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08/09/2011 | FRANCE | N°10/00165

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 08 septembre 2011, 10/00165


No 510

RG 165/ SOC/ 10

Copies authentiques délivrées à
Cstp/ fo, Me Piriou,
M. X...
le 14. 09. 2011.
REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 8 septembre 2011

Madame Catherine TEHEIURA, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Monsieur Patrick Y..., né le 23 mai 1954 à Saigon-Vietnam, de nationalité française,

mécanicien, demeurant ...-98717 Punaauia Carrefour ;

Appelant par déclaration d'appel reçue au greffe du Tribunal du Travail de ...

No 510

RG 165/ SOC/ 10

Copies authentiques délivrées à
Cstp/ fo, Me Piriou,
M. X...
le 14. 09. 2011.
REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 8 septembre 2011

Madame Catherine TEHEIURA, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Monsieur Patrick Y..., né le 23 mai 1954 à Saigon-Vietnam, de nationalité française, mécanicien, demeurant ...-98717 Punaauia Carrefour ;

Appelant par déclaration d'appel reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le numéro 10/ 00031 avec transmission de dossier le 7 avril 2010, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 8 du même mois, sous le numéro de rôle 165/ SOC/ 10, ensuite d'un jugement du tribunal du travail de Papeete rendu le 25 mars 2010 ;

Représenté la Confédération des Syndicats des Travailleurs de Polynésie Force Ouvrière, dont le siège social est sis BP 1201-98713 Papeete, prise en la personne de son secrétaire général, M. Patrick Z...;

Comparant en la personne de Mireille A...;

d'une part ;

Et :

- La S. N. C. Polynésie Perles, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le no 3189 B, dont le siège social est sis Boulevard Pomare-Paofai-BP 850-98713 Papeete ;
Représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;

- Monsieur Maurice X..., liquidateur judiciaire de la Sarl Wan Air, B. P. 4552-98713 Papeete ;
Non comparant, convoqué par LRAR le 27 avril 2010 ;

Intimés ;

d'autre part ;

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 28 juillet 2011, devant M. SELMES, président de chambre,
Mmes TEHEIURA et LASSUS-IGNACIO, conseillères, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

Par acte sous seing privé du 28 mai 1996, Patrick Y...a été engagé par la Sarl WAN AIR en qualité de mécanicien-magasinier.

Il a exercé les mandats de délégué du personnel titulaire et de délégué syndical.

Un « projet de mesures sociales d'accompagnement » daté du 4 mars 2005 a été porté à la connaissance des délégués du personnel.

Par décision du 15 février 2005, du 27 avril 2005 et du 18 août 2005, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder à la société WAN AIR l'autorisation de procéder au licenciement de Patrick Y....

Par jugement rendu le 23 mai 2006, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les décisions des 27 avril et 18 août 2005.

Par décision du 26 mai 2006, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Patrick Y....

Par arrêt rendu le 31 août 2006, la cour d'appel de Papeete a prononcé la liquidation judiciaire de la société WAN AIR et fixé la date de cessation des paiements au 24 octobre 2005.

Par lettre du 31 octobre 2006, Charles D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société WAN AIR, a notifié à Patrick Y...son licenciement pour motif économique.

Par lettre du 25 avril 2007, Patrick Y...a demandé à la société Polynésie Perles le bénéfice de la priorité de réembauchage prévu par l'article 54 du plan social du 4 mars 2005.

Par jugement rendu le 19 janvier 2009, le tribunal du travail de Papeete a   :

- donné acte à Patrick Y...de son désistement à l'égard de l'inspection du travail et de Jean de C...  ;
- déclaré irrecevables les demandes d'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'un licenciement abusif et du défaut de respect de l'obligation de reclassement formées par Patrick Y...  ;
- déclaré recevable la demande formée par Patrick Y...au titre de la violation de la priorité de réintégration   ;
- avant dire-droit sur cette demande, enjoint à la société Polynésie Perles et à Charles D..., ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société WAN AIR, de produire des pièces et de fournir des explications.
Par jugement rendu le 25 mars 2010, il a   :

- dit qu'il n'y a pas eu transfert du contrat de travail de Patrick Y...à la société Polynésie Perles, sur le fondement de l'article 10 de la loi no 86-845 du 17 juillet 1986   ;
- rejeté les demandes d'indemnisation d'un licenciement illégitime et abusif et d'un défaut de respect de la priorité de réembauchage formées par Patrick Y...à l'encontre de la société Polynésie Perles ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- mis les dépens à la charge de Patrick Y....

Par déclaration faite au greffe du tribunal du travail de Papeete le 8 avril 2010, Patrick Y...a relevé appel de la décision du 25 mars 2010.

