La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2015 | FRANCE | N°13/00457

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 17 septembre 2015, 13/00457


No 478
GR
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Fong,
le 17. 09. 2015.

Copies authentiques délivrées à :
- Cps,
- Me Kitnzler,
le 17. 09. 2015.

REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale

Audience du 17 septembre 2015

RG 13/ 00457 ;
Décision déférée à la Cour : jugement no13/ 00135, rg F 11/ 145 du Tribunal du Travail en date du 15 juillet 2013 ;
Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le no13/ 00077 le 15 juillet 2013, dossi

er transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 7 août 2013 ;
Appelante :
La Caisse de Prévoyance Sociale de la Polyné...

No 478
GR
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Fong,
le 17. 09. 2015.

Copies authentiques délivrées à :
- Cps,
- Me Kitnzler,
le 17. 09. 2015.

REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale

Audience du 17 septembre 2015

RG 13/ 00457 ;
Décision déférée à la Cour : jugement no13/ 00135, rg F 11/ 145 du Tribunal du Travail en date du 15 juillet 2013 ;
Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le no13/ 00077 le 15 juillet 2013, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 7 août 2013 ;
Appelante :
La Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française, ayant son siège sise Avenue Commandant Chessé, BP 1-98713 Papeete ;
Représentée par M. Raimana Y..., dûment mandaté ;

Intimés :
La Sa France Télévision à l'enseigne Rfo Polynésie, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le no09289- B prise en la personne de son gérant, dont le siège social est sis Centre Pamatai PK 5, BP 60125-98702 Faa'a ;
Représentée par Me Caroline FONG, avocat au barreau de Papeete ;
Madame Irène Z... épouse A..., demeurant...
Monsieur Teava Marc A..., demeurant...
Monsieur Tearii Denis A..., demeurant... ;
Madame Sylvana A..., demeurant... ;
Monsieur Carl Teva Heremoana A..., demeurant... ;
Représentés par Me Didier KINTZLER, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 15 mai 2015 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 juillet 2015, devant M. VOUAUX-MASSEL, premier président, M. PANNETIER, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé publiquement ce jour par M. VOUAUX-MASSEL, président, en présence de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, lesquels ont signé la minute.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Le 22 septembre 2003, Charles A..., employé par RFO POLYNÉSIE (filiale de FRANCE TÉLÉVISIONS) depuis le 1er décembre 1965 comme ingénieur du son, a été victime, sur son lieu de travail, d'un infarctus du myocarde, déclaré comme accident du travail par l'entreprise.
Dans un premier temps et par lettre du 16 janvier 2004, la CAISSE DE PRÉVOYANCE SOCIALE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (CPS) a refusé la reconnaissance d'accident du travail à ces lésions et a indemnisé le salarié selon le régime de la longue maladie jusqu'au 1er octobre 2006, date à laquelle Charles A..., qui n'avait jamais repris le travail, a fait valoir ses droits à la retraite.
Ultérieurement, par lettre du 26 mars 2007 et à la suite de l'expertise du Dr D... du 7 mars 2007, la CPS a en définitive admis l'existence d'un accident du travail et réglé rétroactivement les arrérages de rente accident du travail du 2 février 2004 au 24 septembre 2006. Elle a consécutivement émis un ordre de recette d'un montant de 15 934 600 F CFP à l'encontre de RFO au titre des sommes servies par l'organisme social à l'employeur pour le compte du salarié.
En 2008, RFO POLYNÉSIE a saisi le tribunal du travail aux fins de voir enjoindre à la CPS de produire le recours qu'aurait formé le salarié le 11 avril 2005 à l'encontre du refus de reconnaissance d'accident du travail, de dire ce recours irrégulier à défaut de saisine du tribunal du travail et la procédure forclose, et subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale. La CPS a soulevé l'irrecevabilité de ces demandes en l'absence d'intérêt pour agir de l'employeur et au motif de l'incompétence du tribunal du travail pour trancher la contestation de l'ordre de recette. Charles A... s'est également opposé aux demandes de son ex-employeur.
Par jugement du 2 août 2010, le tribunal du travail de Papeete a :
Dit la SA FRANCE TÉLÉVISIONS recevable en sa contestation de la reconnaissance par la CPS, le 26 mars 2007, de la qualité d'accident du travail à l'infarctus du myocarde ayant affecté Charles A... le 22 septembre 2003 ;
Dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise médicale ;

