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09/07/2019 | FRANCE | N°16/07014

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 09 juillet 2019, 16/07014


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 09 JUILLET 2019



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/07014 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M2OA







Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 JUIN 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 14/01377







APPELANTE :



SARL ACCESS GLOBAL SECURITY

[Adresse 1],

[Adresse 1]

[Adresse 1]>
Représentée par Me Aude WIDUCH, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant







INTIMEE :



SNC PALMER PLAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Fabrice DI FRENNA de la SCP SANGUINEDE - DI FREN...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 09 JUILLET 2019

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/07014 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M2OA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 JUIN 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 14/01377

APPELANTE :

SARL ACCESS GLOBAL SECURITY

[Adresse 1],

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aude WIDUCH, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

SNC PALMER PLAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Fabrice DI FRENNA de la SCP SANGUINEDE - DI FRENNA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée de Me Jean-Christophe NEIDHART, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 06 Mai 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 MAI 2019, en audience publique, Madame Leïla REMILI ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier.

*

**

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 30 octobre 2009, la SNC PALMER PLAGE a consenti à la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY (AGS), un bail commercial portant sur des locaux, qui dépendent d'un ensemble immobilier sis à [Adresse 3], consistant en une partie de bâtiment T5, à usage de bureaux, d'une surface de 408 M² environ, y compris la quote part des parties communes, ainsi que sur 10 parkings avec accès barrière.

Le bail a été consenti et accepté pour 9 années entières et consécutives ayant commencé à courir le 1er novembre 2009, moyennant un loyer de base hors taxes et hors charges de 44 880 € payable par terme d'avance, les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année.

Il était prévu que le loyer serait indexé tous les ans, le 1er novembre, et pour la première fois le 1er novembre 2010, en fonction de la variation de l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE, l'indice de base étant celui du 2ème trimestre 2009, soit 1498.

Il était prévu à l'article V-15 des dispositions générales concernant les charges et les conditions particulières du bail mentionnaient un montant indicatif de provisions sur charges au 1er octobre 2009 s'élevant à 24 480 € HT.

A partir du 13 janvier 2012, la bailleresse a fait délivrer à sa locataire plusieurs commandements de payer puis a entamé diverses procédures judiciaires, saisissant le tribunal de grande instance de Montpellier le 24 février 2014 afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et ordonner l'expulsion.

Le tribunal de grande instance de Montpellier par jugement du 14 juin 2016, a :

'rejeté la fin de non recevoir tenant à la prescription soulevée par la SNC PALMER PLAGE ;

'rejeté la demande formée par la société ACCESS GLOBAL SECURITY d'annulation pour vice du consentement du bail en date du 30 octobre 2009 conclu avec la SNC PALMER PLAGE ;

'constaté l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail du 23 novembre 2013, aux torts et griefs de la société ACCESS GLOBAL SECURITY;

'ordonné en tant que de besoin son expulsion ou celle de tous occupants de son chef des locaux qui dépendent d'une partie du bâtiment T5, situé [Adresse 3], avec si besoin est l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

'dit n'y avoir lieu à assortir la décision d'expulsion d'une astreinte;

'fixé l'indemnité d'occupation à la charge de la société ACCESS GLOBAL SECURITY à compter du présent jugement au montant du loyer indexé et de la provision pour charges figurant au bail, revalorisée à concurrence de 5 % par an jusqu'à la libération complète des locaux, avec intérêt au taux légal, et en tant que de besoin l'y condamné ;

'condamné la société ACCESS GLOBAL SECURITY à payer à la SNC PALMER PLAGE la somme de 211 429,80 € au titre des loyers et charges impayés au 1er janvier 2016, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement ;

'dit qu'il y a lieu à application de l'article 1154 du Code Civil ;

rejeté pour le surplus, ainsi que les autres demandes ;

'dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

'dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

'condamné la société ACCESS GLOBAL SECURITY aux dépens, dont distraction au profit de la SARL SANGUINEDE DI FRENNA & ASSOCIES, société d'avocats au Barreau de MONTPELLIER.

