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03/11/2014 | FRANCE | N°10/15188

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 03 novembre 2014, 10/15188


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2014



(n°14/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/15188



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/11903





APPELANTE



SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]



Rep

résentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Aurélie VIMONT, avocat plaidant substituant Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toqu...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2014

(n°14/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/15188

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/11903

APPELANTE

SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Aurélie VIMONT, avocat plaidant substituant Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1216

INTIMES

Monsieur [B] [S]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Véronique KIEFFER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0028

Assisté de Me Victor NAKACHE de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marie BOYER, président

Madame Marie Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Marie-France MAGNIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Marie BOYER, président et par Mme Nadia DAHMANI, greffier présent lors du prononcé.

****

Le 15 novembre 2006, Monsieur [B] [S], alors âgé de 26 ans comme étant né le [Date naissance 1] 1980, a été victime d'un accident de la circulation dans la survenance duquel était impliqué un véhicule automobile assuré auprès de la société Axa France Iard laquelle n'a pas contesté le droit à indemnisation.

Par jugement du 6 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Paris a dit que le droit à indemnisation de Monsieur [S] était entier, lui a alloué la somme de 402.583,54 € en réparation de son préjudice corporel et celle de 3.850 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel de la société Axa France Iard, cette cour, par arrêt du 5 novembre 2012 a :

- confirmé le jugement entrepris en ses dispositions concernant le droit à indemnisation de Monsieur [S], l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- avant dire droit sur la liquidation des postes de préjudice perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent, a ordonné une expertise médicale et a commis en qualité d'expert le docteur [L],

- dit que Monsieur [S] devra communiquer ses avis d'imposition relatifs aux années 2003 à 2012, un décompte actualisé de la rente accident du travail qu'il perçoit, justifier de sa situation professionnelle depuis le 28 avril 2009, de ses recherches d'emploi et de ses tentatives de reconversion ou de formation,

- infirmé le jugement pour le surplus,

- condamné la société Axa France Iard à payer à Monsieur [S] la somme de 52.596 € en réparation de son préjudice corporel, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent non compris, outre la somme complémentaire de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Axa France Iard aux dépens d'appel d'ores et déjà exposés qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport daté du 27 janvier 2014.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées 1er septembre 2014, Monsieur [S] demande à la cour de lui allouer :

- 186.217,02 € au titre de la perte de revenus futurs après déduction de la créance de la CPAM,

- 150.000 € au titre de l'incidence professionnelle,

- 150.000 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Kieffer Joly.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 16 juillet 2014, la société Axa France Iard sollicite l'infirmation du jugement entrepris et le rejet du poste de préjudice perte de revenus futurs. Elle offre, avant déduction de la créance de la CPAM de [Adresse 2], la somme de 30.000 € au titre de l'incidence professionnelle et celle de 60.000 € au titre du déficit fonctionnel permanent. Elle considère qu'il y a lieu de réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et demande qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.

La CPAM du Rhône a produit, par courrier du 24 juin 2014, sa créance actualisée dont il ressort que les arrérages échus de la rente accident du travail s'élèvent au 24 juin 2014 à la somme de 13.745,84 € et le capital représentatif des arrérages à échoir à celle de 58.956,92 €.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

1.Sur le préjudice corporel:

Il ressort du rapport de l'expert :

- que Monsieur [S] conserve à titre de séquelles : des adhérences musculaires et aponévrotiques au plan cutané, de la partie inférieure de la loge antéro-externe concernant les muscles jambier antérieur, extenseur des orteils, un discret freinage des mouvements tant actifs que passifs, de l'articulation tibio-tarsienne, plus prononcés en extension plantaire avec un discret effet ténodèse de l'extenseur propre du gros orteil, une dysesthésie sur l'ensemble de la loge antéro-externe de la jambe droite, plus prononcée dans la portion inférieure, zone greffée secondairement, une fonction locomotrice partiellement perturbée du fait d'un discret varus du pied droit par déséquilibre neuromusculaire associé à un déficit partiel du territoire sciatique poplité externe touchant essentiellement les extenseurs communs des orteils et le gros orteil, un retentissement psycho-traumatique avec dévalorisation de soi, atteinte narcissique et repli sur soi,