Dit que cet infarctus est présumé accident du travail sans que l'employeur ne rapporte la preuve contraire.
La CPS a émis le 28 mars 2011 une contrainte no 02-2011 pour recouvrement de trop-perçus d'un montant total de 15 934 600 F CFP correspondant aux indemnités journalières du 1er mars 2004 au 20 septembre 2006 indûment remboursées à la SA FRANCE TÉLÉVISIONS pour le compte du salarié Charles A... dans le cadre du régime d'assurance maladie et longue maladie des salariés, compte tenu de la perception par Charles A... d'une rente du régime des accidents du travail des salariés au cours de ladite période.
La contrainte a été signifiée le 9 mai 2011 à FRANCE TÉLÉVISIONS. Celle-ci a introduit la présente instance le 13 mai 2011 pour voir admettre son opposition et pour voir condamner la CPS au paiement de la somme de 5 311 333 F CFP au titre des salaires indûment versés par l'employeur à Charles A....
Ce dernier étant décédé, l'instance a été poursuivie par ses ayants droit.
Par jugement du 15 juillet 2013, le tribunal du travail de Papeete a :
Invalidé la contrainte no 02-2011 d'un montant de 15 934 600 F CFP émise par la CAISSE DE PRÉVOYANCE SOCIALE le 28 mars 2011 à l'encontre de la SA FRANCE TÉLÉVISIONS ;
Débouté la SA FRANCE TÉLÉVISIONS de sa demande de remboursement par les consorts A... d'une somme de 5 311 333 F CFP ;
Condamné la CPS aux entiers dépens de la procédure d'opposition à contrainte et au paiement à la SA FRANCE TÉLÉVISIONS d'une somme de 200 000 F CFP en application de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamné la SA FRANCE TÉLÉVISIONS aux entiers dépens de l'instance engagée à l'encontre des consorts A... dont distraction d'usage et au paiement d'une somme de 200 000 F CFP en application de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La CPS et la SA FRANCE TÉLÉVISIONS à l'enseigne RFO POLYNÉSIE en ont relevé appel par déclarations enregistrées au greffe les 7 et 19 août 2013. Les appels ont été joints par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état du 25 octobre 2013.
Il est demandé à la cour :
1o par la SA FRANCE TÉLÉVISIONS, appelante et intimée, dans ses conclusions visées le 18 octobre 2013 et le 21 février 2014, de :
infirmer partiellement le jugement entrepris ;
condamner solidairement la CPS et les consorts A... à lui payer la somme de 5 311 333 F CFP au titre des salaires indûment payés ;
débouter les consorts A... de leur demande au titre des frais irrépétibles ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a invalidé la contrainte no 02-201 de 15 934 600 F CFP émise par la CPS le 28 mars 2011 à son encontre ;
la mettre hors de cause ;
débouter la CPS de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la CPS à lui payer la somme de 228 600 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;
2o par la CAISSE DE PRÉVOYANCE SOCIALE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, appelante et intimée, dans ses conclusions visées le 4 décembre 2013, de :
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a invalidé la contrainte no 02-2011 en date du 28 mars 2011 d'un montant de 15 934 000 F CFP émise à l'encontre de la SA FRANCE TÉLÉVISIONS, et l'a condamnée aux entiers dépens de la procédure d'opposition à contrainte et au paiement à la SA FRANCE TÉLÉVISIONS d'une somme de 200 000 F CFP pour frais irrépétibles ;
déclarer non fondée l'opposition formée par la SA FRANCE TÉLÉVISIONS à l'encontre de la contrainte no 02-2011 en date du 28 mars 2011 d'un montant de 15 934 000 F CFP ;
dire bonne et valable ladite contrainte pour son montant ;
condamner la SA FRANCE TÉLÉVISIONS à lui payer la somme de 7 962 F CFP au titre des frais de signification de ladite contrainte ;
condamner la SA FRANCE TÉLÉVISIONS aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 150 000 F CFP en remboursement de ses débours non compris dans ceux-ci ;
confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

