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26/05/2009 | FRANCE | N°06/01115

France | France, Cour d'appel de nîmes, Première chambre b, 26 mai 2009, 06/01115


COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B ARRÊT DU 26 MAI 2009

ARRÊT N R. G. : 06 / 01115 IT / CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 14 février 2006

Y... C / X...

APPELANTE : Madame Claudine Y... épouse Z... née le 17 Septembre 1949 à GAND (BELGIQUE)... 84160 PUYVERT représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de Me Didier BERNHEIM, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ : Monsieur Gérard X... né le 07 Mars 1950 à AUBAGNE (13400)... 84160 LOURMARIN représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la

Cour assisté de Me Magalie ABENZA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE ren...

COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B ARRÊT DU 26 MAI 2009

ARRÊT N R. G. : 06 / 01115 IT / CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 14 février 2006

Y... C / X...

APPELANTE : Madame Claudine Y... épouse Z... née le 17 Septembre 1949 à GAND (BELGIQUE)... 84160 PUYVERT représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de Me Didier BERNHEIM, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ : Monsieur Gérard X... né le 07 Mars 1950 à AUBAGNE (13400)... 84160 LOURMARIN représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assisté de Me Magalie ABENZA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Mars 2009, révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties, et à nouveau clôturée au jour de l'audience avant les débats.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Mme Isabelle THERY, Conseiller, Mme Nicole BERTHET, Conseiller,

GREFFIER : Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS : à l'audience publique du 31 mars 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Mai 2009. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 26 Mai 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS et PROCÉDURE-MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 20 mars 2006 par Madame Claudine Y... épouse Z... à l'encontre du jugement prononcé le 14 mars 2006 par le tribunal de grande instance d'Avignon. Vu la révocation de l'ordonnance de clôture, prononcée, à la demande de tous les avoués de la cause, par mention au dossier à la date de l'audience du 31 mars 2009 pour le motif grave pris de la nécessité de veiller au respect du principe du contradictoire, afin de permettre de recevoir les dernières écritures déposées par les parties, ainsi que la nouvelle clôture prononcée par mention au dossier avant l'ouverture des débats. Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 23 mars 2009 par Madame Claudine Y... épouse Z..., appelante et le 27 février 2009 par M. Gérard X..., intimé, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.
Au cours de l'été 2001, Madame Claudine Y... épouse Z... a ouvert à Lourmarin (84) une galerie de peinture située à quelques mètres de celle de M. Gérard X... lui-même artiste peintre installé depuis 1992. Ce dernier, se plaignant de contrefaçons, d'imitations déloyales et d'actes de concurrence déloyale a fait assigner Madame Z... devant le tribunal de grande instance d'Avignon par acte du 29 juin 2004 aux fins d'obtenir réparation de son préjudice. Par jugement du 14 février 2006, le tribunal a dit que Madame Claudine Y... épouse Z... a contrefait le tableau « Bastide en automne » peint par M. Gérard X..., l'a condamnée à payer à M. X... la somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Le tribunal a également ordonné aux frais de Madame Z... la publication par extrait du jugement dans le journal la Provence sans que le coût de l'insertion excède 1000 €, a débouté les parties de leurs autres demandes et a condamné Madame Z... aux dépens.
Madame Claudine Y... épouse Z... a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation demandant à la cour de débouter M. X... de toutes ses demandes et de son appel incident et de le condamner à lui verser la somme de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale en ordonnant l'affichage de la décision sur la devanture de l'atelier X... pendant une durée de trois mois à compter de la signification de l'arrêt et sa publication dans la Provence et le Dauphiné dans la limite de 3. 000 € par publication aux frais avancés de M. X.... Elle réclame encore la somme de 7. 000 € pour ses frais irrépétibles. Elle soutient en substance qu'X... ne démontre pas que le tableau dénommé « Bastide du Puy Sainte Réparade » dont elle est l'auteur est la contrefaçon de la « Bastide en automne » dont il est l'auteur et que son style n'est aucunement original. Elle considère que le premier juge a débouté à juste titre M. X... de ses demandes concernant d'autres tableaux au titre de la contrefaçon en l'absence d'imitations et qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une concurrence déloyale et d'un parasitisme. Elle affirme que M. X... s'est livré à des actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale à son encontre voire d'une faute en affichant notamment sur la vitrine de sa galerie une lettre ouverte contenant des accusations de contrefaçons et en appelant la population à signer une pétition contre elle.