Le jugement relève tout d'abord que la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY demande l'annulation du bail commercial pour erreur sur la qualité substantielle du bien loué lors de la conclusion du bail, la locataire faisant valoir que le montant du loyer et des charges avaient été déterminant dans son consentement et le bailleur ayant largement sous-évalué le montant des charges.

Le premier juge rejette la demande d'annulation du bail.

Il constate tout d'abord que l'action, qui est fondée sur un vice du consentement et donc enfermée dans un délai de prescription de 5 ans, n'est pas prescrite. Il précise que la demande d'annulation a été formée par conclusions du 29 mars 2016 et qu'il n'est pas communiqué de demande de régularisation des charges antérieure au 29 mars 2011, de sorte que l'action en nullité n'est pas prescrite.

Indiquant ensuite que l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté, il retient que le contrat de bail s'est poursuivi sur plusieurs années sans que la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY ne donne congé au bailleur malgré l'erreur alléguée sur la qualité substantielle du bien loué. Il constate donc l'acquisition de la clause résolutoire et ordonne l'expulsion.

Sur les loyers et charges dus, le jugement relève, au vu des clauses contractuelles, que le montant des provisions pour charges comprend les taxes foncières, les primes d'assurance, les contrats de gestion des parties communes assurés par COFELY, le gardiennage entretien des espaces verts, l'éclairage extérieur, l'eau, le chauffage climatisation et l'électricité. Il constate que plusieurs demandes de paiement pour régularisation des charges sont intervenues (25 030, 88 € en 2010, 34 824,95 € en 2011 et 25 666,08 € en 2012), que la locataire a demandé à de multiples reprises la justification des charges mais en vain et qu'il ressort des régularisations demandées que les charges qui devaient être approximativement de 25 000 € par an se sont élevées à plus de 47 000 € hors-taxes en 2010 et près de 50 000 € hors-taxes en 2011, ce qui va bien au-delà d'une évolution prévisible de l'ordre de 5 % par an. Il considère que les charges listées avec soin dans le bail étaient normalement prévisibles et la SNC PALMER PLAGE, en les sous-estimant très largement et surtout en s'abstenant d'informer, loyalement et avec diligence son cocontractant de leur croissance exponentielle quelque en soit la cause, celle-ci étant hors de proportion avec une augmentation progressive prévisible, a commis une faute contractuelle, de sorte que les régularisations de charges ne doivent être admises que selon leur évolution prévisible de l'ordre de 5 % par an.

La SARL ACCESS GLOBAL SECURITY a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 21 septembre 2016.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 mai 2019.

L'affaire a été fixée pour les débats devant la cour d'appel de Montpellier à l'audience du 27 mai 2019.

Les dernières écritures prises par la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY ont été déposées le 6 mai 2019.

Les dernières écritures prises par la SNC PALMER PLAGE ont été déposées le 2 mai 2019.

Le dispositif des écritures de la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY énonce :

'Vu les articles 1134, 1110 et suivants, 1315 du Code civil,

'à titre principal :

'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande formée par la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY d'annulation pour vice du consentement du bail commercial en date du 30 octobre 2009 conclu avec la SNC PALMER PLAGE,

'statuant à nouveau :

'annuler le bail commercial du 30 octobre 2009 pour erreur sur la qualité substantielle du bien loué et condamner en conséquence la SNC PALMER PLAGE à restituer les loyers et charges perçus depuis le début du bail,

'fixer l'indemnité d'occupation due par la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY depuis le début du bail à la somme de 69 360 € par an, toutes charges, impôts et prestations compris,

'ordonner la compensation entre ces dettes réciproques,

'à titre subsidiaire,

'confirmer la décision en ce qu'elle a admis que les régularisations de charges ne seront admises que selon une évolution prévisible de l'ordre de 5 % par an et retenu un total de loyers et charges de 385 611,09 € pour les années 2011 à 2015,