3o par Irène Z... Vve A..., Teava A..., Tearii A..., Sylvana A... et Carl A..., intimés, dans leurs conclusions visées le 21 novembre 2014, de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
condamner la SA FRANCE TÉLÉVISIONS ou tout autre succombant aux dépens de première instance et d'appel avec distraction et à leur payer la somme de 339 000 F CFP en remboursement de leurs débours non compris dans ceux-ci.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2015.
Les moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé, sont résumés dans les motifs qui suivent.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.
Le jugement dont appel a retenu que la créance de la CPS est soumise à une prescription biennale qui, ayant atteint les prestations versées avant le 28 mars 2006, soit deux ans avant la mise en demeure du 28 mars 2008, n'a pas été interrompue par l'action introduite par FRANCE TÉLÉVISIONS ; qu'elle n'a pas non plus été interrompue par la mise en demeure car celle-ci n'a pas été signifiée ; que la CPS n'ayant pas justifié d'un recours exercé par Charles A..., c'est de manière volontaire que la caisse a décidé de faire bénéficier celui-ci du régime des accidents du travail, alors que son recours était prescrit, et qu'elle ne peut ainsi demander à FRANCE TÉLÉVISIONS de lui rembourser les sommes versées au titre de la longue maladie ; que l'employeur n'est pas non plus fondé à demander à la CPS ou aux ayants droit de C. A... le remboursement des salaires qu'il a versés à ce dernier pendant trois ans en application de dispositions conventionnelles.

La CPS fait valoir que :
- une prescription ne peut courir qu'à compter du jour où celui à qui elle est opposée a pu agir valablement ; en l'espèce, elle n'a appris que le malaise dont a été victime C. A... relevait du régime des accidents du travail qu'au moment de la réception du rapport d'expertise, le 8 mars 2007 ;
- elle a mis en demeure FRANCE TÉLÉVISION de régler la somme de 15 934 600 F CFP indûment perçue par l'employeur par courrier du 28 mars 2008 reçu le 9 avril suivant : il résulte d'une jurisprudence de la Cour de cassation qu'une réclamation adressée par l'organisme social à celui qui a reçu indûment des paiements à l'effet de lui demander le remboursement du trop-perçu vaut commandement de payer interruptif de prescription, sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception, dès lors qu'il est constant qu'elle est parvenue au destinataire ;
- le recouvrement des prestations indûment versées par la CPS peut être poursuivi pendant cinq ans en utilisant la procédure de la contrainte prévue par le décret du 24 février 1957 (art. 14) ;
- la prescription de la créance a été interrompue par l'instance introduite le 18 avril 2008 devant le tribunal du travail ;
- la prescription biennale ne s'applique qu'à l'action dirigée par la caisse contre l'assuré bénéficiaire des prestations, et non à l'action exercée pour le recouvrement de sommes perçues indûment par un tiers ;
- la CPS n'a commis aucune faute en retenant le régime des accidents du travail à partir du moment où l'expert a qualifié celui-ci ; FRANCE TÉLÉVISIONS n'a pas subi de préjudice en exécutant son obligation contractuelle de maintenir le salaire de son employé en arrêt de travail.

