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23/12/2010 | FRANCE | N°08/00208

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 23 décembre 2010, 08/00208


RG 208/ CIV/ 08

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile

Audience du 23 décembre 2010

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
La Sarl Pièces Occasions, la Société Changuin et Cie à l'enseigne " Pièces Occasions " devenue la SARL Pièces Occasions, devenue la Sarl Pièce Occasions, inscrite au RCS de Papeete sous le no 2158- B, no Tahiti 05304,

dont le siège social est sis Vallée de Hamuta à Pirae, BP 50389 PIRAE, prise en la personne de son g...

RG 208/ CIV/ 08

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile

Audience du 23 décembre 2010

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
La Sarl Pièces Occasions, la Société Changuin et Cie à l'enseigne " Pièces Occasions " devenue la SARL Pièces Occasions, devenue la Sarl Pièce Occasions, inscrite au RCS de Papeete sous le no 2158- B, no Tahiti 05304, dont le siège social est sis Vallée de Hamuta à Pirae, BP 50389 PIRAE, prise en la personne de son gérant M. Gustin LOTING domicilié audit siège ;
Appelante par requête en date du 17 avril 2008, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le même jour, sous le numéro de rôle 08/ 00208, ensuite d'un jugement no 86 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 30 janvier 2008 ;
Représentée par Me Benoît BOUYSSIE, avocat au barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
Madame Françoise X... épouse A..., née le 2 août 1960 à Papeete, de nationalité française, demeurant à ...
Intimée ;
Représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 21 octobre 2010, devant M. MOYER, conseiller faisant fonction de président, M. RIPOLL et Mme PINET-URIOT, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs du jugement entrepris auxquels la Cour se réfère expressément ;
Vu la requête d'appel de la SARL PIÈCES OCCASIONS visée le 18 avril 2008 portant constitution de Me BOUYSSIE avocat, concernant le jugement rendu le 30 janvier 2008 par lequel le Tribunal civil de première instance de Papeete, dans une instance en validité de congé et expulsion, a :- dit et jugé bon et valable le congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime délivré par le preneur, suivant exploit de Me B..., huissier de justice à Papeete, en date du 24 mai 2005, pour le 1er décembre 2005 ;- ordonné l'expulsion de la SARL PIÈCES OCCASIONS ou tout autre occupant, sous astreinte de 10 000 XPF par jour de retard passé un délai de trois mois à compter du jour où la décision à intervenir sera exécutoire ou définitive ;- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;- condamné la SARL PIECES OCCASIONS aux dépens dont distraction ;

Vu l'assignation devant la Cour délivrée le 2 juin 2008 à la requête de la SARL PIÈCES OCCASIONS portant signification de la requête d'appel ;
Vu la constitution de Me PIRIOU avocat, pour le compte de Françoise X... épouse A... reçue au greffe de la Cour le 11 juin 2008 ;
Vu, en leurs moyens, les conclusions d'appel des parties, aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la Cour :
1o) La S. A. R. L. PIÈCES OCCASIONS, appelante, dans sa requête d'appel visée le 18 avril 2008 et dans ses conclusions visées le 24 avril 2009, de :- dire et juger l'appel recevable et bien fondé ;- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;- dire et juger le congé délivré nul et de nul effet ;- condamner Mme X... épouse A... au paiement d'une somme de 220 000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

2o) Françoise X... épouse A..., intimée, appelante à titre incident, dans ses conclusions visées les 17 octobre 2008, 22 juin 2009 et 22 janvier 2010, de :- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par la société PIÈCES OCCASIONS ;- le dire mal fondé ;- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé le congé ;

