement une exigence de nature générale visant spécifiquement l'accès à un service de la société de l'information et donc une règle technique relevant de l'article 8 de la directive ;
Que ces dispositions n'ont pas fait l'objet d'une transmission préalable à la commission européenne ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes que la méconnaissance de l'obligation de notification prévue à l'article 8 de la directive constitue un vice de procédure substantiel, de nature à entraîner l'inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte qu'elles ne peuvent être opposées aux particuliers ;
Qu'il résulte de l'inopposabilité des dispositions de l'article L. 3120-2 III 1° du code des transports aux sociétés Uber France et Uber BV que leur irrespect ne peut caractériser le trouble manifestement illicite invoqué ; que par ces motifs qui se substituent à ceux retenus par les premiers juges, l'ordonnance sera donc confirmée de ce chef, sauf à dire n'y avoir lieu à référé ;
Considérant que l'article L. 3124-13 du code des transports dispose :
' Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende le fait d'organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l'article L. 3120-1 sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du présent livre, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du présent titre.
Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2° à 9° de l'article 131-39 du même code.
L'interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Les peines prévues aux 2° à 7° dudit article ne peuvent être prononcées que pour une durée maximale de cinq ans.' ;
Considérant que l'article L. 3124-13 du code des transports punit donc le fait d'organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activité mentionnées à l'article L. 3120-1 (transport routier de personnes effectué à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places) sans être ni des taxis, des véhicules motorisés à 2 ou 3 roues, ni des VTC ; que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 septembre 2015 l'a déclaré conforme à la Constitution, au motif notamment que le législateur avait entendu réprimer des agissements facilitant l'exercice d'une activité interdite, de sorte que le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre qui n'est pas dirigé à l'encontre de dispositions réglementant l'activité de transport public particulier de personnes à titre onéreux était inopérant ;
Considérant que par jugement du 17 mars 2016, le tribunal correctionnel de Lille, statuant à l'égard d'Uber France notamment du chef de la prévention d'organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent au transport routier de personnes à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, faits prévus et réprimés par l'article L. 3124-13 du code des transports, a transmis à la cour de justice de l'union européenne la question préjudicielle suivante : 'L'article L3124-13 du code des transports, issu de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et voitures de transport avec chauffeur, est-il constitutif d'une règle technique nouvelle, non implicite, relative à un ou plusieurs services de la société de l'information au sens de la Directive 98/34/CE du 22 juin 1998, qui rendait obligatoire une notification préalable de ce texte à la Commission européenne en application de l'article 8 de cette directive ; ou ressort-il de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services, laquelle exclut en son article 2 d) les transports '' ;
Considérant que la CJUE est donc saisie d'une demande d'appréciation de la validité de l'article contesté au regard de la règle du droit de l'Union, telle qu'elle aurait dû être appliquée depuis sa mise en vigueur ; que l'arrêt qui sera rendu par la CJUE liera le juge national qui l'a saisie mais, au delà du cadre du litige à l'occasion duquel il aura été rendu, étendra ses effets à l'ensemble de l'ordre juridique, de sorte que l'ensemble des juges nationaux seront liés par l'interprétation donnée ; que la portée générale de l'arrêt de la CJUE, comme son effet rétroactif, pouvant avoir pour effet de bouleverser des situations acquises, il s'impose à la présente juridiction saisie de demandes tendant à obtenir des mesures coercitives sur le fondement du texte légal objet de la transmission, de surseoir à statuer pour des raisons liées à la sécurité juridique, étant rappelé que l'arrêt ou la suspension du service uberPop depuis le 3 juillet 2015 ne dispense pas la cour de statuer sur l'existence du trouble invoqué au jour où le premier juge a statué ;
Considérant que les sociétés Voxtur, Greentomatocars, Transdev Shuttle France font valoir qu'Uber, par son service UberPop, met à disposition de ses chauffeurs un système logistique encourageant et facilitant l'exercice illégal de la profession de taxi, délit réprimé par l'article L. 3124-4 du code des transports, et se rend donc complice de la commission de cette infraction, en application de l'article 121-7 du code pénal ; que la cour rappelle, qu'en cause d'appel, les moyens nouveaux sont recevables en application de l'article 563 du code de procédure civile ;
Considérant que l'article L. 3124-4 du code des transports dispose que ' Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 €d'amende le fait d'exercer l'activité d'exploitant taxi sans être titulaire de l'autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1" ;
Considérant que l'article L. 3121-1 du dit code définit la profession de taxi comme suit :
'Les taxis sont des véhicules automobiles comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, munis d'équipements spéciaux et d'un terminal de paiement électronique, et dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de clientèle, afin d'effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages' ;
Considérant que les sociétés appelantes n'établissent pas, dans le cadre de la présente instance, que des conducteurs proposant des prestations via UberPop, non titulaires de l'autorisation prévue à l'article précité, aient circulé sur la voie publique, en quête de clientèle, qu'ils auraient informée, avant toute réservation, de leur géolocalisation et de leur disponibilité ; qu'ils ne peuvent dans ces conditions prétendre établir que l'activité des sociétés Uber serait constitutive d'un trouble manifestement illicite en se rendant complice d'infractions à l'article L. 3124-4 du code des transports non matériellement manifestement établies ;
Considérant que l'Article L. 3120-2 de ce même code dispose :
