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19/11/2008 | FRANCE | N°06/02423

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 19 novembre 2008, 06/02423


ARRET DU 19 NOVEMBRE 2008
RG : 06 / 02423
Conseil de Prud'hommes de VERDUN F05 / 00181 11 septembre 2006

COUR D'APPEL DE NANCY CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE :
SAS MEUSONIC, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège Zone Industrielle 55600 MARVILLE Représenté par Me Ronald VARDAGUER (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEE :
Madame Dominique X...... comparant, assisté de M. Y..., délégué syndical muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré, Président : Madame MAILLARD, Con

seillers : Monsieur FERRON, M. MARTIN,

Greffier lors des débats : Melle CUNY
DEBATS :
En audience...

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2008
RG : 06 / 02423
Conseil de Prud'hommes de VERDUN F05 / 00181 11 septembre 2006

COUR D'APPEL DE NANCY CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE :
SAS MEUSONIC, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège Zone Industrielle 55600 MARVILLE Représenté par Me Ronald VARDAGUER (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEE :
Madame Dominique X...... comparant, assisté de M. Y..., délégué syndical muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré, Président : Madame MAILLARD, Conseillers : Monsieur FERRON, M. MARTIN,

Greffier lors des débats : Melle CUNY
DEBATS :
En audience publique du 08 Octobre 2008 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 19 Novembre 2008 ;
A l'audience du 19 Novembre 2008, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS et PROCEDURE.
La Société Meusonic, qui a pour activité l'électronique industrielle et la micro électronique de haute technologie réalisée principalement en sous-traitance, a embauché Madame Dominique X... en qualité de monteuse câbleuse, à compter du 1er septembre 1987.
Sa rémunération mensuelle brute s'élevait, en dernier lieu, à 1 573,76 €. Titulaire d'une Brevet Professionnel d'électromécanique, elle était classée au coefficient 215 de la Convention Collective.
La relation de travail était soumise à la Convention Collective de la Métallurgie de la Meuse / Haute-Marne.
Madame X... a été licenciée pour motif économique le 1er décembre 2005 ainsi que huit autres salariés.
Contestant le motif de son licenciement, elle a, par acte entré au greffe le 22 décembre 2005, saisi le Conseil de Prud'Hommes de Verdun de demandes tendant au paiement d'une indemnité pour non-respect de l'ordre des licenciements, d'une indemnité pour perte injustifiée de son emploi et subsidiairement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de dommages et intérêts.
Par jugement du 11 septembre 2006, le Conseil de Prud'Hommes a :
- condamné la Société Meusonic à payer à Madame X... les sommes de :
. 15 737,60 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 200,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
et a débouté les parties de leurs plus amples prétentions.
La Société Meusonic a interjeté appel le 18 septembre 2006.
Elle demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de débouter Madame X... de ses demandes,
- de la condamner au paiement d'une somme de 1 000,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Madame X... demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en tant qu'il a condamné la Société Meusonic à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- l'infirmer sur son montant.
Elle réclame paiement de la somme de 18 885,12 € et la somme de 600,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La Cour se réfère aux conclusions des parties visées par le greffier le 8 octobre 2008 et dont elles ont repris les termes à l'audience.
MOTIVATION :
- Sur la rupture du contrat de travail :
La lettre de licenciement mentionne :
" Nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant :- Baisse importante d'activité sans espoir d'amélioration à court ou moyen terme, liée au désengagement d'un client représentant plus de 50 % de notre chiffre d'affaires, au profit de leurs ateliers- Réduction corrélative de notre chiffre d'affaires- Augmentation de la consommation de 10 % des matières premières- Baisse sensible du résultat d'exploitation- Réintégration de l'affaire EPH M51 chez Astrium

