La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2020 | FRANCE | N°17/06763

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 février 2020, 17/06763


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/06763 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LIKH





[P]



C/

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Septembre 2017

RG : F 16/03440









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 12 FEVRIER 2020





APPELANT :



[A] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

>
Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant au barreau de LYON

Me Baptiste BERARD de la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON,





INTIMÉE :



SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

[Adresse 1]
...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/06763 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LIKH

[P]

C/

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Septembre 2017

RG : F 16/03440

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 12 FEVRIER 2020

APPELANT :

[A] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant au barreau de LYON

Me Baptiste BERARD de la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON,

INTIMÉE :

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON

Me Saskia HENNINGER de la SCP LA GARANDERIE, avocat plaidant au barreau de PARIS,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Décembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Président

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Nathalie ROCCI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Février 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président, et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

M. [A] [M] a été engagé par la société DEMANDTEC France par contrat de

travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 20 août 2007 en qualité de

Responsable Application, statut cadre, position 3-1, coefficient 170, moyennant un salaire annuel brut de 90 000 euros payable en douze mensualités, outre une rémunération variable dont le montant et l'attribution sont subordonnés à l'atteinte d'objectifs.

Par un avenant du 24 octobre 2011, M. [A] [M] a été autorisé à travailler depuis son domicile.

La société DEMADTEC a intégré le groupe IBM et le contrat de travail de M.[A] [M] a été transféré à la société IBM en février 2013.

En dernier lieu, Monsieur [A] [M] exerçait les fonctions de cadre expert, position

3-1, coefficient.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2016, M. [A] [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société IBM arguant d'une

modification de ses attributions ayant réduit ses possibilités de rémunération variable, du non- règlement de l'intégralité des commissions dues au titre du premier semestre 2015 et d'une différence de traitement.

Le contrat de travail de Monsieur [A] [M] a pris fin le 4 mai 2016.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des ingénieurs et

cadres de la métallurgie.

Le 4 novembre 2016, M. [A] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir condamner la société IBM, à lui payer des rappels de commissions, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, une indemnité légale de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour exécution déloyale du contrat de travail et pour travail dissimulé, outre une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société IBM a quant à elle sollicité du conseil de prud'hommes de Lyon qu'il juge que

la prise d'acte s'analyse en une démission et condamne en conséquence M. [A] [M] à lui payer des dommages et intérêts pour préavis non effectué, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 7 septembre 2017, le conseil de Prud'hommes de Lyon a:

- Dit et jugé que la clause « transaction significative » est nulle,

- Condamné la société IBM France à payer à M. [A] [M] la somme de 170 424 € à titre de rappel de parts variables outre 17 042.40 euros à titre de congés payés afférents outre intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016,

- Débouté M. [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- Dit et jugé que la prise d'acte de M. [A] [M] doit être assimilée à une démission et ne peut donc prendre l'effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Débouté M. [A] [M] de ses demandes en paiement, d'un préavis, d'une indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- Fixé le salaire moyen mensuel de M. [M] à la somme de 62 869.09 euros par

application des dispositions de l'article R 1454-28 du Code du Travail concernant

l'exécution provisoire de droit,

- Condamné M.[A] [M] à verser à la société IBM France la somme de 110 460.03 euros au titre de dommages et intérêts pour préavis non effectué,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 2 octobre 2017 par M. [A] [M] enregistré sous le numéro 17/06763 et le 9 octobre 2017 par la société IBM France, enregistré sous le numéro 17/07050, lesquels ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction le 14 juin 2018.

Par conclusions notifiées le 23 octobre 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [A] [M] demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la clause « transaction significative » est nulle

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société IBM France à payer la somme de 170 424 euros à titre de rappel de parts variables outre 17 042.40 euros à titre de congés payés afférents, outre intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016.

- infirmer le jugement en ce qu'il:

l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

dit et jugé que sa prise d'acte doit être assimilée à une démission et ne peut donc prendre l'effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

l'a débouté de sa demande de paiement de préavis,

l'a débouté de sa demande de paiement d'indemnité de licenciement,

l'a débouté de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

l'a condamné à verser à la société IBM France la somme de 110 460.03 euros au titre de dommages et intérêts pour préavis non effectué,

l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

l'a débouté du surplus de ses demandes,

laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

En conséquence,

- condamner la société IBM France à lui payer les sommes suivantes:

188 607.27 euros bruts à titre de préavis outre intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2016, date de saisine du Conseil.