La SA FRANCE TÉLÉVISIONS conclut que :
- son opposition à contrainte est recevable ;
- le malaise de C. A... paraissait à l'origine relever du régime de longue maladie, comme retenu par la CPS, et non de celui des accidents du travail ; à ce titre, le salarié perçoit la totalité de ses salaires pendant trois ans : 75 % sont payés par la CPS et 25 % par l'employeur ; la convention collective de RFO prévoit de plus que le salarié perçoit la moitié de ses salaires pendant deux ans ; C. A... a ainsi perçu la totalité de son salaire du 22 septembre 2003 jusqu'à son départ en retraite anticipée le 22 septembre 2006 ;
- ce n'est que le 1er juin 2007 qu'elle a reçu un ordre de recette non daté de la CPS pour le remboursement de la somme de 15 934 600 F CFP ;
- la CPS a écrit le 26 mars 2007 à C. A... et à FRANCE TÉLÉVISIONS que suite à l'expertise médicale, son médecin-conseil avait émis un avis favorable à un classement de la maladie en accident du travail avec un taux d'IPP de 80 % au 1er février 2004 ; sous ce régime, le salarié perçoit la totalité de son salaire pendant deux ans, suivi d'une rente qui est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité, soit environ 7 163 337 F CFP par an en l'espèce ; au décès du salarié, une fraction de la rente continue à être versée à son conjoint et à ses enfants ; la rente se cumule avec la pension de retraite ;
- le calcul du montant de 15 934 600 F CFP par la CPS correspond à celui du trop perçu de paiement à l'employeur d'indemnités journalières au titre de l'assurance maladie pour la période du 1er mars 2004 au 20 septembre 2006, du fait du paiement à rétroactif des arrérages de la rente au titre de l'accident du travail pour la période du 2 février 2004 au 24 septembre 2006 ;

- il résulte de ce courrier de la CPS que celle-ci a versé à C. A... à la fois :
. des indemnités journalières pour longue maladie (75 % du salaire : 15 934 000 F CFP) ;
. des indemnités d'accident du travail (100 % du salaire pendant deux ans : 14 163 555 F CFP) ;
. une rente pour une IPP de 80 % (10 745 000 F CFP) ;
. une pension de retraite ;
- selon FRANCE TÉLÉVISIONS, la position de la CPS est incompréhensible, car elle a payé deux fois les indemnités à C. A... pour ensuite demander à FRANCE TÉLÉVISIONS de rembourser les sommes dues au titre des indemnités longue maladie que cette dernière avait déjà reversées à son salarié, au lieu d'opérer une compensation comme prévu par l'article 2 de la délibération du 15 mai 2003 ;
- dans un courrier du 5 novembre 2007, la CPS a fait état d'un recours exercé par C. A..., mais n'en a jamais justifié ;
- FRANCE TÉLÉVISIONS n'a commis aucune faute en appliquant le régime longue maladie comme retenu initialement par la CPS ; le revirement de celle-ci est surprenant ;
- FRANCE TÉLÉVISION n'a pas bénéficié d'un enrichissement sans cause du fait du versement par la CPS de prestations pour longue maladie indues ; seuls C. A... et ses ayants droit se sont enrichis ;
- la mauvaise gestion du dossier par la CPS lui a occasionné un préjudice qui peut être évalué au montant des 25 % du salaire restés à sa charge, soit 5 311 333 F CFP ;
- la contrainte du 28 mars 2011 vise une délibération du 26 juin 1989 qui ne s'applique pas au recouvrement des indemnités journalières indues ; celui-ci est prévu par la délibération du 15 mai 2003, qui le soumet à une prescription de deux ans-sauf fraude ou fausse déclaration, ce qui n'a pas été le cas ;
- la prescription de cinq ans prévue par le décret du 24 février 1957 ne s'applique qu'en matière de recouvrement de cotisations impayées, et à la procédure de contrainte ;
- la prescription biennale applicable en l'espèce a couru à compter de la date du paiement, lequel a eu lieu de mars 2004 à septembre 2006 ; elle n'a pas été interrompue par la demande d'expertise faite par FRANCE TÉLÉVISIONS (art. 2247 anc. C. civ.) ;
- FRANCE TÉLÉVISIONS n'a pas été la bénéficiaire des indemnités journalières dont la CPS demande le remboursement ; en réalité, elle a avancé celles-ci à son salarié pour le compte de la CPS, laquelle était débitrice envers celui-ci de 75 % du salaire ;
- la CPS s'est abstenue d'appliquer la compensation prévue par la délibération du 15 mai 2003 en cas de prestations versées indûment, laquelle s'exerce entre la caisse et le salarié sans intervention de l'employeur.

