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09/03/2011 | FRANCE | N°10/05070

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 09 mars 2011, 10/05070


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRET DU 09 MARS 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05070
Arrêt no :
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 MAI 2010 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AUDE - No RG 20900199

APPELANTE :
CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONSprise en la personne de son Directeur GénéralRue du Vergne33059 BORDEAUXReprésentant : Me SARDA substituant Me Alain BAUDET (avocat au barreau de CARCASSONNE)

INTIMEE :
Madame Lucette Z... épouse A......11000 CARCASSONNEReprésentant : Me DELOFF

RE de la SELARL LAMBERT (avocats au barreau de CARCASSONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a ...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRET DU 09 MARS 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05070
Arrêt no :
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 MAI 2010 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AUDE - No RG 20900199

APPELANTE :
CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONSprise en la personne de son Directeur GénéralRue du Vergne33059 BORDEAUXReprésentant : Me SARDA substituant Me Alain BAUDET (avocat au barreau de CARCASSONNE)

INTIMEE :
Madame Lucette Z... épouse A......11000 CARCASSONNEReprésentant : Me DELOFFRE de la SELARL LAMBERT (avocats au barreau de CARCASSONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 FEVRIER 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de ChambreMadame Bernadette BERTHON, ConseillèreMonsieur Robert BELLETTI, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier

ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

** *
Exposé du litige
Le 27 août 1996, Monsieur Gaston A... né le 19 juillet 1923 à Caunettes en Val ( Aude ) a disparu du domicile familial ;
Son épouse Lucette A... a déposé une requête en déclaration d'absence le 20 décembre 1996 et le 1er août 1997 le juge des tutelles de Carcassonne a constaté la présomption d'absence de l'intéressé et nommé pour le représenter dans l'exercice de ses droits Madame Lucette A... ;
Par jugement en date du 10 juin 2008 le tribunal de grande instance de Carcassonne a déclaré absent Monsieur Gaston A... et dit que les fonctions de Madame Lucette A..., administratrice des biens, prenaient fin;
Suivant courrier daté du 09 septembre 2008 adressé à Madame Lucette A... ainsi qu'au notaire chargé de la liquidation de la succession de Monsieur Gaston A..., la Caisse des Dépôts et Consignations ( ci-après la CDC ) a formé opposition entre les mains du notaire au titre des sommes par lui détenues et ce à concurrence de sa créance qu'elle chiffre à 108 606,97 € comme représentant la totalité des arrérages de la pension de retraite de Monsieur Gaston A... perçue par son épouse entre septembre 1996 et le 31 juillet 2008 date à partir de laquelle la CDC informée de la disparition de celui-ci a cessé de servir ladite pension ;
A défaut d'un règlement amiable avec la CDC Madame Lucette A... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude qui par jugement rendu le 10 mai 2010 a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la CDC, a dit que Madame Lucette A... avait qualité pour percevoir en lieux et place de son époux les arrérages de la pension de retraite dont il bénéficiait au moment de sa disparition et ce jusqu'au moment où le jugement déclaratif d'absence