M. X... conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu un acte de contrefaçon sur le tableau intitulé « Bastide en automne », a ordonné la publication et a débouté Madame Z... de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts. Formant appel incident, il demande à la cour que le montant des dommages-intérêts pour le préjudice moral et intellectuel soit porté à 40. 000 €, de constater qu'il existe un préjudice matériel inhérent à la composition du droit d'auteur au sens de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle et de condamner Madame Z... au paiement de la somme de 25. 000 € à ce titre, en ordonnant la destruction de la contrefaçon aux frais de l'appelante ainsi que l'insertion dans le Dauphiné dans la limite de 3. 000 €. Il sollicite également la condamnation de Madame Z... pour concurrence déloyale et parasitisme sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil au paiement de la somme de 25. 000 € à titre de dommages-intérêts et à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il critique les attestations et les avis versés aux débats par l'appelante. Il se prévaut de l'antériorité de son oeuvre, de son originalité et des ressemblances avec l'oeuvre contrefaite et fait sienne la motivation caractérisant la contrefaçon retenue par le tribunal. Il considère en revanche que le premier juge a minoré le préjudice moral et n'a pas respecté l'article L. 111-1 dans la mesure où le droit d'auteur comporte des attributs d'ordre intellectuel mais également d'ordre patrimonial. Il critique le jugement déféré en ce qu'il a dénaturé l'ampleur des faits en méconnaissant le comportement fautif de Madame Z... mis en évidence par les témoignages versés aux débats et qu'il a appliqué à la concurrence déloyale et au parasitisme les critères d'appréciation de la contrefaçon alors que seule l'existence d'une faute est déterminante. Il explicite encore les actes de concurrence déloyale et de parasitisme rappelant que le préjudice issu de ces manquements est le résultat du détournement de clientèle opéré délibérément et aggravé par l'installation voisine et des prix délibérément bas destinés à détourner les acquéreurs de toiles de sa propre galerie.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les points en litige développés au cours de l'instance d'appel diffèrent de ceux analysés en première instance en ce qui concerne les prétentions de M. X... puisque ce dernier limite ses demandes au titre de la contrefaçon au tableau de la Bastide en automne en explicitant en revanche les actes de concurrence déloyale et de parasitisme. Il convient en conséquence d'analyser en premier lieu ses prétentions pour examiner ensuite la demande reconventionnelle de l'appelante.