18 860.73 euros bruts à titre de congés payés sur préavis outre intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil

152 457.54 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement outre intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil

754 000 euros, soit 12 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

377 000 euros, soit 6 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

377 000 euros, soit 6 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

- rejeter toute demande contraire ou autre

- subsidiairement, pour le cas où par impossible la Cour confirmerait, sur appel de la société IBM France, le jugement en ce qu'il a jugé que sa prise d'acte doit être assimilée à une démission, limiter l'indemnité due à la société IBM France au titre du préavis non

effectué à la somme de 53 050.77 euros, correspondant à trois mois de son salaire fixe et à défaut, à la somme de 77 406.50 euros, correspondant au tiers des rémunérations

perçues sur les trois derniers mois, formule la plus avantageuse pour le salarié conformément aux dispositions de l'article R 1234-4 du Code du Travail.

- condamner la société IBM France à lui payer la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner la société IBM France en tous les dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Laffly, Avocat, sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 23 octobre 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société IBM France demande à la cour de:

- débouter M. [A] [M] de l'ensemble de ses demandes

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il:

a dit et jugé que la prise d'acte de M. [A] [M] doit être assimilée à une démission et ne peut donc prendre l'eff et d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

a débouté M. [A] [M] de ses demandes subséquentes

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il:

a dit et jugé que la clause « transaction significative est nulle » ;

l'a condamnée à payer la somme de 170.424 euros à titre de rappel de part variable, outre 17.042,40 euros à titre de congés payés afférents, outre intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016 ;

l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

fixé le salaire moyen mensuel de M. [A] [M] à la somme de 62.869,09 euros pour l'application des dispositions de l'article R 1454-28 du Code du Travail concernant l'exécution provisoire de droit ;

condamné M. [A] [M] à lui verser la somme de 110.460,03 euros au titre des dommages et intérêts pour préavis non effectué.

En conséquence:

- fixer la moyenne mensuelle brute de salaire à la somme de 36.820,01 euros correspondant à la rémunération mensuelle moyenne brute effectivement perçue au cours des 12 derniers mois travaillés précédant la prise d'acte (mai 2015 à avril 2016) ;

A titre subsidiaire,

- fixer la moyenne mensuelle brute de salaire à la somme de 41.554,01 euros correspondant à la rémunération mensuelle moyenne brute effectivement perçue au cours des 12 derniers mois travaillés précédant la prise d'acte (mai 2015 à avril 2016) incluant le prorata du rappel de variable correspondant à cette même période ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel de céans confirmait sa condamnation au paiement de la somme de 170.424 euros à titre de rappel de part variable, outre 17.042,40 euros à titre de congés payés afférents :

- fixer la moyenne mensuelle brute de salaire à la somme de de 62.869,09 euros pour fixer le montant de dommages et intérêts pour préavis non effectué;

- condamner M.[A] [M] à lui verser:

la somme de 110.460,03 euros à titre de dommages et intérêts pour préavis non effectué pour une moyenne mensuelle brute de salaire de 36.820,01 euros;

à titre subsidiaire,

la somme de 124.662,03 euros à titre de dommages et intérêts pour préavis non effectué pour une moyenne mensuelle brute de salaire de 41.554,01euros ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel de céans confirmait sa condamnation au paiement de la somme de 170.424 euros à titre de rappel de part variable, outre 17.042,40 euros à titre de congés payés aff érents :

la somme de 188.607,27 euros à titre de dommages et intérêts pour préavis non eff ectué pour une moyenne mensuelle brute de salaire de 62.869,09 euros

en tout état de cause,

la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

L'affaire a été clôturée par une ordonnance du 24 octobre 2019.

SUR CE:

M. [M] expose qu'il a rencontré des difficultés majeures avec son employeur , alors qu'il avait signé un contrat important, son employeur n'ayant, malgré les demandes réitérées pour le règlement de la part variable de sa rémunération, d'une part, pas comptabilisé un marché dans un premier temps avant d'accepter finalement de le comptabiliser, et s'étant, d'autre part, toujours refusé à régler la commission due au regard du travail réalisé et du chiffre d'affaires atteint.

M. [M] ajoute avoir constaté qu'un autre commercial avait quant à lui été intégralement rémunéré au titre de l'objectif atteint et qu'il subissait par conséquent une différence de traitement.

M. [M] soutient qu'à compter de ses revendications, ses responsabilités ont été quasiment réduites à néant, et ses possibilités de rémunération définitivement obérées avec un poste vidé de sa substance et accompagné d'un plan de commissionnement imposé réduisant toute perspective de commission significative. Il souligne que les objectifs fixés pour 2016 n'étaient ni réalistes ni atteignables au regard de la structure de l'équipe et compte tenu du rejet, par sa direction, de ses demandes de recrutement tant en interne qu'en externe.

