La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2018 | FRANCE | N°14/05436

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0717, 21 mars 2018, 14/05436


AV/GL-SA-RN

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 21 Mars 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05436

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 JUIN 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NARBONNE
No RGF12/00231

APPELANTE :

Madame [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

Groupement GB VITI SERVICE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Philippe GARCI

A de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 JANVIER 2018, en a...

AV/GL-SA-RN

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 21 Mars 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05436

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 JUIN 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NARBONNE
No RGF12/00231

APPELANTE :

Madame [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

Groupement GB VITI SERVICE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 JANVIER 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Audrey VALERO

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**
EXPOSE DU LITIGE :

Suivant contrats de travail à durée déterminée, Mme [H] [M] a été engagée en qualité d'ouvrier agricole N1 par le Groupement d'employeur GB VITI SERVICE, qui a pour activité la viticulture :
- par un contrat saisonnier portant sur une durée minimale d'une semaine, du 11 au 15 février 2008, lequel s'est poursuivi jusqu'au 31 juillet 2008, pour la saison de dépalissage ;
- par un contrat portant sur une durée minimale d'une semaine, du 1er au 5 septembre 2008, lequel s'est poursuivi jusqu'au 20 octobre 2008, pour la saison des vendanges ;
- par un contrat saisonnier portant sur une durée minimale d'une semaine, du 14 au 20 novembre 2008, lequel s'est poursuivi jusqu'au 31 juillet 2009, pour la saison de dépalissage ;
- par un contrat portant sur une durée minimale d'une semaine, du 2 au 8 septembre 2009, lequel s'est poursuivi jusqu'au 15 octobre 2009, pour la saison des vendanges ;
- par un contrat saisonnier portant sur une durée minimale d'une semaine, du 17 au 23 novembre 2009, lequel s'est poursuivi jusqu'au 31 juillet 2010, pour la saison de la taille / arrachage ;
- par un contrat du 25 août au 18 octobre 2010 ;
- par un contrat saisonnier portant sur une durée minimale d'une semaine, du 15 au 21 mars 2011, lequel s'est poursuivi jusqu'au 31 août 2010, pour la saison de la taille.

Le 10 août 2012, estimant ne pas avoir été remplie de l'intégralité de ses droits au titre des différents contrats et sollicitant notamment la requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne, section agriculture, lequel s'est déclaré en partage de voix le 13 juin 2013.

Par jugement en date du 19 juin 2014, le juge départiteur a :
- requalifié les contrats à durée déterminée établis entre les parties en un contrat à durée indéterminée ;
- dit que le non-renouvellement du contrat de travail de Mme [M] s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :
?1 559,99 euros à titre d'indemnité de requalification ;

?3 119,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
?1 091,99 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
?5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
?200 euros au titre du non-respect de l'obligation de visite médicale;
?1 euro au titre du non-respect de l'obligation d'information sur la convention collective ;
?150 euros au titre du non-respect de l'obligation d'information relative au droit individuel à la formation ;
- ordonné à l'employeur d'adresser à la salariée les bulletins de salaire rectifiés et l'attestation Pôle Emploi, conformes au jugement ;
- condamné l'employeur à verser à la salariée une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné l'employeur aux entiers dépens, y compris le remboursement du timbre fiscal.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 18 juillet 2014, la salariée a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Au soutien de son appel, Mme [H] [M] expose que :
- au vu de ses contrats, le caractère de fixité des saisons requis par les circulaires pour caractériser l'emploi saisonnier n'est pas rempli, de sorte que son contrat n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.1242-2 du Code du travail ;
- elle a été engagée de façon presque continue sur une période de trois ans et sept mois, de façon à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, en violation de l'article L.1242-1 du Code du travail ;
- alors que la circulaire du ministère du travail et de la participation du 27 juin 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle limite à huit mois par an le travail saisonnier, elle a été engagée pour des durées supérieures, au cours des années 2008 à 2010 ;
- en-dehors de ses contrats des 1er septembre 2008 et 2 septembre 2009, ses contrats de travail se limitent à mentionner sa qualification d'ouvrier agricole N1, alors que l'article L.1242-12 du Code du travail énonce que le contrat à durée déterminée comporte la désignation du poste de travail;
- son contrat de travail du 15 mars 2011 ne lui a été remis que le 11 avril 2011, son employeur ayant ainsi manqué de lui transmettre ledit contrat dans le délai de deux jours ouvrables suivant l'embauche prévu à l'article L.1242-13 du Code du travail;
- dans la mesure où elle s'est tenue à la disposition de son employeur entre ses contrats à durée déterminée, elle est fondée à percevoir un rappel de salaire au titre de ces périodes ;
- ses contrats de travail mentionnant une durée hebdomadaire de travail de 39 heures, elle est fondée à obtenir un rappel de salaire, dès lors qu'en pratiquant une rémunération à la tâche, son employeur l'a rémunérée en-deçà du salaire minimum ;
- alors que ses contrats de travail mentionnent une durée hebdomadaire de travail de 39 heures, son employeur n'a pas garanti cette durée contractuelle, ce qui justifie qu'il lui soit alloué un rappel de salaire ;
- dès lors qu'en la rémunérant en-deçà des heures contractuellement définies, l'intimée l'a faite échapper partiellement au paiement de cotisations et privée de droits à prestations sociales, elle est fondée à être indemnisée au titre du travail dissimulé ;
- les manquements de son employeur à son obligation de lui faire passer sa visite médicale d'embauche résultant de l'article R.4624-10 du Code du travail, à son obligation d'information sur la convention collective applicable telle qu'elle résulte de l'article R.2262-1 du Code du travail et à son obligation d'information relative au droit individuel à la formation résultant des articles L.6323-21 et D.6323-1 du Code du travail lui causent nécessairement des préjudices qu'il convient de réparer par l'allocation de dommages et intérêts.