En tout état de cause,
Vu l'article L145-8 du Code de commerce,
- constater que la SARL PIÈCES OCCASIONS antérieurement SNC CHANGUIN et CIE ne peut prétendre au bénéfice du statut ;
- dire et juger Mme Françoise X... épouse A... bien fondée en sa demande de dénégation de statut ;
En tout état de cause encore,
Vu l'article L145-31 du Code de commerce,
- constater que les lieux loués ont été sous-loués par la société défenderesse au mépris des dispositions de l'article L145-31 du Code de commerce, le propriétaire n'ayant pas été appelé à l'acte ;
En conséquence,
- prononcer la résiliation du bail principal aux torts du preneur ;
- recevoir Mme Françoise X... en son appel incident ;
- la dire bien fondée ;
- ordonner l'expulsion de la SARL PIÈCES OCCASIONS, anciennement SNC CHANGUIN et CIE, ainsi que de tous occupants de son chef, des lieux loués, avec l'assistance au besoin de la force publique, dans le mois de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte passé ce délai de 100 000 XPF par jour de retard ;
- condamner, en deniers ou quittances, la société défenderesse au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er décembre 2005 d'un montant de 215 000 XPF hors taxes et ce jusqu'à la libération effective des lieux ;
- condamner la SARL PIÈCES OCCASIONS à lui payer la somme de 500 000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ainsi qu'aux dépens dont distraction ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 septembre 2010 ;
Par acte sous seing privé en date du 10 décembre 1984, Françoise X... a loué à la société Pierre Mony et cie SOMAC un terrain sis à Papeete destiné à l'exploitation par le preneur d'un fonds de commerce de fabrication et de vente de menuiserie aluminium ainsi que de toutes autres activités connexes ou complémentaires, avec faculté d'édifier des constructions à démonter en fin de bail, les ouvrages réalisés restant acquis au bailleur. Le bail a été conclu pour une durée de 9 ans jusqu'au 30 novembre 1993, avec engagement de la bailleresse à consentir au preneur une seconde période de bail de 9 ans jusqu'au 20 novembre 2002, à la faculté du preneur.
Par acte authentique en date du 25 juillet 1991, la SA SOMAC a cédé son droit au bail et les constructions édifiées à la SNC CHANGUIN et CIE, devenue ultérieurement la SARL PIÈCES OCCASIONS.
Le 3 avril 2003, le bailleur a notifié au preneur le loyer révisé triennalement à compter du 1er avril. Le 2 décembre 2003, le preneur a adressé au bailleur un projet de sous-location d'une partie des lieux à la société SERIPOL. En suite de quoi, par courrier des 10 et 18 décembre 2003, le bailleur a manifesté son opposition et a donné congé au motif de l'expiration de la seconde période de neuf ans.
Par courrier du 14 janvier 2004, le preneur a refusé le congé signifié, offert de restituer les lieux contre une indemnité d'éviction d'un montant de 30 milions XPF et annoncé une sous-location, à laquelle SERIPOL renoncera en août 2004 en raison de l'opposition du bailleur. Le 20 août 2004, le preneur a mis en demeure le bailleur de prendre position sur la reprise des lieux contre indemnité.
Par courrier de son conseil en date du 1er septembre 2004, le preneur a rappelé que le congé du 18 décembre 2003 était non avenu et a évoqué une renégociation du bail avec un objet tous commerces et une augmentation du loyer. Le preneur a mis en demeure le bailleur, par lettre du 20 septembre 2004, de faire connaître ses intentions sur une renégociation du bail, en réponse à quoi le conseil du bailleur l'a invité à faire une offre.
Par acte d'huissier signifié le 5 novembre 2004, le bailleur a mis en demeure le preneur de se conformer aux obligations du bail (exploitation du fonds) dans le délai d'un mois ; à défaut, le renouvellement du bail serait refusé sans indemnité (art L145-10 C Com).
Le preneur a saisi le Tribunal mixte de commerce le 8 décembre 2004 aux fins de voir prononcer la nullité de la mise en demeure et de condamner le bailleur au paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 30 millions XPF ainsi qu'à des dommages et intérêts. Par jugement du 12 septembre 2005, le Tribunal mixte de commerce s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal civil de première instance.
Par acte d'huissier signifié le 24 mai 2005, le bailleur a donné congé au preneur en exposant que, le bail s'étant poursuivi par tacite reconduction depuis 1993, le motif du congé était un refus de renouvellement pour défaut d'exploitation du fonds malgré la mise en demeure du 5 novembre 2004 (art L147-12 C Com).
Le preneur a souscrit les 2 et 14 décembre 2005 des baux précaires en faveur de D... et d'ALU +.
Le bailleur a fait constater par huissier, le 8 septembre 2004, que les lieux loués étaient fermés ; le 1er septembre 2005, que les lieux étaient partiellement occupés par D..., sous-locataire ; le 2 février 2006, que les lieux étaient occupés par D... et ALU +, sous-locataires.
Le bailleur a saisi le Tribunal civil de première instance d'une requête, enregistrée le 10 février 2006, tendant à voir valider le congé du 24 mai 2005 pour le 1er décembre 2005 et à ordonner l'expulsion du preneur.