Ces difficultés économiques nous contraignent à réorganiser l'entreprise et à supprimer votre poste de monteuse câbleuse.
En effet compte tenu de la baisse de notre niveau de charge, le service micro électronique ne nécessite plus aujourd'hui que 21 personnes, contre 27 auparavant.
Cette réorganisation est justifiée par nos difficultés économiques et est nécessaire pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, et adapter ainsi nos structures et nos effectifs à notre activité.
Compte tenu de ces éléments, et après avoir examiné toutes les possibilités pour un éventuel reclassement qui ne s'est avéré possible dans aucun poste de l'entreprise, et ce malgré toutes nos recherches, nous avons dû prendre la difficile décision de vous licencier pour raisons économiques. "
Il résulte de la combinaison des articles L. 122-14-2 du Code du Travail, devenu L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-17 du Code du Travail, et L. 321-1 du Code du Travail devenu L. 1233-3 et L. 1233-4 du Code du Travail, que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est évoqué, à la fois la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi et le contrat de travail du salarié ; qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère sérieux du motif économique invoqué par l'employeur ainsi que l'effectivité de l'obligation de reclassement mise à la charge de l'employeur.
Madame X... n'a pas contesté au cours des débats que l'employeur se trouvait au moment de la rupture du contrat de travail dans l'obligation de réorganiser l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité. Elle fait toutefois observer que l'activité de l'entreprise se poursuit aujourd'hui et qu'elle a procédé à de nouvelles embauches.
Les pièces produites en annexe confirment que neuf salariés ont été licenciés pour motif économique, que la procédure de licenciement concernant moins de 10 salariés a été engagée et que le Comité d'entreprise a été informé, dès le 20 octobre 2005, qu'une réunion ayant pour ordre du jour la réduction d'effectif dans le contexte de licenciement économique a eu lieu le 3 novembre 2005 et que toutes informations ont été fournies sur l'évolution du chiffre d'affaires, des résultats d'exploitation et l'état des commandes, les perspectives à court et à moyen terme, les besoins correspondant aux effectifs nécessaires après les licenciements envisagés, le personnel en excédent, la répartition par catégories professionnelles, les critères de l'ordre des licenciements, le calendrier prévisionnel et les mesures sociales d'accompagnement.
Elles établissent en outre que depuis 2003 la SAS Meusonic avait mis en place une politique de recherche de nouveaux clients pour éviter toute dépendance économique, mais qu'elle a dû faire face en 2005 au désengagement de son principal client la société Thales qui a généré une baisse immédiate, inéluctable et importante de l'activité du service Microéléctrique. Il apparaît de plus que la société Alcatel a également très largement baissé ses commandes avant d'arrêter définitivement toute collaboration avec la SAS Meusonic ; il en était de même pour la société Astrium qui avait annulé une commande importante. Il est donc établi que la SAS Meusonic était à la fin de l'année 2005 contrainte de réagir et de développer de nouvelles activités et de se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité et anticiper une dégradation rapide de sa situation économique pouvant menacer sa pérennité.
Les éléments du dossier ne démontrent pas par ailleurs que Madame X... a été licenciée pour d'autres raisons et notamment pour avoir fait l'objet d'un avertissement, pour un motif disciplinaire ou en raison d'une allergie contractée au cours du mois d'octobre 2005.
Le registre unique du personnel présenté en annexe révèle qu'elle n'a pas été remplacée et qu'aucun recrutement n'a été fait sur son poste même si les tâches qu'elle effectuait ont été réparties entre plusieurs salariés. Il est donc établi que l'emploi occupé par Madame X... a été supprimé et que le licenciement repose sur un motif économique.
Par application de l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article 1233-4 nouveau, le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.
L'obligation de reclassement doit être distinguée des engagements que prend l'employeur pour aider les salariés licenciés à effectuer leur reconversion professionnelle et à trouver une nouvelle activité. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées et présentées au moment où le licenciement est envisagé. La recherche imposée doit être effectuée au sein de l'entreprise elle-même et au sein des sociétés relevant du même groupe dès lors qu'il existe entre elles des possibilités de permutation du personnel.
Madame X... soutient que la SAS Meusonic n'a procédé à aucune recherche d'emploi. L'obligation de reclassement préalable qui pèse sur l'employeur en cas de licenciement économique lui impose en cas de contestation de justifier qu'il a pris toutes les mesures qui étaient en son pouvoir pour assurer le reclassement, en proposant tous les emplois alors disponibles ou qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'exécuter cette obligation.
La SAS Meusonic fait observer sans être contredite sur ce point qu'elle ne fait partie d'aucun groupe et qu'elle ne dispose que d'un seul et unique établissement.
