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15/10/2012 | FRANCE | N°11/14020

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 15 octobre 2012, 11/14020


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRET DU 15 OCTOBRE 2012



(n° 12/208, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/14020



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juillet 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS, 19ème Chambre Civile - RG n° 07/10128



APPELANTS ET INTIMÉS



SA COMPAGNIE CHARTIS EUROPE prise en la personne de ses représent

ants légaux

dont le siège est [Adresse 3]



représentée par la AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocats au barreau de PARIS, toque : L0069

assistée de Me Fabien...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRET DU 15 OCTOBRE 2012

(n° 12/208, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/14020

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juillet 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS, 19ème Chambre Civile - RG n° 07/10128

APPELANTS ET INTIMÉS

SA COMPAGNIE CHARTIS EUROPE prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège est [Adresse 3]

représentée par la AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocats au barreau de PARIS, toque : L0069

assistée de Me Fabienne RAVERDY, substituant Me Jean-Louis ROINÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : A02

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS pris en la personne de ses représentants légaux dont le siège est [Adresse 4]

représenté par la SELARL SELARL HJYH, avocats au barreau de PARIS, toque : L0056)

assisté de Me Michel BONNELY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

INTIMÉS

Monsieur [F] [G]

demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP MENARD-SCELLE MILLET, avocats au barreau de PARIS, toque : L0055

assisté de Me Elodie LASNIER, plaidant pour le Cabinet ANDRE-PORTAILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : C111

SAS HERTZ FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège est [Adresse 15]

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL, avocats au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de Me Carole DE PAZ plaidant pour le Cabinet SOULIE & COSTE-FLORET, avocat au barreau de PARIS, toque P267

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 2]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente

Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, entendue en son rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadine ARRIGONI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et par Mme Nadine ARRIGONI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

° ° °

Le 13 septembre 1993, M. [F] [G], âgé de 21 ans, salarié de la société HERTZ FRANCE en qualité de convoyeur, a été renversé dans le parking souterrain de cette société, par un véhicule conduit par un autre salarié de la société, M. [J], qui a brusquement accéléré au cours d'une marche arrière. M.[G] est resté atteint d'une paraplégie haute.

Le 3 mai 1994, M. [G] a déposé une plainte avec constitution de partie civile.

Par jugement du 21 mars 1995, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. [J] des fins de la poursuite.

Sur appel de M. [G], par arrêt du 18 décembre 1995, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement et reconnu M. [J] coupable de blessures involontaires.

Par décision du 5 juillet 1996, rectifiée par décision du 17 janvier 1997, ordonnant l'exécution provision, et confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juillet 1997, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction du tribunal de grande instance de Paris (CIVI) a ordonné une expertise judiciaire et alloué à M. [G] une provision.

L'expert judiciaire a déposé un rapport le 30 octobre 1996.

Par décision du 3 juillet 1998, avant dire droit sur la réparation des préjudices soumis au recours des organismes de sécurité sociale, la CIVI a ordonné une nouvelle expertise et liquidé le préjudice personnel et matériel de M. [G] ainsi que le préjudice des victimes par ricochet.

L'expert judiciaire a déposé un rapport le 26 novembre 1998.

Par décision du 28 mai 1999, la CIVI a liquidé le préjudice soumis au recours des organismes de sécurité sociale.

Par arrêt du 9 juin 2000, la cour d'appel a partiellement infirmé la décision du 28 mai 1999.

Par arrêt du 7 mai 2002, sur pourvoi du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS (FGTI), la 2é chambre civile de la Cour de cassation a, sur un moyen relevé d'office, cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 9 juin 2000 de la cour d'appel de Paris, aux motifs que M. [G] avait été victime d'un accident de la circulation soumis à la loi du 5 juillet 1985.

Par arrêt du 18 février 2004, la cour d'appel de Paris, statuant comme cour de renvoi, estimant que le droit à indemnisation de M. [G] avait été définitivement jugé par la décision devenue irrévocable du 3 juillet 1998, a liquidé le préjudice soumis à recours de M. [G].

Par actes des 27 juillet et 3 août 2004, le FGTI a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, la société HERTZ FRANCE, son assureur la société AIG EUROPE et la CPAM de Paris, aux fins d'obtenir le remboursement des indemnités qu'il a versé à M. [G].