Elle demande par conséquent à la cour de :
- requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ;
- condamner l'employeur à lui payer les sommes de :
?3 119,98 euros au titre de l'indemnité de requalification ;
?3 119,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
?1 091,99 euros à titre d'indemnité de licenciement
?24 959,84 euros à titre de dommages et intérêts ;
?7 490,42 euros à titre de rappel de salaire entre deux contrats à durée déterminée ;
?749,04 euros au titre des congés payés afférents ;
?3 757,34 euros au titre du non-respect du salaire minimum du fait du travail à la tâche ;
?375,73 euros au titre des congés payés y afférents ;
?13 316,99 euros au titre du non-respect de la durée contractuelle ;
?1 331,70 euros au titre des congés payés afférents ;
?9 359,94 euros au titre du travail dissimulé ;
?1 000 euros au titre du préjudice pour non-respect des dispositions relatives à la visite médicale d'embauche ;
?1 000 euros au titre du préjudice pour non-respect du devoir d'information sur la convention collective ;
?1 000 euros au titre du préjudice pour non-respect du DIF ;
- ordonner la remise des bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
- condamner l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, le Groupement d'employeur GB VITI SERVICE soutient que:
- les contrats saisonniers et vendanges ont été conclus avec l'appelante pour des tâches précises, temporaires et liées au caractère saisonnier de l'activité viticole, le caractère de fixité de chacune des activités pour lesquelles la salariée a été engagée étant démontré ;
- outre le fait que l'appelante ne saurait invoquer une circulaire administrative, laquelle ne lie ni le juge, ni les particuliers, elle ne justifie pas avoir travaillé plus de 8 mois par année civile dans le cadre de contrats saisonniers ;
- les contrats de travail sont conformes aux dispositions de l'article L.1242-12 du Code du travail, en ce qu'ils précisent la désignation du poste occupé, en mentionnant que la salariée était engagée en qualité d'ouvrier agricole N1 ;
- la salariée ne démontre pas que l'un de ses contrats ne lui a pas été transmis dans le délai prévu à l'article L.1242-13 du Code du travail ;
- la salariée ne démontre pas être restée à sa disposition pour la période comprise entre ses deux contrats saisonniers, de sorte qu'elle n'est pas fondée à obtenir un rappel de salaire au titre de cette période non travaillée;
- dans le cadre des contrats conclus avec la salariée en février et en novembre 2008, il a été convenu de ce qu'elle serait rémunérée à la tâche, de sorte qu'elle ne saurait prétendre être rémunérée à hauteur de 39 heures hebdomadaires ;
- l'appelante se contente de lui faire grief d'avoir fait varier sa durée du travail sans apporter de preuve à l'appui de ses allégations ;
- les allégations de la salariée ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'un travail dissimulé, dans la mesure où le caractère intentionnel d'une dissimilation d'emploi salarié n'est pas établi ;
- la salariée ne saurait être indemnisée au titre, premièrement, d'une prétendue violation des obligations d'information sur la convention collective et, secondement, du non-respect du devoir d'information relatif au droit individuel à la formation dès lors, d'une part, que ces manquements ne sont pas établis et, d'autre part, qu'elle ne justifie d'aucun préjudice ;
- il y a lieu de relever que Mme [M] a abandonné sa demande relative au non-respect de la portabilité des droits à prévoyance ;
- l'appelante ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande indemnitaire au titre du non-respect de la visite médicale d'embauche.

