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20/11/2001 | FRANCE | N°2000/0329

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 20 novembre 2001, 2000/0329


FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mademoiselle Isabelle Y... a été embauchée à compter du 1er septembre 1998 par la S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... à Le Pontet (84130), en qualité de secrétaire assistante juridique, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Elle bénéficiait d'un coefficient 220, niveau IV, échelon 1 de la convention collective des experts comptables et commissaires aux comptes. Sa période d'essai avait été prolongée le 28 octobre 1998 et l'employeur a rompu le contrat de travail le 2 décembre 1998, durant cette période d'essa

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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mademoiselle Isabelle Y... a été embauchée à compter du 1er septembre 1998 par la S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... à Le Pontet (84130), en qualité de secrétaire assistante juridique, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Elle bénéficiait d'un coefficient 220, niveau IV, échelon 1 de la convention collective des experts comptables et commissaires aux comptes. Sa période d'essai avait été prolongée le 28 octobre 1998 et l'employeur a rompu le contrat de travail le 2 décembre 1998, durant cette période d'essai renouvelée, selon lui. Contestant cette décision, la salariée a saisi le Conseil de prud'hommes d'Avignon le 25 janvier 1999. Par jugement prononcé le 28 septembre 1999, cette juridiction a : - Dit que la rupture du contrat de travail de Mlle Isabelle Y... n'est pas intervenue dans une période d'essai prévue au contrat initial, - Dit que la rupture s'analysait comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, - Condamné la S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... à payer à Mlle Y... les sommes de : * 80 000.00 F. (12195,92 ä ) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, * 6 000.00 F. (914,69 ä ) au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Débouté la S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... de sa demande reconventionnelle et condamné celle-ci aux éventuels dépens de l'instance. Le 26 octobre 1999 la S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... a relevé appel de la décision du Conseil de prud'hommes qui lui a été notifiée le 21 décembre 1999. La S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... sollicite l'infirmation de ce jugement, considérant que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée était intervenue durant la période d'essai. A titre subsidiaire elle demande la réduction au franc symbolique de l'évaluation du préjudice causé à Mlle Y... par cette rupture, compte tenu de la faible durée du contrat de travail,

sur le fondement de l'article L.122-14-5 du Code du travail. L'appelante réclame en outre le paiement de la somme de 6.000,00 francs pour les frais de procédure prévus par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Mlle Isabelle Y... demande la confirmation de la décision entreprise, outre l'allocation d'une somme de 8.000,00 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, reprises oralement par les parties. * * * * * * * * * * * SUR CE : SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL À DURÉE DÉTERMINÉE :

Attendu que le contrat de travail à durée déterminée conclu entre la S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... et Mlle Isabelle Y... le 6 juillet 1998 résulte d'une lettre d'embauche émanant de l'employeur, fixant le début de l'activité au 1er septembre suivant et prévoyant une période d'essai de deux mois, lettre acceptée et signée par la salariée ; Attendu que les parties ont convenu dans un avenant contractuel établi le 28 octobre 1998 de renouveler cette période d'essai, venant à expiration le 31 octobre 1998, pour une durée de près de 2 mois, soit jusqu'au 23 décembre suivant ; Attendu que l'employeur a unilatéralement mis fin au contrat de travail par lettre remise en mains propres à la salariée le 2 décembre 1998, invoquant la période d'essai en cours pour justifier l'absence de procédure de licenciement ; Attendu que l'employeur soutient que le renouvellement de la période d'essai de deux mois était possible, en application de l'article 6.1 de la convention collective des Cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes, applicable à la convention des parties ; Mais attendu que Mlle Y... conteste la validité du renouvellement du 28 octobre 1998, relevant que cette faculté n'était pas prévue dans le contrat de travail initialement

conclu entre les parties, alors que l'article 6.1 de la convention collective, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, subordonnait la validité d'un tel renouvellement à sa prévision dans le contrat individuel de travail ; Attendu que contrairement à ce que soutient l'employeur, l'exigence par la convention collective de la prévision par les parties de la faculté de renouveler la période d'essai dans le contrat de travail a pour effet de leur interdire de procéder à un tel renouvellement lorsque le contrat de travail ne prévoit rien en la matière ; qu'à défaut cette clause n'aurait aucune application, faute de toute autre sanction à son irrespect, qui soit prévue par la convention collective ; Qu'il importe peu dès lors que la salariée ait donné son accord au renouvellement proposé par l'employeur le 28 octobre 1998, la volonté des parties au contrat de travail ne pouvant, conformément aux dispositions de l'article L.135-2 du Code du travail, déroger aux dispositions de la convention collective dans un sens défavorable au salarié, ce qui est le cas en l'espèce ; Que de même les allégations selon lesquelles la salariée aurait été à l'origine de la proposition de renouvellement de sa période d'essai peu satisfaisant, que cette prolongation avait pour but de tester ses capacités professionnelles dans une période jugée par l'employeur plus propice et qu'elle n'avait pas pour but d'éluder des règles d'ordre public, s'avèrent dépourvues de pertinence au regard de l'application des dispositions d'ordre public précitées ; Qu'en effet la prolongation d'une période d'essai, caractérisée par la précarité de la situation professionnelle de la salariée qui peut à tout moment subir la rupture de son contrat de travail sans motivation exigée de son employeur et sans le bénéfice d'indemnités de rupture, constitue objectivement une situation moins favorable pour elle que le maintien d'une seule période d'essai plus courte ; que menacée d'une rupture immédiate de son contrat de travail durant