est devenu définitif et dit que Madame Lucette A... devait, à compter de cette date, jouir de ses droits propres à percevoir une pension de réversion ;
Appelante de cette décision la CDC a déposé des écritures le 27 janvier 2011 qu'elle a réitérées à l'audience en soulevant à titre principal l'incompétence de la Cour au profit du tribunal administratif, seul compétent pour connaître des prestations inhérentes au statut des agents de l'Etat et des collectivités Publiques;
A titre subsidiaire, sur le fond elle soutient qu'en application de l'article 49 du décret no2003-1306 du 26 décembre 2003, lorsqu'un titulaire d'une pension est absent depuis plus d'un an de son domicile sans qu'il en ait réclamé les arrérages, son conjoint peut obtenir une pension de réversion à titre provisoire ;
La CDC considère que Madame Lucette A... n'ayant pas usé de ce droit à pension de réversion et ayant continué de percevoir les arrérages de son conjoint sans déclarer sa disparition , les sommes versées depuis le 1er septembre 1996 doivent être restituées ;
Elle ajoute qu'il convient de distinguer, pour la résolution du présent litige, le régime spécial des pensions servies aux fonctionnaires de l'Etat et des collectivités Publiques, de celui des pensions servies par le régime général de la sécurité sociale motif pris que dans le cadre du régime général les cotisations versées au cours de l'activité professionnelle sont une assurance contre le risque vieillesse alors que pour les fonctionnaires elle est la contrepartie des services rendus à l'Etat sans que la notion d'assuré contre le risque vieillesse n'entre en considération ;
Elle conclut donc à l'incompétence et au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier et à titre subsidiaire au déboutement des demandes formulées par madame A... ;
En tout état de cause elle réclame paiement par cette dernière de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Suivant écritures déposées le 03 février 2011 et reprises à l'audience, Madame Lucette A... conclut au rejet de l'exception d'incompétence soulevée par la CDC , à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de la CDC à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour avoir refusé tout règlement amiable du litige et ne pas avoir accepté les termes du jugement ;
Elle demande enfin que la CDC soit condamnée à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur quoi - Sur l'exception d'incompétence
La CDC soutient, au visa de l'article R.312-13 du code de justice administrative et sur le fondement du jugement rendu par le Tribunal des Conflits le 20 février 2008, que le litige étant relatif à une pension d'un agent de collectivité locale, seul le tribunal administratif est compétent
Il résulte toutefois de la décision précitée de la juridiction des conflits dont la CDC, bien que s'en prévalant, s'est abstenue de produire copie, que le critère de compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est, en ce qui concerne les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques, lié non à la qualité des personnes en causes, mais à la nature même du différend ;
que les litiges relatifs à l'application à ces agents du régime de sécurité sociale, qu'il s'agisse du régime général ou d'un régime spécial, échappent à la juridiction administrative, celle-ci ne pouvant connaître que des prestations inhérentes à leur statut;
que même si une décision touchant à la gestion d'un régime spécial de sécurité sociale a été prise par une autorité administrative, la juridiction de sécurité sociale reste compétente ;
Il n'est pas discutable que le présent litige n'a pas pour objet une contestation du principe ou du montant de la pension versée à Monsieur A..., il porte sur la capacité pour Madame Lucette A... de percevoir, en sa qualité d'administratrice des biens de son époux présumé disparu, la totalité des pensions de retraite jusqu'au jugement déclaratif d'absence du 10 juin 2010 ;
Le tribunal des affaires de sécurité sociale ayant bien une compétence générale pour examiner l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et cette compétence générale ne pouvant céder qu'en cas de compétence exclusive donnée à une autre juridiction, il convient ,en l'absence de dispositions particulières, et confirmant en cela le jugement entrepris, de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la CDC ;
- Au fond
Aux termes des articles 112 à 132 du code civil, l'absent est présumé vivant jusqu'à ce que soit prononcé le jugement déclaratif d'absence, lequel emporte à sa transcription tous les effets que le décès de l'absent aurait eus ;
En sorte que devant être tenu pour vivant l'absent doit continuer, jusqu'à la liquidation de la pension de réversion servie à son conjoint, à percevoir les arrérages de sa pension de vieillesse qui n'est autre que la contrepartie des cotisations versées au cours de l'activité professionnelle ;
Pour s'opposer à ce principe et combattre le fait que le premier juge a considéré qu'en raison de cette présomption de vie Madame Lucette A... était fondée, en sa qualité d'administratrice des biens de son époux, à percevoir la totalité des arrérages de pension de retraite de ce dernier, la CDC soutient qu'il convient d'opérer une distinction entre le régime spécial des pensions servies aux fonctionnaires de l'Etat et des collectivités publiques et celui des pensions servies par le régime général de la sécurité sociale ;
Ainsi pour la CDC dans le cadre du régime général de la sécurité sociale, les cotisations versées au cours de la carrière de l'agent sont " une assurance contre le risque vieillesse " alors que pour les fonctionnaires les pensions " sont concédées en contrepartie des services rendus à l'Etat et non des cotisations versées et qu'elles revêtent un caractère personnel " ;
Elle ajoute que si l'article L.352-3 du code de la sécurité sociale et l'article 49 du décret du 26 décembre 2003portant règlement de retraites pour la Caisse nationale sont rédigés dans les mêmes termes, dans le second article la notion "d'assuré" ne figure pas et que ce faisant Madame A... doit être déboutée de ses prétentions ;
Sans s'attacher au défaut de précision de la CDC qui n'explique pas comment une " pension personnelle en rémunération de services rendus " ne peut pas être versée ,à ce titre, au conjoint administrateur des biens de l'absent mais peut changer de nature et perdre son " caractère personnel " en se transformant en pension de réversion , la Cour rappellera aux parties que les obligations de la loi priment sur celles émanant du décret ;
Etant ajouté que Madame Lucette A... s'étant vue désignée le 1er août 1997 pour représenter dans l'exercice de ses droits et administrer tout ou partie de ses biens, Monsieur Gaston A... disparu le 27 août 1996, il ne peut lui être opposé de n'avoir pas usé de l'article 49 du décret du 26 décembre 2003 qui en son paragraphe 1, prévoit que lorsqu'un titulaire d'une pension est absent depuis plus d'un an de son domicile sans qu'il en ait réclamé les arrérages, son conjoint peut obtenir une pension de réversion à titre provisoire ;
Madame Lucette A... ayant ainsi été investie par la décision précitée du pouvoir de réclamer lesdits arrérages avant que ne soit remplie la condition tenant au délai écoulé d'un an, l'opposition formée par la CDC entre les mains du notaire liquidateur est infondée ;
la Cour confirmera le jugement attaqué ;
- Sur la demande en dommages-intérêts
En considération des circonstances de la disparition de Monsieur Gaston A... ,alors âgé de 73 ans , de la douleur supportée par son épouse qui aujourd'hui elle même âgée de plus de 81 ans n'a pu offrir à son conjoint une sépulture ;
Des courriers échangés avec la CDC pour aboutir à une solution amiable et à laquelle la CDC a opposé une rigueur toute administrative vis à vis d'une personne qui s'était pourtant attachée à n'agir que sur décisions de justice et dans le respect de la loi ;
La cour par infirmation du jugement entrepris condamnera la CDC à verser à Madame Lucette A... la somme de 2000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
L'équité commande enfin que la CDC soit condamnée à payer à Madame Lucette A... la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
La Cour ,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort après en avoir délibéré,

En la forme reçoit l'appel de la Caisse des Dépôts et Consignations ;
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la Caisse des Dépôts et Consignations ;
Au fond ,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il déboute Madame Lucette A... de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau du chef de cette disposition infirmée ;
Condamne la Caisse des Dépôts et Consignations à verser à Madame Lucette A... la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Y ajoutant ,
Condamne la Caisse des Dépôts et Consignations à payer à Madame Lucette A... la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dispense l'appelant du droit fixe prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05070
Date de la décision : 09/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 12 juin 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 juin 2012, 11-18.083, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-03-09;10.05070 ?
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