Elle demande donc à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a constaté le caractère saisonnier des contrats de vendanges et l'absence de travail dissimulé ;
en conséquence,
- de constater la régularité des contrats de travail à durée déterminée saisonnier ;
- de constater la réalité du motif des contrats de travail à durée déterminée saisonnier ;
- de juger les contrats à durée déterminée réguliers dans la forme et le fond;
- de rejeter en conséquence la demande de requalification du contrat à durée déterminée ;
- de juger n'y avoir lieu à rappel de salaires ;
- de constater l'absence de travail dissimulé ;
- de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ;
- de condamner la salariée à lui payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner l'appelante aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux écritures auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats à l'audience du 23 janvier 2018.

MOTIFS :

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

L'article L.1242-2 du Code du travail en sa rédaction applicable au litige prévoit que, sous réserve des dispositions de l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et notamment pour les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

En l'espèce, il est constant que Mme [M] a été engagée par l'intimée à deux reprises dans le cadre de contrats saisonniers conclus pour la saison de dépalissage.

S'il est constant que ces deux contrats ont pris fin au 31 juillet des années 2008 et 2009, il y a lieu de relever qu'ils recouvrent des périodes de l'année qui ne sauraient être qualifiées de fixes, dès lors que les contrats de travail versés aux débats par la salariée laissent apparaître une date d'engagement fixée au 11 février 2008 pour le premier et au 14 novembre 2008 pour le second.

Au vu de l'incohérence entre les dates de début de chacun de ces contrats, l'employeur ne saurait valablement arguer de ce que l'activité de dépalissage est saisonnière, qu'elle "se répète chaque année à des périodes précises", ni qu'elle se déroule à des dates à peu près fixes.

Au surplus, s'agissant des deux contrats saisonniers respectivement conclus pour la saison de la taille du 17 novembre 2009 au 31 juillet 2010 et pour la saison de la taille / arrachage du 15 mars au 31 août 2011, bien que l'intimée fasse valoir que la taille de la vigne est par nature temporaire et se réalise en fonction des saisons, la conclusion d'un contrat d'une durée continue de huit mois et demi n'apparaît pas de nature à pourvoir un emploi par nature temporaire, en fonction du rythme des saisons.

Dès lors qu'il n'est pas établi que les contrats de travail ainsi conclus entre les parties portaient sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs de sorte qu'il n'est pas démontré qu'ils étaient conformes à l'article L.1242-2 du Code du travail, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il requalifie les contrats à durée déterminée conclus entre les parties en un contrat à durée indéterminée, à compter du 11 février 2008.

Sur les conséquences financières de la rupture :

Compte-tenu de la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 11 février 2008, Mme [M] est fondée à obtenir le paiement, par le Groupement GB VITISERVICE, de diverses sommes à titre d'indemnités, sur la base d'un salaire de 1 485,69 euros, la rupture de son contrat de travail le 31 août 2011 s'analysant par ailleurs en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conformément à l'article L.1245-2 du Code du travail, la salariée sera indemnisée par le versement d'une somme de 1 485,69 euros à titre d'indemnité de requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Dès lors qu'elle n'a pu effectuer son préavis de licenciement, elle est fondée à obtenir une indemnité compensatrice s'élevant à 2 971,38 euros, conformément à l'article 73 de la convention collective viticole de l'Aude.
En outre, elle est fondée à obtenir le versement d'une indemnité de licenciement de 1 039,98 euros, en application des articles L.1234-9 et R.1234-1 et suivants du Code du travail en leur rédaction applicable au litige.

Par ailleurs, compte tenu des circonstances de la rupture, de son ancienneté de 3 ans et demi dans l'entreprise au moment de son licenciement et alors qu'elle ne justifie pas de sa situation consécutivement à celui-ci, elle sera justement indemnisée par le versement d'une somme de 9000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail.

Sur le rappel de salaire au titre de la période entre les deux contrats:

Le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

En l'espèce, à l'issue de l'un de ses contrats le 18 octobre 2010, Mme [M] a de nouveau été engagée par l'association à compter du 15 mars 2011.

