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06/02/2020 | FRANCE | N°18/04966

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 06 février 2020, 18/04966


Grosse + copie

délivrées le

à



































2e chambre civile

(anciennement dénommée 1ère chambre D)



ARRÊT DU 06 FEVRIER 2020





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04966 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N2Y7







Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 SEPTEMBRE 2018 TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE RODEZ

N° RG51-16-0010



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APPELANT :



Monsieur [K] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Vincent DELPONT de la SELARL LA CLÉ DES CHAMPS, avocat au barreau d'ALBI





INTIME :



Monsieur [N] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Julien DUMOLIE de la SELARL DE...

Grosse + copie

délivrées le

à

2e chambre civile

(anciennement dénommée 1ère chambre D)

ARRÊT DU 06 FEVRIER 2020

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04966 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N2Y7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 SEPTEMBRE 2018 TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE RODEZ

N° RG51-16-0010

APPELANT :

Monsieur [K] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Vincent DELPONT de la SELARL LA CLÉ DES CHAMPS, avocat au barreau d'ALBI

INTIME :

Monsieur [N] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 NOVEMBRE 2019, en audience publique, Madame Nelly SARRET ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la Cour composée de :

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Monsieur Thierry JOUVE, Conseiller

Mme Nelly SARRET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE

L'affaire, mise en délibéré au 9 janvier 2020, a été prorogée au 23 janvier 2020, puis au 30 janvier 2020, puis au 6 février 2020.

ARRÊT :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Myriam GREGORI, Conseiller, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier.

--------------------

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [S] est titulaire d'un bail à ferme sur une parcelle cadastrée [Cadastre 1] ZB n° [Cadastre 2] lieudit "[Adresse 2]" sur la commune de [Localité 4]. Ce bail avait été consenti verbalement en 1982 à [U] [S], son père par Mme [Z] [R] puis cédé avec l'accord de cette dernière à [K] [S] le 31 décembre 1993, à la suite du départ à la retraite de [U] [S]. Cette location s'est tacitement renouvelée au 31 décembre de chaque année.

Monsieur [N] [A] est devenu propriétaire de cette parcelle à la suite d'une donation du 17 mars 2008 de sa mère, [I] [R].

Par exploit d'huissier du 13 juin 2016, Monsieur [N] [A] a fait délivrer à Monsieur [K] [S] un congé de non-renouvellement du bail portant sur la parcelle louée avec effet au 31 décembre 2017 et fondé sur les motifs suivants :

- défaut d'autorisation d'exploiter

- distance entre le siège d'exploitation et le lieu d'habitation du preneur

- pluriactivité du preneur.

Monsieur [N] [A] a fait délivrer un congé identique à Monsieur [K] [S] suivant exploit d'huissier du 29 juin 2016.

Par requête du 7 octobre 2016, reçue le 10 octobre suivant, Monsieur [K] [S], invoquant la nullité du congé du 13 juin 2016, a saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de MONTPELLIER, qui par jugement du 06 septembre 2018 a :

- validé le congé délivré le 29 juin 2016 en retenant la forclusion de toute contestation élevée à son encontre

- laissé les dépens à la charge de Monsieur [S]

- rejeté la demande formée par Monsieur [S] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement a été notifié à Monsieur [K] [S] par les soins du greffe du tribunal paritaire des baux ruraux par lettre recommandée avec demande d'avis de réception signé le 8 septembre 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 octobre 2018 envoyée le jour même et reçue au greffe de la Cour le 3 octobre suivant, Monsieur [K] [S] a relevé appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 23 mai 2019, puis renvoyée à l'audience du 7 novembre 2019, date à laquelle elle a été plaidée.

Monsieur [K] [S], représenté par son conseil, développant oralement ses conclusions déposées au greffe de la Cour le 29 octobre 2019 et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, demande à la Cour de :

* réformer jugement en toutes ses dispositions

* A titre principal :

- rejeter la validation du congé du 29 juin 2016 et la forclusion retenue à son encontre

- dire et juger que le congé résulte de la première signification du 13 juin 2016 et que le même congé ne saurait être valablement donné par la seconde signification du 29 juin 2016

- dire et juger en conséquence que l'acte du 29 juin 2016 est nul et de nul effet

- le recevoir en sa contestation de congé

* A titre subsidiaire, si la Cour considérait qu'il y a deux congés :

- dire et juger qu'il a exercé son droit d'agir en contestant le congé signifié le 13 juin 2016

- dire n'y avoir lieu à toute forclusion prononcée à son égard tant pour l'acte signifié le 13 juin 2016 que pour l'acte signifié le 29 juin 2016

* A titre infiniment subsidiaire, dire et juger qu'il est relevé de forclusion relativement à l'acte signifié le 29 juin 2016

* Sur le fond :

- de dire et juger nuls et de nul effet les congés en question

- dire et juger qu'il a droit au renouvellement depuis le 1er janvier 2018 avec toutes conséquences de droit

- condamner Monsieur [N] [A] à lui verser la somme de 3500 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance et d'appel.