- Sur la clause de 'transaction significative':

M. [M], comme l'ensemble des commerciaux de la société IBM, percevait une rémunération fixe doublée d'une rémunération variable avec un salaire annuel contractuel fixe dit ' RTR ' (rémunération théorique de référence), puis l'adhésion à un plan de motivation assortie d'une lettre d'objectif dite 'quota letter', la structure de la rémunération variable étant dès lors formalisée,d'une part par le plan de motivation, et d'autre part, par les lettres d'objectifs semestrielles (Incentive Plan Letter).

En l'espèce, la lettre d'objectifs semestrielle acceptée le 17 février 2015 par M. [M] pour le premier semestre 2015 mentionne un quota total de 880 000 euros et une répartition entre la rémunération fixe et la rémunération variable, de 55% pour la partie fixe et 45% pour la partie variable.

Dans cette lettre figure une clause de « transaction significative » libellée de la façon suivante:

« Vous acceptez expressément que le management d'IBM se réserve le droit d'ajuster le paiement des rémunérations variables liées à toute transaction significative, c'est-à-dire dans l'éventualité d'un paiement disproportionné par rapport à la contribution réelle du collaborateur. La direction d'IBM justifiera des raisons de cet ajustement en se fondant sur votre contribution réelle à la signature de cette transaction significative et/ou sur la relation entre ladite transaction significative et le potentiel du territoire pris en compte lors de la détermination du quota ».

M. [M] soutient d'une part, que cette clause ne saurait être considérée comme contractuelle dés lors qu'elle ne fait pas partie du plan de motivation expressément accepté, ni des montants d'objectifs ou autres discutés, mais de conditions complémentaires imposées par l'employeur.

M. [M] soutient d'autre part, que la société IBM ne donne aucun élément objectif et précis tant sur les ajustements et modalités de calcul du plafonnement de la commission variable pour les transactions exceptionnelles, que sur la détermination du potentiel du territoire pris en compte lors de la détermination du quota.

La société IBM France soutient que lorsque la condition dépend de la seule volonté du débiteur mais que celui-ci doit, pour fonder sa décision, se référer à des éléments extérieurs susceptibles de faire l'objet d'un contrôle judiciaire, la condition ne pourra pas être qualifiée de potestative.

La société IBM France soutient par conséquent que tant le montant de la transaction que la contribution réelle du collaborateur étant parfaitement étrangers à la volonté de la société IBM France, débitrice de la part variable de rémunération, laquelle peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire, la clause ainsi prévue est parfaitement licite.

****

M. [M] n'est pas fondé à remettre en cause le caractère contractuel des lettres d'objectifs ou 'Incentive Plan Letter' dés lors que ces lettres constituent des avenants au contrat de travail initial, qu'elles mentionnent une date de présentation et une date d'acceptation, et ont par conséquent valeur contractuelle, ce que M. [M] n'a d'ailleurs jamais remis en cause au cours de ses discussions avec sa direction.

Par ailleurs, des objectifs peuvent être fixés dans le cadre du contrat de travail, sous réserve qu'ils soient réalistes, ce que le juge doit rechercher, dès lors que la stipulation le prévoyant est fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l'employeur.

En l'espèce, la clause litigieuse ne peut en aucun cas être qualifiée de potestative dés lors qu'elle fixe la rémunération variable du salarié en fonction d'éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, tel que le montant d'une transaction significative, qu'elle ne fait pas porter le risque de l'entreprise sur le salarié, qu'elle n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels, et qu'elle tient compte de la contribution personnelle de chacun des salariés ayant participé à la transaction significative.

Dés lors, la fixation dans la lettre d'objectif d'un quota de 880 000 USD Plan Rate à réaliser sur le 1er semestre 2015, fait partie des éléments contractuellement arrêtés et M. [M] n'est pas fondé à tirer argument du fait que ce quota serait imposé et en aucun cas négocié, pour illustrer le caractère potestatif de la clause litigieuse.

En revanche, lorsque le salarié bénéficie d'une partie variable de sa rémunération, l'employeur est tenu de fixer de façon claire et précise les objectifs fixés à son salarié, ainsi que les modalités d'atteinte de ces objectifs.

En outre, l'employeur peut modifier unilatéralement les objectifs dès lors que l'avenant stipule que la détermination des objectifs conditionnant la rémunération variable relève du pouvoir de direction de l'employeur, pourvu que les objectifs soient réalistes et portés préalablement à la connaissance du salarié.