la période d'essai, la salariée ne peut en général librement consentir à son renouvellement, ce qui justifie les limitations apportées par la loi et les conventions collectives à la durée d'une période d'essai et à la faculté des parties de la renouveler, quelles que soient les situations particulières de celles-ci ; Attendu d'autre part que, contrairement à ce que soutient aussi l'employeur, l'avenant conclu le 28 octobre 1998 qui avait pour seul objet de prolonger la période d'essai venant à terme le 31 octobre suivant, ne peut être considéré comme s'intégrant au contrat de travail et respectant ainsi les exigences de l'article 6.1 de la convention collective ; qu'en effet celles-ci exigent, implicitement mais nécessairement, que la prévision de la faculté de renouveler la période d'essai résulte d'un accord entre les parties distinct et antérieur à l'accord sur la prolongation elle-même ; Attendu qu'il s'ensuit que le contrat de travail à durée indéterminée a valablement débuté entre les parties à compter du 1er novembre 1998 et que la rupture intervenue le 2 décembre 1998 à l'initiative de l'employeur s'analyse en un licenciement de Mlle Y... ; Attendu que la lettre du 2 décembre 1998 constitue donc une lettre de licenciement, laquelle s'avère dépourvue de motifs, l'employeur se contentant de faire référence aux "raisons ..exposées par Monsieur Guy Z... P.D.G.", sans autres précisions, contrairement aux exigences de l'article L.122-14-2 du Code du travail ; Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris ayant déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mlle Y... ; Attendu qu'il est constant qu'aucune procédure de licenciement n'a été mise en oeuvre par l'employeur, de telle sorte que la salariée n'a pas été convoquée à un entretien préalable de licenciement ni avisée de ses droits à y être assistée par un conseiller, en violation des dispositions de l'article L.122-14 alinéa 2 du Code du travail ; Attendu que

conformément aux dispositions de l'article L.122-14-5 et nonobstant le fait que la salariée avait moins de deux années d'ancienneté et que S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... employait habituellement moins de onze salariés, son préjudice doit être indemnisé sur la base des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail, prévoyant une indemnité minimale égale au montant des six derniers mois de salaire ; Attendu toutefois que la salariée n'ayant travaillé que 3 mois et 10 jours, cette indemnité trouve sa limite dans les salaires bruts perçus, soit au total une somme de 40.376,22 F bruts, en ce compris l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés versés ultérieurement par l'employeur ; Attendu que Mlle Y..., âgée de 33 ans lors de la rupture du contrat de travail, prétend avoir subi un préjudice supérieur à ce montant, réclamant une somme de 80.000,00 F à titre de dommages et intérêts de ce chef ; Attendu qu'elle produit une copie de sa déclaration de revenus pour l'année 1998, faisant apparaître des revenus déclarés à hauteur de la somme de 93.615,00 F mais aucun avis d'imposition ni déclaration de revenus pour les années 1999 et 2000, qui ont suivi la rupture abusive de son contrat de travail le 11 décembre 1998, ce qui ne permet pas d'établir l'existence et l'importance de la perte de revenus qu'elle allègue ; Qu'elle produit également une attestation, non régulière en la forme exigée par l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, de Monsieur Christian X..., chef du service du personnel du Centre National pour l'Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles, en date du 1er avril 1999, dans lequel celui-ci certifie que Mlle Y... bénéficie d'une prise en charge au titre de l'allocation pour perte d'emploi depuis le 9 février 1998, soit antérieurement au contrat de travail litigieux et à sa rupture, et qu'elle a été indemnisée durant 174 jours depuis cette date jusqu'au 28 février 1999 ; Qu'il est

aussi versé aux débats deux avis de paiement de cette allocation d'un montant de 6.430,95 F pour le mois de janvier 1999 et de 4.730,60 F pour le mois de février 1999 ; Que ces documents ne permettent pas d'établir avec précision les revenus de Mlle Y... après le 11 décembre 1998 ni sa situation économique et professionnelle, qui n'est nullement justifiée, aucun avis de paiement de prestations ASSEDIC n'étant non plus produit ou tout autre document justificatif ; Attendu qu'il convient donc de considérer que l'intégralité du préjudice causé à Mlle Isabelle Y... par la rupture de son contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et par les irrégularités de forme de la procédure de licenciement, se trouve réparé par l'allocation de l'indemnité minimale à laquelle elle a droit en l'espèce ; SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS : Attendu que le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance ; Attendu que néanmoins chaque partie succombant pour partie en appel, les dépens et frais irrépétibles de l'appel seront compensés ; * * * * * * * * * * PAR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme, Réformant le jugement du Conseil de prud'hommes d'Avignon prononcé le 28 septembre 1999, Condamne la S.A. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE GUY Z... à payer à Mlle Isabelle Y... la somme de 40 376,22 F. (6 155,32 ä ) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier en la forme, Confirme le jugement entrepris pour le surplus, Dit que chaque partie supportera la charge des dépens et frais irrépétibles engagés par elle en cause d'appel, Rejette toutes les autres demandes. Ainsi prononcé et jugé à N MES le 21 novembre 2001. Arrêt signé par Madame FILHOUSE, Président et Madame GIRARDEAU, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 2000/0329
Date de la décision : 20/11/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Période d'essai - Renouvellement - Limites - /

S'avère illégitime et dépourvue d'effets en conséquence, le fait de renouveler par avenant la période d'essai d'un contrat de travail, qui dans sa rédaction initiale ne prévoyait pas cette faculté, alors même que la convention collective de branche subordonne la validité d'un tel renouvellement à sa prévision dans le contrat individuel de travail. Dès lors, la rupture intervenue convenue après la fin de la période d'essai initialement sur l'initiative de l'employeur, s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2001-11-20;2000.0329 ?
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