Sur la contrefaçon du tableau de la Bastide en automne Il s'évince de la facture de vente du 31 janvier 2002 versée aux débats par M. X... mais également de l'édition de cartes de voeux pour l'année 2002 représentant ce tableau à compter du mois de décembre 2001 que ce dernier a été réalisé avant celui de Madame Z..., antériorité qu'elle ne conteste pas en fait et qui constitue une condition essentielle de la contrefaçon puisqu'elle vise la reproduction d'une oeuvre nécessairement préexistante. Le tableau peint par M. X... représente sa propriété à Cadenet qui, au vu de la photographie produite par l'appelante (pièce 19), apparaît entourée de hauts murs de telle sorte qu'elle ne peut être visible de l'extérieur. La photographie de M. X... en train de peindre ce tableau permet d'établir qu'il n'a pu être réalisé qu'à partir de l'intérieur de la propriété compte tenu de l'angle de vue retenu dans le tableau. Madame Z... a, selon ses propres termes, peint une bastide, " maison rurale " dont les ressemblances avec l'oeuvre peinte par M. X... tiennent uniquement au sujet et ne présentent aucune originalité. L'appelante formule trois griefs en droit à l'encontre du jugement qui a retenu, selon elle, à tort :- les critères d'adaptation et de transformation qui sont inapplicables,- la notion de caractéristiques essentielles qui relève du droit des dessins et modèles non transposable en la matière,- l'absence d'originalité en se référant à trois attestations de membres de l'Académie des beaux-arts. Ces griefs nécessitent de rappeler les dispositions du code de la propriété intellectuelle qui protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit ainsi sur cette oeuvre du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporel, exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial (article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle).- Sur l'existence de la contrefaçon La contrefaçon existe indépendamment de toute faute ou mauvaise foi du contrefacteur. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. L'article L. 335-2 du code précité dispose que toute édition d'écrit, de composition musicale, de dessin, peinture ou de toute autre production imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs est une contrefaçon. Le premier grief est donc inopérant au regard de la définition ci-dessus rappelée. La contrefaçon qui suppose la reprise non autorisée d'éléments d'une oeuvre préexistante reflétant la personnalité de l'auteur nécessite la démonstration d'une part de l'originalité de l'oeuvre contrefaite et d'autre part, d'une imitation dénuée de toute originalité. Il s'agit non pas de la similitude du sujet et de la reproduction de la forme donnée par l'interprète mais de son style et de sa personnalité. L'inventaire des ressemblances est à cet égard déterminante. S'il a évoqué à tort la notion de caractéristiques essentielles dans la définition de la contrefaçon artistique, le tribunal s'est livré à une étude minutieuse et approfondie des ressemblances entre les deux tableaux pour conclure que Madame Z... avait réalisé son oeuvre de seconde main au vu de celle de M. X.... Madame Z... soutient vainement que les ressemblances entre les deux tableaux ne tiennent qu'au sujet et ne présentent aucune originalité en l'état des éléments retenus par le premier juge. Il ressort en effet de la comparaison des deux tableaux une similitude flagrante de composition des deux ouvrages. C'est ainsi qu'il a été retenu à juste titre au vu de la décision déférée :- que les deux artistes ont présenté la bâtisse par beau temps durant la même saison avec les mêmes jeux de lumière concernant la façade, avec trois arbres disposés en triangle devant la maison guidant le regard vers elle,- que les deux maisons ont le même volume, les mêmes proportions et le même style, qu'elles supportent une cheminée similaire, que chacune des maisons dispose d'une porte d'entrée en bois avec encadrement en pierre, que les piliers en pierres qui encadrent la porte ont été renforcés à leur base, que dans chacune des oeuvres l'auteur avait placé un banc à la droite de la porte d'entrée sous la fenêtre du rez-de-chaussée, qu'un bosquet d'arbustes était représenté contre l'angle des deux maisons séparant les deux façades visibles. Il a été également relevé que sur les deux toiles figuraient un mur d'enceinte du côté de la façade à trois ouvertures avec un porte d'entrée doté d'un petit toit en tuiles et d'un portail en bois laissant un vide. Il existe également sur les deux peintures des arbres à l'arrière-plan du côté de la façade aux neufs ouvertures. Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge selon des motifs pertinents que la cour adopte, le nombre et l'importance des ressemblances ne peuvent s'expliquer par une simple coïncidence, étant observé que l'angle de vue retenu nécessitait de se positionner à l'intérieur de la propriété. Madame Z... ne peut pas sérieusement prétendre qu'il s'agit de ressemblances dues à l'architecture des bastides du XVIIIème siècle. L'étude des ressemblances énumérées montre qu'il ne s'agit pas d'éléments architecturaux propres aux bastides provençales : des groupes d'arbres, un banc, l'angle de vue, la clôture et le portail d'entrée, des erreurs de perspective curieusement identiques. L'accumulation de ressemblances avec un lieu reproduit par un tableau auquel Madame Z... n'a jamais pu avoir accès établit la réalité de la contrefaçon ce que confirme l'attestation de M. D.... L'argumentation de Madame Z... quant à ses sources d'inspiration ne résiste pas à l'examen des photographies des deux autres bastides qu'elle verse aux débats qui sont notablement différentes quant aux angles de vue, à la perspective et à la forme de la bâtisse, étant de surcroît observé que cette argumentation a été modifiée entre l'instance de référé et l'instance au fond ce qui la rend d'autant moins crédible. Sur le troisième grief, il sera rappelé que l'originalité d'une oeuvre peut être définie comme étant la marque de la personnalité de son auteur, la combinaison de divers choix résultant d'une recherche intellectuelle. En l'espèce, l'originalité de l'oeuvre de M. X... ne saurait être liée à sa notoriété mais à la seule réalisation de l'oeuvre qui porte l'empreinte de sa personnalité. L'appréciation du caractère d'originalité de l'ouvrage justifiant la protection légale porte sur la seule existence d'une oeuvre de l'esprit qui laisse transparaître l'apport créatif personnel de l'auteur. L'originalité de l'oeuvre de M. X... s'apprécie en l'espèce dans le choix de l'emplacement du sujet, des éléments du décor, du format, des choix de coloris de la lumière etc... Il n'appartient pas à la cour d'apprécier les mérites de l'oeuvre ou de l'artiste au risque de se déterminer en fonction de sa propre subjectivité. Les avis éminents de trois membres de l'Académie des beaux-arts, s'ils peuvent constituer une critique respectable de l'art de M. X..., sont inopérants à cet égard dans la démonstration de l'absence de contrefaçon. L'oeuvre d'art est en effet en elle-même porteuse d'un sens ouvert aux interprétations en fonction de ceux qui la contemplent. La représentation picturale de la réalité d'un paysage, d'un personnage, d'une maison lorsqu'elle n'est pas une simple copie, résulte d'une élaboration du réel que l'artiste restitue nécessairement en la transformant. Il en résulte une beauté qui n'était pas dans le réel ordinairement perçu mais que l'on a pu interpréter. La contrefaçon s'apprécie au contraire sur des critères objectifs de construction de l'oeuvre permettant de mettre en évidence l'absence d'originalité de l'oeuvre du contrefacteur. En l'occurrence, il a été amplement démontré par les ressemblances décrites qu'il s'agit bien d'une représentation adaptée ce que confirment les différentes attestations versées aux débats par l'intimé, représentation faite sans le consentement de l'auteur. Il s'ensuit que le premier juge a retenu à bon droit l'existence d'une contrefaçon.- Sur le préjudice Il est indéniable que tout acte de contrefaçon cause un préjudice moral à l'auteur de l'oeuvre contrefaite et qu'en l'occurrence ce préjudice a été exactement évalué par la décision critiquée à la somme de 10. 000 €. En revanche, le préjudice matériel inhérent à la composition du droit d'auteur a été écarté à tort par le premier juge dans la mesure où l'auteur est le seul à pouvoir divulguer l'oeuvre. Ce préjudice correspond donc à la perte liée à l'utilisation de l'oeuvre et plus précisément aux droits qu'aurait dû acquitter Madame Z... pour reproduire l'oeuvre dont le prix est nécessairement inférieur au montant du tableau qui a été vendu pour la somme de 7. 500 €. Ces droits de reproduction peuvent être évalués forfaitairement à la somme de 1. 000 €. Madame Z... sera donc condamnée à payer à M. X... les sommes de 10. 000 € au titre du préjudice moral et 1000 € au titre du préjudice matériel en réparation de l'acte de contrefaçon. Il n'y a pas lieu d'ordonner la publication dans d'autres quotidiens que celui retenu par le premier juge compte tenu de sa diffusion et du lieu d'implantation des galeries respectives des parties, ni même la destruction de la copie de l'oeuvre contrefaite alors que la cour ignore si le tableau est toujours la propriété de Madame Z... et que les dommages et intérêts alloués au titre du préjudice matériel sont de nature à réparer l'intégralité du préjudice subi. La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a ordonné la publication dans le journal la Provence sauf à porter le coût d'insertion à 3000 € pour tenir compte des prix pratiqués effectivement et les autres chefs de demande seront rejetés.