En l'espèce, la lettre d'objectifs prévoit que le salarié accepte expressément que son management puisse décider d'un changement de territoire et/ou d'une modification des objectifs fixés pour la période, dans le respect du droit applicable. Le droit de modification ou d'annulation est ainsi libellé:

' Le plan ne constitue pas un contrat explicite ou implicite, ou une promesse par IBM de procéder à des paiements en application de ce dernier. IBM se réserve le droit de modifier les modalités du plan, y compris, mais sans s'y limiter, les changements des objectifs de performance des ventes ( y compris les objectifs de suivi d'évaluation), les modifications quant aux clients affectés, aux territoires, ou aux comptes possibles, ou quant au changement de taux applicables aux paiements variables ou quotas, des rémunérations variables cibles ou opportunités similaires de revenus, ou de modifier ou d'annuler le Plan, pour un individu ou un groupe d'individus, à tout moment durant la période d'application du Plan et ce jusqu'à ce qu'une rémunération variable quelle qu'elle soit, soit acquise et exigible par application de ses dispositions.'

En l'espèce, il résulte des échanges entre différents membres de la direction de la société IBM France versés au débat, que l'employeur s'est expressément interrogé sur la fixation des objectifs de M. [A] [M] afin d'évaluer s'ils reflétaient la véritable contribution du salarié.

Ainsi, Mme [L] [I] indiquait le 11 septembre 2015:

' Comme vous pouvez le voir une fois de plus, [A] est bien au-dessus des 100% avec un AR de 258% du target Incentive gagné.....seulement pour cette vente Saas.... ce qui signifie 254 000 euros de commissions sur cette seule vente pour cet individu.

Ce n'est pas la première fois pour [A], et à ce stade nous devons nous interroger sur la fixation des objectifs et évaluer si cela reflète la véritable contribution du salarié.

Je recommande vivement que nous regardions attentivement et que (nous) adoptions une position commune. Pour moi,cela ne semble pas normal et j'ai un vrai problème à laisser cela ainsi.'

Elle indiquait encore le 30 septembre 2015, après avoir rappelé les commissions payées à M. [M] depuis le premier semestre 2014:

(...) Encore une fois, sur le premier semestre 2015, je ne m'interroge pas sur sa contribution... je n'ai aucun moyen de juger.... mais l'affaire était connue depuis le mois de septembre 2014. Elle était dans l'outil Siebel pour 1 million depuis septembre dernier..... Nous avons clôturé à 1,8 .... et le salarié n'a eu comme objectif que 880 000 en Mars alors qu'il est sur un périmètre européen'

Je pense que cela indique clairement que l'objectif a été mal déterminé.... Je suis donc favorable à ce que les vendeurs soient payés pour ce qu'ils font (...), reconnaitre les cas où il y a un problème évident sur la fixation des objectifs et s'accorder sur leur plafonnement... le cas de [A] est l'un d'entr eux'.

Ce questionnement a débouché sur le plafonnement de la rémunération variable de M. [A] [M], plafonnement présenté au salarié comme provisoire, dans le courriel du 1er septembre 2015, dans les termes suivants:

' Bonjour [A],

le contrat NORGESGRUPPENDETALIAS a été temporairement ajusté à 100% de ton quota sur la base d'une décision du CFO et d'exécutives de la Business Unit.

Merci de noter que cet ajustement a été fait de façon temporaire et de fait je te demande de bien vouloir contacter [R] [O] ou [H] [J] directement si tu as besoin de clarification.' (Courriel du 1er septembre 2015)

Puis ce plafonnement a été confirmé par courriel de M.[Y] [S] du 2 décembre 2015, dans les termes suivants:

'[A]

Comme discuté ce jour.

J'ai évalué l'atteinte de tes objectifs H1 2015 dans le cadre du process des hauts performeurs. En faisant cette revue, j'en ai conclu que le quota était incorrectement attribué. Attribuer un quota de 440K (1xACV) alors qu'il y avait une opportunité significative qui dépassait de loin celui-ci était incorrect. En conséquence de quoi, j'ai le regret de t'informer que l'atteinte de tes objectifs H1 2015 sera plafonnée.

Du fait de ta contribution personnelle exceptionnelle sur le contrat NordesGruppel qui a généré le dépassement de tes objectifs, j'ai décide de positionner un plafonnement à 200% de l'incentive cible.

Le reste de commission menant à 200% de l'incentive cible sera payé lors du prochain run de commission.

Cordialement,

[Y]'

Il en résulte que la société IBM France a, dans l'exercice de son pouvoir de direction et conformément aux dispositions de la lettre d'objectifs, appliqué son droit de modification de la rémunération variable cible de M. [A] [M].