Par jugement du 6 janvier 2006, le tribunal de grande instance a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de cassation se soit prononcée sur le pourvoi formé par le FGTI à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 février 2004.

Par arrêt du 29 mars 2006, la 2é chambre civile de la Cour de cassation a cassé sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 février 2004, aux motifs 'que si, en ce qu'elle indemnisait les préjudices personnel et matériel de la victime, la décision de la CIVI du 3 juillet 1998, devenue irrévocable, était, quel qu'en fût le mérite, revêtue de l'autorité de la chose jugée, elle n'avait aucune influence sur le préjudice soumis à recours, lequel était divisible du préjudice déjà réparé'.

Par actes des 17 et 18 juillet 2007, M. [G] a fait assigner en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés HERTZ FRANCE et AIG EUROPE, aux droits de laquelle vient la société CHARTIS EUROPE, ainsi que la CPAM de Paris.

Par ordonnance du 4 juin 2009, signifiée au FGTI le 14 août 2009, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a constaté la péremption de l'instance introduite par le FGTI à l'encontre des sociétés HERTZ FRANCE et AIG EUROPE .

Le 8 février 2010, le FGTI est intervenu volontairement à l'instance introduite par M. [G] devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 5 juillet 2011, le tribunal a :

- donné acte à la société AIG EUROPE de ce qu'elle a changé de dénomination sociale pour devenir CHARTIS EUROPE ;

- dit l'action de M. [G] recevable et rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de son action ;

- dit l'action du FGTI prescrite ;

- rejeté les demandes présentées par le FGTI en ce compris celle relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit que M. [G] a été victime d'un accident de la circulation survenu sur une voie ouverte à la circulation publique et que la loi du 5 juillet 1985 est applicable ;

- sursis à statuer sur la réparation du préjudice de M. [G] ;

- ordonné une expertise médicale confiée au docteur [R] [B] [V] ;

- rejeté les demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile par les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE ;

- condamné in solidum la société HERTZ FRANCE et la société CHARTIS EUROPE aux dépens à l'exception de ceux du FGTI, que cette partie conservera à sa charge ;

- condamné in solidum la société Hertz France et la société Chartis Europe à payer à M. [G] la somme de 5,000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- déclaré le jugement commun à la CPAM de Paris ;

- ordonné l'exécution provisoire.

La société CHARTIS EUROPE a interjeté du appel du jugement le 19 octobre 2011.

Le FGTI a interjeté appel du jugement le 5 décembre 2011.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 29 février 2012 les deux procédures ont été jointes.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 juillet 2012, par lesquelles la société CHARTIS EUROPE, demande :

1/ Sur l'appel de la société CHARTIS EUROPE :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que l'action du FGTI était prescrite, rejeté l'ensemble des demandes présentées par le FGTI en ce compris celle relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que le FGTI gardera à sa charge ses propres dépens,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- fixer le point de départ de la prescription prévue par l'article 2270-1 du code civil au 5 août 1994,

- dire que la prescription de l'action de M. [G] contre HERTZ et CHARTIS EUROPE, n'était pas suspendue par la procédure l'opposant au FGTI, et que M. [G] ne démontre pas s'être trouvé dans l'impossibilité absolue d'agir contre la société CHARTIS EUROPE et la société HERTZ,

- dire que le délai de prescription de l'action de M. [G] contre la société HERTZ et la société CHARTIS EUROPE n'a pas été interrompu par son action devant la CIVI, et par l'action du FGTI contre CHARTIS EUROPE et HERTZ,

- dire qu'en tout état de cause, le rejet des demandes de M. [G] devant la CIVI et la péremption de l'instance opposant le FGTI à CHARTIS EUROPE et HERTZ rendrait non avenu l'éventuel effet interruptif de prescription de ces procédures, en application de l'article 2247 du code civil,

- dire que l'action de M. [G] contre la société HERTZ et la société CHARTIS EUROPE est prescrite en application de l'article 2270-1 du code civil,

- en conséquence, la déclarer irrecevable et débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- dire que l'appel en garantie de la société HERTZ est sans objet et l'en débouter,

A titre subsidiaire,

- dire que l'accident du 13 septembre1993 n'est pas survenu sur une voie ouverte à la circulation publique au sens des articles L 455-1-1 du code de la Sécurité Sociale et

