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20/02/2015 | FRANCE | N°14/09887

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 20 février 2015, 14/09887


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 20 FEVRIER 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09887



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2014 prononcé par la 10ème Chambre du Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2013059037





APPELANTE



SAS ABENEX CAPITAL représentant les fonds professionnels de capital

investissement AAC FRANCE 2005 A et AAC FRANCE 2005 B

immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n°418.938.528

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Matthieu B...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 20 FEVRIER 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09887

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2014 prononcé par la 10ème Chambre du Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2013059037

APPELANTE

SAS ABENEX CAPITAL représentant les fonds professionnels de capital investissement AAC FRANCE 2005 A et AAC FRANCE 2005 B

immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n°418.938.528

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Frédérik AZOULAY, du cabinet d'avocats DLA PIPER UK LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : 235

INTIMÉ

Monsieur [D] [E]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant Me Patricia COLETTI, de la SELAS CPC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0567

INTIMÉE

Madame [G] [W] épouse [E]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant Me Patricia COLETTI, de la SELAS CPC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0567

INTIMÉE

Société civile AXELIA

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant Me Patricia COLETTI, de la SELAS CPC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0567

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur François FRANCHI, Président de chambre

Madame Michèle PICARD, Conseillère

Madame Christine ROSSI, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François FRANCHI dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY

MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, greffier présent lors du prononcé.

*

En 1987, Monsieur [J] [E] (qui ne détenait à l'origine que 10% de l'entreprise) et d'autres associés ont créé la société REPONSE, société spécialisée dans le conseil et l'ingénierie en aménagement d'espaces de vente, notamment pour les réseaux de distribution.

Après une première expérience dans l'audit, Monsieur [D] [E] est entré dans le groupe Réponse en 1992, en qualité de contrôleur de gestion pour devenir ensuite Directeur Administratif et financier puis Directeur Général Délégué, poste qu'il a occupé jusqu'en 2008, au développement du groupe Réponse en France comme à l'étranger, notamment en Italie.

Le groupe a connu un essor certain devenant l'un des leaders français et italien du secteur.

La société REPONSE a été cotée sur le marché Euronext Paris pendant 10 ans, soit jusqu'en juillet 2008, Monsieur [D] [E] et sa famille acquérant à titre onéreux en bourse graduellement des actions du groupe.

*

La société ABENEX CAPITAL, anciennement dénommée ABN AMRO CAPITAL FINANCE, société de gestion agréée par l'Autorité des Marchés Financiers, gère dans ce cadre des fonds professionnels de capital investissement (FPCI), régis par les dispositions des articles L. 214-159 du Code monétaire et financier, notamment les Fonds Abénex, AAC France 2005 A et AAC France 2005 B et est spécialisée dans les prises de participation de sociétés, détenant aujourd'hui de grandes enseignes comme notamment Buffalo Grill, Retif et RG Safety.

Et elle se présente sur son site internet comme une société leader sur le marché français du capital investissement dans le segment « mid market » en précisant avoir investi plus de 900 millions d'euros d'investissements depuis 2000 et réalisé une soixantaine d'opérations.

*

En 2008, les associés historiques du groupe REPONSE 1 (famille [E]) s'associaient aux fonds communs de placement « AAC France 2005 A» et « AAC France 2005 B » pour poursuivre le développement du groupe dans le cadre d'une opération de capital-investissement (LMBO).

Ainsi,

- en mai, les Fonds Abénex ont pris le contrôle du Groupe Réponse sous forme d'achat d'un bloc majoritaire auprès de la famille [E],

- en juillet une opération de capital-investissement était réalisée à travers l'offre publique d'achat amicale, au terme de laquelle Réponse a été retirée de la cote.

Les actions Réponse ont été acquises à travers une société spécialement créée pour procéder à cette acquisition, Calicot Holding, désormais dénommée Réponse Invest, détenue majoritairement par les Fonds Abénex.

Pour ce faire, les Fonds Abénex ont investi dans l'opération près de 15 millions d'euros.

Le plan d'affaires sur la base duquel l'opération a été structurée, et sur la base duquel les Fonds Abénex ont souhaité réaliser cette opération, avait été préparé par Monsieur [D] [E]. Ce plan d'affaires prévoyait que le Groupe Réponse réaliserait un chiffre d'affaires de 147,3 millions d'euros et un résultat d'exploitation (EBITA) de 10,3 millions d'euros en 2012. (PIECE n°4 : Présentation d'Affectio Capital & Conseil & Conseil du 28 mai 2008, à l'attention des Managers du Groupe Réponse)

Les anciens actionnaires majoritaires de l'entreprise cédée ont donc souhaité être associés à l'opération pour bénéficier également de l'accroissement de valeur espéré, en portant donc une partie du risque afférent en cas de perte de valeur de l'entreprise et ils ont donc "réinvesti" une partie du prix de cession dans la holding de reprise (à hauteur d'environ 28% du capital de Réponse Invest).

Monsieur [D] [E] et son épouse Mme [W]-[E] sont ainsi devenus actionnaires de Réponse Invest à hauteur de plus de 10% du capital. Une partie de cette participation a par la suite été logée par les époux [E] dans une holding personnelle, la société civile Axelia.

Ces actions ont été valorisées à 1 euro donc à la même valeur que pour les fonds d'investissement.

*

Un pacte d'actionnaires a été conclu le 19 mai 2008 par l'ensemble des porteurs de valeurs mobilières émises par Réponse Invest à l'effet de définir à la fois les principes devant organiser leurs rapports et l'encadrement des cessions de titres Réponse Invest. (PIECE n°5 : Pacte d'Actionnaires du 19 mai 2008)

*

Des promesses unilatérales de vente ont été consenties au profit des fonds communs ABENEX.

En l'espèce, le 19 mai 2008, Monsieur [D] [E] et son épouse Madame [G] [E], puis, le 17 décembre 2008, la holding, ont chacun consenti aux fonds communs AAC France 2005 A et AAC France 2005 B représentés par la société Abénex capital une promesse unilatérale de vente portant sur leurs actions ordinaires et bons de souscription d'actions émis par Réponse Invest.

PIECES n°22 à 24 : Promesses de Vente

Pièce [E] n° 4 : Promesse souscrite par [D] [E]

Pièce [E] n° 5 : Promesse souscrite par [G] [W] [E]

Pièce [E] n° 6 : Promesse souscrite par AXELIA

Plus précisément, dans certaines hypothèses, dont celle d'un départ, ils se sont engagés de manière irrévocable à vendre aux bénéficiaires les actions et les bons de souscription d'actions Managers ( BSA Managers) sous promesse de la société Réponse Invest qu'ils détiendraient à la « date de Départ ».

Selon la Promesse, la « date de Départ » désigne le départ en cas de licenciement, de démission, de départ à la retraite, révocation du mandataire social de la société Réponse Invest, de Monsieur [D] [E] (Article 1.1. Définitions).

Et l'article 5 de la Promesse définit le prix de cession des actions et des BSA Managers qui diffère selon l'hypothèse de départ de Monsieur [D] [E] : Départ Bad Leaver (« dans de mauvaises conditions ») ou Départ Good Leaver (« dans de bonnes conditions »).

Enfin, l'article 10 de la promesse prévoit une procédure d'expertise en cas de litige relatif au Prix Normal.

La prise de contrôle par les Fonds Abénex s'est également accompagnée d'une réorganisation de la gouvernance du Groupe Réponse':

- Monsieur [J] [E], dirigeant historique, a décidé de prendre du recul au titre de ses fonctions opérationnelles au bénéfice de son fils, Monsieur [D] [E], en devenant Président du Conseil de Surveillance de Réponse Invest.

- [D] [E] a été désigné Président du Directoire de Réponse Invest, et plus généralement Président du Groupe Réponse.

- Monsieur [D] [E] était en outre mandataire social non rémunéré des filiales françaises et étrangères du groupe et notamment des deux plus importantes REPONSE SA et Contract Srl en Italie.

*

Un mécanisme d'intéressement était également mis en place

- Les Investisseurs non Managers (c'est-à-dire, les Fonds Abénex et Monsieur [J] [E]) ont investi dans Réponse Invest en actions (à 32%) et principalement (à 68%) en obligations convertibles en actions (OC), deux catégories d'OC étant émises par Réponse Invest à leur destination :

. des OC de catégorie 1 souscrites par Monsieur [J] [E] (OC1),

. des OC de catégorie 2 souscrites par les Fonds Abénex (OC2).