La clause dite de transaction significative n'est donc pas nulle et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Cependant l'employeur ne peut exercer son droit de modification que sous réserve d'avoir fixé des objectifs précis et réalistes et de les avoir préalablement portés à la connaissance du salarié.

- Sur le rappel au titre de la rémunération variable:

La société IBM France soutient en l'espèce que M. [M] n'a, stricto sensu, pas atteint son objectif de 880 000 USD au premier semestre 2015 puisqu'il n'a signé que pour un revenu annuel de 802 325 USD et que seuls les coefficients multiplicateurs lui ont permis d'atteindre son quota.

La société IBM France indique d'autre part qu'il est de l'avis unanime des personnes interrogées que l'objectif de M. [M] a été étonnamment sous-évalué, suspectant une collusion entre M. [M] et M. [T] [F], son supérieur hiérarchique, lequel a démissionné quelques mois plus tard.

***

La démission de M. [T] [F] quelques mois après la prise d'acte de M. [M] et son embauche par la société Zilliant, actuel employeur de M. [M] , à l'exception de tout autre élément objectif, ne permettent pas d'étayer la suspicion de collusion entre ces deux anciens salariés en ce qui concerne la fixation des objectifs de M [M].

Il résulte par ailleurs des pièces versées au débat que le quota de 880 000 USD attribué à M. [M] chargé du territoire couvrant les pays nordiques et l'Italie, est comparable à celui d'autres vendeurs tels que M. [B] (UKI et Benelux), M. [E] [X]

(France et SPGI), ou encore M. [D] [W]. Ce quota s'inscrit en outre dans une fourchette cohérente entre le quota de 600 000 USD attribué à M. [M] au premier semestre 2014 et celui de 1 016 000 USD qui lui a été attribué au titre du second semestre 2014.

La société IBM France ne peut par ailleurs invoquer l'application d'accélérateurs pour soutenir que M. [M] aurait, en quelque sorte, atteint ses objectifs de façon artificielle, dés lors que l'application de ces coefficients multiplicateurs permettant d'accélérer l'atteinte des objectifs, en fonction de la durée des contrats obtenus, relève d'une politique menée par la direction d'IBM pour récompenser les vendeurs qui auront obtenu des contrats de longue durée.

Il convient enfin de souligner que l'accélération de l'atteinte des objectifs a été annoncée par la direction IBM dés le 19 janvier 2015 comme un grand changement, dans les termes suivants: 'Grande et même très grande nouvelle à propos de l'atteinte des objectifs Saas sur le plan de commissionnement 2015- Croyez-moi, vous allez vouloir lire ceci!

Bonne nouvelle!il y a un certain nombre de changement très positif sur la façon dont l'atteinte du quota saas va être calculé en 2015. (...)'

Or, il résulte de sa lettre d'objectifs que M. [M] s'est vu notifier son quota au titre du premier semestre 2015, le 17 février 2015, soit postérieurement à l'annonce de la réforme des coefficients multiplicateurs, de sorte que la société IBM France avait toutes les données en main pour reconsidérer, le cas échéant l'évaluation de son quota au regard des conséquences de la nouvelle politique.

Compte tenu de ces éléments, la société IBM France qui ne justifie pas de l'analyse selon laquelle le quota attribué à M. [M] au titre du premier semestre 2015 aurait été incorrectement fixé, pas plus qu'elle ne justifie, conformément aux dispositions de la lettre d'objectifs qui lui en fait l'obligation, des raisons de l'ajustement qu'elle a décidé, au regard de la contribution réelle de M. [M] à la signature de la transaction significative, ainsi qu'au regard de la relation entre ladite transaction significative et le potentiel du territoire pris en compte lors de la détermination du quota, n'est pas fondée à imposer à M. [M] un plafonnement de ses commissions.

La contribution réelle de M. [M] pour chacun des contrats obtenus n'est pas analysée par la société IBM France alors même qu'il s'agit d'un des paramètres de l'ajustement. Le défaut de prise en compte de ce paramètre résulte de la correspondance même de Mme [L] [I], qui indique: 'Encore une fois, sur le premier semestre 2015, je ne m'interroge pas sur sa contribution... je n'ai aucun moyen de juger', tout en concluant que l'objectif de M. [M] avait été mal déterminé. Or, la décision de plafonnement doit être corrélée à la contribution réelle du salarié.

Dans ces conditions, la société IBM France qui ne justifie pas des modalités de calcul qu'elle a appliquées pour procéder au plafonnement de la rémunération variable due à M. [A] [M], sera condamnée à payer à son salarié la totalité de sa rémunération variable.