L'argument selon lequel la salariée était assujettie à des contrats sans terme précis ne saurait, sans être étayé par des éléments extérieurs, démontrer qu'elle s'était tenue à la disposition de son employeur entre ces deux contrats.

De même, outre le fait que cet argument est en contradiction avec la demande de la salariée s'agissant de la période comprise entre les mois d'octobre 2010 et de mars 2011, la salariée ne saurait se borner à arguer de ce que "sur trois ans, le Groupement d'employeur VITI SERVICE n'a pas laissé Madame [M] plus d'un mois sans activité, la contraignant à rester à sa disposition", le contexte qu'elle expose et, en particulier, la circonstance selon laquelle elle avait travaillé pour l'intimée entre les mois de novembre et mars les deux années précédentes, ne pouvant à lui seul démontrer qu'elle s'était tenue à la disposition de son employeur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute Mme [M] de sa demande de rappel de salaire au titre de la période comprise entre deux contrats à durée déterminée.

Sur les rappels de salaire pour non-respect du salaire minimum du fait du travail à la tâche et pour non-respect de la durée contractuelle :

A titre liminaire, il convient d'observer que, bien que la salariée fasse valoir que ses contrats de travail prévoyaient une durée hebdomadaire de travail fixée à 39 heures, il est constant que ces contrats mentionnaient que cette "indication n'a[vait] qu'une valeur indicative" et que cette durée du travail était "susceptible d'être réaménagée ou augmentée en fonction des impératifs de production".

Il en résulte que l'appelante n'est pas fondée à faire valoir que son employeur lui avait garanti une durée contractuelle minimale de travail supérieure à la durée légale de travail.

- Sur le rappel de salaire pour non-respect du salaire minimum du fait du travail à la tâche :

Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et quel que soit le mode de rémunération pratiqué, un salarié a droit à une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance pour le nombre d'heures qu'il a effectué.

En l'espèce, les contrats de travail signés entre les parties le 11 février et le 14 novembre 2008 laissent apparaître qu'une "rémunération brute mensuelle calculée en fonction du travail effectué" (à hauteur de 0,03 euros par pied) avait été convenue entre les parties.

En application de cette stipulation contractuelle, il résulte des contrats de travail versés aux débats par l'appelante que celle-ci a perçu :
-394,29 euros à titre de rémunération pour le mois de février 2008 (du 11 au 29) ;
-840 euros à titre de rémunération pour le mois de mars 2008 ;
-75 euros à titre de rémunération pour le mois de novembre 2008 (du 14 au 30) ;
-420 euros à titre de rémunération pour le mois de décembre 2008.

Si les contrats de travail conclus entre les parties ne laissent pas apparaître que l'employeur avait garanti une durée contractuelle minimale de travail supérieure à la durée légale de travail, ils ne mentionnent pas qu'ils ont été conclus pour un temps partiel, de sorte que l'emploi occupé par la salariée est présumé à temps complet.

Sur ce point, l'employeur se borne à faire état de ce qu' "aucun horaire n'était imposé de sorte que Madame [M] organisait son travail comme cela lui convenait" et qu'elle a été "intégralement remplie de ses droits au titre de la rémunération à la tâche", ces affirmations ne suffisant pas à renverser la présomption selon laquelle la salariée avait été engagée à temps complet.

Ainsi, dès lors qu'il est démontré que la salariée avait été engagée dans le cadre d'un contrat de travail à temps complet, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de sa demande de rappel de salaire au titre du salaire minimum du fait du travail à la tâche et de lui allouer une somme de 2 743,83 euros à ce titre, outre une somme de 274,38 euros au titre des congés payés y afférents.

- Sur le rappel de salaire pour non-respect de la durée contractuelle :

Il résulte des articles L.3121-22 du code du travail et 1134 du code civil en leur rédaction applicable au litige qu'il n'existe pas de droit acquis à l'exécution d'heures supplémentaires sauf engagement de l'employeur vis- à-vis du salarié à lui en assurer l'exécution d'un certain nombre ; à défaut d'un tel engagement, seul un abus de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction peut ouvrir droit à indemnisation.

En l'espèce, il est établi que la stipulation contractuelle faisant état d'une durée hebdomadaire de travail fixée à 39 heures n'avait qu'une "valeur indicative".

En outre, bien que l'attestation ASSEDIC du 5 octobre 2010 remise à la salariée mentionne que son horaire de travail mensuel était de 39 heures, une telle mention, figurant dans un document dépourvu de valeur contractuelle entre l'employeur et la salariée, ne saurait à elle seule caractériser un engagement de l'employeur à assurer l'exécution d'un certain nombre d'heures supplémentaires.

