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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile ( anciennement 1ère Chambre D)
ARRET DU 30 JANVIER 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04605 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OHKG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 JUIN 2019
JUGE DE L'EXECUTION DE MONTPELLIER N° RG 19/15229
APPELANT :
Monsieur [M] [I] [L] [H]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [R] [E] [Z]
née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Isabelle MONSENEGO, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 02 Décembre 2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 DECEMBRE 2019, en audience publique, Nelly SARRET ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :
Madame Véronique BEBON, Présidente de chambre
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Mme Nelly SARRET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Véronique BEBON, Présidente de chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.
EXPOSE DU LITIGE
Statuant par ordonnance de non-conciliation en date du 7 mai 2018 sur les mesures provisoires dans le cadre d'un divorce opposant Monsieur [M] [H] à Madame [R] [Z], le juge aux affaires familiales de Montpellier a notamment attribué la jouissance du domicile conjugal situé [Adresse 2] à l'épouse à titre gratuit pendant une période d'un an soit jusqu'au 7 mai 2019, puis à titre onéreux à compter de cette date
Saisie sur appel de cette décision,, la cour d'appel de Montpellier a, par arrêt du 24 octobre 2018, statué à nouveau sur ce point et « attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse jusqu'au 31 mars 2019 et dit qu'à compter de cette date, elle devra avoir quitté les lieux, faute de quoi elle pourrait en être expulsée au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ».
Saisi d'une demande de retranchement par l'épouse au motif que la cour aurait statué ultra petita sur une expulsion non demandée par son mari, la cour d'appel a rejeté cette demande dans un arrêt postérieur du 9 janvier 2019, en précisant que la cour n'avait pas dans son arrêt précédent ordonné l'expulsion de l'épouse, et qu'il appartenait à cette dernière de prendre ses dispositions pour quitter volontairement les lieux dans les délais impartis et que si elle ne libérait pas les lieux, il appartiendrait à celui qui se prévaudrait la décision exécutoire de la mettre en 'uvre.
Ces deux arrêts ont été signifiés à Madame [Z] le 30 janvier 2019.
Suivant commandement en date du 1er avril 2019, Monsieur [H] a fait signifier à son épouse d'avoir à quitter les lieux sur la base de l'arrêt rendu le 24 octobre 2018.
Saisi par l'épouse contestant l'exécution forcée poursuivie, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montpellier a, par jugement en date du 17 juin 2019 :
- annulé le commandement d'avoir à quitter les lieux du 1er avril 2019,
- débouté Monsieur [M] [H] de sa demande en fixation d'une astreinte,
- débouté [R] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné Monsieur [H] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
Monsieur [M] [H] a relevé appel de cette décision le 3 juillet 1019.
L'affaire a été fixée selon les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile à l'audience du 9 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions du 7 octobre 2019, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Monsieur [H] demande à la Cour de:
- réformer le jugement,
- dire valable le commandement de libérer les lieux du 1er avril 2019,
- dire que l'exécution de l'obligation de libérer le local [Adresse 2] sera assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner Madame [Z] à lui verser la somme de 3600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- débouter Madame [Z] le de l'ensemble de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions du 11 septembre 2019, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Madame [Z] demande à la Cour de :
Vu le principe d'impartialité objective,
A titre principal
-renvoyer l'affaire devant une juridiction au choix du ' JAF'hors la région Languedoc Roussillon et en particulier hors le ressort de la Cour d'appel de MONTPELLIER
A titre subsidiaire en tout état de cause,
- confirmer le jugement du juge de l'exécution en date du 17 juin 2019,
- condamner Monsieur [M] [H] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance et d'appel,
- débouter Monsieur [M] [H] de l'ensemble de ses demandes.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la demande de dépaysement
Madame [Z] met en cause l'impartialité de la juridiction sur le fondement de l'article 6 alinéa 1de la Convention européenne des droits de l'homme, en indiquant qu'un des conseillers ayantt eu à connaître l'appel de l'ordonnance de non-conciliation entretenait des relations amicales avec l'avocat de son mari, lequel avocat se targuerait d'entretenir des relations de proximité avec d'autres magistrats de la cour, ce qui conduit à suspecter l'impartialité de la juridiction dans son ensemble pour connaître du contentieux familial qui l'oppose à son mari .
Mais outre le fait que la cour présentement saisie dans le cadre dans le cadre d'exécution de décisions définitives rendue par la chambre de la famille n'a pas le pouvoir de renvoyer le contentieux familial 'au choix du ' JAF' dont elle n'est pas saisie, que le conseiller de la chambre de la famille mis en cause a depuis pris sa retraite, que l'avocat en cause n'est pas partie à la présente procédure et qu'aucun membre de la présente composition de la chambre ayant à statuer sur appel d'une décision de juge de l'exécution n'est concerné de près ou de loin par les relations amicales mises en exergue, aucune demande de récusation n'ayant été d'ailleurs ni évoquée ni soutenue à leur encontre, il apparaît que la demande présentée constitue en réalité une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime visant la cour d'appel dans son ensemble.
À ce titre, l'article 350 du code de procédure civile destiné à assurer les conditions d'un procès équitable conformément aux dispositions de la convention européenne des droits de l'homme dispose que toute demande de renvoi pour cause de suspicion légitime visant la cour d'appel dans son ensemble doit faire l'objet d'une requête adressée au premier président de la Cour de cassation.
Cette demande ayant déjà été présentée à titre subsidiaire et rejetée par ordonnance du premier président en date du 18 septembre 2019 apparaît ainsi doublement irrecevable devant la cour.
- Sur le fond
Si en vertu de l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge ne peut modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites , il appartient cependant à ce magistrat de vérifier que les conditions de l'exécution forcée sont réunies, étant précisé qu'en application de l'article L 411 - 1 du code des procédures civiles d'exécution, une expulsion ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice qui l'aurait ordonnée ou autorisée.
En l'espèce, le commandement du 1er avril 2019 sommant l'épouse d'avoir à quitter les lieux ,faute de quoi il serait procédé à son expulsion forcée se base expressément sur l'arrêt du 24 octobre 2018 dont le dispositif est ainsi libellé :
« attribue la jouissance du domicile conjugal situé [Adresse 2] à l'épouse à titre gratuit jusqu'au 31 mars 2019 et dit qu'à compter de cette date elle devra avoir quitté les lieux, faute de quoi elle pourrait en être expulsée au besoin avec l'assistance de la force publique ou d'un serrurier ».
L'emploi du conditionnel ne permet pas de considérer que l'expulsion a été ordonnée par la décision, ce d'autant que le mari n'avait demandé dans ses conclusions de première instance et d'appel la fixation d'une date butoir qu'à la seule fin d'obtenir à compter de cette date une indemnité d'occupation à la charge de l'épouse pour jouissance du bien indivis à titre onéreux.
L'arrêt du 9 janvier 2019 corrobore cette interprétation, en refusant l'action en retranchement sollicité par l'épouse, au motif que la cour « n'a pas ordonné l'expulsion de Madame [Z] », quand bien même cet arrêt ajoute de manière sibylline que si l'épouse ne souhaitait pas respecter la décision rendue, il appartenait à celui qui détient un titre exécutoire de le mettre en 'uvre, sauf à considérer que la cour invitait ainsi l'époux à assigner en référé expulsion l'épouse qui entendrait se maintenir dans les lieux au-delà des délais impartis sans le consentement de son mari.
Il n'en demeure pas moins qu'en cas de difficulté d'interprétation, l'obligation devait être interprétée en faveur de celle qui y était soumise, et tant l'emploi du conditionnel dans l'arrêt servant de base aux poursuites que l'affirmation postérieure de la cour précisant que l'arrêt initial n'avait pas ordonné l'expulsion, s'opposent à considérer que Monsieur [H] pouvait faire expulser son épouse sur la base de l'arrêt du 24 octobre 2018.
Dans ces conditions c'est à bon droit que le premier juge a considéré que Monsieur [H] ne justifiait pas d'un titre exécutoire ordonnant ou autorisant expressément l'expulsion de son épouse et qu'en l'état la seule sanction pour l'épouse à se maintenir dans les lieux consistait à mettre à sa charge une indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2019, sans relever par conséquent à ce titre du prononcé d'une astreinte, Madame [Z] demeurant à ce jour propriétaire indivise de l'immeuble et Monsieur [H] ne bénéficiant pour sa part d'aucune décision d'attribution à son profit exclusif.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité et le rejet partiel des demandes commande de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable la demande de renvoi devant une autre juridiction,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette toute autre demande,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
VB