Monsieur [N] [A], représenté par son conseil, développant oralement ses conclusions déposées au greffe de la Cour le 11 octobre 2019 et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, demande à la Cour de :

* confirmer le jugement entrepris

* à titre subsidiaire sur le fond :

- débouter Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tendant à la nullité des congés des 13 et 29 juin 2016

-valider lesdits congés au visa des articles L 331-2, L331-6, L 411-59 et L 411-46 alina 3 du code rural et de la pêche maritime

- déclarer Monsieur [S] occupant sans droit ni titre depuis le 31 décembre 2017

-condamner Monsieur [S] aux entiers dépens ainsiqu'à la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la contestation relative au congé

Aux termes des articles L 411-54 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime, le congé peut être déféré par le preneur au tribunal paritaire dans un délai de quatre mois à dater de sa réception, sous peine de forclusion.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois précité pour contester le congé de non-renouvellement du bail qui lui a été signifié à la requête de Monsieur [A] le 13 juin 2016 et qu'il n'a saisi ce même tribunal d'aucune contestation relative à l'acte qui lui a été signifié le 29 juin 2016 et contenant également congé.

Monsieur [A] soulève la forclusion de la contestation formée par Monsieur [S] à l'encontre du congé de non renouvellement signifié aux termes de deux actes distincts, aux motifs que le second congé est parfaitement valable comme mentionnant les dispositions des articles L 411-47 et L 411-54 du code rural et alors qu'il n'appartenait pas au preneur de préjuger de la validité ou de la portée du congé du 29 juin 2016 en omettant de le contester.

Cependant, il convient de relever que les congés délivrés les 13 et 29 juin 2016 portent sur la même parcelle donnée à bail, concernent le même bailleur et le même preneur, comportent les mêmes motifs de congé et la même date d'effet du congé au 31 décembre 2017 et sont rédigés de manière parfaitement identique, la seule différence portant sur l'année de naissance de Monsieur [S]. En conséquence, alors que le second acte délivré le 29 juin 2016 ne stipule pas qu'il annule et remplace le premier délivré le 13 juin 2016, il convient de considérer que Monsieur [A] a manifesté sa volonté non équivoque de donner congé à Monsieur [S] aux termes du premier exploit d'huissier signifié le 13 juin 2016, congé auquel il n'a pas renoncé par la délivrance du second exploit d'huissier le 29 juin 2016, lequel ne fait que rectifier une simple erreur matérielle sur l'année de naissance de Monsieur [S] et ne saurait avoir la valeur d'un nouveau congé susceptible de faire courir un délai de forclusion.

Dés lors, seul l'acte délivré le 13 juin 2016 ayant valeur de congé a pour effet de faire courir le délai de forclusion visé aux articles précités, le second acte signifié le 29 juin 2016 qui ne remet pas en cause ce congé n'ayant aucun effet sur le point de départ de ce délai.

Monsieur [S] ayant saisi valablement le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois prévu aux articles L 411-54 et R 411-11 du code rural et de la pêche maritime à compter de la date de signification du congé du 13 juin 2016, il n'est donc pas forclos pour contester ce congé. C'est donc à tort que le premier juge a déclaré Monsieur [S] forclos en sa contestation formée à l'encontre de ce congé en considérant que s'il avait contesté dans le délai de quatre mois le congé du 13 juin 2016, il n'avait pas contesté celui délivré le 29 juin 2016 de sorte que ce dernier congé devait être validé.

Il convient donc d'infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau de dire que seul l'acte délivré le 13 juin 2016 a valeur de congé, l'acte signifié le 29 juin 2016 ne pouvant être considéré comme valant congé, de déclarer Monsieur [S] recevable en sa contestation relative au congé délivré le 13 juin 2016 et de rejeter, en conséquence, la fin-de non recevoir soulevée par Monsieur [A] au titre de la forclusion de l'action en contestation de ce congé.

