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21/10/2020 | FRANCE | N°16/00168

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 21 octobre 2020, 16/00168


PC/CC



































Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 21 OCTOBRE 2020



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/00168 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M3BN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 SEPTEMBRE 2016

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG F 14/0031

4



APPELANTE :



Madame [Z] [V]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE



INTIMEE :



SARL VOYAGES LANDES

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe B...

PC/CC

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 21 OCTOBRE 2020

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/00168 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M3BN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 SEPTEMBRE 2016

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG F 14/00314

APPELANTE :

Madame [Z] [V]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

SARL VOYAGES LANDES

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe BRINGER de la SCP AIMONETTI BLANC BRINGER MAZARS, avocat au barreau D'AVEYRON plaidant

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER postulant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 05 Février 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 SEPTEMBRE 2020, en audience publique, ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Madame [Z] CHICLET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE :

[Z] [V] a été engagée le 1er décembre 2007 par la Sarl Edgar Voyages (anciennement dénommée Voyages Landes-Edgard Voyages) en qualité de prospectrice démarcheuse à domicile dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Elle a été promue, par avenant du 1er avril 2010, responsable d'agence et commercial groupe, statut de cadre, groupe E, catégorie IV par référence à la classification des emplois de la convention collective nationale des agences de voyages et de tourisme et percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute moyenne de 2.516,40 € outre une commission de 8 % sur la marge commerciale des voyages groupes HT (ce pourcentage comprenant l'indemnité de 10 % due au titre des congés payés) payable mensuellement.

[Z] [V] a démissionné de son emploi le 28 mars 2014.

Reprochant à son ancienne salariée des actes de concurrence déloyale commis pendant la durée de son contrat de travail dans le but de détourner la clientèle de son employeur au profit de la société créée immédiatement après sa démission, la société Edgar Voyages a saisi le conseil des prud'hommes de Narbonne en référé expertise.

Par ordonnance de référé du 24 septembre 2014, confirmée par un arrêt du 22 avril 2015 de la cour d'appel de Montpellier, le conseil des prud'hommes a rejeté cette demande.

Le 6 octobre 2014, la société Edgar Voyages a saisi le conseil des prud'hommes de Narbonne statuant au fond d'une demande de dommages-intérêts pour faute lourde.

Par jugement du 22 septembre 2016, ce conseil a :

- dit que [Z] [V] a commis des man'uvres déloyales constitutives d'une faute lourde ;

- condamné [Z] [V] à payer à la Sarl Voyages Landes (ancienne dénomination de la Sarl Edgar Voyages) la somme de 198.907 € au titre du préjudice financier subi ;

- condamné la Sarl Voyages Landes à payer à [Z] [V] la somme de 2.080,31 € au titre du salaire de la période du 1er au 27 juin 2014 ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné [Z] [V] aux entiers dépens.

[Z] [V] a relevé appel total de ce jugement le 6 octobre 2016.

Vu les conclusions de [Z] [V] remises au greffe le 26 décembre 2019 ;

Vu les conclusions de la société Edgar Voyages remises au greffe le 31 janvier 2020 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 5 février 2020 ;

MOTIFS :

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) Sur le rappel de salaire et des commissions :

La société Edgar Voyages, formant appel incident, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à [Z] [V] un rappel de salaires du 1er juin au 27 juin 2014. Elle fait valoir que durant le premier semestre 2014, aucun travail n'a été effectué par [Z] [V] dans l'intérêt de son employeur et qu'en l'absence d'exécution de la prestation de travail, ni le salaire du mois de juin ni les commissions du premier semestre ne sont dus.

[Z] [V], qui rappelle avoir effectué son préavis de trois mois et être restée dans l'entreprise jusqu'au 27 juin 2014, conclut à la confirmation du jugement concernant le rappel de salaire et demande à la cour de l'infirmer en ce qu'il a rejeté ses demandes de rappels de commissions et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 8.380,90 € de ce chef à titre principal outre les 10 % de congés payés afférents.