Ainsi, à défaut d'engagement de son employeur, la salariée n'est pas fondée à faire valoir que celui-ci lui avait garanti une durée contractuelle minimale de travail, sans qu'il ne soit démontré que le fait qu'elle n'aurait pas accompli d'heures supplémentaires chaque semaine résultait d'un abus de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction.

Dès lors, en outre, que la salariée ne prétend pas avoir accompli d'heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été rémunérées, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il la déboute de sa demande de rappel de salaire au titre du non-respect de la durée contractuelle.

Sur le travail dissimulé :

Selon l'article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail.

La dissimulation d'emploi salarié ainsi prévue n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

En l'espèce, au-delà du caractère infondé de l'argument de l'appelante selon laquelle son employeur l'aurait rémunérée"en-deçà des heures contractuellement définies", la circonstance selon laquelle ce dernier aurait manqué de lui verser le salaire minimum en la rémunérant à la tâche ne saurait, à elle seule, démontrer qu'il aurait intentionnellement agi de manière à dissimuler une partie des heures de travail en faisant figurer sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à la réalité.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé.

Sur le manquement de l'employeur en matière de visite médicale d'embauche:

Aux termes de l'article R.4624-10 du Code du travail en sa rédaction applicable au litige, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.

En outre, l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

En l'espèce, bien qu'il ne soit pas contesté que l'employeur a manqué à ses obligations découlant de l'article précité, l'appelante ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier le préjudice qu'elle aurait subi du fait de ce manquement.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il alloue à la salariée une somme de 200 euros au titre du non-respect de l'obligation, de visite médicale d'embauche et de débouter la salariée de ce chef de demande.

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation d'information sur la convention collective :

Selon l'article R.2262-1 du Code du travail, à défaut d'autres modalités prévues par une convention ou un accord conclu en application de l'article L.2262-5, l'employeur :
1o Donne au salarié au moment de l'embauche une notice l'informant des textes conventionnels applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;
2o Tient un exemplaire à jour de ces textes à la disposition des salariés sur le lieu de travail ;
3o Met sur l'intranet, dans les entreprises dotées de ce dernier, un exemplaire à jour des textes.

En l'espèce, si la circonstance selon laquelle le contrat de travail de la salarié mentionne la convention collective applicable dans l'entreprise ne saurait suffire à démontrer que l'association s'est conformée à son obligation découlant de l'article R.2262-1 du Code du travail, il convient de relever que Mme [M] ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier le préjudice qu'elle aurait subi du fait de ce manquement.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il lui alloue une somme d'un euro au titre du non-respect par son employeur de l'obligation d'information sur la convention collective.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation d'information relative au droit individuel à la formation :

Selon l'article L.6323-7 du Code du travail en sa rédaction applicable au litige, l'employeur doit informer le salarié des droits acquis au titre du droit individuel à la formation.

En l'espèce, bien qu'il ne soit pas établi que l'association s'est conformée à son obligation en la matière, la salariée ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier le préjudice qu'elle aurait subi du fait de ce manquement.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il lui alloue une somme de 150 euros au titre du non-respect par son employeur de l'obligation d'information relative au droit individuel à la formation et la salariée déboutée de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La remise de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin rectificatif conformes au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre à la salariée la somme de 1 000 euros.

L'employeur, partie perdante, doit être tenu aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Narbonne le 19 juin 2014, sauf en ce qu'il requalifie le contrat à durée déterminée du 11 février 2008 en contrat à durée indéterminée, en ce qu'il déboute Mme [H] [M] de ses demandes de rappel de salaire sur disposition permanente entre deux contrats à durée déterminée et sur non-respect du salaire minimum (outre les congés payés y afférents) ainsi que de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé ;

Statuant à nouveau,

Condamne le Groupement d'employeur GB VITI SERVICE à payer à Mme [H] [M], les sommes suivantes :

-1 485,69 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée du 11 février 2008 en contrat à durée indéterminée ;

-2 971,38 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-1 039,98 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

-9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-2 743,83 euros brut à titre de rappel de salaire pour non-respect du salaire minimum ;

-274,38 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

-1 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne la remise par le Groupement d'employeur GB VITI SERVICE à Mme [H] [M] de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne le Groupement d'employeur GB VITI SERVICE aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0717
Numéro d'arrêt : 14/05436
Date de la décision : 21/03/2018

Analyses

/


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2018-03-21;14.05436 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award