R 211- 8 du code des assurances,

- dire que M. [G] reconnaît que l'accident est survenu sur une voie non ouverte à la circulation publique,

- dire que M. [G] ne peut pas solliciter l'indemnisation complémentaire de ses préjudices à la société HERTZ et la Compagnie CHARTIS EUROPE,

En conséquence,

- débouter M. [G] et la société HERTZ de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société CHARTIS EUROPE,

A titre plus subsidiaire,

- donner acte à la Compagnie CHARTIS EUROPE de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la mesure d'expertise ordonnée par le Tribunal,

- dire que les frais d'expertise devraient être supportés par M. [G],

- débouter M. [G] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

2/ Sur l'appel du FGTI

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel du FGTI,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'action du FGTI était prescrite, rejeté l'ensemble des demandes présentées par le FGTI en ce compris celle relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que le FGTI gardera à sa charge ses propres dépens,

Au besoin par une substitution de motifs,

- dire que le FGTI ne dispose ni d'un intérêt à agir, ni d'une qualité pour agir contre CHARTIS EUROPE,

En conséquence,

- dire que l'action du FGTI contre CHARTIS EUROPE est irrecevable,

A titre subsidiaire

- dire que l'accident du 13 septembre 1993 n'est pas survenu sur une voie ouverte à la circulation publique au sens des articles, L. 455-1 - 1 du code de la sécurité sociale et R 211 - 8 du code des assurances,

- dire que le FGTI ne dispose pas de plus de droits que M. [G],

En conséquence,

- débouter le FGTI de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société CHARTIS EUROPE,

- dire sans objet l'appel en garantie de la société HERTZ et l'en débouter,

A titre plus subsidiaire

- dire que le FGTI ne pourrait exercer son recours qu'à hauteur de la réparation complémentaire destinée à couvrir la fraction du préjudice de M. [G] qui n'aurait pas été couverte par les versements de la CPAM,

- dire que le FGTI ne verse aucun justificatif de nature à permettre de vérifier le quantum de son recours,

En conséquence,

- débouter le FGTI de l'ensemble de ses demandes,

- dire sans objet l'appel en garantie de la société HERTZ et l'en débouter,

A titre encore plus subsidiaire

- débouter le FGTI de sa demande de dommages et intérêts,

- fixer le point de départ des intérêts à compter de l'arrêt à venir,

- condamner M. [G] et à défaut tout succombant à payer à la société CHARTIS EUROPE la somme de 10.000 € sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner M. [G] et à défaut tout succombant aux entiers de première instance et d'appel dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 mai 2012, par lesquelles le FGTI demande :

- que le jugement soit infirmé pour les dispositions qui le concernent,

- que, la société HERTZ et la société CHARTIS EUROPE soient condamnées, in solidum à lui payer :

* la somme arrêtée au 28 décembre 2006, date du dernier règlement opéré, d'un montant total de 694 506,65 € , à titre principal, avec intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 28 janvier 2003, et subsidiairement, du 27 juillet 2004, pour les montants concernés à ces dates,

*la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance dilatoire,

*la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- que la société HERTZ et la société d'assurance CHARTIS EUROPE soient condamnées in solidum aux entiers dépens qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 22 mai 2012, par lesquelles M. [G] sollicite :

- que le jugement soit confirmé en toutes ses dispositions,

- que la société CHARTIS EUROPE soit déboutée de son appel et de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- que la société HERTZ FRANCE soit déboutée de sa demande au titre des frais irréptibles,

- que les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE soient condamnées in solidum, à lui verser la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 juillet 2012, par lesquelles la société HERTZ FRANCE demande :

- que le jugement soit infirmé, en ce qu'il a déclaré M. [G] recevable en son action

A titre principal,

- qu'il soit dit que M. [G] est prescrit en son action dirigée à son encontre et tendant à la voir condamnée à la réparation des conséquences dommageables de l'accident du 13 septembre 1993,

- qu'il soit dit que le FGTI est prescrit en son action dirigée à son encontre et tendant à la voir condamnée à la réparation des conséquences dommageables de l'accident du 13 septembre 1993,

- que M. [G] et le FGTI soient déclarés irrecevables à agir à son encontre,

- que M. [G] et le FGTI soient déboutés de l'intégralité de leurs demandes,

- qu'ils soient condamnés à lui verser une somme de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- qu'il soit dit que la société CHARTIS EUROPE est tenue à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.