Le contrat de travail étant soumis aux règles du droit commun en application des dispositions de l'article L.1221-1 du code du travail, l'employeur ne peut retenir le salaire sur le fondement de l'exception d'inexécution qu'après avoir mis en demeure ce dernier de reprendre le travail.

La société Edgar Voyages ne justifiant d'aucune mise en demeure de reprendre le travail adressée à [Z] [V] en juin 2014, son moyen ne peut qu'être rejeté et il sera fait droit au rappel de salaire pour la période du 1er juin au 27 juin 2014 à concurrence de 2.080,31 € et le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant des commissions, [Z] [V] a perçu la somme de 9.647,25 € à ce titre entre le 1er juillet 2013 et le 27 juin 2014 ainsi que cela résulte de ses bulletins de paie.

Or, la société Edgar Voyages justifie, par la production d'une attestation de son cabinet d'expertise comptable Midi Centre (attestation recevable, contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, car comportant le tampon encreur de l'entreprise ainsi que la signature, l'identité et la fonction de son auteur, cf pièce 38 de l'intimée) d'une marge commerciale sur les voyages groupes HT de 191.894 € entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2014.

Cette estimation certifiée par un professionnel de la comptabilité sera préférée aux calculs personnels de l'appelante et non étayées concernant le chiffre d'affaires (pièce 26).

Il s'évince de cette marge commerciale sur les voyages groupes que le montant des commissions qui aurait dû être payé à [Z] [V] sur la période précitée s'élève à 15.351,52 € (et non 9.647,25 €).

Cette marge commerciale, dégagée sur le secteur de [Localité 5] à une époque il n'est pas discuté que [Z] [V] y travaillait seule, d'une part, contredit le moyen de la société Edgar Voyages tiré de l'inexécution totale de sa mission par la salariée et d'autre part, révèle un reste à payer de 5.704,28 €.

En comparant la marge commerciale de l'année 2010 avec les bulletins de paie de l'année 2010, il ressort un autre reste à payer de 262,12 €.

La société Edgar Voyages sera condamnée à payer à [Z] [V] la somme totale de 5.966,40 € (5.704,28 + 262,12) au titre des rappels de commissions et le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de [Z] [V] de ce chef.

En revanche, [Z] [V] sera déboutée de sa demande au titre des congés payés y afférents dès lors que son contrat de travail du 1er avril 2010 stipule que l'indemnité de 10 % pour congés payés est incluse dans le pourcentage forfaitaire de 8 % servant de base au calcul des commissions.

2) Sur le rappel de salaire sur minimum conventionnel :

[Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 11.717,24 € au titre des rappels du salaire minimum de groupe prévu par la convention collective et non respecté par son employeur entre décembre 2011 et juin 2014.

La société Edgar conclut au rejet de cette prétention et à la confirmation du jugement en soutenant que l'appelante a omis de prendre en compte dans sa rémunération les commissions payées mensuellement.

L'intimée ne conteste pas avoir classé l'emploi de [Z] [V] dans la catégorie E, correspondant aux agents de maîtrise, au lieu de le classer dans la catégorie F applicable à son statut de cadre et ouvrant droit à un salaire minimum de groupe plus élevé.

En l'absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti.

L'article 27 de la convention collective applicable définit la rémunération minimale conventionnelle de groupe comme étant au choix de l'employeur :

« - soit un salaire mensuel de base au moins égal au salaire minimum de groupe de «classification attribué au poste du salarié,

 - soit une rémunération annuelle au moins égale au salaire minimum du groupe du poste «attribué au salarié × 12 mois + 10 %, non compris les éléments de rémunération suivants : la prime d'ancienneté, les avantages en nature, l'intéressement et la participation, le paiement des heures supplémentaires et l'indemnité compensatrice de congés payés en cas de départ d'un salarié. »

En l'espèce, il résulte de l'avenant du 1er avril 2010 et des bulletins de paie que l'employeur a opté pour le versement d'un salaire mensuel de base et non pour une rémunération annuelle.

La convention collective détermine le salaire minimum de groupe par rapport au salaire mensuel de base lequel s'entend, juridiquement et par référence à l'article 5-1 du contrat de travail, du salaire brut avant déduction des cotisations sociales et avant versement des prestations sociales hors primes et heures supplémentaires.