Les consorts A... contestent la demande de FRANCE TÉLÉVISIONS tendant à les voir condamner solidairement avec la CPS à lui payer la somme de 5 311 333 F CFP. Ils font valoir qu'il ne s'agit pas de salaires indûment perçus par C. A..., mais de l'exécution de la convention collective par l'employeur ; que cette demande est atteinte par la prescription quinquennale ; qu'aucune faute ne peut leur être reprochée ; que la solidarité demandée n'est pas justifiée.

Sur ce :

I-La SA FRANCE TÉLÉVISIONS a introduit la présente instance, par requête enregistrée au greffe du tribunal du travail le 13 mai 2011, pour former opposition à une contrainte no 02-2011 établie par la CPS le 28 mars 2011 et qui lui a été signifiée le 9 mai 2011.
Cette contrainte a été émise aux fins de recouvrement d'indemnités journalières du 1er mars 2004 au 20 septembre 2006 indûment remboursées à la débitrice pour le compte du salarié Charles A... dans le cadre du régime d'assurance maladie et longue maladie des salariés, compte tenu de la perception par Charles A... d'une rente du régime des accidents du travail des salariés au cours de ladite période. La créance est d'un montant de 15 934 600 F CFP.
Aux termes de l'article 1er de la délibération no 97-67 APF du 17 avril 1997, la procédure prévue aux articles 6 et suivants du décret no 57-246 du 24 février 1957 modifié est applicable au recouvrement des prestations versées indûment par la CPS, à l'exclusion des délais de prescription prévus pour la mise en demeure.
L'opposition a été formée dans le délai de huit jours prévu par l'article 6 de ce décret.
Le même article 6 prévoit qu'une contrainte ne peut être délivrée que si la mise en demeure prévue par l'article 2 dudit décret reste sans effet. Cette mise en demeure ne peut concerner que les périodes qui précèdent la date de son envoi, dans la limite de 15 années pour le régime de retraite, 5 années pour les autres régimes.
D'autre part, l'article 1er de la délibération no 2003-69 APF du 15 mai 2003 relative au recouvrement des prestations versées indûment par la CPS, prévoit que, sauf dispositions spéciales, ladite action se prescrit par deux ans à compter du paiement entre les mains du bénéficiaire, excepté en cas de fraude ou de fausse déclaration.
Il résulte de l'application combinée de ces dispositions que l'envoi d'une mise en demeure était soumis à une prescription biennale, et non quinquennale. En effet, la délibération du 17 avril 1997 précitée exclut de son champ d'application les délais de prescription prévus pour l'envoi de la mise en demeure. Il convient donc d'appliquer dans ce cas le délai général de prescription prévu par la délibération du 15 mai 2003, le jugement entrepris ayant exactement relevé qu'aucune fraude ou fausse déclaration n'est alléguée.
Or, la mise en demeure qui a été adressée par la CPS à RFO le 28 mars 2008, par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 9 avril 2008, avait pour objet une créance qui a couru du 1er mars 2004 au 20 septembre 2006. Seuls échappent donc à la prescription les paiements intervenus entre le 9 avril et le 20 septembre 2006, soit un montant total de 4 791 379 F CFP au vu des mandats de paiement produits par la CPS.
C'est vainement que celle-ci prétend faire remonter au 7 mars 2007 le point de départ du délai de prescription pour recouvrer sa créance, au motif qu'elle n'aurait été en mesure d'agir valablement qu'après le dépôt, à cette date, de l'expertise médicale concluant à un accident du travail. C'est en effet la CPS qui a initialement décidé de ne pas retenir la déclaration d'accident du travail faite à l'origine par l'employeur, et d'indemniser plutôt le salarié sous le régime de l'assurance maladie ; c'est ensuite son médecin-conseil qui a demandé une expertise médicale ; c'est enfin la décision de la CPS de verser une rente d'accident du travail sans avoir auparavant demandé le remboursement des indemnités journalières qui a fait naître la créance litigieuse. D'autre part, le jugement entrepris a exactement relevé que la prescription fixée par l'article 1er de la délibération no 2003-69 du 15 mai 2003 à l'égard de l'action en recouvrement des prestations indûment payées par la caisse court à compter du paiement entre les mains du bénéficiaire, et de nul autre moment, dès lors qu'il n'y a eu ni fraude, ni fausse déclaration.
