COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 08 JANVIER 2015
ARRÊT No
R. G : 13/ 04237
PS/ CM/ ML
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS 27 juin 2013 RG : 11/ 01545
Y... VEUVE X...
C/
Caisse de Crédit Mutuel CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LE TEIL
APPELANTE :
Madame Nicole Y... VEUVE X... née le 07 Janvier 1945 à MONTELIMAR (26200) ... 07400 LE TEIL
Représentée par Me Véronique CHIARINI de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me KUHN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Caisse de Crédit Mutuel CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LE TEIL CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LE TEIL, Caisse Locale de crédit mutuel immatriculée au RCS d'AUBENAS sous le no D 352 610 836, dont le siège social est sis 40, Rue de la République-07400 LE TEIL, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 40 Rue de la République 07400 LE TEIL
Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER MIMRAN GOUIN LEZER JONZO, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Alain PALACCI, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE
Ordonnance de clôture du 23 Octobre 2014, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et prononcé d'une nouvelle au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. André JACQUOT, Président Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller
GREFFIER :
Mme Carole MAILLET, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 03 Novembre 2014, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Janvier 2015 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. André JACQUOT, Président, publiquement, le 08 Janvier 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement en date du 27 juin 2013, le tribunal de grande instance de Privas a :
- rejeté la demande de sursis à statuer
-déclaré la demande de la caisse de Crédit Mutuel recevable
-reconnu la mauvaise foi de la caisse de Crédit Mutuel dans l'exécution de relations contractuelles
-condamné Mme Nicole Y... veuve X... à payer en deniers ou quittances à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 71 216, 34 euros outre intérêts au taux de 11 % sur la somme de 41 960, 35 euros à compter du 4 mai 2011
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
-rejeté la demande de suppression d'une phrase
-condamné Mme Y... veuve X... à payer à la caisse de Crédit Mutuel la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné Mme Y... veuve X... aux dépens de la procédure
-autorisé Me Martel à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par acte en date du 12 septembre 2013, Mme Nicole Y... veuve X... a interjeté appel.
Par ordonnance en date du 30 octobre 2014, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de Mme Nicole Y... veuve X... notifiées par voie électronique le 27 juillet 2014 et condamné celle-ci aux dépens de l'incident.
Dans ses dernières conclusions recevables, en date du 9 décembre 2013 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses prétentions, Mme Nicole Y... veuve X... demande à la cour de :
" CONFIRMER LE JUGEMENT RENDU PAR LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS LE 27 JUIN 2013 EN CE QU'IL A :
Vu l'Article 1134 du Code Civil,
- Dit et jugé que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL avait exécuté la convention de mauvaise foi,
L'INFIRMER POUR LE SURPLUS, ET STATUANT A NOUVEAU :
A titre principal
Vu l'Article 1147 du Code Civil,
- Débouter la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de l'ensemble de ses demandes,
Subsidiairement
Vu l'Article 1134 du Code Civil,
- Dire et juger que Madame X... n'est redevable en principal que de 13. 668, 22 euros, déduction faite du contrat saisi,
- Dire et juger que le cours desdits intérêts dus sur le principal doit s'arrêter au 10 mars 2007,
- Dire et juger que l'indemnité forfaitaire de 8 % des sommes exigibles n'est pas due,
En toute hypothèse
Vu l'Article 1147 du Code Civil,
- Condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à payer à Madame X... la somme de 75. 000 euros au titre de dommages et intérêts,
Et vu l'Article 1382 du Code Civil,
- Dire et Juger la procédure de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL abusive,
- Condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à payer à Madame X... la somme de 10. 000 euros au titre de l'Article 1382 du Code Civil,
- Ordonner la compensation entre les condamnations éventuellement prononcées au profit des uns et des autres.
- Condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à payer à Madame X... la somme de 5. 000 euros au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Avocat qui y a pourvu, conformément aux dispositions de l'Article 699 du Code de Procédure Civile. "
Dans ses dernières conclusions en date du 6 octobre 2014 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses prétentions, la caisse de Crédit Mutuel (la caisse) demande à la cour de confirmer la décision déférée sauf à faire droit à son appel incident et de condamner Mme X... à lui payer la somme de 90 175, 69 euros outre intérêts au taux de 11, 50 % l'an postérieurement au 4 mai 2011 ainsi que la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
Par courrier du 31 octobre 2014, Mme X... demande de révoquer l'ordonnance de clôture en l'état de la décision du conseiller de la mise en état du 30 octobre 2004, ayant été amené à déposer un bordereau récapitulatif de pièces.
MOTIFS
L'appelante qui produit en annexe de ses conclusions du 24 juillet 2014 déclarées irrecevables une pièce 15 expertise amiable demande de révoquer l'ordonnance de clôture pour permettre l'admission de cette pièce. L'ordonnance du conseiller de la mise en état ne portant que sur les conclusions, non sur les pièces, il convient de faire droit à cette demande dans les termes du dispositif.