La CPAM de Paris , assignée à personne habilitée, a fait savoir par courrier du 8 novembre 2011 qu'elle n'interviendra pas à l'instance et précisé le montant de sa créance définitive, laquelle s'élève à la somme de 580 172,82 euros, soit :

- prestations en nature : 150 774, 23 euros

- indemnités journalières : 6 421,84 euros

- rente : 422 976,75 euros

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur l'action de M. [G] :

L'action de M. [G] ayant été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, en application des dispositions de l'article 26 III de la loi précitée.

Il est constant, d'une part, que le point de départ de l'action de M. [G] contre les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE est la date de consolidation de ses blessures, soit le 5 août 1994, et que son action est soumise à un délai de prescription décennale, qui expirait le 4 août 2004 à minuit ; d'autre part, que M. [G] a assigné la société CHARTIS EUROPE le 17 juillet 2007 et la société HERTZ FRANCE, le 18 juillet 2007.

Les sociétés CHARTIS EUROPE et HERTZ FRANCE soutiennent que M. [G] ne peut se prévaloir d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription et que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre lorsque ces deux actions tendent à un seul et même but, que lorsqu'il s'agit des mêmes parties ou à défaut lorsque les débiteurs sont solidairement tenus d'une même dette.

Cependant, M. [G] se prévaut à juste titre des dispositions de l'article 2257 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dont il résulte que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir.

Il ressort des pièces versées aux débats par M. [G] qu'à la suite de son accident survenu le 13 septembre 1993, la société AIG EUROPE a refusé, par courrier du 24 septembre 1993, de prendre en charge l'indemnisation de ses préjudices corporels, aux motifs que la loi du 5 juillet 1985 n'était pas applicable.

M. [G] a alors déposé une plainte avec constitution de partie civile le 3 mai 1994, cette procédure a pris fin par un arrêt définitif du 18 décembre 1995.

En parallèle à cette procédure pénale, M. [G] a saisi la CIVI, qui, dans ses décisions successives, a retenu sa compétence et écarté l'application de la loi du 5 juillet 1985.

M. [G] a ainsi manifesté de façon continue, notamment par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile et la saisine de la CIVI, sa volonté de mettre en jeu la responsabilité des auteurs du dommage et d'obtenir l'indemnisation intégrale de ses préjudices. La saisine de la CIVI apparaissant à l'époque comme le seul recours en indemnisation intégrale ouvert à M. [G].

Par décision du 5 juillet 1996, opposable aux sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel en date du 4 juillet 1997 et devenue irrévocable, la CIVI s'est reconnue compétente pour indemniser M. [G] en ordonnant une expertise et en lui allouant une provision.

La compétence de la CIVI étant exclusive de l'application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, M. [G] se trouvait dès lors dans l'impossibilité juridique d'agir contre la société HERTZ FRANCE et son assureur sur le fondement des dispositions de la loi précitée, une telle action se heurtant à l'autorité relative de la chose jugée attachée dès son prononcé à la décision de la CIVI.

L'irrévocabilité de la chose jugée, qui s'imposait à M. [G], lui interdisait de remettre en cause la décision de la CIVI, soit directement en formant une nouvelle fois une demande identique en indemnisation, soit indirectement en émettant les mêmes prétentions à l'occasion d'une autre procédure, sous peine de commettre un abus de droit.

A compter de la notification de la décision de la CIVI du 5 juillet 1996, qui a reconnu le droit à indemnisation de M. [G] sur le fondement des dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale, celui-ci se trouvait dans l'impossibilité absolue de défendre ses droits vis à vis de la société HERTZ FRANCE et de son assureur et la prescription de son action à leur encontre a été suspendue, jusqu'à la notification qui lui a été faite de l'arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 2002, qui, malgré les décisions antérieures passées en force de chose jugée, lui a reconnu le droit d'agir sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

Le délai de prescription a donc de nouveau couru à compter de l'année 2002. La suspension du délai de prescription décennale de juillet 1996 à mai 2002, soit durant près de 6 années, a reporté le dies a quem au mois de mai 2010. M. [G], qui a assigné les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE au mois de juillet 2007, a donc agit dans le délai de prescription et son action doit être déclarée recevable.