Seul l'envoi de la mise en demeure étant soumis à une prescription abrégée, c'est le délai de cinq ans prévu par l'article 14 du décret no 57-246 du 24 février 1957 qui s'applique à l'action en recouvrement exercée par la caisse (v.- p. ex. Soc. 12/ 12/ 1974 B. no 604 p. 565). La contrainte émise le 28 mars 2011 au visa de la mise en demeure du 28 mars 2008 n'est donc pas forclose, mais elle doit être cantonnée dans son montant, à supposer toutefois que la créance soit fondée en son principe.
II-La créance de la CPS, pour sa partie non prescrite, est justifiée par des mandats de paiement qu'elle a faits à RFO POLYNÉSIE, libellés : indemnités journalières salarié avance employeur.
Dans le régime d'assurance maladie qui était alors celui au titre duquel Charles A... était pris en charge, les indemnités journalières constituent les prestations en espèces qui bénéficient au salarié, pour un montant de 75 % du salaire réel (majoré pour enfants à charge), après le premier mois d'arrêt de travail, dans la limite de 18 mois pour une période de trois années consécutives (délibération no 74-22 du 14 février 1974 instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés modifiée, art. 6).
D'autre part, la convention collective applicable au contrat de travail de C. A... assure aux salariés en maladie de longue durée le maintien de l'intégralité du salaire pendant trois ans, et d'un demi-salaire pendant les deux années qui suivent. Les prestations allouées au salarié au titre du régime de la sécurité sociale viennent en déduction des sommes versées par l'entreprise.
La SA FRANCE TÉLÉVISIONS expose que C. A... a ainsi perçu, pendant la période litigieuse, 75 % de son salaire de la CPS, plus 25 % de son employeur, et que la CPS à remboursé à ce dernier le montant des indemnités journalières qui sont à la charge de l'organisme social.
Cette situation est confirmée par la contrainte du 28 mars 2011, où la créance de la CPS est décrite comme étant constituée par le montant d'indemnités journalières indûment remboursées à FRANCE TÉLÉVISIONS pour le compte du salarié Charles A....
Dans sa mise en demeure du 28 mars 2008, la CPS a exposé comme suit son argumentation : « En application des dispositions de l'article 1376 du Code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer de qui il l'a indûment reçu ; et selon une jurisprudence constante, l'action en répétition de l'indu peut être engagée, soit contre celui qui a reçu le paiement, soit contre celui pour le compte duquel il a été reçu, mais ne peut être dirigée contre celui pour le compte duquel le paiement a été effectué (…) Il appartiendra à RFO, le cas échéant, de se rapprocher de Monsieur A... afin d'obtenir le remboursement des sommes indûment versées au titre des indemnités journalières de février 2004 à septembre 2006. »
La délibération précitée du 14 février 1977 ne comporte pas de disposition analogue à celle de l'article R323-11 du Code de la sécurité sociale métropolitain, lequel prévoit que, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues. D'autre part, tant FRANCE TÉLÉVISIONS que les consorts A... contestent avoir consenti à une subrogation conventionnelle.
La CPS n'est pas fondée à asseoir son action en recouvrement sur une répétition de l'indu, car il est constant que les indemnités journalières qu'elle a versées à Charles A... sous forme d'avances à l'employeur de celui-ci, et dont il n'est pas contesté que l'assuré les ait perçues sous forme de salaire maintenu, étaient l'exécution de son obligation de payer les prestations en espèces légalement dues au titre du régime d'assurance maladie alors applicable à cet arrêt de travail. Ces indemnités journalières ne sont devenues répétibles que du fait de la décision ultérieure de la CPS de verser à C. A..., suite à une expertise médicale du 7 mars 2007, les arrérages de rente en accident du travail à compter de la consolidation fixée au 1er février 2004. FRANCE TÉLÉVISIONS fait justement valoir que cette décision de la caisse ne résultait pas d'une faute ou d'une négligence de la part de l'employeur, étant observé que l'expertise médicale a été demandée par le médecin-conseil de la CPS.