Les termes et conditions des différentes catégories d'OC (« Termes et Conditions OC1» et « Termes et Conditions OC2 ») définissent les conditions dans lesquelles les OC peuvent être converties.

PIECE n°6 : Termes et Conditions des OC1 annexés au Pacte d'Actionnaires du 19 mai 2008

PIECE n°7 : Termes et Conditions des OC2 annexés au Pacte d'Actionnaires du 19 mai 2008

Conformément aux Termes et Conditions des OC1 et des OC2, les OC ne donnent droit qu'au remboursement de leur valeur nominale et à un intérêt de 10% par an, intégralement capitalisé.

Moyennant quoi, une partie prépondérante (68%) du retour sur investissement des Investisseurs non Managers était plafonnée au seul rendement offert par le taux d'intérêt des OC et compte-tenu de la capitalisation des intérêts, ils ne pouvaient bénéficier de ce rendement que lors de la revente de leur participation, et uniquement en cas de succès de l'opération.

*

* les Managers du Groupe Réponse bénéficiaient d'un double intéressement

En l'espèce, l'investissement de Monsieur [D] [E] et des autres Managers était structuré de la manière suivante :

- les Managers bénéficiaient d'un accès initial privilégié au capital de Réponse Invest par rapport aux investisseurs dits non Managers et ont donc investi exclusivement en titres de capital, acceptant plusieurs aléas puisque:

. l'accroissement de valeur n'était qu'éventuel mais la rentabilité de cet investissement n'était pas limitée à un taux d'intérêt comme pour les Investisseurs non Managers, porteurs d'OC.

. la valeur des actions était liée à la réalisation de certains niveaux de performance et les Investisseurs non Managers avaient la possibilité de convertir tout ou partie des OC en cas de cession du Groupe Réponse par les Fonds Abénex, qualifiée donc de « Sortie » par les Termes et Conditions des OC1 et des OC2, si certains seuils de performance n'étaient pas atteints, cette conversion des OC ayant pour effet de diluer les Managers, donc d'amenuiser leur part dans l'éventuelle plus-value de Sortie tout en augmentant la part des Investisseurs non Managers.

- les Managers bénéficiaient d'un accès supplémentaire au capital de Réponse Invest, structuré à travers des bons de souscription d'action attachés aux ABSA (BSA Managers) qui pouvaient être exercés en cas de cession du Groupe Réponse par les Fonds Abénex, pareillement qualifiée de « Sortie » par les termes et conditions des BSA Manager. PIECE n°8 : Termes et Conditions des BSA Manager

Monsieur [D] [E] a souscrit la totalité de son investissement sous forme à la fois d'ABSA et d'actions ordinaires de Réponse Invest.

*

Il est constaté que de la sorte :

- la totalité de son investissement bénéficiait des perspectives d'accroissement de valeur du capital (c'est-à-dire la plus-value sur les titres) supérieur au taux d'intérêt des OC dans la mesure où l'éventuelle plus-value de revente peut dépasser les 10% produits par les OC. Et cette structuration de son investissement à travers des BSA Managers était conçue pour permettre à Monsieur [D] [E] de détenir, directement ou indirectement, plus de 10% du capital de Réponse Invest, alors que son investissement ne représentait qu'environ 4% de la totalité des investissements dans Réponse Invest. (effet de levier lui permettant d'obtenir en capital 2,5 fois le montant qu'il a réellement investi).

- les Managers pouvaient réaliser sur la base des comptes à fin 2011 (c'est-à-dire dans l'hypothèse d'une Sortie en 2012), un multiple de 5,7 fois leur investissement, en cas de réalisation du plan d'affaires préparé par Monsieur [D] [E] ;

- dans les mêmes conditions, les Investisseurs non Managers ne pouvaient réaliser, quant à eux, qu'un multiple de 2,7 fois leur investissement.

PIECE n°9 : Tableau et graphique des illustrations des effets de levier

- les mécanismes d'intéressement en place étaient donc un avantage conféré aux Investisseurs Managers lorsque l'entreprise est revendue, c'est-à-dire en cas de Sortie, mais uniquement si certaines conditions de performance étaient réalisées et donc ils avaient intérêt à ce que la valeur du Groupe Réponse augmente, et il leur était à ce titre offert des perspectives de retour sur leur investissement proportionnellement plus importantes. En l'absence de création de valeur, leur part dans la plus-value générée était destinée à être plafonnée à hauteur de leur investissement initial en capital (4% dans le cas de Monsieur [D] [E]).

*

Par ailleurs, les mécanismes contractuels de liquidité des titres des Managers étaient prévus et destinés à jouer :

1 - au moment de la revente de la société, c'est-à-dire à la "sortie". (1)

En effet, c'est uniquement au moment d'une sortie que sont connus l'existence - ou non -

d'une plus-value et son montant, et par conséquent l'importance de l'intéressement des

Managers.

2 - en cas de Départ d'un Manager avant une Sortie afin de lui faire bénéficier, le cas échéant, de la valeur créée pendant la durée de sa participation à l'opération. (2)

(1) En cas de Sortie (cession du Groupe Réponse),

le Pacte d'actionnaires stipule :

- Une clause de Retrait Obligatoire (clause dite de « drag along », obligeant les investisseurs minoritaires, dont Monsieur [D] [E], à céder au tiers cessionnaire l'intégralité de leurs titres concomitamment et selon les mêmes conditions de prix que celles dont bénéficient les Fonds Abénex ;

PIECE n°5 : Pacte d'Actionnaires du 19 mai 2008, page 33 16

- Une clause de Droit de Sortie Totale (clause dite de « tag along », permettant aux

investisseurs minoritaires de céder leurs titres selon les mêmes modalités que celles

dont bénéficient les Fonds Abénex.

PIECE n°5 : Pacte d'Actionnaires du 19 mai 2008, page 27

Cela suppose néanmoins que tel Manager fasse encore partie du Groupe Réponse au moment de la Sortie. Dans le cas contraire, d'autres règles étaient prévues au Pacte d'Actionnaires.

(2) En cas de départ (avant Sortie),

le Pacte d'actionnaires prévoit un mécanisme de promesses croisées (d'achat et de vente) sur les titres Réponse Invest : actions ordinaires et bons de souscription d'actions (article 11 du Pacte d'actionnaires PIECE n°5 : page 38 - PIECES n°22 à 24 : Promesses de Vente)

Ainsi, les promettants se sont engagés à céder leur participation au capital de Réponse Invest aux Fonds Abénex dans l'éventualité où Monsieur [D] [E] quitterait le Groupe Réponse de manière anticipée, c'est-à-dire avant sa cession par les Fonds Abénex ou encore,

dit autrement, AVANT une sortie :

. D'une part, en cas de Sortie, seuls les mécanismes de liquidité prévus au Pacte d'Actionnaires (Retrait Obligatoire ou Droit de Sortie Totale) sont destinés à être mis en 'uvre, pas les Promesses de Vente ;

. D'autre part, parce que les Promesses de Vente sont destinées à jouer AVANT une Sortie, elles prévoient (Article 6, "Droit de Suite") un complément de prix pour les Actions et les BSA Managers détenus par les Promettants en cas de survenance d'une Sortie APRES le Départ de [D] [E] et l'exercice des Promesses (voir ci-dessous, Section 2.2.2 (i)).

***

Le chiffre d'affaires consolidé de REPONSE a chuté de 105 millions d'euros en 2008 à 88 millions d'euros en 2011 pour s'établir en 2012 à 73 millions, soit un recul de 30% depuis 2008. Et la chute du chiffre d'affaires s'est éloigné des objectifs du plan d'affaires initial préparé par Monsieur [D] [E] (PIECE n°18 : Tableau et graphique des illustrations des sous-performance du Groupe Réponse) à un point tel qu'en juin 2012, le Groupe Réponse accusait un retard de chiffre d'affaires de 14% par rapport à 2011 et de 22% par rapport au budget. Le carnet de commandes était en baisse de 32% par rapport à fin juin 2011.