Par jugement du 30 janvier 2008, le Tribunal civil de première instance a fait droit aux demandes du bailleur en retenant que le congé avait été régulièrement délivré pour le juste motif d'une cessation d'exploitation personnelle du fonds par le preneur.

Dans sa requête enregistrée le 18 avril 2008, la SARL PIÈCES OCCASIONS, appelante, fait valoir, essentiellement, que :
- Elle n'a jamais cessé son activité. Celle-ci a été développée sur des locaux et des sites différents (comptoir de vente, pièces d'occasion, entrepôt, atelier, caisse, site de conservation et/ ou d'enfouissement d'épaves). La fermeture de son entrepôt après 17 heures a donné à l'huissier l'illusion d'une cessation d'activité ;
- L'entrepôt a toujours été maintenu et utilisé. L'interruption ou le simple ralentissement de l'exploitation ne constitue pas la cessation définitive de celle-ci. Les sous-locations ont été faites à titre précaire et exceptionnel, et s'expliquent par une réduction d'activité et un projet de restructuration de l'entreprise ;
- Le grief de défaut d'exploiter un commerce de fabrication et de vente de menuiserie aluminium n'est pas fondé. En précisant cette activité, le bail, qui portait sur un terrain nu, a seulement précisé l'activité du précédent preneur. PIÈCES OCCASIONS a vainement tenté de renégocier le bail, notamment après la mise en demeure ;
- Le Tribunal s'est inexactement fondé sur l'existence de sous-locations pour en déduire une cessation d'exploitation, alors que le bail autorise la sous-location et que celle-ci est un mode d'exploitation du fonds ;
- PIÈCES OCCASIONS, en reprenant le bail d'origine, a aussi acquis pour 14 000 000 XPF la propriété des murs des hangars édifiés par le premier preneur. Son éviction constituerait un enrichissement sans cause du bailleur.
Dans ses conclusions visées le 17 octobre 2008, Françoise X... épouse A..., intimée, soutient, essentiellement, que :
- Le bail venu à expiration s'est poursuivi par tacite reconduction à défaut de congé délivré par le bailleur ou de demande de renouvellement faite par le locataire. À partir d'une date ignorée du bailleur, le preneur a cessé toute activité dans les lieux et a tenté de céder le bail ou de sous-louer à une société SERIPOL. Il n'a pas satisfait à une mise en demeure de respecter ses obligations contractuelles. Les constats établis sur place montrent des lieux inexploités (2004) ou partiellement exploités par un tiers (réparations mécaniques D...).
- La mise en demeure préalable prévue par l'article L145-17 1o du Code de commerce a été notifiée le 5 novembre 2004. À défaut de régularisation dans le délai d'un mois, le congé visant ledit texte a été délivré le 24 mai 2005 pour le 1er décembre 2005, avec un préavis de 6 mois, conformément aux dispositions de l'article L145-9 du Code de commerce.
- Le motif grave et légitime invoqué est fondé. Le constat d'huissier du 8 septembre 2004 montre qu'à 14 h 50 un mercredi, le hangar était fermé, il n'y avait aucun signe d'activité ni enseigne. Le constat du 1er septembre 2005 à 17h30 montre que, cette fois, la partie gauche du hangar est occupée par l'entreprise de réparations mécaniques de Stéphane D.... Le constat du 2 février 2006, un mercredi à 8 h 30, signale qu'une autre partie des locaux est occupée par ALU +. Il est établi que le preneur n'occupe pas les lieux et n'y a aucune exploitation, se contenant depuis 2004 d'en effectuer la location immobilière et percevant des sous-loyers d'un montant total de 430 000 XPF contre le versement d'un loyer de 108 313 XPF.
- Pour être renouvelable, le bail commercial doit porter sur un fonds de commerce effectivement exploité de manière régulière pendant les trois années qui ont précédé l'expiration, et actuellement (C Com, art L145-8). Le locataire qui sous-loue l'intégralité des locaux qu'il a pris à bail ne peut bénéficier de renouvellement puisqu'il n'est plus propriétaire du fonds exploité dans les locaux. Il n'en irait autrement que si l'activité commerciale du preneur avait consisté à sous-louer les lieux à une clientèle.
- Nonobstant les stipulations du bail, l'article L145-31 du Code de commerce impose que le propriétaire soit appelé à concourir à l'acte de sous-location. Le non-respect de cette disposition en l'espèce constitue un autre motif de résiliation du bail.
- Le Tribunal n'a pas fait droit à la demande d'indemnité d'occupation, alors que cette dernière est due tant que dure l'occupation sans titre des lieux par l'appelante depuis le 1er décembre 2005.
Dans ses conclusions visées le 24 avril 2009, la SARL PIÈCES OCCASION maintient ses moyens et arguments, en relevant que le congé mentionne inexactement que le bailleur (au lieu du preneur) doit exploiter personnellement le fonds ; que l'autorisation de céder le bail n'était pas conditionnée par le maintien de la destination initiale ; qu'elle a exercé depuis 1991 son activité d'exploitation d'une casse de vente de pièces d'occasion, différente de celle prévue dans le bail, sans que le preneur y objecte ou s'oppose au renouvellement à compter de novembre 2002 ; qu'il a tacitement accepté d'autoriser ce changement d'activité ; que les constats invoqués ne prouvent pas que l'exploitation ait cessé ; que l'exploitation personnelle par le preneur n'était pas requise.
Dans ses conclusions visées le 22 juin 2009, Françoise X... épouse A... réplique, essentiellement, qu'elle a longtemps ignoré l'activité de casse auto exercée par le preneur ; que le renouvellement de 2002 a été simplement tacite ; qu'elle n'a en rien acquiescé à un changement d'activité ; qu'en tout état de cause, c'est pour défaut de toute exploitation personnelle par le preneur que le congé a été délivré.
Dans ses dernières conclusions visées le 22 janvier 2010, la SARL PIÈCES OCCASIONS invoque encore la nullité du congé signifié le 24 mai 2005 pour n'avoir pas reproduit les termes du premier alinéa de l'article L145-17 du Code de commerce. Elle s'oppose d'autre part à la demande subsidiaire de résiliation du bail pour cause de sous-location illicite, comme étant nouvelle devant la Cour et ne respectant pas les formes prévues par le Code de commerce en matière de congé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'acte authentique des 25 juin et 27 juillet 1991, la société PIÈCES OCCASIONS a acquis tous les droits, pour le temps restant à courir au bail du 10 décembre 1984, portant sur le terrain loué, et s'est trouvée subrogée dans les droits et obligations du premier preneur, la société SOMAC.
Conformément aux stipulations dudit bail, deux périodes de neuf années chacune se sont succédées du 1er décembre 1984 au 3 novembre 1993, puis du 1er décembre 1993 au 20 novembre 2002. En l'absence de manifestation de volonté des parties d'y mettre fin, et comme le montre le courrier précité du bailleur du 3 avril 2003 relatif à la révision triennale du loyer, le bail s'est alors prolongé pour une durée indéterminée, en application des dispositions de l'article L145-9 du Code de commerce, et selon les conditions du bail d'origine (v p ex Civ 3e 19 févr 1975 BC III no 70).
Dès lors, chacune des parties pouvait mettre fin, à tout moment, à ce contrat devenu à durée indéterminée, en donnant congé pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance (art L145-9, al 1). Néanmoins, le preneur pouvait demander le renouvellement de son bail à tout moment au cours de sa reconduction (art L145-10 al 1), par acte extrajudiciaire rappelant au bailleur qu'il disposait de trois mois pour faire connaître les motifs d'un refus (art L145-10 al 2 et 4).
En l'espèce, la SARL. PIÈCES OCCASIONS ne justifie pas avoir présenté une demande de renouvellement conforme aux dispositions de l'article L145-10 du Code de commerce, qui sont prescrites à peine de nullité en ce qui concerne la reproduction de son alinéa 4 dans ladite demande. En effet, aucun de ses courriers précités des 14 janvier 2004, 20 août 2004 et 20 septembre 2004 ne satisfait à cette exigence de forme, et leur teneur montre que le preneur offrait alternativement la renégociation du bail, ou sa résiliation contre indemnité.
Estimant que PIÈCES OCCASIONS ne respectait pas ses obligation, le bailleur lui a signifié le 24 mai 2005 un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime (art L145-17 C Com). Il a ainsi entendu obtenir la résiliation du bail, sans indemnité pour le preneur, en raison d'un défaut d'exploitation effective par ce dernier. La validité du motif invoqué est appréciée par le juge du fond lorsqu'une instance est engagée pour valider ou pour contester le congé.
Le moyen présenté par PIÈCES OCCASIONS, tiré de la non-reproduction, dans l'acte du 24 mai 2005, des termes de l'article L145-17 1o du Code de commerce, ne peut qu'être rejeté car, outre qu'il n'a été présenté que dans les dernières écritures et sans démonstration d'une atteinte certaine portée aux intérêts de l'appelante, il est constant que cette formalité, qui s'applique en réalité à la mise en demeure préalable, a été observée dans l'acte du 5 novembre 2004. D'autre part, PIÈCES OCCASION ne démontre l'existence d'aucun grief qui résulterait de l'erreur de plume qui a consisté à enjoindre au bailleur, et non au preneur, d'exploiter effectivement le commerce.
Le commandement du 5 novembre 2004 satisfait également aux dispositions de l'article L145-41 du Code de commerce en indiquant que le preneur disposait d'un délai d'un mois pour s'y conformer.
Aux termes de cet acte, « le bail a été consenti pour l'exploitation d'un commerce de fabrication et de vente de menuiserie d'aluminium ainsi que de toutes autres activités connexes ou complémentaires et entraîne l'obligation pour le bailleur d'exploiter effectivement ce commerce ; au mépris de cette obligation, la SNC CHANGUIN et CIE (PIÈCES ET OCCASIONS) a, sans raison sérieuse et légitime, cessé depuis plusieurs mois toute exploitation du fonds qui se trouve fermé et dépourvu de tous approvisionnements. » L'acte dit congé signifié le 24 mai 2005 reproduit ce grief.
Comme l'a justement relevé le Tribunal, c ‘ est par conséquent le défaut d'exploitation de son propre fonds de commerce par PIÈCES OCCASIONS qu'il échet d'apprécier. En effet, l'obligation d'exploitation est toujours sous-entendue dans un bail commercial (v p ex Orléans 31 mai 2007 RJDA 2008 no 382). Le défaut ou l'insuffisance d'exploitation est bien un manquement qui peut être sanctionné par la résiliation du bail (v p ex Com 15 déc 1952 BC III no 388).
Le bail, qui porte sur un terrain non bâti, met à la charge du preneur l'édification des constructions nécessaires à l'exercice de son commerce. L'acte de cession du 25 juillet 1991 précise que ces dernières étaient alors constituées par un hangar de 560 m ² au sol et mezzanine de 140 m ².
Dans un courrier daté du 19 août 2004, la SARL SERIPOL, qui avait envisagé de sous-louer les lieux, a décrit ainsi ces derniers : un local de 127 m ² vide ; un local de 433 m ² aménagé (1 mezzanine en bois : 2 bureaux, 1 local vide ; sous la mezzanine : 2 WC, 1 grand lavabo, 1 douche). Elle indiquait avoir versé le 12 novembre 2003 un chèque de 467 500 XPF pour réserver cet entrepôt.
Selon un constat dressé le mercredi 8 septembre 2004 à 14 h 50 à la requête du bailleur par Me E..., huissier de justice, le hangar et le portail d'entrée du terrain étaient fermés ; il n'a été relevé aucun signe d'activité ou d'exploitation, ni même une enseigne commerciale à l'entrée des locaux ou de la parcelle ; les lieux semblaient de visu inoccupés.
Selon un constat dressé le jeudi 1er septembre 2005 à 17 h 30 à la requête du bailleur par Me B..., huissier de justice, Sébastien D... a déclaré occuper la partie gauche du hangar au titre d'un contrat de bail précaire du 1er décembre 2004, affecté à un atelier mécanique spécialisé dans la réparation des motos ; il a indiqué qu'il était seul locataire et que la partie droite du hangar était utilisée par M. Gustin Y... (PIÈCES OCCASIONS).
Selon un constat dressé le mercredi 1er février 2006 à 8 h 30 à la requête du bailleur par Me B..., huissier de justice, la première partie du hangar était toujours occupée par S. D... ; la seconde partie, divisée en une zone atelier et des bureaux en mezzanine, était occupée, selon le fils du gérant présent, par la société ALU + (construction de portails en aluminium) depuis fin décembre 2005 au titre d'un contrat de bail passé avec le responsable de PIÈCES OCCASIONS.