'en conséquence,

'constater que la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY a effectué des versements sur la période litigieuse à hauteur de 377 066, 12 €,

'infirmer la décision en ce qu'elle a condamné la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY au paiement de la somme de 211 429, 80 € au titre des loyers et charges impayés au 1er janvier 2016 outre intérêts au taux légal,

'dire et juger que la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY n'est redevable sur cette période de la somme de 57 261,04 €,

'en tout état de cause,

'condamner la SNC PALMER PLAGE à payer à la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Dans ses écritures, auxquelles la cour invite les parties à se référer pour un exposé complet, la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY fait valoir que sa demande d'annulation du bail pour vice du consentement est fondée sur l'erreur. Elle indique que le montant du loyer et des charges sont des éléments déterminants du consentement et qu'elle ne pouvait imaginer à la signature du bail que les charges réelles seraient de plus du double des provisions versées. Elle reproche à la bailleresse d'avoir délibérément sous-estimé les charges. Elle estime que la situation est d'autant plus incompréhensible que la provision sur charges annoncée de 24 480 € pour l'année 2009 devait couvrir au titre du bail toutes les charges incombant au preneur puisqu'il était effectué des renvois aux différents articles permettant de viser l'ensemble des charges de copropriété. En outre les charges visées ne sont pas de nature à fluctuer de manière significative d'une année sur l'autre, s'agissant de primes d'assurance, de contrat d'entretien, de frais de syndic et de taxes largement prévisibles. Même si la provision sur charges n'est qu'indicative, le bailleur était donc parfaitement en mesure de faire une estimation conforme à la réalité.

L'appelante ajoute qu'aucune pièce justificative n'a jamais été fournie concernant les charges et frais et ce malgré les nombreuses demandes.

Elle évoque les nombreux litiges avec d'autres locataires.

L'appelante reproche au premier juge d'avoir considéré que l'absence de congé était de nature à couvrir le vice du consentement alors que ce vice ne pouvait ressortir que de la vie du contrat, de son exécution sur plusieurs années et des régularisations successives. Elle explique également qu'elle était une jeune entreprise exerçant une activité de stockage informatique et que le moindre arrêt d'activité aurait été préjudiciable alors en outre que la délivrance d'un congé impliquait le paiement d'une indemnité de rupture et les impératifs économiques n'autorisaient pas une telle dépense. Ainsi, selon l'appelante, l'absence de délivrance d'un congé n'est pas de nature à empêcher de prononcer la nullité du bail et au contraire, le bailleur qui savait très bien que sa locataire ne pouvait pas dénoncer le bail a manqué de loyauté.

Sur les sommes réclamées, l'appelante fait valoir l'absence de cohérence, l'absence de calculs probants, de justificatifs et de documents clairs et précis. Elle fait remarquer que le bailleur lui-même a reconnu la distorsion entre la provision et la régularisation. Elle conteste ensuite en détail le raisonnement du bailleur qui prétend à une évolution normale. Enfin, elle reproche au tribunal son calcul des sommes finalement dues après déduction des régularisations.

Le dispositif des écritures de la SNC PALMER PLAGE énonce:

'de recevoir la société ACCESS GLOBAL SECURITY en son appel,

'de la dire et juger irrecevable à agir en annulation d'un bail qui lui a été consenti pour des locaux qu'elle a occupés plus de 6 ans et qu'elle a quittés volontairement avant de prétendre par voie de conclusion à l'annulation du bail le 29 mars 2016 ;

'sur le fond,

'de dire et juger la société ACCESS GLOBAL SECURITY mal fondée en son appel ;

'de donner acte à la société PALMER PLAGE de ce qu'elle renonce à ses demandes d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation devenues sans objet ;

'd'amender en conséquence sur ces deux points le jugement du 14 juin 2016 ;