Les perspectives de chiffre d'affaires consolidé pour 2012 étant donc particulièrement inquiétantes et ces baisses n'ayant pas été anticipées par le Président du Directoire, aucun plan pour y faire face n'étant prévu, le Conseil de Surveillance de la société Réponse Invest décidait de révoquer Monsieur [D] [E] de ses fonctions de Président et de membre du Directoire de la société Réponse Invest, ce qu'il faisait par décision du 26 juin 2012.

Puis, le 31 juillet 2012, Monsieur [E] a été licencié de ses fonctions salariées au sein de Réponse Invest.

PIECE n°10 : Procès-verbal du Conseil de Surveillance de Réponse Invest du 26 juin 2012

PIECE n°11 : Procès-verbal de l'assemblée générale des associés de Réponse du 26 juin 2012

PIECE n°12: Lettre de licenciement de Monsieur [D] [E] du 31 juillet 2012

*

1 - par lettre recommandée du 24 septembre 2012, la société ABENEX a notifié à Monsieur [D] [E], Madame [G] [W]-[E] et la société AXELIA sa décision de levée d'option et sa décision de se placer dans une hypothèse de Départ «Good leaver», ce que les Intimés n'ont d'ailleurs jamais contesté comme l'a relevé le Tribunal dans son jugement.

De fait, à compter de la date du 26 juin 2012, et après avoir été révoqué des divers mandats qu'il détenait dans le Groupe Réponse, Monsieur [D] [E] n'a plus exercé aucune fonction au sein du Groupe Réponse (cas de «Départ» au sens des Promesses de Vente). Et ce dernier tirant la plus grande partie de ses revenus au sein du Groupe Réponse de ses fonctions de Président du Directoire, la date de révocation de ce mandat constitue contractuellement la « Date de Départ » à prendre en compte lors de la mise en 'uvre des Promesses de Vente, soit le 26 juin 2012.

Les Fonds ABENEX considéraient être dès lors en droit d'exercer les Promesses de Vente dans les conditions de ce "Départ Good Leaver".

La société Abénex a indiqué que cette levée d'option intervenait à un prix unitaire de cession de 1,2693 euros pour les actions et de 0, 255 euro pour les BSA Managers.

Pièce [E] n° 7 -1 : Lettre de levée d'option adressée à [D] [E] le 24 septembre 2012

Pièce [E] n° 7-2 : Lettre de levée d'option adressée à [G] [W] [E] le 24 septembre 2012

Pièces [E] n° 7-3 : Lettre de levée d'option adressée à Axelia le 24 septembre 2012

2- Par trois lettres recommandées avec avis de réception en date du 24 septembre 2012, les Fonds ABENEX, représentés par ABENEX Capital, ont notifié l'exercice respectif des Promesses de Vente à chacun des Promettants (PIECES n° 25 à 27 : Courriers de notification d'exercice des Promesses de Vente des Fonds Abénex du 24 septembre 2012), se référant au prix applicable en cas de «Départ Good Leaver » conformément à la formule de l'article 1 des Promesses de Vente « Définitions et Interprétations » pour parvenir à un prix unitaire de cession défini comme le « Prix Normal ».

Conformément à cette stipulation, ce «Prix Normal» avait été déterminé par le Conseil de Surveillance de la Société du 24 septembre 2012, tenu sous la présidence et la signature de Monsieur [J] [E]. (PIECE n° 17 : Procès-verbal des décisions du Conseil de Surveillance de Réponse Invest, en date du 24 septembre 2012), le Prix Normal ainsi fixé étant de 1,2693 € par action et 0,255 € par BSA, sachant que :

. Monsieur [D] [E] détenait 185.952 actions et 71.282 BSA ;

. Madame [G] [E] détenait 137.087 actions et 52.550 BSA ;

. La société Axelia détenait 384.701 actions et 122.375 BSA.

3- Par lettre du 3 octobre 2012, les Promettants ont pris acte de la levée de chacune des Promesses de Vente, tout en contestant à la fois le Prix Normal, qui s'élèverait selon eux à 2,2094 € par action, et le nombre de BSA sous promesse : « Si je prends acte de votre levée d'option et vous confirme être bien titulaire de 185 952 actions sous promesse, je conteste totalement à la fois le prix unitaire non détaillé et non justifié de 1,2693 euros par Action sous Promesse et le nombre de BSA dû. (') Ainsi le Prix de cession total devant m'être versé est de (..)410.842,35 € au titre des 185.952 Actions sous promesse et de (') 29.413,23 € au titre des BSA, sensiblement différent de celui que vous annoncez. Comme vous ne me donnez aucun détail relatif à votre méthode de calcul, je ne puis que la contester dans sa globalité et vous saurais gré de bien vouloir me communiquer votre méthode de calcul. »

Pièce [E] n° 8 -1 Lettre de réponse de [D] [E] à la levée d'option

Pièce [E] n° 8 -2 Lettre de réponse de [G] [W] [E] à la levée d'option

Pièce [E] n° 8 -3 Lettre de réponse de AXELIA à la levée d'option

Autrement dit les Promettants ont donc pris acte de la levée de chacune des Promesses de Vente, tout en contestant à la fois le Prix Normal, qui s'élèverait selon eux à 2,2094 € par action, et le nombre de BSA sous promesse. Et aux termes de cette lettre, ils ont adressé les modalités de calcul du prix des actions conforme à la Promesse, aboutissant à un prix unitaire de 2,2094 euros par action au lieu du prix unitaire de 1,2693 euros proposé.

4- Par lettre du 8 novembre 2012, ABENEX Capital a constaté l'existence d'un désaccord entre les parties relatif à la détermination du Prix Normal, en raison notamment d'une divergence d'interprétation de la définition du Prix Normal au sens de l'article 1.1 des Promesses de Vente, et proposé en conséquence de mettre en 'uvre la procédure d'expertise stipulée à l'article 10 des Promesses de Vente, ainsi que trois noms d'experts, l'article 10 de la Promesse aux termes de laquelle tout litige entre le Promettant et les Bénéficiaires devait être tranché par un Expert conformément aux dispositions de l'article 1592 du Code Civil, désigné d'un commun accord ou par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Paris.

PIECE n°13 : Lettres recommandées d'Abénex Capital du 8 novembre 2012

La société ABENEX aurait dû régler le prix de cession des actions aux consorts [E] sur la base du Prix Normal notifié dans un délai de quinze jours de la levée d'option, en application de l'article 8 de la Promesse, mais c'est deux mois après la levée d'option, soit le 26 novembre 2012, qu'elle réglait le prix de cession, le solde devant être réglé à l'issue de l'expertise diligentée sur le fondement de l'article 1592 du Code Civil.

5- Les consorts [E] sollicitaient en référé, par assignation du 31 décembre 2012, la désignation d'un expert judiciaire par le Président du Tribunal de commerce de Paris.

Les Fonds Abénex ne se sont pas opposés au principe même d'une expertise judiciaire, mais ont souligné immédiatement la difficulté découlant d'une divergence d'interprétation contractuelle faisant obstacle, par application de l'article 238 alinéa 3 du Code de Procédure Civile, à la mission de l'expert judiciaire et afin que l'expertise ne soit pas paralysée, ont proposé que la mission de l'expert prévoie le calcul du Prix Normal selon deux hypothèses, à savoir AVEC ou SANS simulation de la conversion des OC (donc avec ou sans dilution au capital des Promettants), afin de laisser le soin ensuite au juge du fond de trancher entre ces deux hypothèses.

PIECE n°14 : Conclusions des Fonds Abénex du 31 janvier 2013

Les Intimés s'y sont opposés.

Par ordonnance de référé du 13 février 2013, Madame [B] [X] a été désignée en qualité d'expert avec pour mission de déterminer le Prix Normal des actions Réponse Invest.

PIECE n°29 : Ordonnance de référé du 13 février 2013

La première réunion d'expertise s'est tenue le 29 mars 2013 et la société AbENEX remettait un document présentant ses modalités de calcul du prix de cession, dont il ressortait que le prix de 1,26 par actions était obtenu après avoir converti en actions les obligations émises par la société REPONSE INVEST. Pièce Abenex n°15 : Dire à Expert du 27 mars 2013

Après avoir entendu les parties, l'Expert judiciaire a estimé par prudence qu'il existait une question de fond à trancher entre les parties sur la définition du « Prix Normal » tel que défini par la Promesse et notamment sur la notion d' « obligation réputée convertie »

Par lettre du 17 juin 2013, l'expert judiciaire a saisi le Président de cette question, lequel répondait qu'il lui appartenait de demander à la partie la plus diligente de saisir le Juge du fond.

Pièce [E] n° 10 : Lettre de Mme [X] du 17 juin 2013

Pièce [E] n° 11 : Lettre de M le Président du 23 juin 2013

Monsieur [D] [E], Madame [G] [W]-[E] et la société AXELIA se sont opposés à cette position en précisant que les conventions entre les parties étaient claires et ne posaient aucune difficulté d'interprétation.

Après avoir interrogé le juge délégué au suivi des expertises sur ce point, l'expert obtenait la confirmation de celui-ci, par lettre du 23 juin 2013, qu'à défaut d'accord entre les parties, la question soulevée était bien une question de droit excédant la mission de l'expert.

PIECE n°30 : Courrier adressé par Monsieur le Juge à Madame [X], en date du 23 juin 2013

Aussi, par lettre du 27 juin 2013, Madame [X] invitait-elle la partie la plus diligente à saisir le juge du fond aux fins de faire trancher leur différend avant, le cas échéant, de relancer l'expertise.

*

Par assignation du 20 septembre 2013, Monsieur [D] [E], Madame [G] [W]-[E] et la société AXELIA ont assigné la société Abenex Capital aux fins de voir juger que qu'en application de la Définition du Prix Normal de cession des actions résultant de l'article « DEFINITIONS ET INTERPRETATIONS » des promesses conclues les 19 mai et 27 décembre 2008, il y a lieu de juger qu'aucune obligation ne doit être réputée convertie.

Par jugement rendu le 14 mars 2014 le Tribunal de Commerce de Paris pour l'essentiel, a :

- Dit qu'en application de la clause « définition du Prix Normal » résultant de l'article « DEFINITIONS ET INTERPRETATIONS » des promesses conclues les 19 mai et 27 décembre 2008, aucune obligation ne doit être réputée convertie ;

- Dit les demandes de fixation de prix d'ABENEX Irrecevables ;

- Renvoie les parties devant Madame [B] [X], Expert Judiciaire, pour la fixation définitive du prix de cession conformément aux termes de l'ordonnance du 13

février 2013

Par déclaration d'appel en date du 5 mai 2014, les fonds professionnels de capital

investissement (FPCI) AAC FRANCE 2005 A et AAC FRANCE 2005 B (ci-après les « Fonds Abénex »), représentés par leur société de gestion Abénex Capital (ci-après « Abénex Capital »), ont interjeté appel du jugement

*

sollicitent l'infirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions et entendent démontrer qu'il résulte des stipulations mêmes des promesses de vente que la totalité des obligations convertibles doit être "réputée convertie" pour calculer le prix de cession des titres des consorts [E].

Ils demandent à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2014 ;

- dire et juger que conformément aux promesses unilatérales de vente des 19 mai

2008 et 17 décembre 2008, toutes les OC1 et les OC2 doivent être réputées converties

pour le calcul du Prix Normal des actions Réponse Invest ;

- dire et juger n'y avoir lieu à expertise ;

- dire et juger qu'en application de la formule de calcul du Prix Normal stipulé à l'article 1.1 des promesses unilatérales de vente des 19 mai 2008 et 17 décembre, le Prix

Normal des actions Réponse Invest détenus pas les Intimés s'élève à 1,2693 € par action

et le Prix Normal des BSA Managers s'élève à 0,255 € par BSA Managers ;

- dire et juger par conséquent que le prix de cession global pour l'ensemble des actions sous promesse de Monsieur [D] [E], Madame [G] [E], née [W], et la société Axelia s'élève à 898.335 € ;

- dire et juger par conséquent que le prix de cession global pour l'ensemble des titres de Monsieur [D] [E], Madame [G] [E], née [W], et la société

Axelia s'élève à 961.117 € ;

- condamner Monsieur [D] [E], Madame [G] [E], née [W], et la société Axelia à payer solidairement aux Fonds Abénex la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les fonds ABENEX soulignent à titre liminaire que :

- les parties s'opposent sur le sens de la notion d'obligations convertibles "réputées converties" au sens de la définition du "Prix Normal" à l'Article 1.1 des Promesses de Vente

- l'enjeu de la différence de Prix Normal entre une hypothèse AVEC conversion virtuelle des OC (selon les Appelants) et SANS conversion virtuelle des OC (selon les Intimés), sous réserve d'une expertise précise sur le sujet, varie approximativement de 400.000 euros à 1 million d'euros.

Ils entendent donc démontrer, à partir des clauses applicables, qu'il résulte tant des termes des accords entre les parties que de leur esprit que, contrairement à ce qui a été jugé par le Tribunal, toutes les OC doivent être réputées converties pour le calcul du Prix Normal des actions Réponse Invest et qu'ils sont donc bien fondés dans leurs demandes reconventionnelles.

Sur le Prix de Revient au sens des Promesses de Vente

Se référant aux Promesses de Vente et à l'hypothèse d'un Départ Good Leaver du Promettant, les fonds ABENEX constatent avec le tribunal que les parties se sont accordées dans leurs écritures pour conclure que le Prix Normal est plus élevé que le Prix de Revient » et que l'application de la formule prévu pour le calcul du Prix Normal n'est pas contestée.

Ils soulignent que la divergence des Parties porte uniquement sur la manière de l'appliquer et donc de savoir si les OC doivent ou non être réputées converties pour le calcul du Prix Normal.

A cet égard, le Prix Normal est défini comme celui « déterminé par le Conseil de Surveillance » de Réponse Invest. Tel a été le cas puisque le Prix Normal des actions détenues par les Intimés a été fixé par une décision à l'unanimité du Conseil de Surveillance de Réponse Invest du 24 septembre 2012 à 1,2693 euros, d'ailleurs intervenue sous la présidence et la signature de Monsieur [J] [E], qui avait la triple qualité de Président du Conseil de Surveillance de Réponse Invest, de porteur d'OC 1 et de père de Monsieur [D] [E].

PIECE n° 17 : Procès-verbal des décisions du Conseil de Surveillance de Réponse Invest,

en date du 24 septembre 2012

Les fonds ABENEX considèrent encore que :

- il ressort des termes de la formule du Prix Normal :

. en premier lieu, que le Prix Normal sera calculé « en considérant que toutes les Actions, ABSA, BSA Mezzaneurs et BSA Managers sont cédés », ce qui revient à simuler une Sortie à 100% .

. En second lieu, que le nombre total d'actions Réponse Invest devant être pris en compte dans le calcul du Prix Normal dépend lui-même du nombre d'OC « réputées converties en Actions » et qu'il est donc nécessaire d'établir le nombre d'OC « réputées converties» en actions de Réponse Invest.

- la formule du Prix Normal stipule ensuite que :

"(i) les OC seront réputées converties en Actions (x) à hauteur du nombre d'OC non Vestées et (y), le cas échéant, conformément aux termes et conditions des OC pour les

OC Vestées (')" et que pour déterminer le nombre d'OC « réputées converties », il convient au préalable de savoir si les parties sont dans le cas (x), pour les OC non Vestées, ou bien le cas (y), pour les OC Vestées, au sens de l'article 1.1 des Promesses de Vente.

S'agissant de la détermination du nombre d'OC vestées

L'Article 1.1 "Définitions" des Promesses de Vente contient également une définition des « OC Vestées et OC non Vestées » désignant :

- pour les OC non Vestées un pourcentage variable d'OC selon la Date de Départ et la qualification du Départ permettant l'exercice de la Promesse : [Tableau de détermination du nombre d'OC non Vestées en cas de Départ BadLeaver et en cas de Départ Good Leaver]

- pour les OC Vestées, le pourcentage égal à 100% moins le pourcentage d'OC non Vestées conformément au tableau ci-dessus. » (Gras et soulignement ajoutés)

les fonds ABENEX en déduisent que la définition fait donc dépendre le nombre d'OC non Vestées de la durée du maintien en poste de [D] [E] et de la qualification de son Départ.

En l'occurrence, compte-tenu de la période écoulée entre la réalisation de l'opération et la date de départ de Monsieur [D] [E], soit 49 mois, et de la qualification "Good Leaver" de son Départ, le calcul aboutit à ce qu'il n'y ait aucune OC non Vestée, point sur lequel il n'y a aucun désaccord entre les parties.

Cela signifie que TOUTES les OC sont des OC Vestées comme l'a d'ailleurs relevé le Tribunal.

Les fonds ABENEX relève cependant que le Tribunal a tiré de ce constat une conséquence erronée en écrivant : « Attendu que l'article 1 des promesses stipule également "Et pour les OC Vestées, le pourcentage égal à 100% moins le pourcentage d'OC non Vestées conformément au tableau ci-dessus" ce qui aboutit également à ce qu'aucune OC Vestée ne sera convertible en action pour l'application de la formule du calcul du prix normal ».

Moyennant quoi, le Tribunal a manifestement commis une confusion entre la détermination du nombre d'OC Vestées et celle du nombre d'OC "convertibles".

En effet, la définition contractuelle des "OC Vestées et OC non Vestées" stipulée à l'Article 1.1 n'a rien à voir avec la conversion des OC. Elle n'est pertinente que pour les besoins de la détermination du nombre d'OC Vestées.

Puisqu'il découle de l'application stricte de cette définition que toutes les OC sont dites « Vestées », seul le paragraphe (y) de la définition du Prix Normal doit s'appliquer pour les besoins de la définition du Prix Normal.

Or, selon le (y) de cette définition du Prix Normal, les OC dites « vestées » doivent être réputées converties en actions « conformément aux termes et conditions des OC ».

Dès lors, il ne restait plus qu'à faire l'examen des hypothèses de conversion « conformément aux termes et conditions des OC » comme le requiert la définition de "Prix Normal".

S'agissant des OC vestées réputées converties en actions

ABENEX renvoie aux stipulations des Termes et Conditions des OC1 et des OC2,

lesquelles déterminent sous quelles conditions les OC1 et les OC2 sont convertibles :

- L'article 3.1 des Termes et Conditions des OC1 (celles détenues indirectement par Monsieur [J] [E]) intitulé « Cas de Conversion des OC1 » prévoit un cas de conversion « à la Date de Sortie ».

- Quant à l'article 3.1 des Termes et Conditions des OC2 (celles détenues par les Fonds Abénex), il ne prévoit qu'un seul « Cas de conversion des OC2 en cas de Sortie ».

PIECE n°7 : Termes et conditions des OC1 annexés au Pacte d'Actionnaires du 19 mai 2008, page 6

PIECE n°8 : Termes et conditions des OC2 annexés au Pacte d'Actionnaires du 19 mai 2008, page 6

En conséquence, il n'y a qu' une seule hypothèse de conversion des OC : le cas de Sortie et la « Sortie » telle que définie par les Termes et Conditions des OC1 et des OC2 vise l'hypothèse où les Fonds Abénex cèdent le contrôle de Réponse Invest.

En outre, en application des articles 3.1 des Termes et Conditions des OC1 et des OC2, en cas de Sortie, pour que les OC soient convertibles en actions, il est également exigé que tous les investisseurs autres que les Managers, dont les Fonds Abénex, réalisent un Taux de Retour sur Investissement (TRI) inférieur à 17,5% ou un multiple d'investissement inférieur à 1,7.

Et ABENEX expose que cette hypothèse de conversion en cas de rendement insuffisant a pour objet de permettre, dans cette hypothèse, aux Investisseurs non Managers un accès supplémentaire au capital, donc à l'éventuelle plus-value lors de la cession, tout en diluant les Managers actionnaires. Ces derniers voient ainsi leur effet de levier diminué au profit des autres investisseurs, précisément parce qu'en tant que Managers ils n'ont pas été en mesure d'atteindre le rendement escompté. Ils ne peuvent donc pas profiter d'une création de valeur qui n'existe pas.

PIECE n°4 : Présentation d'Affectio Capital & Conseil & Conseil du 28 mai 2008, à l'attention des Managers du Groupe Réponse, p. 3

ABENEX ajoute que pour juger à tort qu'aucune OC ne devait être réputée convertie pour le calcul du Prix Normal, le Tribunal a examiné « la volonté commune des parties à partir de la rédaction des clauses écrites des promesses » alors qu' il découle tant des termes des accords (2.2.1) conclus entre les parties que de leur esprit (2.2.2), que toutes les OC1 et OC2 doivent être réputées converties dans le calcul du Prix Normal des titres Réponse Invest.

ABENEX considère que :

- il résulte de l'articulation des Promesses de Vente, d'une part, et des Termes et Conditions des OC1 et des OC2, d'autre part, que pour déterminer si les OC1 et les OC2 doivent être réputées converties dans le calcul du Prix Normal, il faut simuler un cas de Sortie à la Date de Départ, soit le 26 juin 2012.

- cela revient à simuler une cession à 100% du capital de Réponse Invest par les Fonds Abénex, c'est-à-dire une Sortie totale, tant au sens des Promesses de Vente que des Termes et Conditions des OC1 et OC2 20 puisqu'il n'est pas exigé par les Promesses de Vente qu'un cas de Sortie soit effectivement qualifié pour réputer converties les OC dans le calcul du Prix Normal, et cela d'autant moins que les Promesses de Vente ont justement vocation à s'appliquer uniquement en cas de départ d'un Manager avant une « Sortie ».

et souligne que le terme « réputées » est employé trois fois dans l'article 1.1 des Promesses de Vente définissant le Prix Normal (deux fois s'agissant des OC et une fois s'agissant des BSA).

*

Mais la conversion tant des OC1 que des OC2 suppose, selon l'appelant, non seulement une Sortie mais aussi une performance de l'opération de capital-investissement inférieure aux seuils sur lesquels les Investisseurs non Managers et les Managers se sont accordés.

Or, les résultats du Groupe Réponse en 2012 étaient insuffisants et les niveaux de performance n'étaient donc pas atteints à la Date de Départ de Monsieur [D] [E] ( deuxième condition de conversion des OC : un seuil minimum de rentabilité non atteint, à savoir un TRI inférieur à 17,5%),

Si les consorts [E] soutiennent que le calcul du TRI par les Fonds Abénex n'aurait « pas de sens » au motif que ce calcul est opéré en considérant que les OC sont réputées converties, ABENEX observe que même en retenant toutes les hypothèses de calcul de Monsieur [D] [E], le TRI ressortirait à 13,38%, c'est-à-dire encore très en-deçà du seuil de 17,5%.

PIECE n° 21 : Tableaux illustrant le calcul du Prix Normal avec conversion des OC et sans conversion des OC

Dès lors, quelle que soit l'hypothèse retenue (conversion des OC ou non), et quelle que soit la méthode appliquée (celle de Monsieur [D] [E] ou celle des Fonds Abénex) pour le calcul du TRI, celui-ci est toujours inférieur à 17,5% et la seconde condition de conversion des OC est toujours satisfaite.

Et il résulte de ce qui précède que toutes les OC1 et les OC2 convertibles (en considérant que l'on doit simuler un cas de Sortie), doivent être réputées converties pour le calcul du Prix Normal.

Sur le détail du calcul du Prix Normal selon les Fonds Abénex

Même si le Tribunal a jugé qu'il ne lui appartenait pas de fixer le Prix Normal au motif que seul l'Expert serait compétent à cette fin, les Fonds Abénex entendent expliquer leur calcul du Prix Normal des actions, lequel repose donc sur l'hypothèse de la conversion en actions de toutes les OC1 et toutes les OC2.

Le Prix Normal doit ainsi être calculé de la manière suivante :

(7,7 x EBITA - Dette Financière Nette Consolidée) / Nombre d'Actions = Prix Normal

* L'EBITA est de 5.567k€ (Résultat Opérationnel Courant) ' 223 k€ (CVAE 33) = 5.344 k€

* La Dette Financière Nette Consolidée est constituée du montant nécessaire pour rembourser la dette obligataire liée aux OBSA , du nominal des OC et des intérêts capitalisés des OC soit 15.572 k€.

Soit une valeur globale de 100% des titres (7,7 x 5.344 k€) - 15.572 k€ ) de 25.576,8 k€

6.850.185 actions ayant été émises - la conversion de 100% des OC1 et des OC2 entraînant la création de 12.602.841 actions supplémentaires - l'exercice des BSA Mezzanine (y compris les BSA B obtenus sur la base de la conversion des OC) entraînant la création de 697.198 actions supplémentaires et les BSA Managers ne pouvent pas être exercés faute de réalisation du seuil de rentabilité, on aboutit à un total de 20.150.224 actions

Donc, le Prix Normal par Action sous Promesse s'établit ainsi à 25.576,8 k€ / 20.150.224 actions = 1,2693 € par action

Le prix de cession des Actions sous Promesse à verser aux consorts [E] est donc égal à 898.335 €, soit un montant déjà bien supérieur à leur investissement initial. Moyennant quoi, ils réalisent une plus-value importante de 26,93% représentant 190.595 € alors que les résultats du Groupe Réponse n'ont cessé de se dégrader sous la direction de Monsieur [D] [E].

S'agissant des BSA Managers, et en application de l'article 5.2(a) des Promesses de Vente, « dans l'hypothèse d'un Départ Good Leaver », le prix de cession des BSA Managers sous Promesse est égal « au Prix de Revient de chaque BSA Manager Sous Promesse » soit 0,255 € par BSA Manager sous Promesse.

Le prix de cession total des titres sous promesse à verser aux Intimés est donc égal à 961.117€.

Sur la demande de dommages intérêts

ABENEX invoque la mauvaise foi avérée des Promettants qui ne peuvent aujourd'hui valablement soutenir que le prix de cession de leurs actions serait plus de deux fois supérieur à leur prix de revient alors que les performances du Groupe Réponse sont significativement en baisse et que leur plus-value ne résulte en réalité que d'une baisse mécanique de la dette du Groupe Réponse.

Sur les frais irrépétaibles et les dépens

ABENEX soutient qu'il serait dès lors inéquitable de laisser aux Appelants la charge des frais qu'ils ont été contraints d'exposer pour le respect de leurs droits découlant des Promesses de Vente et que dans ces conditions, la Cour doit condamner les Intimés solidairement à payer aux Fonds Abénex la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

*

Monsieur [D] [E], Madame [G] [E]-[W] et la société AXELIA sollicitent de la Cour la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et donc de :

- Débouter la société Abénex capital représentant les fonds AAC France 2005 A et AAC France 2005 B de son appel,

- Dire qu'en application de la Définition du Prix Normal résultant de l'article « DEFINITIONS ET INTERPRETATIONS » des promesses conclues les 19 mai et 27 décembre 2008, il y a lieu de juger qu'aucune obligation ne doit être réputée convertie ;

- Renvoyer en tous les cas devant Madame [B] [X], Expert Judiciaire, la fixation définitive du prix de cession conformément aux termes de l'ordonnance du 13 février 2013.

- Condamner la société Abénex capital représentant les fonds AAC France 2005 A et AAC France 2005 B à verser une somme de 15 000 euros Monsieur [D] [E], Madame [G] [W]-[E] et la société AXELIA au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la société Abénex capital représentant les fonds AAC France 2005 A et AAC France 2005 B aux entiers dépens.

Ils considèrent au visa de l'article 1134 du code civil que l'article 5.1 de la Promesse et la définition du « Prix Normal » de cession des actions ne posent aucune difficulté et doivent recevoir pleine et entière application et que la détermination du prix de cession telle que prévue par les stipulations contractuelles n'impose en aucune manière de convertir en actions les obligations émises par la société REPONSE INVEST, contrairement à ce que soutient la société ABENEX.

Ils admettent que pour l'application de la définition du prix normal, il convient de se référer à la définition des «OC Vestées et OC non Vestées » et que la formule de prix suppose de déterminer la dette financière nette consolidée, laquelle dépend des obligations converties en actions et plus spécifiquement des OC non vestées .

Ils soutiennent alors que les parties ont voulu que les obligations convertibles soient réputées converties au titre d'un facteur (x) et, le cas échéant d'un facteur (y), deux hypothèses qu'il convient d'examiner :

Première hypothèse

Détermination des OC réputées converties en application du facteur x

Les OC seront réputées converties en Actions « (x) à hauteur du nombre d'OC non vestées »

Il faut donc déterminer les OC non vestées définies à l'article 1 : «'un pourcentage variable d'OC selon la Date de Départ et la qualification du Départ permettant l'exercice de la promesse :

OC non vestées en cas de Départ Good Leaver : 100% moins le produit (i) du nombre de mois révolus entre la Date de cession et la Date de départ par (ii) 4,17%. »

Le nombre de mois révolus entre la Date de Cession (20 mai 2008 6 ) et la date de départ (26 juin 2012) étant de 49 mois, le calcul s'établit comme suit : 100% - 49 x 4,17% = - 104%

Les OC étant réputées converties à hauteur du nombre d'OC non vestées, on constate après application des termes de (x) qu'il n'y a aucune OC non vestées. En conséquence, aucune OC n'est réputée convertie en action en application du facteur x et le Tribunal en a jugé de la sorte.

Seconde hypothèse

Détermination des OC réputées converties en application du facteur y

Les OC seront réputées converties en Actions (y) le cas échéant, conformément aux termes et conditions des OC pour les OC vestées,

Monsieur [J] [E] détient des obligations dites OC1 régies par les Termes et Conditions des OC1 et les fonds d'investissement détiennent des obligations dites OC 2 régies par les Termes et Conditions des OC2.

Les Termes et Conditions des OC1 comportent un article 3 « Conversion des OC1 » qui définit deux cas précis de conversion distincts :

- Article 3.1.1. Entre la date d'émission et la date de Sortie (hypothèse de conversion à tout moment jusqu'à la date à laquelle les investisseurs majoritaires renoncent à accroître le financement de 14 à 16 millions d'euros: il s'agit d'un cas de conversion qui n'a rien à voir avec une Sortie, c'est une hypothèse d'ajustement des conversions.

- Article 3.1.2. A la date de Sortie. Les Termes et Conditions des OC2 comportent un article 3 « Conversion des OC2 » qui définit un seul cas de conversion figurant à l'article 3.1. « En cas de Sortie préalable à la date d'échéance ».

Les consorts [E] considèrent qu'aucune de ces hypothèses n'est applicable et que le cas de Sortie, allégué par Abenex c'est-à-dire « l'opération entraînant le franchissement à la baisse par AAC France 2005 A et AAC France 2005 B et leurs Affiliés du seuil de 51% du capital et des droits de vote de la Société sur une base totalement diluée » (article 1 « DEFINITIONS ») n'est pas applicable puisque les fonds étaient toujours majoritaires au sein de la société REPONSE INVEST à la date de révocation de Monsieur [D] [E], ainsi également qu'à la date d'exercice des promesses.

En conséquence, dans l'hypothèse du Départ de M [E], aucune hypothèse de conversion sur le fondement du facteur y n'est applicable. Dès lors, aucune obligation n'est réputée convertie au titre du facteur y.

Les consorts [E] soulignent d'ailleurs que si les parties ont mentionné le terme « le cas échéant » , ce qu'ils n'ont pas fait figurer pour le facteur (x), c'est bien que l'hypothèse n'était pas d'application systématique et très hypothétique.

Le Prix Normal par Action sous Promesse s'établit donc à :

7,7 x EBITA (5.567.000,00 €) - Dette Financière Nette Consolidée (27.150.841,00 €) = 15 715 059,00 € / 7.112.890 actions = 2.2094 €/action sous Promesse et non 1, 2693 euros, le calcul du prix dans son détail restant à parfaire par l'expert sur quelques points purement comptables.

Les intimés ajoutent que :

- ABENEX a conclu de nouveaux accords avec les Dirigeants Actionnaires restés en poste en modifiant la formule de calcul et changeant le dénominateur de la fraction mais que l'appelant refuse de produire les documents y afférents malgré une sommation réitérée, demandant à la Cour de tirer toutes conséquences de ce refus de production, conformément aux dispositions de l'article 11 du Code de Procédure Civile.

- Si le sens de l'accord des parties avait été de simuler un cas de Sortie , elles n'auraient pas manqué de le stipuler en indiquant que pour le calcul du prix de cession dans l'exercice des promesses, il fallait se situer dans un cas de Sortie.