La société IBM France ne contestant pas les bases de calcul sur lesquelles M. [M] fonde sa demande, sera condamnée à payer à ce dernier la somme de 170 424 euros à titre de rappel de rémunération variable pour la période considérée, soit le premier semestre 2015.

Le jugement déféré qui a condamné la société IBM France à payer à M. [A] [M] la somme de 170 424,00 euros à titre de rappel de part variable outre la somme de 17 042,40 euros au titre des congés payés afférents, ces sommes produisant intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016, date de la réclamation de M. [M], sera confirmé par substitution de motifs.

- Sur la prise d'acte:

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

M. [M] fait valoir à l'appui de sa prise d'acte:

- des difficultés majeures pour le paiement de sa rémunération variable, soulignant des hésitations dans la prise en compte d'un marché, le refus de régler la commission due au regard du travail réalisé et du chiffre d'affaires atteint, mais aussi une différence de traitement par rapport à un autre commercial qui a été quant à lui intégralement rémunéré au titre de l'objectif atteint,

- la limitation de ses responsabilités et par voie de conséquence, de ses possibilités de rémunération, son poste étant vidé de sa substance. Il soutient à ce titre que sa promotion à compter du 1er juillet 2015 en qualité de 'first line manager' s'est réduite au management d'un seul commercial et que sa fonction a été transformée en 'subject matter expert', soit un technicien sans rôle commercial direct et donc sans possibilité de commissionnement. Il ajoute que malgré la réduction de son équipe à 4 personnes en 2016, on lui a refusé des recrutements,

- le défaut de réponse à la procédure 'porte ouverte' mise en oeuvre à sa demande et l'absence totale de transparence de cette procédure.

La société IBM France expose que M. [A] [M], qui percevait une rémunération mensuelle fixe de 17 580 euros et avait été promu manager, était dans l'attente du résultat de la procédure dite de 'porte ouverte', de sorte que sa prise d'acte, intervenue le 3 mai 2016 se révèle excessivement prématurée. Elle fait observer le caractère opportuniste de cette prise d'acte, M. [M] ayant signé le 20 mai 2016, avec une prise de fonction au 1er juin 2016, un contrat de travail avec la société Zilliant pour un poste de directeur des ventes pour l'Europe du sud.

1°) sur le déroulement de la procédure dite de 'porte ouverte':

La procédure dite de 'porte ouverte' est un mode alternatif de gestion des conflits propre à la société IBM qui permet au collaborateur qui s'estime traité de manière inéquitable de saisir un 'exécutive' manager pour lui faire examiner son grief.

En l'espèce, il est constant qu'un différend est né entre M. [M] et son employeur sur le plafonnement de ses commissions au titre du premier semestre 2015, et que M. [M] a mis en oeuvre la procédure de 'porte ouverte' le 3 décembre 2015. La coordinatrice du programme a accusé réception de sa demande, le même jour. Le dossier complet a été transmis le 16 décembre 2015.

Il résulte de la note interne relative à cette procédure que le délai écoulé entre la nomination de l'enquêteur et la réception de la réponse par le collaborateur ne doit pas excéder 60 jours travaillés. Il est par ailleurs expressément indiqué que ce délai peut être allongé en fonction de la complexité du sujet ou de la disponibilité des personnes impactées.

M. [M] a interrogé le service des ressources humaines le15 mars et le 17 mars 2016 afin de savoir quand serait rendue la décision finale et obtenir une copie du dossier. En réponse, il lui a été demandé de faire preuve d'un peu de patience, en raison du travail considérable exigé par son dossier.

Le 20 avril 2016, M. [M] s'étonnait d'une part, de la réponse négative à sa demande de communication du dossier et d'autre part, d'un délai anormalement long de traitement de la procédure 'porte ouverte' compte tenu de sa situation qu'il qualifiait de claire et simple.

A cette date ,le délai indicatif de 60 jours était certes dépassé, mais il ne résulte pas du débat que son dépassement résultait de motifs étrangers à ceux prévus par la note interne, en l'espèce, la complexité du sujet ou la disponibilité des personnes impactées.

En ce qui concerne le manque de transparence, le grief fait par M. [M] à la société IBM n'apparaît pas fondé, la procédure de 'porte ouverte' ne prévoyant pas la communication des éléments de l'enquête avant son terme.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées au débat et notamment de la confirmation que M. [M] a été embauché par la société Zilliant en qualité de directeur régional des ventes, par contrat signé le 20 mai 2016, que l'issue de la procédure de règlement amiable du litige n'a pas été déterminante dans sa prise d'acte, dés lors que son nouveau contrat de travail implique, compte tenu de sa date, et des responsabilités de son nouveau poste, l'existence de pourparlers et d'un engagement de sa part largement antérieurs à la date de sa prise d'acte.