Sur le prêt
Il est nécessaire de rappeler qu'à la mort de son époux survenu en 1987, Mme X... qui se trouvait en possession de sommes provenant de l'héritage s'est adressée à son banquier, la caisse de Crédit Mutuel du Dauphiné-Vivarais, qui lui a fait souscrire différents placements " maison ".
Ont été ainsi souscrits :
le 22 novembre 2009, un contrat portant sur l'acquisition de 58 parts de la SCPI Pierre 3 pour la somme de 301 600 francs ;
le 18 juillet 1990, un contrat portant sur l'acquisition de 18 parts de la même SCPI pour la somme de 95 580 francs ;
le 12 novembre 1992, un contrat portant sur l'acquisition de 78 parts de la SCPI Pierre 4 pour la somme de 397 800 francs.
Cette dernière acquisition présentait la particularité d'être financée par un prêt du même montant nominal, stipulé remboursable in fine le 31 décembre 2002 en une échéance de 401 517, 71 francs et assorti d'un taux conventionnel de 11 % l'an. Il s'agissait, selon les mentions manuscrites contractuelles de la demande de prêt immobilier, d'une opération que Mme X... devait financer par les revenus dégagés par les parts de SCPI, les charges mensuelles définies à hauteur de 3 666 francs, " soit 44 000 annuel (devant être) réglés par les revenus fonciers procurés par les 800 kf de SCPI soit environ (48 000 francs) soit une opération blanche. " Ce prêt était garanti par le nantissement des parts de SCPI ainsi financées et par celui d'un contrat d'assurance-vie " Orchidée " souscrit le 12 novembre 1992 pour 185 000 francs.
En 1996, la caisse invitait Mme Y... veuve X... à réorienter et diversifier ses placements du fait de la crise immobilière. Mme Y... veuve X... réalisait ses parts de la SCPI Pierre 4 et souscrivait le 12 juin 1996 un contrat " philarmonia ", contrat de capitalisation, pour un montant de 310 284 francs.
Mme Y... veuve X... s'est trouvée dans l'impossibilité de rembourser les échéances du crédit à compter de juin 1997.
Par ordonnance en date du 10 octobre 2002, le juge des référés du tribunal de grande instance de Privas donnait acte à la caisse de son désistement pour la demande relative à l'attribution des parts de SCPI et ordonnait l'attribution à la caisse, à due concurrence du montant de sa créance au jour de sa réalisation, du contrat d'assurance nanti à son profit par Mme X... suivant acte sous seing privé en date du 5 janvier 1993.
Une action en responsabilité contre la caisse était diligentée par Mme Y... veuve X..., laquelle est toujours pendante puisque Mme Y... veuve X... s'est pourvue en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 15 septembre 2013, étant rappelé que :
- par jugement en date du 21 septembre 2004, le tribunal de grande instance de Valence déboutait Mme X... de son action en responsabilité contre la caisse, retenant l'absence de manquement au devoir de conseil-par arrêt en date du 28 novembre 2006, la cour d'appel de Grenoble réformait ce jugement et retenant la faute de la caisse, la condamnait à payer à Mme X... la somme de 160 000 euros en réparation du préjudice financier, celle de 10 000 euros en réparation du préjudice moral, celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;- par arrêt en date du 30 septembre 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation cassait cet arrêt et renvoyait la cause et les parties devant la même cour, autrement composée ;- par arrêt en date du 16 novembre 2010, la cour d'appel de Grenoble réformait le jugement et retenant la faute de la caisse, la condamnait à payer à Mme X... les sommes de 95 09, 38 euro au titre des pertes directes, de 75 000 euros au titre de la perte de chance outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et capitalisation et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- par arrêt en date du 10 juillet 2012, sur le pourvoi de la caisse, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejetait le premier moyen dirigé contre l'arrêt en ce qu'il avait retenu la faute de la caisse et cassait en ce qui concerne le préjudice, renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon ;- par arrêt en date du 15 octobre 2013, celle-ci infirmait le jugement déféré et déclarait prescrite l'action de Mme Y... veuve X... relativement aux placements souscrits courant 1989 et 1990 comme ayant été engagée plus de dix ans après le manquement au devoir d'information, disait que la caisse avait manqué à son obligation d'information à l'égard de Mme Y... veuve X... à l'occasion du montage financier des 12 novembre 1992 et 2 décembre 1992 ainsi que lors de la restructuration de son placement Pierre 4 vers le contrat de capitalisation PhilarmoniaPierre en 1996, déclarait la caisse responsable des préjudices subis par Mme X... résultant de ces manquements, disait que la perte de chance subie par Mme X... de ne pas adhérer en 1992 au montage financier proposé par la banque est de 50 %, condamnait la caisse à lui payer la somme de 23 410 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation, outre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Contrairement à ce que soutient la caisse, ce rappel historique auquel procède Mme X... et que la cour estime nécessaire de reprendre est pleinement utile à la résolution du litige dont elle est saisie portant sur la créance de la caisse au titre du prêt du 12 novembre 1992 et sur la liquidation des sommes restant dues, aucune confusion n'étant réalisée entre l'indemnisation du préjudice de Mme X... au titre du manquement de la caisse à son devoir d'information et la dette de celle-ci en vertu de l'acte de prêt.