Sur les faits de concurrence déloyale et de parasitisme Ainsi que le conclut exactement l'intimé, les faits de concurrence déloyale et de parasitisme sont distincts de la contrefaçon puisqu'ils ne tendent pas aux mêmes fins et nécessitent de prouver une faute et un préjudice certain en lien de causalité avec cette faute, étant précisé que l'action en concurrence déloyale n'exige pas la constatation d'un élément intentionnel et que le comportement parasitaire en présence d'une situation de concurrence constitue un acte de concurrence déloyale. La concurrence déloyale consiste notamment à utiliser la réputation d'un concurrent en créant une confusion avec ce dernier afin d'en capter la clientèle. La déloyauté repose notamment sur une imitation qui vise à entretenir la confusion, la seule imitation n'étant pas en elle-même condamnable. Il est reproché à Madame Z... d'avoir imité de façon déloyale et répétitive les tableaux peints par M. X.... Il doit être relevé que Madame Z... s'est installée en 2001 en ouvrant une galerie à quelques mètres de l'atelier de M. X... ce qui n'est pas en soi fautif mais qui caractérise une situation de concurrence entre les deux parties, étant observé que le village de Lourmarin est apparemment propice à l'installation d'artistes peintres puisqu'il est fait état de 14 artistes peintres exposant dans ce village. S'il ressort de l'examen des photographies de tableaux peints par les deux artistes (Champs de vignes en automne, coings et raisins, le bouquet de fleurs d'amandiers, les cerisiers en fleurs, les mimosas, les tournesols) des similitudes de sujets y compris dans le choix des saisons, il ne peut être pour autant être considéré que ces similitudes puissent être constitutives d'une faute. Les sujets retenus constituent en effet une source d'inspiration commune à de nombreux peintres connus ou moins connus. Les tableaux diffèrent en fonction des sujets dans leur composition, les lumières, la forme des objets, les couleurs. C'est ainsi que le premier juge, à la suite d'une analyse comparative exhaustive de chaque tableau, a retenu à bon droit en ce qui concerne les coins et raisins que la forme de la table, la disposition des fruits figurant sur le tableau de Madame Z... ne correspondait pas à celle retenue par M. X... dans son tableau, que les tableaux représentant des fleurs étaient radicalement différents dans leur composition, leur lumière, la forme des pots etc... pour en conclure exactement que l'imitation ne concernait que le choix du sujet. Les attestations E..., F..., G..., H... confirment les similitudes en ce qui concerne le choix du sujet (" source d'inspiration identique ") et l'antériorité des oeuvres de M. X... sans pour autant mettre en évidence un risque de confusion entre les tableaux des deux peintres. Le préjudice allégué relatif à une captation de clientèle n'est pas davantage démontré faute d'éléments comptables concrets tenant à la démonstration d'une baisse des ventes de tableaux par M. X... sur la période, d'une captation de sa clientèle de sorte que ce chef de demande ne peut prospérer. De même le préjudice lié aux actes de parasitisme définis comme l'appropriation injuste de la réputation d'autrui sans nécessaire recherche de confusion et caractérisés en l'espèce selon l'intimé comme le fait de vendre des produits à des prix inférieurs à ceux pratiqués par M. X... n'est pas établi en l'absence de tout élément de preuve sur les prix pratiqués par chacun des artistes. La décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté ces chefs de demande.