La convention collective, en faisant référence expressément au salaire mensuel de base, a nécessairement exclu de la rémunération de comparaison tous les éléments variables ou accessoires à ce salaire.

En comparant, entre décembre 2011 et le 27 juin 2014, les salaires de base versés à [Z] [V] (58.285,72 €) avec les salaires minimum de groupe prévus par la convention collective (68.065,24 €), il apparaît un restant dû de 9779,52 €.

La société Edgar Voyages sera condamnée à payer à [Z] [V] ladite somme outre celle de 977,95 € au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

3) Sur le 13ème mois :

[Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel sur les primes du 13ème mois et demande le bénéfice d'une indemnité de 10.259,23 € de ce chef au titre de la période comprise entre décembre 2011 et juin 2014 en se fondant sur l'article 37 de la convention collective.

La société Edgar Voyages conclut au rejet de cette prétention et à la confirmation du jugement en faisant valoir le caractère simplement incitatif et non contraignant de la convention collective.

L'article 37 de la convention collective stipule que « les entreprises s'efforceront, dans la mesure du possible, d'accorder une gratification annuelle à tout ou partie de leur personnel ayant au moins 6 mois d'ancienneté. Cette gratification pourra prendre la forme d'une prime de bilan, d'un 13ème mois ou de toute autre gratification éventuellement applicable dans l'entreprise. »

S'il est vrai que cet article n'a qu'un caractère incitatif et qu'il n'est nullement contraignant, il appartient toutefois à l'employeur qui ne discute pas ne pas avoir versé cette gratification à son salarié ayant au mois 6 mois d'ancienneté de démontrer qu'il a tout mis en 'uvre pour y parvenir.

Or, une telle preuve n'est pas rapportée en l'espèce, la société Edgar Voyages ne justifiant pas s'être conformée à son obligation de moyens et n'exposant pas les raisons pour lesquelles ces efforts auraient été voués à l'échec.

Partant, elle sera condamnée à payer à [Z] [V] les primes de 13ème mois réclamées pour un montant de 10.259,23 € et le jugement sera infirmé de ce chef.

4) Sur les contreparties relatives à l'exercice du télétravail :

[Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives :

- aux indemnités de sujétion qu'elle estime lui être dues entre le 1er février 2007 et le 8 février 2010 et entre le 1er juillet 2013 et le 31 décembre 2013,

- au remboursement des frais professionnels liés à l'occupation à titre professionnel de son domicile.

Elle demande la condamnation de l'intimée à lui payer les sommes de 6.600 € (sujétion) et de 2.292,40 € (frais) de ces chefs.

La société Edgar conclut à l'irrecevabilité de ces prétentions qu'elle estime prescrites pour avoir été demandées tardivement le 4 décembre 2014. Au subsidiaire, elle conclut à leur rejet.

L'article L.3245-1 du code du travail en ses dispositions applicables résultant de la loi du 14 juin 2013 prévoit que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Les dispositions issues de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

[Z] [V] a formé pour la première fois ses demandes le 4 décembre 2014 devant le conseil des prud'hommes.

Par conséquent, les indemnités de sujétion et les frais professionnels antérieurs au 4 décembre 2009 sont prescrits.

En revanche, les indemnités et frais postérieurs au 4 décembre 2009 ne sont pas prescrits puisque la prescription a été interrompue par la demande en justice du 4 décembre 2014 puis par la déclaration d'appel du 6 octobre 2016 et le restera jusqu'à ce que l'arrêt à intervenir devienne irrévocable.

La société Edgar Voyages conteste leur bien fondé sans étayer son affirmation par aucun moyen de fait ou de droit alors qu'elle ne discute pas le fait que [Z] [V] a travaillé depuis son domicile entre le 1er décembre 2007 et le 8 février 2010 puis après la fermeture de l'agence de [Localité 5] entre le 1er juillet 2013 et juin 2014.

La société Edgar Voyages a indemnisé cette sujétion à compter de juillet 2013 (et non janvier 2014 comme indiqué à tort par l'appelante) sur la base de 150 € par mois ainsi que cela résulte des bulletins de paie produits.

Les indemnités de sujétion pour la période non atteinte par la prescription à savoir du 4 décembre 2009 au 8 février 2010 sont dues pour un montant total de 450 € (3X 150 €).

Il en va de même des frais pour l'occupation à titre professionnel du domicile que l'appelante estime justement à 11,43 % de la surface (espace dédié de 12,57 m² sur une surface habitable de 110 m²).

En appliquant ce pourcentage aux échéances mensuelles d'emprunt de l'intéressée, le montant des frais mensuels s'élève à 52,10 € (455,97 € X 11,43%) soit 781,50 € pour les 15 mois non atteints par la prescription (52,10 X 15 de décembre 2009 à février 2010 et du 1er juillet 2013 à juin 2014).

La société Edgar Voyages sera condamnée à payer à [Z] [V] les sommes de 450 € au titre des indemnités de sujétion et de 781,50 € au titre des frais professionnels pour occupation du domicile.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

5) Sur le rappel d'heures supplémentaires :

[Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel des heures supplémentaires et réclame la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 4.857,96€ de ce chef en faisant valoir qu'il résulte suffisamment des attestations produites que ses horaires de travail effectif excédaient de deux heures par semaine les 169 heures prévues à son contrat.

La société Edgar Voyages conteste devoir la moindre heure supplémentaire en invoquant le défaut de précision des éléments produits par la salariée et une attestation de la chargée de clientèle selon laquelle [Z] [V] ne travaillait jamais le mercredi après-midi, arrivait souvent après 9h00 et prenait sur son temps de travail pour se rendre à des rendez-vous personnels (médicaux ou enfants à l'école).

L'attestation de la chargée de clientèle est spécieuse car, dès lors que l'agence de [Localité 5] ouvrait 45 heures par semaine (9h à 12h30 puis de 13h30 à 19h), il était normal que [Z] [V], qui occupait un poste de travail à temps complet de 39 heures par semaine, ne travaillât pas durant les 5h30 du mercredi après-midi.

Pour le surplus, cette attestation est laconique en ce qu'elle ne précise pas le temps de présence à l'agence de [Localité 5] du témoin (agence qui a fermé à compter du 1er juillet 2013, [Z] [V] ayant de nouveau travaillé depuis son domicile à partir de cette date) ni la fréquence des rendez-vous personnels prétendument pris par [Z] [V] sur son temps de travail de sorte qu'elle sera écartée.

Les attestations 41 à 47 produites par l'appelante suffisent à étayer l'existence des deux heures supplémentaires hebdomadaires alléguées puisque tous ces clients confirment avoir pu joindre [Z] [V] jusqu'à 19h30 le soir ou durant la pause déjeuner ainsi que pendant certains weekends et une partie de son congé de maternité à compter du 9 juin 2009.

La société Edgar Voyages ne fournissant aucun autre élément de contestation utile en dehors de l'attestation précitée qui est écartée, il sera fait droit à la demande de [Z] [V] et l'intimée sera condamnée à lui payer la somme de 4.857,96 € telle que justifiée dans le tableau figurant en pièce 55, le jugement étant infirmé sur ce point.

6) Sur l'astreinte :

[Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement d'astreinte et demande à la cour de condamner l'intimée à lui payer la somme de 3.950 € de ce chef en faisant valoir que de telles astreintes résultent des témoignages des clients ayant pu la joindre durant les weekends.

La société Edgar Voyages conteste devoir la moindre somme à ce titre en indiquant n'avoir jamais contraint la salariée à répondre au téléphone en dehors de ses heures de travail ou durant le weekend.

Il ne résulte pas des stipulations contractuelles ni des nécessités de l'organisation du service de prestations de tourisme dont [Z] [V] était la responsable qu'elle ait été assujettie à des astreintes; les heures accomplies en dehors de ses horaires contractuels et durant certains weekends ayant déjà indemnisées, comme elle le demandait, au titre des heures supplémentaires.