Sur les motifs du congé

Il ressort des termes du congé de non-renouvellement du bail du 13 juin 2016 que le bailleur se fonde sur :

- le défaut d'autorisation d'exploiter de Monsieur [S] que celui-ci, au regard de la surface exploitée évaluée à 200 hectares et de la distance entre sa résidence principale et les lieux loués, se devait d'obtenir en application de l'article L 331-6 du code rural, ce dont il n'a pas justifié au bailleur

- la distance entre le siège d'exploitation et le lieu d'habitation du preneur qui réside depuis 2011 à [Localité 2], soit à plus de 110 km de la parcelle litigieuse, Monsieur [S] n'ayant pas informé le bailleur de son changement de domicile

- la pluriactivité du preneur qui travaille à la SAFER à [Localité 2], activité incompatible avec l'exploitation agricole et de surcroît compte tenu de la distance existante.

Monsieur [S] conteste les motifs du congé et invoque son droit à obtenir le renouvellement du bail en faisant valoir :

- qu'il est en règle avec le contrôle des structures et produit pour preuve, la dernière autorisation préalable d'exploiter incluant la parcelle en cause, ainsi qu'une attestation de la DDT de l'Aveyron du 20 mai 2019

- que les deux autres motifs ne constituent pas un motif de refus de renouvellement de bail, sauf s'ils ont pour conséquence de compromettre la bonne exploitation du fonds, ce qui n'est pas le cas dans la mesure ou s'il est exact qu'il dispose d'un emploi salarié à la SAFER , ses conditions de travail et la faible distance depuis [Localité 2] de son siège d'exploitation ne gênent en rien son activité agricole, alors, au surplus, qu'il a changé récemment de lieu d'habitation pour se rapprocher du lieu d'exploitation et que son activité salariée est compatible avec son activité agricole à prépondérance céréalière (limitée à un hectare) et accessoirement d'élevage non laitier

- qu'il dispose d'un lieu d'habitation sur l'exploitation lui permettant de gérer celle-ci, même s'il a un autre lieu de résidence plus éloigné

- qu'il n'est pas établi par la partie adverse une non-exploitation personnelle alors qu'il est considéré comme un bon agriculteur , la divagation d'animaux invoquée provenant de son exploitation en 2016 ayant été un évènement totalement isolé.

Monsieur [A] confirme les motifs du congé en exposant que l'autorisation d'exploiter délivrée le 26 janvier 2016 est irrégulière en l'absence de mentions exactes sur son lieu d'habitation, sa situation salariée et la totalité des surfaces réellement exploitées, autorisation qui ne vise pas, en outre, la parcelle donnée à bail, que Monsieur [S] est salarié à temps plein dans la région d'[Localité 2], que son activité agricole est essentiellement une activité d'élevage et non céréalière et qu'il ne peut donc prétendre que la distance entre son domicile et l'exploitation, soit à plus de deux heures, n'entraînerait aucune conséquence sur celle-ci alors que compte tenu de ses jours de travail, il ne peut être présent sur les lieux exploités que du samedi au lundi et qu'à plusieurs reprises ses animaux se sont échappés de l'exploitation causant des dégâts au voisinage. Il ajoute que le récent emménagement de Monsieur [S], qui est postérieur au congé, à [Localité 3], est encore à 70km de l'exploitation et qu'il n'est, en conséquence, pas établi qu'il exploite activement, personnellement et de manière permanente les lieux.

Aux termes de l'article L 411-46 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime, " le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L 411-31 ou n'impose le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L 411-57 à L 411-63, L 411-66 et L 411-67."

Il résulte de ces dispositions que le preneur doit justifier lors du renouvellement du bail, au même titre que le bénéficiaire d'un droit de reprise:

- que sa situation est conforme à la réglementation relative au contrôle des structures

- qu'il participe de manière effective et permanente aux travaux de l'exploitation et notamment occuper lui-même les biens d'habitation du bien loué ou une habitation située à proximité

- qu'il ne compromette pas par ses agissements la bonne exploitation du fonds pour les motifs prévus à l'article L 411-31.

Sur le motif tenant au défaut d'autorisation d'exploiter

Aux termes de l'article L 331-2- I-1° du code rural et de la pêche maritime, sont soumises à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.

Par ailleurs, selon l'article L 331-6 du même code, " Tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, les superficies et la nature des biens qu'il exploite ; ....Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du litige, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux."