Par arrêt du 7 mai 2002 la 2é chambre civile de la Cour de cassation a jugé, sur un moyen soulevé d'office, que M. [G] avait été victime d'un accident de la circulation. Par arrêt du 29 mars 2006 cette même chambre de la Cour de cassation a débouté M. [G] de ses demandes, fondées sur les dispositions des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale, au titre du préjudice soumis à recours.

Il résulte de ces arrêts que M. [G] ne peut obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident survenu le 13 septembre 1993 que sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, à l'exclusion des dispositions des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale.

Les prétentions des sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE qui sollicitent que M. [G] soit débouté de ses demandes à leur encontre sont contraires à la doctrine exprimée par la Cour de cassation et doivent être rejetées.

En conséquence, le jugement sera confirmé dans ses dispositions ayant écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription et dit l'action de M. [G] recevable et bien fondée en application des dispositions combinées de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale.

Sur l'action du FGTI :

Le FGTI expose avoir versé à M. [G] la somme de 694 506,65 euros en indemnisation de ses préjudices en exécution des décisions de la CIVI et de la cour d'appel de Paris devenues irrévocables ou assorties de l'exécution provisoire.

Aux termes de l'article 706-11 du code de procédure pénale 'Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes'.

Le FGTI, qui bénéficie d'une subrogation légale à l'encontre des responsables du dommage subi par M. [G] à hauteur des sommes qu'il a versées à la victime, a intérêt et qualité à agir contre les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE.

Il en résulte que, d'une part, le FGTI, qui n'agit qu'en qualité de subrogé, ne pouvait avoir plus de droit que M. [G] et ne disposait donc d'aucune action récursoire contre les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE tant que le subrogeant n'en disposait pas lui même ; d'autre part, le régime de la prescription applicable au FGTI est celui applicable à l'action de M. [G].

Le FGTI, partie aux procédures devant la CIVI et subrogé dans les droits de la victime, a été comme M. [G] dans l'impossibilité absolue d'agir contre les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE jusqu'au mois de mai 2002. Dès lors le délai de prescription de son action a été suspendu dans les mêmes conditions que celui de l'action de M. [G] et le dies a quem a été reporté au mois de mai 2010.

Dès lors, l'action subrogatoire du FGTI, qui est intervenu volontairement le 8 février 2010 à l'instance introduite par M. [G] à l'encontre des sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE, n'est pas prescrite.

En conséquence, M. [G] est en droit d'obtenir des sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE l'indemnisation de ses préjudices corporels, le FGTI étant subrogé dans les droits de la victime à hauteur des sommes qu'il lui a versées, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites sociétés.

Au vu des pièces produites par le FGTI, il convient de lui allouer à titre provisionnel la somme de 120 000 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit l'action du FGTI prescrite et rejeté ses demandes.

Sur la garantie de la société CHARTIS EUROPE :

La société CHARTIS EUROPE qui ne conteste pas être l'assureur flotte automobile de la société HERTZ FRANCE, doit sa garantie à son assurée pour toute condamnation prononcée à son encontre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance dilatoire :

LE FGTI qui ne démontre pas que les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE aient abusé de leur droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours qui leur était légalement ouverte, sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la victime l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge sera confirmée et il lui sera alloué en cause d'appel, la somme complémentaire de 5 000 euros .

Les mêmes considérations ne conduisent pas à faire droit à la demande du même chef des autres parties.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 5 juillet 2011 sauf en ses dispositions ayant dit l'action du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS prescrite, rejeté l'ensemble de ses demandes et condamné à supporter ses propres dépens ;

Et statuant à nouveau, dans cette limite :

Dit l'action du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS recevable et rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription, du défaut de qualité et d'intérêt à agir ;

Condamne in solidum les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE à verser au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS la somme de 120 000 € à titre de provision sur le remboursement des sommes versées à M. [G], ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Et y ajoutant :

Dit la société CHARTIS EUROPE tenue à garantir la société HERTZ FRANCE des condamnations prononcées contre elle ;

Condamne in solidum les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE à verser à M. [F] [G] la somme complémentaire de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne in solidum les sociétés HERTZ FRANCE et CHARTIS EUROPE aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/14020
Date de la décision : 15/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°11/14020 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-15;11.14020 ?
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