'de confirmer sur les autres dispositions le jugement entrepris, y ajoutant toutefois, que la créance de la SNC PALMER PLAGE est de 304.835,42 € en principal correspondant à un arriéré de loyers et de charges impayés au 1er janvier 2016 (1er trimestre 2016 inclus) au paiement de laquelle la société ACCESS GLOBAL SECURITY sera condamnée ;

'de fixer le point de départ des intérêts calculés au taux légal à compter du jugement entrepris ;

'de dire et juger qu'il y a lieu à l'application de l'article 1343-2 du Code Civil ;

'de condamner la société ACCESS GLOBAL SECURITY à payer à la SNC PALMER PLAGE la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

'de condamner la société ACCESS GLOBAL SECURITY aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP SANGUINEDE DI FRENA & ASSOCIES, société d'avocats au Barreau de MONTPELLIER dans les termes de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Dans ses écritures, auxquelles la cour invite les parties à se référer pour un exposé complet, la SNC PALMER PLAGE soulève tout d'abord l'irrecevabilité de la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY à agir en nullité, dans la mesure où la nullité ne peut être invoquée pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui a été exécuté.

L'intimée indique ensuite renoncer à ses demandes d'expulsion et de fixation d'indemnité d'occupation dans la mesure où la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY a quitté les lieux spontanément en mars 2016.

Elle détaille précisément ensuite les différents postes de sa créance qui s'élevait à cette date à la somme de 304 835,42 €.

Sur l'absence de justificatifs de sa créance, elle indique avoir versé aux débats de nombreuses pièces pour les années 2010 au 1er trimestre 2016. Il appartient donc à l'appelante de contester ces pièces et de démontrer qu'elle ne devrait que 57 261,04 €, ce qu'elle ne fait pas.

L'intimée fait valoir qu'elle n'a jamais exprimé ou accepté une quelconque forfaitisation des charges, l'article V-15 des conditions générales du bail prévoyant in fine que le loyer perçu par le bailleur est net de toutes charges, le preneur réglant toutes les charges de copropriété notamment, y compris les charges habituellement payées par le propriétaire (honoraires de gérance, syndic, gestion technique). Ce loyer net de toute charge étant l'élément déterminant du bail, sans lequel elle n'aurait pas contracté. La provision pour charges de 24 480 € ne constitue qu'une indication.

La SNC PALMER PLAGE fait valoir enfin, qu'elle n'a connu qu'un autre contentieux sur l'ensemble immobilier et que la cour d'appel, même chambre, a considéré par un arrêt du 28 novembre 2017 que le preneur ne pouvait valablement soutenir avoir été trompé sur une qualité substantielle du bail, à savoir le montant réel des charges et ce d'autant qu'il ne démontre pas selon la cour en quoi le montant des charges est une qualité substantielle du contrat.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité de l'action en annulation du bail commercial

Par des motifs pertinents que la cour adoptera, le premier juge a considéré, au visa de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, qu'il n'était pas démontré que la prescription quinquennale de l'action fondée sur un vice du consentement soit acquise dans la mesure où la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY avait conclu à l'annulation du bail pour erreur sur la qualité substantielle du bien loué par conclusions du 29 mars 2016 et qu'il n'était pas communiqué par les parties une demande antérieure au 29 mars 2011 de régularisation de charges d'un montant excessif.

Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.

Cependant et comme l'a justement relevé le premier juge, l'exception de nullité ne peut jouer que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas été exécuté.

En effet, force est de constater que le bail commercial s'est poursuivi sur plus de 6 ans avant que ne soit invoquée la nullité pour erreur sur la qualité substantielle du bien loué.

Il convient donc là encore de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du bail formée par la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY.

Sur les effets de la clause résolutoire, l'expulsion et la fixation d'une indemnité d'occupation

Il n'y a pas lieu de statuer sur ce point, étant relevé que l'appelante a quitté les lieux spontanément en mars 2016 et qu'elle ne formule aucune demande s'agissant de l'acquisition de la clause résolutoire.