Sur la demande reconventionnelle Madame Z... fait état à l'appui de sa demande reconventionnelle d'actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale à son encontre voire d'une faute. Elle se réfère notamment aux accusations de plagiat et à l'affichage sur sa vitrine d'une lettre ouverte intitulée « lettre ouverte / plagiat à Lourmarin ! » où elle est accusée de contrefaçon. Le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un concurrent en répandant à son propos au sujet de son activité des informations malveillantes. Dans la mesure où il a été fait partiellement droit aux prétentions de M. X... et qu'il a été mis en évidence un acte de contrefaçon portant sur le tableau évoqué dans le courrier mais également dans la pétition, ces faits ne peuvent être qualifiés de dénigrement. Il s'ensuit que la demande de dommages-intérêts et les demandes subséquentes ne peuvent pas davantage prospérer en appel.

Sur les frais de l'instance Madame Claudine Y... épouse Z... qui succombe devra supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile et devra payer à M. X... la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en matière civile et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel, Statuant à nouveau, Condamne Madame Claudine Y... épouse Z... à payer à M. Gérard X... la somme de 1. 000 € en réparation de son préjudice matériel lié à l'acte de contrefaçon, Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties, Condamne Madame Y... épouse Z... à payer à M. Gérard X... la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande. Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Première chambre b
Numéro d'arrêt : 06/01115
Date de la décision : 26/05/2009

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Contrefaçon - Oeuvre d'art - Ressemblance - / JDF

La contrefaçon artistique suppose la reprise non autorisée d'éléments d'une oeuvre préexistante reflétant la personnalité de l'auteur et nécessite la démonstration de l'originalité de l'oeuvre contrefaite ainsi qu'une imitation dénuée de toute originalité. Dès lors, l'accumulation de ressemblances avec un lieu reproduit par un tableau et l'absence d'originalité de son oeuvre mise en évidence par des critères objectifs de construction de l'oeuvre, établissent la réalité de la contrefaçon du tableau litigieux, lequel constitue bien une représentation adaptée et faite sans le consentement de l'auteur


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avignon, 14 février 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2009-05-26;06.01115 ?
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