En l'espèce, Monsieur [A] reproche à Monsieur [S], aux termes du congé du 13 février 2016, non de ne pas avoir sollicité et obtenu une autorisation d'exploiter concernant la parcelle faisant l'objet du bail en cause mais d'avoir augmenté, depuis la conclusion du bail, la surface de l'ensemble des terres qu'il exploite sans avoir sollicité et obtenu une autorisation d'exploiter relative à cet accroissement de surface. Ainsi ce qui importe n'est pas de savoir si Monsieur [S] a sollicité une autorisation d'exploiter pour la seule parcelle en cause mais de déterminer s'il est tenu à une autorisation d'exploiter pour chaque extension de la superficie de l'ensemble de son exploitation, puisque le contrôle des structures s'appliquant à l'exploitation agricole prise en son ensemble, c'est la totalité de la superficie de cette exploitation modifiée qui est prise en compte pour apprécier de la nécessité d'obtenir une autorisation administrative. Il convient donc d'envisager la situation de Monsieur [S] au regard de la législation sur les structures lors de chacune des modifications de son exploitation et non à l'égard de la seule parcelle en cause.

Les pièces produites aux débats ne permettent pas de déterminer quelle était la surface totale des parcelles exploitées par Monsieur [S] à la date du bail en cause. Néanmoins il ressort des pièces relatives à un précédent litige ayant opposé les parties que l'exploitation agricole de Monsieur [S], toutes terres confondues, représentaient 100 hectares 33 ares et 4 ca selon un rapport d'expertise du 20 février 2012 établi à la suite de la consultation ordonnée par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez du 2 septembre 2010. Il résulte du relevé d'exploitation établi par la MSA le 14 août 2017 que la surface totale exploitée par Monsieur [S] s'élevait à 134 hectares 50 ares et 57 ca, cette surface étant identique au jour de la délivrance du congé comme le confirme une demande d'autorisation d'exploitation adressée par Monsieur [S] à la DDT de l'Aveyron en août 2015 à l'occasion de l'accroissement de sa surface d'exploitation par une parcelle de 2 ha 94 a et 20 ca, laquelle se rajoutait à une surface d'exploitation déclarée à hauteur de 131 ha 55 a et 77 ca. Il n'est donc pas contestable que Monsieur [S] a agrandi sa surface d'exploitation depuis la conclusion du bail.

Le schéma directeur des structures agricoles du département de l'Aveyron où se situe l'exploitation agricole de Monsieur [S] et publié le 31 mars 2016 a fixé à 68 hectares le seuil minimum de surface visé à l'article L 331-2- I-1° précité.

Il est ainsi établi par l'ensemble de ces éléments que l'exploitation agricole de Monsieur [S] dépassant ce seuil ainsi fixé par le département de l'Aveyron, il est susceptible d'être soumis à la procédure d'autorisation prévue par les articles L 331-1 et suivants du code rural.

Monsieur [S] prétend qu'il a sollicité et obtenu l'autorisation d'exploiter nécessaire et produit à cet égard la demande qu'il a déposée à la DDT de l'Aveyron le 14 août 2015 et l'autorisation qu'il a obtenue le 26 janvier 2016. Cependant et comme le relève l'intimé, cette demande et cette autorisation ne portent que sur une parcelle de 2 ha 96 ares 80 et ne justifient pas à elles seules que Monsieur [S] serait en règle avec le contrôle des structures pour les autres surfaces exploitées excédant le seuil de 68 ha.

Néanmoins, en application de l'article L 331-6, seul le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée par l'article L 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L 331-7 emporte la nullité du bail. L'article L 331-7 alinéa 1 prévoit que lorqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions relatives au contrôle des structures, l'autorité administrative met l'interessé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. Dés lors, le bailleur qui entend s'opposer au renouvellement du bail en invoquant le défaut d'autorisation administrative d'exploiter, n'est fondé à le faire que si Monsieur [S] a reçu mise en demeure préalable de régulariser sa situation au regard de la règlementation du contrôle des structures. Or, il n'est pas prouvé, ni même allegué que Monsieur [S] se soit jamais vu mettre en demeure de présenter une telle demande d'autorisation. Par conséquent Monsieur [A] ne peut arguer de la nullité du bail pour s'opposer à son renouvellement, en l'absence de ce préalable obligatoire et le congé délivré pour ce motif n'est donc pas valable.