Il sera simplement constaté que la SNC PALMER PLAGE renonce à ses demandes d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation devenues sans objet.

Sur la quantum de la créance

Il sera rappelé qu'en application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article XVI du bail commercial conclu entre les parties :

Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer de base annuel HT de 44 880 €, TVA en sus à la charge du preneur.

À titre indicatif, le montant des provisions pour charges au 1er octobre 2009, s'élève à 24 480 € /an. Ce montant de provisions pour charges inclus les « contributions-impôts et taxes » (article V.9), les « primes d'assurances souscrites par le bailleur » (article V.10.2.1) et les « charges » (article V.15.).

Ces provisions pour charges comprennent :

-taxes foncières,

-assurances,

-contrats de gestion des parties communes assurées par Cofely,

*gardiennage

*entretien des espaces verts

*éclairage extérieur

*eau

*chauffage/climatisation

-électricité

Effectivement, comme le soutient l'intimée et en application de l'article V-15, le locataire doit régler au bailleur toutes les charges et provisions, de sorte que le loyer perçu par ce dernier soit net de toutes charges.

De même, comme elle le prétend, le bail prévoit non pas un forfait de charges mais un acompte provisionnel qui l'autorise à effectuer des régularisations telles que prévues à l'article V.15 du bail. Pour autant et même s'il est admis par les parties que la provision sur charges n'est qu'indicative, il appartenait à la bailleresse, lors de la conclusion du contrat, de fixer loyalement son montant.

Il est constant que le montant des provisions pour charges au 1er octobre 2009 est fixé au bail conclu à 24 480 € par an comprenant les taxes foncières, les primes d'assurances, les contrats de gestion des parties communes assurées par Cofely (gardiennage, entretien des espaces verts, éclairage extérieur, eau, chauffage/climatisation) ainsi que les dépenses d'électricité.

Il est de même constant que l'appelante a reçu notamment une demande de paiement pour régularisation de charges de la somme de 25 030,88 € au titre de l'année 2010, de la somme de 34 824,95 € au titre de l'année 2011 et de la somme de 27 666,08 € au titre de la régularisation de charges pour l'année 2012. Ainsi, l'augmentation de plus du double de même que la distorsion importante entre la provision et la régularisation ne sont pas contestables.

Il convient de relever, au vu des pièces produites par l'intimée, les éléments ci-après.

Selon le relevé individuel de répartition arrêté au 31 décembre 2010, la taxe foncière applicable au local loué dans le bâtiment 5 est, au prorata des tantièmes, de 9168,16 € au titre de l'année 2010 (sur un montant total pour l'ensemble des bâtiments de 1 343 506 €). Ce montant était plus que prévisible et la provision sous-évaluée puisqu'il ressort de l'avis d'imposition établi par la DGFP que la taxe foncière pour l'année 2009 s'élevait à 1 532 534 €, hors dégrèvements.

Le relevé individuel de répartition arrêté au 31 décembre 2011 mentionne, hors consommations d'eau, d'électricité et d'énergie thermique, une somme de 20 512,68 € au titre de frais de nettoyage, maintenance des installations techniques, contrôle sécuritaire, entretien des espaces verts, gestion et assurances outre la taxe foncière de 14 393,12 €.

La bailleresse faisait valoir dans son courrier du 30 juillet 2013 que l'estimation des charges à la rédaction du bail était basée sur une consommation moyenne d'activité de bureaux sur le parc et qu'une activité de stockage de données informatiques comme celle d'AGS était plus énergivore que cette estimation.

Or, la cour relève au vu des montants précédents que la provision de 24 480 € ne couvrait même pas les charges habituelles fixes et prévisibles (34 905,80 €). En outre, si effectivement le relevé individuel par répartition arrêté au 31 décembre 2011 mentionne des frais d'électricité et de fourniture d'énergie thermique pour un montant de 20 615,12 €, cette somme correspond au tiers de la dépense totale du bâtiment 5 qui comprend donc la consommation des autres locataires dont il n'est pas justifié qu'elle ne serait pas habituelle.