Elle sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

7) Sur le travail dissimulé :

[Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et elle demande à la cour de condamner la société Edgar Voyages à lui payer la somme de 22.301,64 € en invoquant la dissimulation de son statut de cadre (ayant généré selon elle une économie de cotisations sociales substantielle pour l'employeur), le travail accompli durant son congé maternité et le travail dissimulé durant les heures supplémentaires non payées.

La société Edgar Voyage conteste devoir cette somme.

Ainsi que le soutient justement l'intimée, l'erreur concernant le classement dans la catégorie d'emploi de la convention collective et le salaire minimum conventionnel ne procédait pas d'une intention malicieuse de dissimuler le statut de cadre de [Z] [V] puisque celui-ci est expressément visé dans l'avenant au contrat de travail du 1er avril 2010 et sur chacune de ses fiches de paie subséquente ; en l'absence de preuve du caractère intentionnel de cette erreur, celle-ci ne peut ouvrir droit à l'indemnité pour travail dissimulé qui suppose une intention frauduleuse de l'employeur.

Par ailleurs, il ne résulte pas des pièces produites que la société Edgar Voyages ait contraint [Z] [V] à travailler durant son congé de maternité. Au contraire, l'intimée démontre, par la production du registre du personnel, avoir recruté le 13 avril 2009 à effet au 20 avril 2009 une autre personne pour la remplacer et être opérationnelle à compter du 9 juin 2009, premier jour de son arrêt de travail (pièce 42 de l'intimée). Les heures de travail effectuées par [Z] [V] durant son arrêt de travail l'ont donc été en dehors de tout cadre d'astreinte et ont d'ailleurs ouvert droit au rappel d'heures supplémentaires jugé précédemment.

Enfin, il n'est pas démontré que l'absence de paiement des heures supplémentaires résulte d'une intention frauduleuse de la société Edgar Voyages.

[Z] [V] sera par conséquent déboutée de sa prétention et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la faute lourde :

[Z] [V] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu à son encontre l'existence d'une faute lourde ayant justifié son licenciement sans préavis ni indemnité et demande à la cour de débouter la société Edgar Voyages de toutes ses prétentions de chef.

L'intimée demande à la cour de confirmer le jugement et de reconnaître les actes de concurrence déloyale commis à son encontre et avec une intention de nuire par sa salariée durant son temps de travail.

La faute lourde résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à la structure qui l'emploie, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise. Elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

Ainsi que le rappelle à juste titre l'intimée, le contrat de travail signé par [Z] [V] le 1er décembre 2007 mettait à sa charge une obligation de loyauté envers son employeur en stipulant en son article 9 relatif aux obligations professionnelles que « la salariée exercera ses fonctions exclusivement pour le compte de l'employeur, toute autre activité professionnelle soit pour son compte, soit pour le compte de tiers lui étant en conséquence interdite et la salariée s'engage à conserver la plus grande discrétion tant pendant la durée des relations contractuelles qu'après, sur les informations qu'elle détient de ses fonctions, tant en ce qui concerne l'organisation de l'entreprise qu'en ce qui concerne ses méthodes commerciales et de travail et sa clientèle. »

[Z] [V] ne discute pas avoir créé dès le 17 février 2014, soit avant sa démission du 28 mars, une société Eva's Voyages, directement concurrente de la société Edgar Voyages ainsi que cela résulte de l'extrait du site société.com (pièce 5 de l'intimée).

La société Edgar Voyages, comme preuve du détournement de clientèle effectué durant son temps de travail par la salariée, produit aux débats des échanges de courriels datés du 17 janvier 2014 et 15 mars 2014.

Pour échapper à la sanction disciplinaire de l'employeur, [Z] [V] invoque le caractère suspect de ces mails du 17 janvier 2014 et 15 mars 2014 en soutenant que le premier est peu crédible pour avoir été envoyé depuis la boîte mail de Voyages Landes et non depuis celle de Eva's Voyages pour demander un transfert vers Eva's Voyages sans mentionner l'adresse de messagerie de cette dernière et que le second n'est pas restitué dans son intégrité puisque la signature électronique du destinataire apparaît immédiatement après la sienne.