Sur la participation effective et permanente à l'exploitation et la condition d'habitation

Conformément aux termes de l'article L 411-59 du code rural applicable au bénéficiaire de la reprise, tout preneur doit justifier à la date de renouvellement du bail :

- qu'il participe sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation

- qu'il occupe lui-même les bâtiments du bien loué ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.

Ces conditions doivent être appréciées indépendamment du comportement du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Il convient donc de relever que Monsieur [A] n'ayant pas fondé son congé sur des agissements de Monsieur [S] de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds mais exclusivement sur le défaut d'habitation et de participation à l'exploitation, le juge n'a pas à vérifier si les défauts d'habitation et d'exploitation invoqués par le bailleur compromettent ou non la bonne exploitation du fonds faisant l'objet du bail. C'est donc à tort que Monsieur [S] soutient qu'il y a lieu d'apprécier si son éloignement géographique et l'exercice d'un autre emploi sont de nature ou non à compromettre la bonne exploitation du fonds. C'est également à tort que Monsieur [A] invoquent le défaut d'habitation et d'exploitation comme étant des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation alors qu'il n'a pas motivé son congé en ce sens.

Par ailleurs, ces conditions s'apprécient à la date pour laquelle le congé a été délivré, en l'occurrence à la date du 31 décembre 2017 et non à la date de délivrance dudit congé.

En l'espèce, il ressort des pièces produites qu'à la date d'effet du congé du congé, Monsieur [S] avait toujours sa résidence principale à [Localité 2], soit à une distance d'environ 90 km des lieux loués. Monsieur [S] ne saurait dénier l'existence de cette résidence à titre principal alors qu'il admet se rendre sur les lieux de l'exploitation uniquement les fins de semaine et pendant ses congés et que tant son épouse que lui-même exerçaient leur emploi à cette date dans le Tarn, la domicilation fiscale dont il justifie à [Localité 4] n'étant pas de nature à contredire la fixation d'un domicile effectif à titre principal en un autre lieu.

Il n'est pas contesté, en outre, qu'il exerçait une autre activité professionnelle de conseiller foncier au sein de la SAFER du Tarn depuis 2010. S'il justifie avoir depuis le mois de février 2019 modifié sa résidence et fait l'objet d'une mutation professionnelle pour se rapprocher de son lieu d'exploitation, ces circonstances postérieures à la date d'effet du congé sont indifférentes et ne sont pas, au surplus, de nature à influer de manière significative sur le litige, dés lors que tant le lieu d'habitation de Monsieur [S] que le lieu de son emploi sont encore distants de 70 km du lieu d'exploitation et qu'il exerce toujours la même activité professionnelle.

S'agissant de la condition d'habitation, qui ne saurait se confondre avec la notion de domicile, il y a lieu de faire observer que l'article L 411-59 exige seulement que le preneur occupe lui-même les bâtiments d'habitation du bien loué ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe et n'exclut pas, sous réserve de ces conditions, que le preneur puisse disposer et occuper une autre résidence.

Or, en l'espèce, Monsieur [S] justifie, tant par les attestations versées aux débats que par les factures d'EDF produites, ce qui n'est pas contesté, que les fonds loués disposent sur place de bâtiments d'habitation. Ils démontrent également qu'il occupe ces bâtiments lors de ses temps de présence sur l'exploitation pour l'accomplissement des travaux nécessaires à celle-ci, la parcelle louée faisant l'objet d'une culture de maïs. Il ressort ainsi des attestations établies par Monsieur [D], Monsieur [P], Madame [S], sa mère, Monsieur [X] que Monsieur [S] est présent régulièrement sur le lieu d'exploitation ( trois à quatre jours chaque semaine selon Monsieur [D] et Madame [S], et en tous les cas toutes les fins de semaine et pendant ses congés selon les autres témoins) et occupe de manière effective les batiments d'exploitation, comme en atteste Monsieur [D], ces dires étant confirmés par les factures et/ou les relevés d'électricité produits depuis 2013 jusqu'à janvier 2018.

Il en est de même de sa participation effective et permanente aux travaux d'exploitation alors qu'il ressort des attestations précitées que:

- Monsieur [S] est présent plusieurs jours par semaine sur l'exploitation et à minima chaque week-end, ainsi que pendant l'ensemble de ses périodes de congés ou RTT

- ce temps de présence est suffisant pour lui permettre de réaliser l'ensemble des travaux de sols, récoltes, fourrages, alimentation et surveillance de ses troupeaux constitués d'un cheptel d'ovins et de bovins, un contrat d'entraide réciproque existant, par ailleurs, avec Monsieur [D] , dans le cadre de la surveillance de ce cheptel

- il réalise lui-même l'ensemble des travaux de culture et d'entretien de l'exploitation sans faire appel à des tiers

- il dispose de l'ensemble du matériel agricole nécessaire pour la mise en culture et les récoltes ou recourt à celui de la coopérative locale.