' II.- A moins de justifier de l'autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1, le conducteur d'un véhicule mentionné au I du présent article ne peut :
1° Prendre en charge un client sur la voie ouverte à la circulation publique, sauf s'il justifie d'une réservation préalable ;
2° S'arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique en quête de clients ;
3° Stationner sur la voie ouverte à la circulation publique, à l'abord des gares et des aérogares ou, le cas échéant, dans l'enceinte de celles-ci, au-delà d'une durée, fixée par décret [1 heure suivant Décret n° 2014-371 du 26 mars 2014], précédant la prise en charge de clients, sauf s'il justifie d'une réservation préalable ou d'un contrat avec le client final.' ;
Et l'article L. 3122-9 du dit code :
' Dès l'achèvement de la prestation commandée au moyen d'une réservation préalable, le conducteur d'une voiture de transport avec chauffeur dans l'exercice de ses missions est tenu de retourner au lieu d'établissement de l'exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s'il justifie d'une réservation préalable ou d'un contrat avec le client final' ;
Considérant que l'article L. 3120-2 II, comme l'article L. 3122-9 ont ainsi pour finalité d'interdire à tous transporteurs autres que les taxis, la maraude sur la voie publique et le démarchage de clients sans réservation préalable ;
Considérant que les services proposés par les sociétés Uber font une place primordiale à la géolocalisation ; que celles-ci estiment que la décision du conseil d'état du 9 mars 2016 qui a considéré que l'article L. 3120-2 III 1° du code des transports est affecté d'un vice de procédure pour irrespect de la procédure de l'article 8 de la directive du 22 juin 1998, autorise la maraude électronique ; que l'UNT répond que la conseil d'état ne s'est pas prononcé sur l'inopposabilité des articles L. 3120-2 II et L. 3122-9 du code des transports ;
Considérant que le vice de procédure affectant l'application de l'article L. 3120-2 III 1°, n'est pas invoqué par les sociétés Uber à l'égard de ces deux textes et ne peut être retenu par le seul effet d'un simple raisonnement déductif ; qu'ils sont donc manifestement applicables aux sociétés Uber , étant relevé qu'ils ne prohibent pas précisément la géolocalisation, mais la prise en charge des clients sur la voie publique sans réservation préalable ;
Considérant qu'il leur est fait grief de tromper leurs utilisateurs sur l'interdiction de pratiquer la maraude ; que l'UNT verse aux débats deux constats d'huissier : du 3 novembre 2014 qui indique notamment 'sur cette image d'écran de smartphone associée à la première fonctionnalité de l'application à savoir 'Choisissez un lieu de prise en charge', je constate qu'apparaissent des véhicules localisés à proximité du lieu de situation de l'usager' (...)'Nous vous recommandons de ne passer en ligne que lorsque vous êtes totalement disponible pour effectuer des courses et vous rendre immédiatement sur le lieu de prise en charge du client. Nous vous recommandons donc de ne pas vous connecter chez vous, avant un rendez vous ou avant tout événement qui pourrait vous empêcher de vous rendre immédiatement sur le lieu de prise en charge du client (...)' ; et du 12 mars 2015 qui retranscrit quelques passages de la présentation vidéo par Uber de ses applications : ' Une carte géographique de votre ville vous permet de vous (...) positionner. Plus la zone apparaît en vert et plus la demande sur cette zone est forte. En vous connectant à l'application client vous pouvez également voir les véhicules les plus proches de vous, ce qui vous permet de vous positionner en fonction de la localisation des autres partenaires UBER connectés au réseau' (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que les recommandations préconisées par les sociétés Uber aux chauffeurs utilisateurs de leurs applications ne les invitent pas à retourner au lieu d'établissement de l'exploitant ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, mais au contraire leur recommande de ne pas se connecter chez eux, ce qui leur permet avec l'application 'client', de repérer la zone où la demande est la plus forte pour se rendre rapidement sur le lieu de prise en charge du client ; que cette communication favorise ainsi manifestement la maraude sur la voie publique, contraire aux dispositions des articles L. 3120-2 II et L. 3122-9 du code des transports, et constitutive d'un trouble manifestement illicite ; que l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a interdit sous astreinte toute communication trompeuse au visa des dites dispositions légales ; qu'il n'apparaît pas opportun de majorer l'astreinte fixée par les premiers juges à compter de la présente décision ;
Considérant qu'il convient de surseoir à statuer sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance de référé en ce qu'elle a fait injonction aux sociétés Uber France et Uber BV de retirer de leur support de communication toute mention qui présenterait comme licite de fait de s'arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique en attente de client sans être titulaire d'une autorisation réservée aux taxis, en contravention avec l'article L. 3120-2 II du code des transports, ainsi que le fait, la course terminée, et sauf réservation préalable, de ne pas retourner au lieu d'établissement ou dans un lieu, hors la chaussée, où le stationnement est autorisé, en contravention avec les dispositions de l'article L. 3122-9 du code des transports, sous astreinte dont les modalités ont été fixées au dispositif ;
Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a 'débouté' l'UNT de sa demande de faire interdiction à Uber France et Uber BV de proposer un système utilisant la technologie de géolocalisation contraire aux dispositions de l'article L. 3120-2 III 1° du code des transports, sauf à dire n'y avoir lieu à référé ;
L'infirme pour le surplus
Statuant à nouveau et y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés Voxtur, Greentomatocars, Transdev Shuttle France fondées sur les dispositions de l'article L. 3124-4 du code des transports ;
Sursoit à statuer sur les demandes des sociétés Voxtur, Greentomatocars Transdev Shuttle France et de l'UNT jusqu'à ce que la CJUE ait statué sur la question préjudicielle relative aux dispositions de l'article L. 3124-13 du code des transports ;
Sursoit sur les demandes formées au titre des indemnités de procédure ;
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT