La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2009 | FRANCE | N°08/00065

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 01 octobre 2009, 08/00065


No 555

RG 65/ SOC/ 08

Grosse délivrée à
CSIP
le 16. 10. 2009.

Expédition délivrée à
Me Piriou
le 16. 10. 209.
REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 1er octobre 2009

Madame Catherine TEHEIURA, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Monsieur Frédéric X..., né le 5 avril 1959, de nationalité

française, demeurant ... ;

Appelant par déclaration d'appel reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le numéro 08/ 00015 le 29 ...

No 555

RG 65/ SOC/ 08

Grosse délivrée à
CSIP
le 16. 10. 2009.

Expédition délivrée à
Me Piriou
le 16. 10. 209.
REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 1er octobre 2009

Madame Catherine TEHEIURA, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

Monsieur Frédéric X..., né le 5 avril 1959, de nationalité française, demeurant ... ;

Appelant par déclaration d'appel reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le numéro 08/ 00015 le 29 janvier 2008, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 29 du même mois, sous le numéro de rôle 65/ SOC/ 08, ensuite d'un jugement no 08/ 00004 du Tribunal du Travail de Papeete rendu le 21 janvier 2008 ;

Représenté et comparant par Mme Ramona Y..., permanente de la Confédération des Syndicats Indépendants de polynésie (CSIP), BP 468-98713 Papeete ;

d'une part ;

Et :

1- Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, sis à Papeete ;

2- Le Ministère de la Défense, en la personne de Monsieur le Vice Amiral, Commandant Supérieurs des Forces Armées en Polynésie française SP 91300-00200 Armées ;

Intimés ;

Représentés par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;

d'autre part ;

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 3 septembre 2009, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mme TEHEIURA, et M. MONDONNEIX, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

Par acte sous seing privé du 4 juillet 1996, le commandement supérieur des forces armées en Polynésie française a engagé Frédéric X... en qualité de secrétaire médical à compter du 1er juillet 1996.

Par lettre du 12 septembre 2006, il a fait savoir aux organisations syndicales que la loi du pays du 3 juillet 2006 relative à la prime à l'emploi n'est pas applicable au personnel civil recruté localement (PCRL).

Par jugement rendu le 21 janvier 2008, le tribunal du travail de Papeete a   :

- mis hors de cause le vice-amiral, commandant supérieur des forces armées en Polynésie française   ;

- constaté que la loi du 3 juillet 2006 ne s'applique pas au personnel des établissements de l'Etat intéressant la défense nationale   ;

- rejeté la demande en paiement de la prime à l'emploi formée par Frédéric X....

Par déclaration faite au greffe du tribunal du travail de Papeete le 29 janvier 2008, Frédéric X... a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation.

Il demande à la cour de dire que les dispositions relatives à la prime à l'emploi sont applicables au PCRL en Polynésie française   ; de condamner le ministère de la défense et l'agent judiciaire du Trésor à lui payer ainsi qu'à l'ensemble du PCRL la somme de 6   000 FCP par mois et de lui allouer la somme de 150   000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Il soutient que le PCRL possède le statut d'agent public soumis à la convention collective des agents non fonctionnaires de l'administration de l'Etat en Polynésie française   ; que les contrats de travail du PCRL sont régis par la loi du 17 juillet 1986 et les délibérations prises pour son application   ; que l'article 27 de la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 n'a pas modifié cette situation et permet uniquement «   à l'Etat de poser des règles spécifiques nécessitées par ses missions régaliennes spécifiques aux activités de défense   »   ; que «   le ministère de la défense ne saurait déroger à la réglementation du travail en Polynésie, sauf dans un sens plus favorable aux salariés   » et qu'il «   a bénéficié des dispositifs de compensation au coût de la prime à l'emploi   ».

L'agent judiciaire du Trésor et le vice-amiral, commandant supérieur des forces armées en Polynésie française sollicitent la confirmation du jugement attaqué et le paiement de la somme de 150   000 FCP, au titre des frais irrépétibles.

Ils font valoir qu'en application des dispositions de l'article 38 de la loi no 55-366 du 3 avril 1955, seul l'agent judiciaire du Trésor est habilité à représenter l'Etat dans une instance tendant à faire déclarer l'Etat débiteur   ; que l'article 27 de la loi organique du 27 février 2004 a créé une exception à la compétence générale dévolue à la Polynésie française en matière de droit du travail et a rendu l'Etat «   seul compétent pour fixer les règles relatives au droit du travail applicables aux salariés exerçant leur activité dans les établissements intéressant la défense nationale   »   ; que, conformément aux dispositions de l'article 16 de la loi du 17 juillet 1986, le ministère de la Défense n'a pas participé aux négociations ayant abouti à la loi du Pays du 3 juillet 2006 et que faire droit à la demande de Frédéric X... permettrait à la Polynésie française de «   déroger, par le biais d'une loi postérieure ayant valeur décrétale   » (celle du 3 juillet 2006) «   à des dispositions issues de normes antérieures ayant valeur supérieure   » (la loi organique du 27 février 2004 et la loi du 17 juillet 1986).

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juillet 2009.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel   :

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.

Sur la mise hors de cause du vice-amiral, commandant supérieur des forces armées en Polynésie française   :

En application des dispositions de l'article 38 de la loi no 55-366 du 3 avril 1955, « toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire du Trésor public. »

C'est donc à juste titre que le tribunal du travail a mis hors de cause le vice-amiral, commandant supérieur des forces armées en Polynésie française.