- L'appelant se livre à une «'interprétation unilatérale'», une «'dénaturation'» de l'accord «'totalement arbitraires, en présence d'une disposition claire et précise sur laquelle les parties se sont accordées'» pour déformer un calcul aisé à faire et aboutir à un prix de cession différent car celui résultant de la formule est trop élevé.

- la société ABENEX donne au terme « SORTIE » un sens qu'il n'a pas, ni dans la Promesse ni dans les Termes et Conditions des OC puisque la « Sortie », telle que définie par les Termes et Conditions des OC 1 et OC2, désigne « l'opération entrainant le franchissement à la baisse par AAC France 2005 A et AAC France 2005 B et de leurs affiliés du seuil de 51% du capital et des droits de vote de la société sur une base totalement diluée ».

- l'expression « réputées converties » n'est pas du tout réservée à l'hypothèse de « Sortie » mais signifie seulement que des obligations qui existent en tant que telles peuvent être considérées comme converties en application de deux facteurs (x) et (y), définis par les parties mais encore faut-il que ces deux facteurs puissent être mis en 'uvre selon leurs critères respectifs de mise en 'uvre convenus par les parties, c'est-à-dire que l'on entre dans leur champ d'application. Or, l'hypothèse (x) ne concerne pas une hypothèse de Sortie (« attribution » des obligations inversement proportionnelle à la durée des fonctions du Dirigeant) et l'hypothèse (y) suppose que l'on soit dans un des cas Sortie , ce qui n'était pas le cas.

En conclusions, les consorts [E] considère qu'Abénex dénature la définition du Prix Normal sur laquelle les parties se sont accordées pour refuser de régler le Prix Normal qui revient à Monsieur [E] et à sa famille et sollicitent de la Cour qu'elle juge qu'il résulte de la définition du Prix Normal qu'aucune obligation ne doit être réputée convertie en actions et qu'elle renvoie la fixation définitive du Prix de cession à l'Expert Judiciaire.

Sur le prix de cession

Les consorts [E] soulignent que la société ABENEX dans ses conclusions demande à la Cour de fixer le prix de cession. Or, en application de l'article 1592 du Code de Commerce, seul l'expert est compétent pour fixer le prix de cession, d'autant que certaines questions purement comptables demeurent soumises à l'expertise comme le calcul de l'EBITA et le plafonnement des BSA mezzaneurs.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de l'importance des frais irrépétibles exposés, les consorts [E] sollicitent une somme de 15 000 euros.

*****

SUR CE,

La cour rappelle que :

- En 2008, les Fonds Abénex ont pris le contrôle du Groupe Réponse sous forme d'achat d'un bloc majoritaire auprès de la famille [E] et une opération de capital-investissement était réalisée à travers l'offre publique d'achat amicale, au terme de laquelle Réponse a été retirée de la cote: les actions Réponse ont été acquises à travers une société spécialement créée pour procéder à cette acquisition, Calicot Holding, re-nommée Réponse Invest, détenue majoritairement par les Fonds Abénex qui y ont investi près de 15 millions d'euros et minoritairement par la famille [E], actionnaires historiques et majoritaires de l'entreprise cédée, qui ont souhaité être associés à l'opération pour bénéficier également de l'accroissement de valeur espéré, en portant donc une partie du risque afférent en cas de perte de valeur de l'entreprise et qui ont donc "réinvesti" une partie du prix de cession dans la holding de reprise (à hauteur d'environ 28% du capital de Réponse Invest), dont Monsieur [D] [E] et son épouse Mme [W]-[E] à hauteur de plus de 10% du capital, logée pour partie dans une holding personnelle, la société civile Axelia.

- l'objet d'une opération de capital-investissement est de bénéficier de l'accroissement de valeur créée lors de la revente, par la réalisation d'une plus-value, cet accroissement de valeur recherché par les fonds d'investissement, profitant aux autres investisseurs, parmi lesquels les dirigeants et les cadres importants de cette société qui se sont associés à l'opération

- il est classique que dans une opération de capital-investissement à laquelle les managers sont associés, leur soit offert la possibilité d'investir aux côtés des fonds d'investissement par la mise en place d'un ou plusieurs mécanismes incitatifs d'intéressement supplémentaires, permettant d'aligner les intérêts financiers des managers avec ceux des autres investisseurs et cela a été le cas d'espèce en donnant aux mangers un accès au capital privilégié (souscription d'actions ordinaires) afin de leur permettre d'augmenter leur part dans l'éventuelle plus-value lors de la revente de l'entreprise, c'est à dire lors de la "sortie" et à des BSA Managers dont l'exercice devait permettre aux Managers et donc Monsieur [D] [E], d'augmenter encore leur participation au capital de Réponse Invest, par priorité sur les autres investisseurs, et donc d'améliorer le retour sur leur investissement en capital, tout en limitant le montant de leur investissement (puisque le mécanisme de l'option leur épargne d'avoir à investir le prix de l'action à laquelle l'option donne accès).

- Les Managers intéressés à une participation dans l'opération de capital-investissement ont été informés en détail sur les mécanismes d'intéressement et les effets de levier qui y étaient associés en cas de réalisation du plan d'affaires initial, et cela tout au long de la préparation de l'opération (assistance de la société de conseil Affectio Capital & Conseil, spécialisée dans l'accompagnement des cadres dirigeants dans les opérations de capital-investissement. PIECES n°4, 34 et 36)

- la différence d'interprétation par les parties porte sur une partie des dispositions contractuelles puisque la cour observe que :

. il n'est pas contesté que la cessation des fonctions de salarié et de mandataire social de Monsieur [D] [E] au sein du Groupe Réponse constitue un cas de « Départ Good Leaver » au sens des Promesses de Vente

. il n'est pas contesté que les Promesses de Vente pouvaient être exercées du seul fait de la survenance d'un Départ de Monsieur [D] [E].

. la formule prévue pour le calcul du Prix Normal n'est pas contestée,

. il y a accord sur le fait qu'il n'y a pas d'OC non vesté&es et que toutes les OC sont vestées.

. et les parties se sont accordées dans leurs écritures pour conclure que le Prix Normal est plus élevé que le Prix de Revient.

La divergence d'interprétation concernant la fixation contractuelle du prix de cession aux Fonds Abénex des actions de la société Réponse Invest détenues par les consorts [E] au sens des trois promesses de vente en date des 19 mai et 27 décembre 2008 bute sur le sens de la notion d'obligations convertibles "réputées converties" au sens de la définition du "Prix Normal" à l'Article 1.1 des Promesses de Vente et la prise en compte de l'accroissement de valeur du groupe dans le calcul du prix de cession :

. Selon la société Abénex, le prix d'acquisition de la participation des managers a vocation, dans l'hypothèse d'un Départ Good Leaver, à prendre en compte l'éventuel accroissement de valeur du groupe Réponse depuis la réalisation de l'opération de capital-investissement. Et afin d'évaluer cet éventuel accroissement de valeur, il faudrait simuler un cas de Sortie,

. Selon les consorts [E], le prix d'acquisition de la participation des dirigeants est défini sur la base d'une situation comptable telle qu'elle résulte de la définition du Prix Normal.

La conséquence concrète de cette divergence est la suivante: si toutes les OC émises par Réponse Invest (OC1 et OC2) sont réputées converties, alors le capital social de Réponse Invest servant de référence au calcul du Prix Normal est virtuellement augmenté à hauteur de toutes les actions "réputées créées" en conséquence de la conversion; donc la part des consiorts [E] dans ce capital social est diluée, le Prix Normal, auquel ils ont droit de par l'exercice des Promesses de Vente, est proportionnellement amoindri, la valeur étant partagée avec les actions des Investisseurs non Managers résultant de la conversion.

ABENEX évalue la différence de prix entre 400 000€ (hypothèse ABENEX) et 1 000 000€ (hypothèse [E]).

Ceci étant posé,

La Cour rappelle en premier lieu qu'une obligation convertible n'est pas un titre de capital, comme une action, mais une valeur mobilière de dette émise par la société qui ouvre droit à une conversion en capital et en cas de conversion, l'OC donne lieu à la création d'actions nouvelles de la société émettrice, donc à une augmentation de capital qui a pour effet de diluer les porteurs de titres de capital de la société. D'où le recours à cet outil dans ce type d'opération comme paramètre d'ajustement.