Il demande à la cour de :

- « reconnaître la rupture du contrat de travail … aux torts de la société POLYNESIE PERLES pour manquement à ses obligations »   ;
- lui allouer :

* la somme de 12   352 536 FCP, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* la somme de 6   176 616 FCP, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
* la somme de 12   352   536 FCP, à titre d'indemnité pour défaut de respect de la priorité de réembauchage et de reclassement,
* la somme de 3   088   134 FCP, au titre du solde de tout compte
* la somme de 80   000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Il soutient qu'il « fait partie de la société WAN AIR à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire … alors même que tous les éléments d'exploitation pour assurer l'acheminement des travailleurs du groupe WAN dans les fermes perlières sont cédés à la société POLYNESIE PERLES » ; que, « recruté en qualité de mécanicien-magasinier … pour entretenir le BEECHCRAFT 1900 pour assurer le transport des salariés du groupe WAN », il a conservé son poste « après le transfert de 2005 »   ; que « la société POLYNESIE PERLES a conservé l'exploitation de la société WAN AIR pour poursuivre une activité économique autonome avec des intérêts propres » ; que « l'abandon du transport public de passagers par la société WAN AIR n'a pas fait perdre son identité à l'entité »   ; que « l'activité s'est … poursuivie dans des conditions de fonctionnement tout à fait identique dans la mesure où les aéronefs, s'ils ont besoin de pilotes, nécessitent la présence d'un personnel de maintenance permanent conformément à la réglementation du TRANSPORT AERIEN PRIVE et tel que prévu dans le plan social »   ; qu'il a été « empêché de poursuivre l'exercice de son contrat de travail du fait qu'il n'avait pas accès au hangar sud pendant la période du transfert de l'unité économique » ; que « le refus de la fourniture d'un travail correspondant aux conditions du contrat de travail … par la non reprise automatique de ce dernier suite aux refus d'autorisation s'analyse en une rupture du contrat aux torts de l'employeur » ; que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement résultant de l'article 51 du plan social, ce qui rend le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que, licencié pour motif économique, il bénéficie de la priorité de réembauchage prévu par l'article 54 du plan social du 4 mars 2005   ; que la société Polynésie Perles n'a pas exécuté de bonne foi ses engagements et que son comportement « est empreint d'une volonté de se débarrasser du salarié par tous moyens … d'enfreindre les règles du droit du travail mais également de porter atteinte au statut protecteur du salarié de'façon illégale ».

Il ajoute que « le débat ne porte pas sur l'existence d'une activité économique qui poursuit des intérêts propres »   ; que, par arrêt du 31 août 2006, la cour d'appel de Papeete a « constaté que la société WAN AIR avait cessé toute activité depuis le 13 octobre 2005 et que le cession régulière d'éléments d'actif intervenue en cours de la liquidation judiciaire ne permettait plus d'envisager une reprise d'activité ainsi que la présentation d'un plan de redressement » ; que, par suite du refus de l'autorisation de licenciement, son contrat de travail « était en cours à la date de la cession des éléments du fonds de commerce de la société WAN AIR » ; qu'il aurait se poursuivre avec la société Polynésie Perles à qui était opposable la décision de l'autorité administrative ; que celle-ci ne lui a pas fourni de travail, ni sollicité une autorisation de licenciement et qu'il n'a pas perçu « son solde de tout compte avec les indemnités prévues en cas de licenciement pour motif économique ».

La SNC Polynésie Perles sollicite la confirmation du jugement attaqué et le paiement de la somme de 600   000 FCP, au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir que le licenciement de Patrick Y...a été autorisé par décision du 30 octobre 2006   ; que le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux de la cause d'un tel licenciement sans violer le principe de séparation des pouvoirs et que le contrat de travail a été régulièrement rompu par la société WAN AIR ; que Patrick Y...n'a jamais pris acte de la rupture du contrat de travail en raison de manquements de l'employeur à ses obligations et que le moyen soutenu par lui à ce titre en appel n'a été « imaginé … que pour les besoins de la cause et pour tenter, en vain de faire échec au principe de la séparation des pouvoirs entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire »   ; qu'en tout état de cause, Patrick Y...ne démontre pas le bien fondé des griefs allégués à l'encontre de l'employeur ; qu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome qui poursuit des intérêts propres ; que, la société WAN AIR ayant cessé toutes activités de transport public de passagers et de maintenance aéronautique, elle n'a pas repris ces activités mais a « été contrainte de trouver une solution de remplacement pour l'acheminement de ses salariés sur les différents sites de production perlière »   ; que le transport de ses salariés ne constitue pas une activité économique dans la mesure où il ne génère aucun revenu et constitue « une charge d'exploitation, auparavant « externalisée » auprès de WAN AIR » ; qu'il ne représentait qu'une partie de l'activité de transport de passagers de la société WAN AIR et qu'aucun personnel, ni moyen n'y était spécialement affecté ; que le poste de « responsable entretien ligne et base » occupé par Patrick Y...et justifié par l'activité de transport public de passagers a été supprimé ; que les représentants du personnel ne bénéficient pas d'un régime dérogatoire en matière de transfert d'entreprise et que Patrick Y...verse aux débats un « solde de tout compte, attestant du règlement de la somme de 3. 303. 330 F CFP ».