Il convient de relever que même si Monsieur [S] a recours à un contrat d'entraide réciproque pour la surveillance et l'alimentation de ses troupeaux, ce recours à charge de réciprocité, qui est un mode d'aide habituelle dans l'agriculture, ne saurait constituer en soi la preuve d'un défaut d'exploitation personnelle. De même, si Monsieur [A] justifie qu'en juin 2016, des animaux du cheptel de Monsieur [S] se sont échappés de leur enclos et ont commis des dégradations dans le jardin de son voisin, ce seul fait isolé ne saurait davantage être considéré comme un défaut d'exploitation personnelle alors que Monsieur [D] atteste d'une part qu'il s'agissait d'un évènement exceptionnel et d'autre part que Monsieur [S] a lui-même récupéré le troupeau concerné le jour même de sa fugue, Monsieur [D] n'étant venu lui prêter main-forte que par la suite pour le déplacement du troupeau. A titre surabondant, il convient de faire observer qu'il n'est pas établi que l'activité d'élevage de Monsieur [S] concerne la parcelle louée par Monsieur [A], parcelle dédiée à la culture du maïs, de sorte que ce dernier, pour s'opposer au renouvellement du bail en cause, ne saurait lui faire grief d'un temps de présence insuffisant pour la surveillance de ses troupeaux.

Le fait que le temps de présence de Monsieur [S] soit suffisant à permettre l'exploitation du fonds est, en outre, confirmé par le rapport d'expertise du 1er août 2017 établi à la requête du preneur et qui constate que depuis 2012, les rendements moyens réalisés sur la parcelle en cause sont de 12 % supérieurs à la moyenne du département.

En conséquence, Monsieur [S] démontre au vu de l'ensemble de ces éléments que ni son éloignement géographique au regard de sa résidence principale, ni l'exercice de son activité professionnelle ne sont incompatibles avec l'exploitation de la parcelle louée par Monsieur [A] d'une superficie de seulement 97 ares 52 ca et qu'il remplit les conditions d'une participation effective et permanente, ainsi que d'une occupation des bâtiments d'habitation du bien loué ou d'une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.

Les motifs du congé du 13 juin 2016 n'étant pas fondés, Monsieur [S] est ainsi en droit de prétendre au renouvellement du bail portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] ZB n° [Cadastre 2] lieudit "[Adresse 2]" sur la commune de [Localité 4] louée par Monsieur [A]. Il convient donc de déclarer nul et de nul effet le congé du 13 juin 2016 et de débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Monsieur [A] qui succombe en l'ensemble de ses demandes supportera les dépens de première instance et d'appel.

Pour les mêmes motifs, sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [S] les sommes exposées par lui et non compris dans les dépens. Monsieur [A] sera condamné à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que seul l'acte délivré à Monsieur [K] [S] le 13 juin 2016 à la requête de Monsieur [N] [A] a valeur de congé,

Dit que l'acte signifié le 29 juin 2016 n'a pas valeur de congé,

Déclare Monsieur [K] [S] recevable en sa contestation formée à l'encontre du congé délivré le 13 juin 2016

Rejette, en conséquence, la fin-de non recevoir soulevée par Monsieur [N] [A] au titre de la forclusion de l'action en contestation dudit congé

Y ajoutant,

Dit que Monsieur [K] [S] est fondé à prétendre au renouvellement du bail portant sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] ZB n° [Cadastre 2] lieudit "[Localité 5]" sur la commune de [Localité 4] louée par Monsieur [A]

Déclare, en conséquence, nul et de nul effet le congé délivré à Monsieur [K] [S] le 13 juin 2016

Déboute Monsieur [N] [A] de l'ensemble de ses demandes.

Condamne Monsieur [N] [A] à payer à Monsieur [K] [S] la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette la demande formée par Monsieur [N] [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [N] [A] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

NS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/04966
Date de la décision : 06/02/2020

Références :

Cour d'appel de Montpellier 5A, arrêt n°18/04966 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-06;18.04966 ?
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