Le premier juge a donc parfaitement pu considérer que les charges listées avec soin dans le bail étaient normalement prévisibles et que le bailleresse avait commis une faute contractuelle en les sous-estimant très largement et en s'abstenant d'informer loyalement et avec diligence son cocontractant de leur croissance exponentielle, celle-ci étant hors de proportion avec une augmentation progressive prévisible.

La SARL ACCESS GLOBAL SECURITY a incontestablement subi un préjudice, ne pouvant imaginer que les charges seraient en réalité du plus du double du montant annoncé et réclamées soudainement en 2011. Elle s'est trouvée dans l'impossibilité de budgétiser les sommes dues alors que la première régularisation est intervenue plus de deux ans après le début du bail. Il n'est pas contesté également qu'elle était une jeune entreprise exerçant une activité de stockage informatique, ne pouvant interrompre brutalement son activité en déménageant et l'augmentation très importante des charges compromettant son équilibre financier.

Le premier juge a ensuite retenu que les régularisations de charges ne seraient admises que selon leur évolution prévisible de l'ordre de 5 % par an, retenant un montant de 385 611,09 € dû au titre des loyers révisés selon l'indice INSEE et les provisions sur charges majorées de 5 %. Cependant, le tribunal ne tient pas compte ensuite de ce pourcentage dans son calcul ni non plus de la somme de 385 611,09 € qu'il estime due en conséquence, se basant finalement sur le décompte de 304 835,42 € produit par le bailleur puis retranchant les montants des régularisations de charges entre 2010 et 2014.

La cour, pour sa part, ne retiendra pas la référence au pourcentage de 5 % qui dans son principe ne permet pas d'indemniser réellement le préjudice subi. Le calcul fait par l'appelante sera en conséquence rejeté, étant relevé en outre qu'il ne tient pas compte des sommes dues au titre du premier trimestre 2016. En revanche, elle confirmera le calcul effectué par le tribunal, qui s'il n'était pas logique en se référant à l'évolution de 5 %, reste pertinent puisqu'il déduit finalement, à raison, simplement les régularisations litigieuses.

En ce qui concerne le montant du décompte établi par la bailleresse auquel se réfère le tribunal, si effectivement, cette dernière n'a pas été diligente dans la fourniture des pièces justificatives, la cour relève que sont versés aux débats les relevés individuels de répartition, les factures d'eau, d'entretien des parties communes et des espaces verts, de traitement des déchets, de fourniture d'énergie, de maintenance, de travaux, d'honoraires et d'assurances qui ne sont pas utilement contestées par l'appelante.

Par ailleurs, en l'absence de toute précision au bail, la répartition telle qu'opérée par la bailleresse en fonction de la surface des locaux est conforme à l'usage. Le bail prévoit bien en son article XII qu'est louée une partie du bâtiment T5, à usage de bureaux pour une surface de 408 m² environ (quote part de parties communes incluse).

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la somme due au titre des loyers et charges à 211 429,80 € (soit 304 835,42 € - 93 405,62 € correspondant au total des régularisations litigieuses).

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

En définitive, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

L'appelante qui échoue en toutes ses prétentions supportera les entiers dépens de l'appel mais l'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 14 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Montpellier en toutes ses dispositions,

Sauf à tenir compte de l'évolution du litige,

CONSTATE ainsi que la SNC PALMER PLAGE renonce à ses demandes d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation devenues sans objet,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SARL ACCESS GLOBAL SECURITY aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP SANGUINEDE DI FRENNA & ASSOCIES, société d'avocats au Barreau de MONTPELLIER dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 16/07014
Date de la décision : 09/07/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°16/07014 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-09;16.07014 ?
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