Il est tout aussi constant que le patrimoine de la caisse ne s'est trouvé appauvri qu'au moment où elle a versé à l'assuré les arrérages d'une rente d'accident du travail, après avoir réglé des indemnités journalières au titre du même événement. Mais, lorsque la CPS a émis, les 27 et 29 mars et le 5 avril 2007, les mandats de paiement de cette rente au crédit de Charles A..., les avances d'indemnités journalières qu'elle avait faites à FRANCE TÉLÉVISIONS étaient déjà sorties du patrimoine de celle-ci, puisqu'il n'est pas contesté que ces avances ont aussitôt été affectées par l'employeur à l'abondement de la part non patronale du salaire maintenu de l'assuré en longue maladie. L'enrichissement temporaire alors reçu par FRANCE TÉLÉVISIONS n'était pas sans cause, puisqu'il résultait, comme il a été dit, de l'application des règles légales en matière de couverture du risque de maladie, l'employeur n'ayant reçu des « avances » de la CPS qu'à charge pour lui de les reverser au salarié, ce qu'il a fait.
Il en résulte que, même pour la période non prescrite de sa créance, la CPS n'était pas fondée à recourir à la procédure de contrainte, et que l'opposition formée par la SA FRANCE TÉLÉVISIONS doit être admise. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
III-La SA FRANCE TÉLÉVISIONS fonde sa demande reconventionnelle de condamnation solidaire des consorts A... et de la CPS à lui rembourser la somme de 5 311 333 F CFP, montant de la part patronale des salaires indûment payés, sur l'enrichissement sans cause du patrimoine du salarié après qu'il ait perçu une double indemnisation du fait de l'attribution d'une rente d'accident du travail, et sur la mauvaise gestion du dossier par la CPS.
Quoique la procédure d'opposition à contrainte soit jugée en chambre du conseil devant le seul président du tribunal du travail (D. 24/ 02/ 1957, art. 8), aucune irrecevabilité de ce chef de la demande reconventionnelle n'a été invoquée, et le jugement dont appel a été rendu en formation collégiale.
Le tribunal a exactement retenu qu'au moment de leur paiement, les sommes acquittées par l'employeur l'étaient en application des dispositions conventionnelles en matière d'arrêt maladie, régime dont il n'est pas justifié qu'il ait alors été contesté. Leur remise n'a donc pas été causée par une faute, une imprudence ou une négligence de Charles A... ou de la CPS.
Les consorts A... font valoir que la demande de la SA FRANCE TÉLÉVISIONS est soumise à une prescription quinquennale en ce qu'elle a pour objet la répétition de salaires indûment perçus (C. civ., art. 2277 localement applicable).
Mais cette prescription court à compter de la date à laquelle la créance est devenue exigible (v.- p. ex. Soc. 16 juill. 1963 B IV no 605). En l'espèce, il s'agit du 9 avril 2008, date de réception par FRANCE TÉLÉVISIONS de la mise en demeure précitée de la CPS qui l'a invitée à se retourner le cas échéant contre C. A.... La demande reconventionnelle faite dans la présente instance n'est donc pas prescrite.
Les consorts A... soulèvent également le caractère résiduel de l'action fondée sur un enrichissement sans cause, et font valoir que l'appelante ne peut invoquer simultanément celle-ci et l'action en répétition de l'indu prévue par l'article 1377 du Code civil. La SA FRANCE TÉLÉVISIONS conclut que le fondement de l'action en répétition de l'indu est un enrichissement sans cause.
Tout payement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition (C. civ., art. 1235). Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu (art. 1376). Lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier (art. 1377).
Il n'est pas contesté que la SA FRANCE TÉLÉVISIONS a versé à Charles A..., durant l'arrêt de travail de ce dernier à compter du 22 septembre 2003, et jusqu'à son départ en retraite au 1er octobre 2006, la somme totale de 5 311 333 F CFP sous forme de salaires mensuels maintenus durant une longue maladie, représentant 25 % du montant de ceux-ci en application des dispositions de la délibération du 14 février 1974 et de celles de la convention collective du secteur.
Ces paiements ont perdu leur cause et sont devenus indus par l'effet de la décision de la CPS, en mars 2007, de classer le malaise de C. A... et ses séquelles en accident du travail, et de lui verser la rente correspondante. Sous le régime des accidents du travail, le remboursement des frais médicaux, le paiement des prestations en espèces et celui des rentes d'incapacité permanente sont en effet à la charge de l'organisme assureur.