Mais l'échange de courriels du 17 janvier 2014 (pièce 7-1 à 7-2 de l'intimée) entre [Z] [V], écrivant depuis sa messagerie professionnelle Voyage Landes, et l'attachée commerciale du parc Puy du Fou, [O] [X], ne présente aucune incohérence contrairement à ce qui est soutenu, puisqu'il est demandé au client, non pas d'adresser ses futurs mails sur la messagerie Eva's Voyages, ainsi que l'indique à tort l'appelante, mais « de basculer le dossier réservation d'un groupe de 56 personnes le 29 août 2014 sur la nouvelle dénomination ce dessous : EVA'S VOYAGES

[Adresse 3] »

Le client confirme son accord pour refaire une nouvelle réservation en modifiant « l'entité » au mois de mars 2014 et pour repousser, à titre exceptionnel, le versement des arrhes au 17 mars 2014.

Par cet échange de mails, au contenu clair et crédible, la société Edgar Voyages prouve que [Z] [V], dont la société Eva's Voyage était en cours d'immatriculation, a démarché un vendredi 17 janvier 2014 entre 14h30 et 17h45, c'est à dire durant son temps de travail et depuis l'ordinateur et la messagerie professionnelle mis à sa disposition par son employeur, un client de ce dernier en lui demandant expressément de remplacer, à compter du mois de mars, la société Voyage Landes indiquée sur la réservation par sa propre société Eva's Voyages.

Le mail du samedi 15 mars 2014 qui émane de la messagerie Eva's Voyages de [Z] [V] n'est pas davantage sujet à caution, contrairement à ce qui est soutenu.

Par cette pièce 8, l'intimée démontre que [Z] [V], alors qu'elle était toujours engagée dans une relation de travail avec la société Edgar Voyages (anciennement Voyages Landes), a demandé expressément au directeur général de la société de droit espagnol Calafell Evasion de lui « basculer les dossiers ci-dessous sur EVA'S VOYAGES :

PENISCOLA-HOTEL PAPA LUNA DU 22 AU 26 SEPTEMBRE-OPTION 100 PAX SUR LA REF 14.0125 ' CONFIRME MAIS JE N'AI PAS ENCORE LE NOMBRE EXACT DE PARTICIPANTS

MADRID DU 6 AU 11 OCTOBRE selon le programme ci-joint ' Je ne crois pas avoir posé d'option à vérifier ' Me poser une option sur la base d'environ 40 personnes.

Je te passe un autre mail avec de nouvelles demandes.

Amitiés

[Z] [V]

SAS EVA'S VOYAGES [Adresse 3] »

Par ces courriels du 17 janvier 2014 et 15 mars 2014, l'employeur établit que [Z] [V], à une période où son contrat de travail était toujours en cours d'exécution, a gravement manqué à son obligation de loyauté envers son employeur en détournant, sciemment et à son insu, divers clients de ce dernier au profit de sa propre société concurrente Eva's Voyages, opération réalisée dans le but de lui nuire puisque les prix de toutes ces prestations ont échappé définitivement à la société Edgar Voyages (anciennement Voyages Landes) pour enrichir sa propre entreprise.

Cette violation délibérée et malveillante de l'obligation de loyauté envers son employeur est constitutive d'une faute lourde exclusive d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement.

[Z] [V], pour échapper à la faute lourde, soutient que la clientèle démarchée lui appartenait dès avant sa prise de fonction pour le compte de la société Edgar Voyages et que c'est en raison de son portefeuille de clients développé chez son précédent employeur concurrent que la société Edgar Voyages l'a recrutée et dispensée de période d'essai en absorbant son « entité économique autonome ».

Cependant, [Z] [V], qui était salariée chez ses précédents employeurs, ne démontre pas les droits de propriété qu'elle allègue sur le portefeuille de clients prétendument apporté chez Edgar Voyages lors de son embauche.

Surabondamment, elle ne peut se prévaloir de l'absorption par Edgar Voyages de sa prétendue « entité économique autonome » incluant son fichier de clientèle alors que cela ne résulte d'aucune des pièces contractuelles reliant les parties et qu'elle ne sollicite pas la requalification du contrat de travail du 1er décembre 2007 en société d'apports.