L'examen du registre du personnel de l'entreprise établit qu'aucune embauche n'a été faite postérieurement au licenciement de Madame X... et de huit autres salariés. La SAS Meusonic, qui a pour des raisons économiques supprimé neuf emplois, ne disposait d'aucun emploi disponible susceptible d'être proposé à Madame X... pour éviter son licenciement. Elle n'était nullement tenue, alors qu'elle ne fait pas partie d'un groupe, de rechercher et de proposer des emplois auprès d'autres entreprises. Aucun élément du dossier ne fait apparaître, alors même que le Comité d'entreprise avait été régulièrement consulté, qu'il existait des emplois disponibles de la catégorie de celui occupé par Madame X... et qui ne lui auraient pas été proposés. C'est à tort qu'elle estime que son poste était disponible pour les 4/5e parce qu'il a été confié à une autre salariée alors que les tâches effectuées par un salarié dont le poste a été supprimé peuvent être réparties entre plusieurs salariés déjà présents dans l'entreprise. La SAS Meusonic démontrant qu'elle était dans l'impossibilité de reclasser Madame X..., la Cour ne peut que constater que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et que la demande de paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame X... doit être rejetée.
Le jugement entrepris sera donc infirmé.
- Sur les critères de l'ordre des licenciements :
Par application des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail, l'employeur doit, lorsqu'un licenciement pour motif économique individuel ou collectif est décidé, définir après consultation du Comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. La mise en oeuvre de l'ordre des licenciements se traduit par le choix des salariés qui vont être congédiés ; il doit être objectif et conforme aux critères définis.
Madame X... estime que les critères de l'ordre des licenciements n'ont pas été régulièrement appliqués, que les critères légaux, et notamment l'ancienneté, n'ont pas été pris en compte mais que l'employeur a tenu compte de l'existence d'un dossier disciplinaire et que l'appréciation de ses qualités professionnelles faite par le responsable d'atelier était erronée.
L'article L. 1233-5 du code du travail précise que les critères de l'ordre des licenciements prennent en compte les charges de famille et notamment celles de parents isolés, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés, les qualités professionnelles appliquées par catégorie.
Contrairement à ce que soutient Madame X..., l'employeur a la possibilité de privilégier le critère de la valeur professionnelle des salariés à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères. L'ordre des critères tel qu'il est fixé par la loi ne s'impose pas à l'employeur.
A défaut de convention ou d'accord collectif, l'employeur doit définir pour chaque licenciement collectif les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Le procès-verbal de la réunion du Comité d'entreprise du 3 novembre 2005 démontre que les critères de l'ordre des licenciements ont été soumis au Comité d'entreprise et définis de la manière suivante : qualités professionnelles (aptitude professionnelle, dossier disciplinaire, polyvalence), ancienneté, charges de famille notamment parent isolé, caractéristiques sociales rendant la réinsertion difficile (âge, handicap). Ces critères ont régulièrement été portés à la connaissance de Madame X..., suite à sa demande, par courrier du 12 décembre 2005, étant précisé que l'employeur a privilégié le critère de la qualité professionnelle qui n'est nullement discriminatoire même s'il tenait compte, entre autres éléments, de l'existence d'un dossier disciplinaire.
Les critères de l'ordre des licenciements s'appliquent à l'ensemble du personnel de l'entreprise dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié dont l'emploi est supprimé. La notion de catégorie professionnelle se définit par l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.
La SAS Meusonic justifie avoir appliqué l'ensemble des critères retenus aux salariés faisant partie de la même catégorie professionnelle que Madame X... et produit un état comparatif de tous les effectifs de cette catégorie avec indication des charges de famille, de l'ancienneté des handicaps, de la formation, de l'âge et des qualités professionnelles. Ces dernières ont été évaluées, comme pour tous les autres ouvriers de l'atelier micro, par les supérieurs hiérarchiques de Madame X..., à l'aide de critères objectifs, chiffrés et communs à tous les ouvriers microélectronique. Les attestations produites par la salariée ne sont pas susceptibles d'établir que l'employeur, qui est seul à même d'apprécier les qualités professionnelles de la salariée, a mal évalué sa polyvalence. Enfin il n'est pas démontré qu'elle aurait été apte à travailler dans l'atelier câblage alors que l'ancienne activité câblage qu'elle a pratiquée concernait le câblage électromécanique et a été abandonné et que l'actuel atelier de câblage réalise une production différente en électronique pour le secteur militaire nécessitant des compétences et des qualifications dont Madame X... ne dispose pas.
En tout état de cause l'obligation d'adaptation qui pèse sur l'employeur ne lui impose pas d'assurer une formation initiale débouchant sur une nouvelle qualification professionnelle.
Il résulte de ces éléments que l'employeur a correctement défini et appliqué les critères de l'ordre des licenciements. Madame X... n'est pas fondée à réclamer paiement de dommages et intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi.
Sa demande doit être rejetée et le jugement déféré sera confirmé pour d'autres motifs.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Madame X..., qui succombe principalement, supportera les entiers dépens et ses frais de procédure, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris
et statuant à nouveau,
DIT que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
DEBOUTE Madame Dominique X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame Dominique X... aux entiers dépens.
Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Et signé par Madame MAILLARD, faisant fonction de président, et par Mademoiselle CUNY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/02423
Date de la décision : 19/11/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 19 mai 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mai 2010, 09-40.103, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Verdun, 11 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nancy;arret;2008-11-19;06.02423 ?
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