La SA FRANCE TÉLÉVISIONS est par conséquent fondée à en demander le remboursement, sans être tenue à aucune autre preuve que celle du paiement indu, qui est ici rapportée (Cass. Ass. plén. 2 avr. 1993 BC no 9), et cela quand bien même ce n'est qu'ultérieurement que le paiement est devenu indu (v.- p. ex. Soc. 16 mai 2000 BC V no 185).

Les consorts A... ne contestent pas former l'indivision successorale de Charles A..., décédé le 9 juillet 2009. Ils seront en cette qualité condamnés à payer à la SA FRANCE TÉLÉVISION la somme de 5 311 333 F CFP.
Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du Trésor public en application de l'article 13 du décret no 57-246 du 24 février 1957 qui institue la gratuité de la procédure d'opposition à contrainte.
Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de la SA FRANCE TÉLÉVISIONS.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
statuant publiquement et contradictoirement ;

Vu les articles 1er de la délibération no 97-67 APF du 17 avril 1997, 6 et suivants du décret no 57-246 du 24 février 1957 modifié, 1er de la délibération no 2003-69 APF du 15 mai 2003, 1235, 1376 et suivants, 1382 et 1383 du Code civil,
Confirme le jugement rendu le 15 juillet 2013 par le tribunal du travail de Papeete, sauf en ce qu'il a débouté la SA FRANCE TÉLÉVISIONS de sa demande de remboursement par les consorts A... d'une somme de 5 311 333 F CFP, en ce qu'il a condamné la SA FRANCE TÉLÉVISIONS à payer aux consorts A... la somme de 200 000 F CFP en application de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française, et en ce qu'il a mis à la charge de la CAISSE DE PRÉVOYANCE SOCIALE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE les dépens de la procédure d'opposition à contrainte, et à la charge de la SA FRANCE TÉLÉVISIONS les dépens de l'instance engagée à l'encontre des consorts A... ;
Et, statuant à nouveau de ces chefs :
Condamne Irène Z... Vve A..., Teava A..., Tearii A..., Sylvana A... et Carl A..., pris en leur qualité d'ayants droit de Charles A... décédé le 9 juillet 2009, à payer à la SA FRANCE TÉLÉVISIONS :
la somme de 5 311 333 F CFP au titre de salaires indûment payés ;
la somme de 200 000 F CFP en application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal ;

la somme de 200 000 F CFP en application des dispositions de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor public.
Prononcé à Papeete, le 17 septembre 2015.
Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : R. VOUAUX-MASSEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00457
Date de la décision : 17/09/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2015-09-17;13.00457 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award