Charles D..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société WAN AIR, a constitué avocat mais n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2011.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité de l'appel :

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.

Sur la modification dans la situation juridique de l'employeur :

L'article 10 de la loi no 86-845 du 17 juillet 1986 dispose que : « S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ».

Ainsi que le souligne pertinemment le tribunal du travail, les demandes formées par Patrick Y...à l'encontre de la société Polynésie Perles ne peuvent être fondées que sur cet article.

En effet, pour que l'appelant soit recevable à agir à l'encontre de la société Polynésie Perles pour obtenir l'indemnisation d'un licenciement, il doit nécessairement être devenu le salarié de ladite société à qui donc a été transféré le contrat de travail le liant à la société WAN AIR.

Et sa demande relative à la priorité de réembauchage ne saurait être accueillie que dans l'hypothèse où, postérieurement à son licenciement par la société WAN AIR, tout ou partie de l'activité de celle-ci aurait été transférée à la société Polynésie Perles.

L'article 10 de la loi du 17 juillet 1986 s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre.

En l'espèce, les pièces versées aux débats et, notamment le plan social du 4 mars 2005 ainsi que la lettre du 10 mars 2009 émanant du liquidateur judiciaire de la société WAN AIR qu'aucune partie ne conteste, font ressortir que :

- initialement créée pour assurer le transport des salariés du groupe Robert WAN dans les fermes perlières et donc exercer une activité de transport privé, la Sarl WAN AIR s'est développée pour devenir une compagnie aérienne proposant des prestations de transport public et de maintenance aéronautique ;
- elle exploitait un Beechcraft 1900- D et un Dornier 328 Jet   ;
- le Dornier a été vendu et le beechcraft, exploité en leasing, a été sous-loué au cours de l'année 2005 à la société Polynésie Perles   ;

- celle-ci a ensuite loué l'avion à sa propriétaire, la société ING LEASE, puis l'a acquis de cette société ;
- avant la liquidation judiciaire, la société Polynésie Perles a loué les locaux administratifs et techniques à la suite de la résiliation de la location desdits locaux par la SETIL à la société WAN AIR   ;
- avant la liquidation judiciaire, la société WAN AIR a cédé à la société Polynésie Perles du matériel spécialisé aéronautique ;
- dans le cadre de la liquidation judiciaire, il a été cédé du matériel d'exploitation résiduel à la société Polynésie Perles ;
- Celle-ci a recruté trois anciens pilotes de la société WAN AIR, un ancien cadre et un nouveau mécanicien.

Il a ainsi été transféré à la société Polynésie Perles des personnes ainsi que des éléments corporels et incorporels provenant de la société WAN AIR lui permettant d'exercer son activité de transport privé de travailleurs.

Toutefois, une telle situation ne suffit pas à démontrer que ses personnes et éléments faisaient partie d'un ensemble organisé poursuivant un objectif propre.

Par ailleurs, si le transport des travailleurs du groupe perlier constituait une part importante de l'activité de la société WAN AIR (plus 60 % du chiffre d'affaires selon le plan social, environ 42 % selon le liquidateur judiciaire), il n'en demeure pas moins qu'il était assuré par une compagnie aérienne dont l'objet principal était le transport public et la maintenance ; dont le groupe perlier était seulement l'un des clients ; qui possédait d'autres clients sérieux (Etat, Polynésie française, CPS, touristes) et qui effectuait des tâches essentielles comme les évacuations sanitaires.

Il n'est pas démontré que les pilotes, le personnel de maintenance et notamment les mécaniciens, le hangar et le beechcraft aient été spécifiquement affectés à une activité de transport privé.

Et il convient de souligner que Patrick Y...occupait le poste de « responsable d'entretien base et ligne », lié à l'activité de transport public de passagers.

Dans ces conditions, l'activité de transport privé exercée par la Sarl WAN AIR ne disposait pas de moyens propres destinés à des fins économiques particulières et elle ne possédait pas de véritable identité.

Il n'y a donc pas eu transfert à la société Polynésie Perles d'une entité économique autonome qui justifierait les demandes formées par Patrick Y....

Le jugement attaqué sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Polynésie Perles la totalité de ses frais irrépétibles.

Sa demande fondée sur l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française doit donc être rejetée.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 25 mars 2010 par le tribunal du travail de Papeete en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties.

Dit que Patrick Y...doit supporter les dépens d'appel.

Prononcé à Papeete, le 08 septembre 2011.

Le Greffier, P. le Président empêché,

signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : C. TEHEIURA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00165
Date de la décision : 08/09/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2011-09-08;10.00165 ?
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