Elle rappelle ensuite que les engagements souscrits par les Managers aux termes des Promesses de Vente découlent du Pacte d'actionnaires et si les promesses de vente ne prévoit pas clairement qu'il est nécessaire de simuler un cas de Sortie pour déterminer si les OC doivent être réputées converties dans le calcul du Prix Normal, le mécanisme est en cohérence avec l'esprit même des accords passés entre les parties: en effet les Promesses de Vente n'ont jamais vocation à être exercées en cas de Sortie effective puisque l'articulation de textes des accords montre qu'il y a deux situations possibles :

. le cas de Sortie : dans ce cas, le Pacte d'actionnaires stipule (articles 5.3 et 7.1) des mécanismes obligeant les Managers à céder leurs titres ou leur permettant de le faire, aux mêmes conditions que les Fonds ABENEX. Les OC sont alors convertibles en actions uniquement si certaines conditions de performance (TRI ou multiple) sont satisfaites. (Pacte d'actionnaires du 19 mai 2008, p. 27 et 33)

- le cas d'absence de Sortie : le Pacte d'actionnaires prévoit (article 11) l'obligation pour les Managers de s'engager à céder leurs titres et c'est l'objet des Promesses de Vente (Pacte d'actionnaires du 19 mai 2008, p. 38)

Les Promesses de Vente ont donc vocation à s'appliquer uniquement en cas de Départ d'un Manager, avant toute Sortie.

Certes, les consorts [E] considèrent que ABENEX tronque le raisonnement et élude le point (x) qui prévoit une possibilité de conversion « à hauteur des OC non vestées », pour les cas de Départ antérieur à deux années et que l'hypothèse d'une Sortie effective a vocation à s'appliquer lorsqu'elle intervient entre la Date de Départ et la Date de levée d'option ou la Date de réalisation; et dans ce cas, les clauses de Droit de meilleure offre (article 5.2), de droit de Sortie totale (article5.3 de la Promesse) ou de retrait obligatoire (article 7.1) ne peuvent plus s'appliquer du fait de la perte de qualité de Dirigeant actionnaire de M [D] [E].

ABENEX répond que, dans l'hypothèse particulière où une Sortie serait intervenue dans les mois suivant la Date de Départ, les Promesses de Vente prévoient le règlement d'un complément de prix aux Promettants (article 6 des Promesses de Vente « Droit de suite») destiné justement à compenser l'éventuelle différence positive entre :

- d'une part, le prix qu'ils auraient obtenu à la date de Sortie effective, si le Départ de Monsieur [D] [E] n'était pas survenu avant cette Sortie, étant souligné que ce prix se calcule expressément sur une base de capital dilué de la conversion des OC en supposant que l'autre condition de conversion (TRI inférieur à 17,5%) est vérifiée : « en ce compris la dilution liée à la conversion des OC et à l'exercice des BSA conformément à leurs termes et conditions respectifs »;

- d'autre part, le prix de cession perçu au titre de l'exercice des Promesses de Vente (c'est-à-dire le Prix Normal).

Sur ce point, la cour observe que la thèse des consorts [E] conduit pour l'exercice du "Droit de Suite" à comparer un prix perçu sur une base non diluée, avec un prix théorique sur une base diluée, le tout dans des conditions de Sortie relativement médiocres (puisque sous l'hypothèse d'un TRI inférieur à 17,5%), donc ce "Droit de Suite") n'aurait jamais vocation à s'appliquer quand les niveaux de performance ne sont pas atteints, rendant la clause de complément de prix prévue aux Promesses de Vente sans objet. Elle écartera donc cette observation.

Elle considère encore qu'il conforme au montage mis en place que la formule de calcul du Prix Normal tienne'compte des performances du Groupe à la date du Départ des Managers, en l'occurrence par le jeu des Termes et Conditions (des OC1 et des OC2) prévoyant que les OC ne soient pas convertibles si l'opération atteignait un niveau minimum de rentabilité (contractuellement fixé à un TRI de 17,5% ou un multiple d'investissement de 1,7) et qui ne l'a pas été en l'espèce.

Ce mécanisme de conversion des OC était ainsi bien incitatif pour les Managers investisseurs puisqu'ils avaient intérêt à ce que les OC ne soient pas converties, leur conversion ( par les détenteurs d'OC1 et OC2 Investisseurs non Managers, soit respectivement Monsieur [J] [E] et les Fonds Abénex) diluant les Investisseurs Managers au capital de Réponse Invest et donc leur quote-part dans l'éventuelle plus-value sur la revente de la société.

Dès lors, considérer qu'en l'absence de Sortie effective, les OC ne sont pas réputées converties dans le calcul du Prix Normal même si l'autre condition de conversion (TRI inférieur à 17,5% ou multiple inférieur à 1,7) est remplie, revient à annihiler ce mécanisme incitatif puisque les actions des Managers ne sont alors pas proportionnellement diluées au capital de la société, leur quote-part de valeur du capital est plus élevée et le Prix Normal augmenté.

Autrement dit, pour définir le Prix Normal dans les Promesses de Vente, il faut calculer le prix de cession des titres des consorts [E] (Promettants) « comme si » l'on se plaçait au moment du débouclage de l'opération de capital-investissement (Sortie), donc comme si 100% des titres de Réponse Invest étaient cédés ( pour valoriser de la même manière tous les titres donnant accès au capital de la société), afin qu'ils puissent prétendre à leur quote-part de création de valeur (le cas échéant), ou, au contraire, que cette quote-part soit réduite si les niveaux de performance ne sont pas atteints à leur date de départ.

En l'espèce, les conditions de performance n'étant pas atteintes à la Date de Départ, il y avait donc lieu de réputer converties les OC1 et les OC2 dans le calcul du Prix Normal et la Cour infirmera le jugement dont appel en jugeant.

C'est d'ailleurs ce que reflète la présentation d'Affectio Capital & Conseil, conseil de Monsieur [D] [E] lorsqu'il écrit: « Grâce aux OC, le management, qui investit exclusivement en actions, bénéficie d'un sur-levier. Si, lors du débouclage du LBO, le TRI d'Abénex Capital et Schli est inférieur à 17,5% ou le multiple est inférieur à 1,7x, Abénex Capital et Schli peuvent convertir leurs OC afin d'annuler le sur-levier du management ».

PIECE n°4 : Présentation d'Affectio Capital & Conseil & Conseil du 28 mai 2008

Sur le prix de cession

La cour suivra la demande des consorts [E] estimant que son rôle n'est pas de se substituer à la règle fixé par les parties et donc d'écarter la procédure d'expertise stipulée à l'article 10 des Promesses de Vente et diligentée sur le fondement de l'article 1592 du Code Civil.

Madame [B] [X] ayant été désignée par ordonnance de référé du 13 février 2013, en qualité d'expert avec pour mission de déterminer le Prix Normal des actions Réponse Invest et ayant du interrompre ses travaux pour trancher la question des OC réputées converties, la cour renvoie les parties, sauf accord entre elles, devant l'expert ainsi désigné pour la fixation définitive du prix de cession conformément aux termes et dans les conditions de l'ordonnance du 13 février 2013.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour considère équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et partagera les dépens à 50% entre l'appelant et les intimés, dont, en tant que de besoin, les frais d'expertise, rappelant que la clause contractuelle avait prévu de trancher le différent entre les parties dans le cadre de l'expertise mais que l'attitude de chacune des parties a rendu nécessaire l'intercession du juge, le tribunal tranchant dans un sens puis de la cour tranchant dans l'autre sens.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 14 mars 2014

Dit que conformément aux dispositions du pacte d'actionnaire et des promesses unilatérales de vente des 19 mai 2008 et 17 décembre 2008, toutes les OC1doivent être réputées converties pour le calcul du Prix Normal des actions Réponse Invest;

Renvoie les parties devant Madame [B] [X], Expert Judiciaire, pour la fixation définitive du prix de cession conformément aux termes de l'ordonnance du 13 février 2013.

Rejette toutes autres demandes, fins, moyens ou conclusions plus amples ou contraires

Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles

Partage les dépens à 50% entre l'appelant et les intimés, dont les frais d'expertise, et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile en tant que de besoin ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Xavier FLANDIN-BLETY François FRANCHI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/09887
Date de la décision : 20/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°14/09887 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-20;14.09887 ?
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