Le jugement du conseil des prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute lourde reprochable à la salariée sans qu'il soit besoin d'examiner les prétentions de [Z] [V] visant à requalifier sa démission en prise d'acte de la rupture et à juger abusif le licenciement.

S'agissant du préjudice, la société Edgar Voyages, formant appel incident, réclame la condamnation de sa salariée à lui payer la somme de 493.057 € à titre de dommages-intérêts.

Il résulte des attestations du cabinet d'expertise comptable et de commissaires aux comptes Midi Centre du 9 juin 2015, dont l'authenticité n'est pas discutable dès lors que le tampon sec de ce cabinet et la signature de son directeur figurent sur ce document, et de la gérante de la société Edgar Voyages que la marge commerciale de la société Edgar Voyages a chuté d'une manière considérable après le départ de [Z] [V] (malgré l'embauche d'une personne pour la substituer) puisque cette marge, qui n'avait cessé de progresser entre juin 2011 et juin 2014 pour passer de 136.801 € à 191.894 € n'était plus que de 21.058 € en juin 2015.

Cette marge n'a jamais plus dépassé 33.814 € pour chuter même à 2.228 € en 2019.

Si l'effondrement durable de la société Edgar Voyages ne peut être imputée exclusivement au détournement de clientèle réalisé par [Z] [V] en 2014 durant l'exécution de son contrat de travail, ainsi qu'elle le soutient justement, il n'est pas douteux, en revanche, que ce détournement est à l'origine de la chute soudaine de la marge commerciale subie par l'entreprise dès après le départ de la salariée.

Le lien de causalité entre le détournement de clientèle et la chute de la marge commerciale de l'exercice 2015 étant établi, elle sera condamnée à payer à son ancien employeur la différence entre la marge moyenne des exercices 2011 à 2014 (158.674€) et celle de 2015 (21.058 €) soit 137.616,50 € à titre de dommages intérêts.

La société Edgar Voyages sera déboutée du surplus de ses prétentions.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement :

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

dit que [Z] [V] a commis des man'uvres déloyales constitutives d'une faute lourde,

condamné la Sarl Voyages Landes devenue Edgar Voyages à payer à [Z] [V] la somme de 2.080,31 € au titre du salaire de la période du 1er au 27 juin 2014,

débouté [Z] [V] de ses prétentions relatives aux primes d'astreintes et à l'indemnité pour travail dissimulé ;

condamné [Z] [V] aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Déclare irrecevables comme prescrits les indemnités de sujétion et les frais professionnels pour occupation du domicile antérieurs au 4 décembre 2009 ;

Condamne la Sarl Edgar Voyages (anciennement Voyages Landes) à payer à [Z] [V] les sommes de :

- 5.966,40 € au titre des rappels de commissions ;

- 9.779,52 € au titre du rappel de salaire minimum de groupe outre celle de 977,95 € au titre des congés payés y afférents;

- 10.259,23 € au titre des primes de 13ème mois ;

- 450 € et 781,50 € au titre des indemnités de sujétion et des frais professionnels pour occupation du domicile postérieurs au 4 décembre 2009 ;

- 4.857,96 € au titre du rappel d'heures supplémentaires ;

Déboute [Z] [V] de sa demande de congés payés afférents au rappel de commissions ;

Ordonne à la société Edgar Voyages de remettre à [Z] [V] dans les deux mois suivant le prononcé du présent arrêt les bulletins de paie et l'attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt ;

Rejette la demande d'astreinte de [Z] [V] ;

Condamne [Z] [V] à payer à la Sarl Edgar Voyages (anciennement Voyages Landes) la somme de 137.616,50 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi consécutivement au détournement de clientèle ;

Déboute la société Edgar Voyages du surplus de ses prétentions ;

Condamne [Z] [V] aux dépens de l'appel et à payer à la société Edgar Voyages la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/00168
Date de la décision : 21/10/2020

Références :

Cour d'appel de Montpellier 40, arrêt n°16/00168 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-21;16.00168 ?
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