Sur la prime à l'emploi :

L'article 1er de la loi du pays no 2006-18 du 3 juillet 2006 dispose que :

« A compter de l'entrée en vigueur de la présente loi du pays, chaque salarié, dont le contrat relève de la loi no 86-845 du 17 juillet 1986 modifiée relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie française, bénéficie d'une prime à l'emploi, versée par l'employeur, à titre de complément de salaire. »

Son article 2 précise que : « le montant horaire de la prime à l'emploi est fixé à 35, 5 F CFP, soit 6   000 F CFP pour 169 heures. »

Le contrat de travail signé le 4 juillet 1996 mentionne expressément qu'il est régi par la loi no 86-845 du 17 juillet 1986 et les délibérations prises pour l'application de cette loi.

Il n'a subi aucune modification et si, depuis la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, celle-ci est compétente en matière de principes généraux du droit du travail, il n'en demeure pas moins que la loi no 86-845 du 17 juillet 1986 qui est le support de la réglementation sociale en Polynésie française n'a pas été abrogée par un acte de l'assemblée de la Polynésie française, dénommé «   loi du pays   » qui, relevant du domaine de la loi, ressortit à la compétence de la Polynésie française en matière de droit du travail et qui est prévu par l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004.

La loi du 17 juillet 1986 et les délibérations prises pour son application restent donc applicables à tous les salariés de droit privé « exerçant leur activité dans le territoire ».

Par ailleurs, en stipulant que « la répartition des compétences prévue par la présente loi organique ne fait pas obstacle à ce que l'Etat :

2o Fixe les règles relatives au droit du travail applicables aux salariés exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale », l'article 27 alinéa 2 de la loi organique du 27 février 2004 a pour unique effet d'adapter la nouvelle répartition des compétences aux impératifs de la défense nationale et non pas d'exclure les salariés travaillant pour le compte du ministère de la défense des règles applicables en Polynésie française en matière de droit du travail et donc de modifier leur statut antérieur.

Cette analyse résulte de l'article 27 lui-même dont l'alinéa 1er édicte que : « La Polynésie française exerce ses compétences dans le respect des sujétions imposées par la défense nationale » et qui lie donc, sans les opposer, compétences de la Polynésie française et impératifs de la défense nationale.

En outre, son alinéa 2, qui commence par l'expression « à cet égard », doit être interprété à l'aune du premier alinéa.

En tout état de cause, aucun texte émanant du ministère de la défense n'est intervenu en matière de salaires, ni depuis la loi organique du 27 février 2004, ni depuis la loi du pays du 3 juillet 2006.

Cette dernière loi, dont aucune partie ne conteste la régularité, fait bénéficier tout salarié relevant de la loi du 17 juillet 1986 d'une prime à l'emploi.

Dans ces conditions, elle est applicable à Frédéric X... dont le contrat de travail relève de la loi du 17 juillet 1986.

Le fait que l'arrêté no 26 CM du 11 janvier 2006 rendant obligatoires les dispositions de l'accord interprofessionnel du 20 décembre 2005 relatif à la prime à l'emploi pour tous les employeurs et les travailleurs compris dans son champ d'application ne s'appliquent pas aux établissements du ministère de la défense ne saurait modifier cette situation.

En effet, cet arrêté ne pouvait être rendu obligatoire auxdits établissements puisqu'en vertu des dispositions de l'article 16 de la loi du 17 juillet 1986, ils n'ont pas participé à la négociation collective et, surtout, ce n'est pas de cet arrêté dont se prévaut l'appelant mais d'une loi du pays « relevant du domaine de la loi   » et d'application générale.

Enfin, contrairement à ce qu'affirme le ministère de la défense dans une lettre du 7 septembre 2006, le seul régime d'administration du personnel civil recruté localement no 100 COMSUP PF/ ADJ. ADM/ NP du 15 février 1982 ne constitue pas le statut du PCRL dans la mesure où il n'a pas valeur législative et où il n'est même pas prouvé qu'il est valeur de convention collective.

L'article 5 du code civil interdit au juge de statuer par un arrêt de principe à l'égard de l'ensemble d'un groupe professionnel.

En infirmant le jugement attaqué, la cour se contentera donc de dire que la loi du 3 juillet 2006 est applicable au contrat de travail de Frédéric X....

En outre, le salarié travaillant 169 heures, il sera dit que l'agent judiciaire du Trésor doit lui payer la somme de 6   000 FCP par mois au titre de la prime à l'emploi.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant la totalité de ses frais irrépétibles et il doit donc lui être alloué la somme de 100   000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort

Déclare l'appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le 21 janvier 2008 par le tribunal du travail de Papeete, sauf en ce qu'il a mis hors de cause le vice-amiral, commandant supérieur des forces armées en Polynésie française ;

Dit que la loi du pays no 2006-18 du 3 juillet 2006 relative à la prime à l'emploi est applicable au contrat de travail de Frédéric X..., personnel civil recruté localement ;

Dit que l'agent judiciaire du Trésor doit verser à Frédéric X...   :

- la somme de SIX MILLE (6   000) FRANCS PACIFIQUE par mois, au titre de la prime à l'emploi pour 169 heures de travail ;

- la somme de CENT MILLE (100   000) FRANCS PACIFIQUE, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties.

Prononcé à Papeete, le 1er octobre 2009.

Le Greffier, Le Président,

Signé : M. SUHAS-TEVERO Signé : G. THIBAULT-LAURENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/00065
Date de la décision : 01/10/2009
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 04 juillet 2012, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 juillet 2012, 10-10.343, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2009-10-01;08.00065 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award