Car contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la mauvaise foi de la caisse dans l'exécution contractuelle du prêt n'est pas caractérisée.
En effet, Mme Y... veuve X... argue de trois courriers en date des 10 et 13 mars 2007, 15 mai 2007 (ses pièces 9 à 11) par lesquels elle signalait ne plus être en possession de relevés de compte depuis le 31 janvier 2005 et demandait de réaliser les parts de SCPI Pierre 3, soit les 76 parts qu'elle détenait encore à cette date, mettant les sommes issues de la vente à la disposition du service contentieux. Elle en tire la conséquence que la caisse n'a volontairement pas déféré à ses demandes, préférant laisser courir un taux d'intérêt avantageux sur sa créance plutôt que de réaliser des actifs qui auraient permis de réduire la dette. Elle soutient également que les revenus de ces placements ne lui sont plus versés.
Or, c'est à juste titre que la caisse réplique que Mme Y... veuve X... ne justifie pas de l'expédition de ces courriers, indiqués au moins pour deux d'entre eux comme expédiés en LRAR. Il n'est pas cohérent que Mme Y... veuve X... adresse à cette date des courriers d'une telle teneur alors qu'elle est en possession du premier arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 28 novembre 2006, qui même frappé d'un pourvoi, lui alloue une indemnisation conséquente excédent les causes du prêt et qui rend vaines toutes propositions, hors compensation, de mettre le produit de la vente des parts de SCPI à la disposition du service contentieux de la caisse. Le détail des remboursements imputés sur la dette postérieurement à la déchéance du terme, fait apparaître entre le 3 mai 2002 et le 6 décembre 2006 diverses imputations au crédit de Mme Y... veuve X... qui, sauf meilleure explication, correspondent à des compensations avec des revenus de placements mobiliers.
La caisse est exhaustive en cause d'appel dans les documents qu'elle produit qui lui font réclamer à Mme Y... veuve X... dès l'assignation initiale du 9 juin 2011 la somme de 90 175, 69 euros avec intérêts au taux de 11, 50 % par an à compter du 4 mai 2011, dans un quantum depuis maintenu.
Il résulte en effet du contrat de prêt lui-même, de la mise en demeure du 22 novembre 2011, avec accusé de réception signé le 24 novembre 2011, prononçant la déchéance du terme au 10 décembre 2011 à défaut de régularisation, des décomptes de créance successivement arrêtés au 24 octobre 2002 et 4 mai 2011, du justificatif d'adhésion de Mme X... à l'assurance décès incapacité perte d'emploi en date du 13 novembre 1992, du tableau d'amortissement dans sa version nécessairement congrue s'agissant d'un prêt in fine, de l'historique des échéances en retard qui marque qu'à compter de l'échéance trimestrielle de juin 1997, elles sont demeurées impayées jusqu'au 31 décembre 2011 que le décompte arrêté au 4 mai 2011 retranscrit très fidèlement l'état de la dette de Mme X... à cette date.
Il intègre en effet, selon une imputation dont la conformité avec les dispositions législatives applicables n'est pas contestée, les divers versements détaillés en pièces 12 et 13, dont la somme de 46 956 euros provenant le 6 décembre 2012 de la vente du contrat d'assurance vie Orchidée, nanti au profit du créancier, objet de l'ordonnance de référé du 10 octobre 2002 ainsi que d'autres remboursements.
C'est donc bien, conformément à la pièce 7 de l'intimée que la cour considère comme étant ici intégralement reprise une somme de 90 175, 69 euros avec intérêts au taux de 11, 50 % à compter du 5 mai 2011 au paiement de laquelle Mme Y... veuve X... sera condamnée au titre du prêt.
La décision sera dès lors réformée.
L'admission de l'appel incident de la caisse prive de fondement la demande de Mme Y... veuve X... au titre de la procédure abusive engagée par la caisse.
Mme Y... veuve X..., partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, supportera les dépens d'appel.
Il convient en outre pour elle de participer à concurrence de 1 200 euros aux frais exposés par la caisse en cause d'appel et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Révoque l'ordonnance de clôture en date du 17 avril 2014 et fixe la clôture à la date des débats
Réforme la décision déférée,
Statuant à nouveau
Dit que la mauvaise foi de la caisse de Crédit Mutuel dans l'exécution du contrat de prêt du 12 novembre 2002 n'est pas établie
Condamne Mme Y... veuve X... à payer à la caisse de Crédit Mutuel la somme de 90 175, 69 euros avec intérêts au taux de 11, 50 % à compter du 5 mai 2011
Confirme pour le surplus
Y ajoutant
Condamne Mme Y... veuve X... à payer à la caisse de Crédit Mutuel la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme Y... veuve X... aux dépens d'appel.
Arrêt signé par M. JACQUOT, Président et par Mme MAILLET, Greffier.