Les sous-locations dont s'agit sont produites. Celle concédée à S. D... porte sur 127 m ² du 1er décembre 2005 au 29 novembre 2006. Celle concédée à ALU + porte sur 433 m ² au sol pour un an à compter du 1er janvier 2006.

Il résulte de ces constatations et des pièces produites que c'est avec exactitude que le premier juge a apprécié que PIÈCES OCCASIONS n'établissait pas qu'elle continuait d'utiliser une partie des locaux à usage d'entrepôt, et qu'elle ne rapportait nullement la preuve, que ce soit par constat d'huissier ou attestation, de l'exploitation effective de son propre fonds. Le débat devant la Cour n'a pas donné matière à former une appréciation différente de celle qui a été portée par le Tribunal.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, sans le démontrer, le projet de sous-location de la totalité des lieux à SERIPOL, puis la sous-location de ceux-ci séparément à D... et à ALU + ne s'inscrivent dans aucune perspective de leur exploitation en tant qu'élément du fonds de commerce de PIÈCES OCCASIONS. Il apparaît que les lieux n'ont plus été utilisés par cette dernière depuis au moins novembre 2003. Il n'est justifié d'aucun motif à cette situation qui soit en rapport avec l'exploitation du fonds de commerce du preneur.
Le fait que le hangar en cause ne soit pas l'objet direct du bail, lequel porte sur un terrain nu, est à cet égard indifférent, car le contrat met expressément à la charge du preneur d'y faire édifier les constructions nécessaires à l'exercice de son commerce, lesquelles peuvent être démontables. PIÈCES OCCASIONS n'a par conséquent pas la libre disposition de ces espaces.
La question de la nature de l'activité commerciale du preneur, menuiserie aluminium ou pièces automobiles, est également indifférente, aucune force majeure n'étant établie, dès lors qu'il est constant que l'activité de PIÈCES OCCASIONS n'a pas pour objet la mise à la disposition de locaux ou d'espaces à sa clientèle. Au demeurant, D... et ALU + ne sont ni clients du fonds de commerce de PIÈCES OCCASIONS, ni locataires-gérants de ce dernier.
Il ne peut pas non plus être utilement opposé au bailleur une supposée tolérance de sa part, puisqu'il a aussitôt refusé d'acquiescer au projet de sous-location à SERIPOL, et qu'il a ensuite poursuivi la résiliation du bail du chef de défaut d'exploitation personnelle par le preneur, étant observé que les contrats passés entre PIÈCES OCCASIONS et ALU + sont postérieurs à la mise en demeure du 5 novembre 2004.
L'examen du moyen subsidiaire proposé par Françoise X... épouse A... est dès lors sans objet.
À défaut de régularisation par le preneur dans le délai prescrit par l'article L145-17 du Code de commerce, le congé a produit ses effets.
La société PIECES OCCASIONS est devenue occupante sans droit ni titre du terrain loué à compter de la date d'effet du congé, soit le 1er décembre 2005 en application des dispositions de l'article L145-9 du Code de commerce. Il sera par conséquent fait droit à la demande d'indemnité d'occupation faite par Françoise X... épouse A.... La Cour dispose d'éléments d'appréciation qui lui permettent d'en fixer le montant à la somme de 150 000 XPF hors taxes, en deniers ou quittances pour tenir compte des sommes déjà perçues par le bailleur.
Il n'y a pas matière à modifier le délai d'exigibilité ni le montant de l'astreinte fixés par le Tribunal.
Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de Françoise X... épouse A..., pour le montant porté dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 30 janvier 2008 par le Tribunal civil de première instance de Papeete en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Françoise X... épouse A... du surplus de ses prétentions ;
Statuant à nouveau :
Condamne la SARL PIÈCES OCCASIONS anciennement SNC CHANGUIN et CIE à payer, en deniers ou quittances, à Françoise X... épouse A... une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de CENT CINQUANTE MILLE (150 000) FRANCS PACIFIQUE hors taxes à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'à la libération effective des lieux ;
Condamne la SARL PIÈCES OCCASIONS anciennement SNC CHANGUIN et CIE à payer à Françoise X... épouse A... la somme de TROIS CENT MILLE (300 000) FRANCS PACIFIQUE en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamne la SARL PIÈCES OCCASIONS aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 23 décembre 2010.
Le Greffier, Le Président,

Signé : M. SUHAS-TEVERO Signé : P. MOYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 08/00208
Date de la décision : 23/12/2010
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2010-12-23;08.00208 ?
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