- que le déficit fonctionnel permanent est de 30 %

- que Monsieur [S] qui exerçait la profession de second de cuisine, a pu reprendre son activité avec quelques aménagements,

- qu'il a fait l'objet d'un licenciement conventionnel le 30 mars 2010,

- qu'il a retrouvé un emploi similaire qu'il a assuré pendant une quinzaine de jours,

- qu'il a décidé de se réorienter et a effectué une reconversion en tant que maraîcher de juin 2011 à l'été 2012,

- qu'il exerce actuellement une activité professionnelle d'éleveur bovin, propriétaire de terres en Ardèche,

- qu'en raison des séquelles fonctionnelles, il doit être reconnu une certaine pénibilité à la reprise et au maintien de l'activité professionnelle de second de cuisine,

- que le mi-temps thérapeutique de près d'un an était justifié,

- que Monsieur [S] est apte à la reprise et au maintien d'une activité similaire à celle qu'il exerçait lors de l'accident avec quelques pénibilités et restrictions minimes (piétinement, déplacement prolongé, port de charges lourdes ...),

- que sa reconversion a été raisonnable, compatible avec ses capacités fonctionnelles ; elle n'était pas obligatoire.

Au vu de ces éléments et de l'ensemble des pièces versées aux débats, les chefs de préjudice corporel non encore indemnisés de Monsieur [B] [S] qui était âgé de 26 ans lors de l'accident et de 28 ans lors de la consolidation, et occupait l'emploi de second de cuisine, seront indemnisés comme suit, étant précisé:

- d'une part, qu'en vertu de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, modifié par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent, poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf s'il est établi que le tiers payeur a effectivement, préalablement et de manière incontestable, versé des prestations indemnisant un poste de préjudice personnel,

- d'autre part, qu'il résulte de l'application combinée des articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, L.434-1 et L.434-2 du code de la sécurité sociale et du principe de la réparation intégrale, que la rente d'invalidité versée à la victime d'un accident du travail indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, et que lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, l'organisme de sécurité sociale est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus , de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie.

- perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle :

Monsieur [B] [S] expose que les séquelles décrites par l'expert l'empêchent de reprendre sa profession de cuisinier, qui impose notamment un piétinement, la station debout prolongée et le port de charges. Il indique avoir été contraint d'abandonner cette profession et il évalue donc sa perte de chance à 50% du salaire de 1519,48€ qu'il percevait en qualité de second de cuisine, capitalisé par l'emploi d'un euro de rente de 28,400 jusqu'à 65 ans, selon le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais de 2004, soit 258.919,39€, et après déduction de la rente versée par la CPAM, 186.217,02€.

Il demande en outre au titre de l'incidence professionnelle la somme de 150.000€ arguant qu'il a essayé en vain de se réinsérer dans la vie professionnelle et que sa situation est extrêmement précaire. Il ajoute qu'il vit très difficilement la rupture subie dans sa carrière professionnelle et ressent un sentiment de dévalorisation dans la vie sociale.

Pour la société Axa France Iard , il n'existe pas de perte de gains professionnels futurs, puisque Monsieur [B] [S] a repris son activité de cuisinier à temps plein le 15 novembre 2008 au même poste dans la même entreprise, après qu'il ait été déclaré apte par la médecine du travail. L'assureur rappelle par ailleurs que son licenciement de cet emploi intervenu postérieurement n'est pas lié à une inaptitude mais résulte d'une rupture conventionnelle.

Lors de l'accident, Monsieur [B] [S] travaillait pour la SARL WALNUT GROVE en qualité de second de cuisine au restaurant 'chez Ingalls' depuis le 25/08/2006, soit depuis moins de trois mois. Il ne donne aucun justificatif des précédents emplois qu'il aurait occupés.