Enfin, M. [M] ne saurait tirer argument quant à la mauvaise volonté de la société IBM France de donner suite à sa réclamation, du fait que la procédure amiable n'aurait toujours pas donné de résultat plus de deux ans après avoir été initiée, sa saisine de la juridiction prud'homale pour faire trancher le litige rendant ladite procédure sans objet .

2°) sur le plafonnement de la rémunération variable:

M. [M] soutient que le défaut de règlement par la société IBM de la somme de

170 424 euros de sa part variable de salaire représentant plus de 30% de sa rémunération annuelle caractérise une inexécution de son obligation contractuelle par l'employeur, qui justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Si le plafonnement de la rémunération variable sanctionné ci-dessus constitue une inéxécution contractuelle, encore faut-il, pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail qu'il s'agisse d'une inexécution suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle.

En l'espèce, il convient de s'attacher aux sommes effectivement perçues par le salarié pendant la période litigieuse et au-delà, pour apprécier le niveau de gravité de l'inexécution invoquée.

Il résulte du tableau des rémunérations communiqué par la société IBM France ( p.14 de ses conclusions) et dont les montants ne sont pas contestés par M. [M], que ce dernier a perçu de mai 2015 à avril 2016 un total de rémunérations fixes de 206 325,83 euros. Le total des rémunérations variables pour la méme période s'élève à la somme de 379 002,90 euros

( 215 232, 79 euros versés de juin à août 2015 + 163 770,12 euros versés de septembre 2015 à mars 2016), dont 71 744,26 euros ont été versés au cours des mois de juin, juillet et août 2015 mais correspondent au premier semestre 2015.

Si l'on inclut le rappel de rémunération variable de 170 424,00 euros, M. [M] aurait dû percevoir la somme totale de 549 426,91 euros ( 215 232,79 + 170 424,00 euros + 163 770,12)

Le plafonnement par la société IBM France de la rémunération de M. [M] porte donc sur un peu moins d'un tiers de la rémunération variable du salarié, et représente moins d'un quart de sa rémunération totale.

Compte tenu du niveau de rémunération de M. [M] et de l'aléa qui résulte de la faculté d'ajustement dont dispose la société IBM France en application de la clause de transaction significative sus-visée, aléa que le salarié accepte à la signature de son contrat de travail, le plafonnement de sa rémunération variable imposé à M. [M] ne constitue pas une inéxécution suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle et n'est pas de nature, en conséquence, à justifier la prise d'acte du salarié.

3°) sur l'inégalité de traitement:

M. [M] expose que l'un des commerciaux de son équipe, M. [E] [G] s'est vu valider une rémunération à hauteur de 657% de sa target incentive pour une réalisation de 353,50% de son objectif alors que la rémunération de M. [M] a été plafonnée à 146,09 % de son objectif.

La société IBM France réfute la comparaison avec M. [E] [G] aux motifs d'une part que le quota de M. [G] était largement supérieur à celui de M. [M] ( 1 414 000 USD contre 880 000 USD ) et que les chiffres sur lesquels se fonde ce dernier sont ceux du second semestre 2015.

M. [M] qui s'appuie, à l'exclusion de toute autre pièce, sur un échange de courriels entre lui et M. [G] et sur un extrait du rapport mensuel d'exécution du programme 'IBM Cognos Viewer' qui est un outil de pilotage et d'analyse de la performance et d'analyse prévisionnelle, n'apporte pas d'éléments suffisants pour étayer sa démonstration d'une inégalité de traitement entre lui et M. [G], de sorte que ce moyen sera écarté.

4°) sur les responsabilités de M. [M]:

M. [M] soutient qu'à compter de ses revendications relatives à sa rémunération variable, ses responsabilités et ses moyens d'action ont été réduits, limitant par voie de conséquence ses perspectives de rémunération.

Il expose que son équipe de vente initialement composée de onze personnes, a été ramenée à quatre personnes, que ses demandes de recrutement ont été bloquées par les services financiers de la société, alors que les objectifs fixés pour le premier semestre 2016 ont été, dans le même temps, augmentés dans des proportions considérables.

M. [M] ajoute enfin que ses attributions ainsi que celles de ses commerciaux ont été modifiées, l'équipe devenant 'Subject Matter Expert' avec uniquement une vocation de support technique, ce qui induit la perte de la maîtrise des clients à prospecter.

La société IBM France réfute ces arguments et indique au contraire que M. [M] a été promu manager au 1er juillet 2015.