Monsieur [B] [S] , qui a été déclaré apte au poste de travail de cuisinier par le médecin du travail, a repris son activité professionnelle à temps plein, après un mi-temps de plus de 10 mois (du 3 janvier au 15 novembre 2008), avant de faire l'objet d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail le 30 mars 2009. Il a travaillé ensuite en qualité d'aide cuisinier du 1/07/2009 au 31/08/2009 chez un autre employeur. Monsieur [B] [S] précise avoir par la suite perçu des indemnités du Pôle Emploi, et avoir travaillé en tant que maraîcher sur les marchés de juin 2011 à l'été 2012 de façon non officielle (il justifie pourtant avoir travaillé une semaine en septembre 2012 pour faire les vendanges). Il perçoit une rente accident de travail de la CPAM du Rhône. Enfin il indique avoir changé d'orientation pour exercer une activité d'éleveur de bovins, pour laquelle il ne donne aucun justificatif ( inscription au CFE de la Chambre d'agriculture, affiliation à la MSA ou demandes d'aides auprès des collectivités ...). Ses déclarations de revenus produites aux débats ne permettent pas d'identifier l'origine des revenus qu'il a déclarés de 2010 à 2012.

Il résulte des éléments médicaux qu'il était en mesure de reprendre et maintenir son activité professionnelle antérieure comme cela avait été reconnu par le médecin du Travail qui l'avait déclaré apte sans même évoquer de restriction particulière. Il a fait le choix personnel d'une reconversion professionnelle dans des activités de maraîcher puis d'éleveur bovin, où les déplacements et le port de charges sont importants dans chacune de ces activités.

En conséquence, aucune perte de gains professionnels futurs n'est établie.

En raison de la gêne partielle reconnue par l'expert pour certaines activités : piétinement, station debout prolongée, déplacements prolongés avec marche ou montée et descente d'escaliers, port de charge, effort de traction ou poussée, il est certain qu'une certaine pénibilité et une fatigabilité doivent lui être reconnus dans l'exercice de nombreuses professions, et notamment dans celles qu'il a choisi d'exercer. En réparation de ce préjudice il lui est alloué la somme de 70.000 €.

Après déduction de la rente accident du travail versée par la CPAM à hauteur de 72.702,76€, il ne revient aucune indemnité complémentaire à la victime, et il reste à imputer la somme de 2.702,76€.

- déficit fonctionnel permanent :

Les séquelles décrites par l'expert et conservées par Monsieur [B] [S] après la consolidation de son état, à savoir des adhérences musculaires et aponévrotiques au plan cutané concernant les muscles jambier antérieur, un discret freinage des mouvements de l'articulation tibio-tarsienne, une dysesthésie sur l'ensemble de la loge antéro-externe de la jambe droite, une fonction locomotrice partiellement perturbée du fait d'un discret varus du pied droit, un retentissement psycho-traumatique ,entraînent non seulement des atteintes aux fonctions physiologiques mais également des douleurs ainsi qu'une perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence, personnelles, familiales et sociales, qui justifient, pour une victime âgée de 28 ans lors de la consolidation de son état, la somme de 90.500 € justement évaluée par les premiers juges, soit après déduction du solde de 2.702,76€ restant à imputer, la somme de 87.797,24€ .

Monsieur [B] [S] recevra ainsi, en réparation de ces chefs de préjudice, une indemnité totale de 87.797,24 euros, en deniers ou quittances.

2. Sur l'article 700 du CPC

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la victime l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. Compte tenu de la somme déjà allouée à ce titre par l'arrêt du 5 novembre 2012, il lui sera alloué en cause d'appel, la somme complémentaire de 1000 euros .

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt en date du 5 novembre 2012,

Infirme le jugement en ce qui concerne les postes de perte de gains professionnels futurs, d'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent ;

Et statuant à nouveau, dans cette limite :

Condamne la société Axa France Iard à verser à Monsieur [B] [S]:

*la somme de 87.797,24 euros (quatre-vingt sept mille sept cent quatre-vingt-dix-sept euros et vingt-quatre centimes) en réparation de ses préjudices de perte de gains professionnels futurs, d'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l'exécution provisoire non déduites, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus;

* la somme complémentaire de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Axa France Iard aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/15188
Date de la décision : 03/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°10/15188 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-03;10.15188 ?
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