Il résulte des éléments du débat que M. [A] [M] a effectivement été promu sur le poste de' Europe Sales Manager omnicanal Merchandising' à compter du 1er juillet 2015, à la place de son manager [T] [F]. Cette promotion correspond à un accroissement de ses responsabilités dans le même secteur d'activités ainsi qu'il le confirme lui-même en exposant qu'à compter de cette date une équipe de 'software sales rep' lui reportait ses activités de vente (notamment, nouvelles opportunités, progressions des opportunités qualifiées, prospection).

L'évolution supposée défavorable vers une équipe à vocation de support technique ne repose ni sur la terminologie de 'subject matter Expert' qui désigne l'expert métier, soit le plus haut nivau de compétence dans le domaine considéré, ni sur aucune pièce relative à la perte de la clientèle.

En ce qui concerne la composition de son équipe avant et après sa nomination au poste de manager, la société IBM France qui soutient que M. [A] [M] n'établit pas la composition exacte et précise de l'équipe Merchandising Sales avant l'année 2016, ni l'ampleur des départs invoqués, ne conteste pas, cependant, les affirmations de son salarié selon lesquelles, l'équipe a subi entre juillet 2015 et janvier 2016, un congés-maladie, trois démissions, deux changements d'équipe, outre la promotion interne de M. [M] non remplacé sur son poste initial au sein de l'équipe.

Mais faute d'éléments sur les circonstances des départs invoqués et surtout sur leurs conséquences, et compte tenu du délai extrêmement court qui s'est écoulé entre la réduction de l'équipe et la prise d'acte de M. [M], ce dernier ne démontre pas que la situation de l'équipe au 3 mai 2016 traduisait la volonté de la société IBM France de réduire les responsabilités de son salarié, ainsi que ses perspectives de rémunération.

Il en résulte que faute pour M. [A] [M] de démontrer l'existence de faits suffisamment graves pour justifier sa prise d'acte du 3 mai 2016, celle-ci doit s'analyser comme une démission.

Le jugement déféré qui a jugé que la prise d'acte de M. [A] [M] ne peut avoir l'effet d'un licenciement sans cause et qui a débouté en conséquence le salarié de ses demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts à ce titre, doit être confirmé.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, fondée sur les mêmes manquements que ceux qui sont allégués à l'appui de la prise d'acte, lesquels ont été écartés ci-dessus, ainsi qu'au titre du travail dissimulé.

- Sur la demande reconventionnelle de la société IBM France au titre de l'indemnité compensatrice de préavis:

La société IBM France demande la condamnation de M. [M] à lui payer:

- à titre principal, la somme de 110 460, 03 euros de dommages-intérêts pour préavis non effectué, sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 36 820,01 euros

- à titre subsidiaire, la somme de 124 662, 03 euros sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 41 554,01 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, la somme de 188 607,27 euros sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 62 869,09 euros qui inclut le rappel au titre de la part variable de la rémunération.

Elle soutient que la prise d'acte qui produit les effets d'une démission doit conduire le salarié à indemniser l'employeur pour le non-respect du préavis.

M. [M] conclut, à titre principal au rejet de cette demande.

A titre subsidiaire, et au visa des dispositions de l'article R 1234-4 du code du travail, il demande que l'indemnité compensatrice de préavis soit fixée à la somme de 53 050,77 euros

( 17 683,59 x3), ce qui correspond à sa rémunération fixe brute outre avantages en nature et indemnités de fonction.

A titre infiniment subsidiaire, M. [M] demande que l'indemnité compensatrice de préavis soit fixée à la somme de 77 406,50 euros correspondant à la moyenne des salaires reçus durant les trois derniers mois de la relation contractuelle, soit de février à avril 2016.

***

Lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L.1237-1 du code du travail.

Faute pour M. [M] d'avoir exécuté un préavis, il est débiteur d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.

L'indemnité due par le salarié s'entend du salaire de base sans déduction des cotisations de sécurité sociale versées du chef du salarié, à l'exclusion des sommes versées au titre de la rémunération variable.

Il résulte de ses trois derniers bulletins de salaire et du tableau des rémunérations établi par l'employeur, que M. [M] a perçu au cours des trois derniers mois de la relation contractuelle, un salaire fixe de base de 17 480 euros, outre des avantages en nature, une indemnité de congés payés et une indemnité de fonction. Ainsi, la moyenne des trois derniers mois de rémunération s'élève à la somme de 53 602, 20 euros.

M. [A] [M] sera donc condamné à payer la somme de 53 602,20 euros à la société IBM France et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

- sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société IBM France, et le jugement déféré qui a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens sera infirmé en ce sens.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif. Le jugement déféré qui a rejeté la demande de M. [A] [M] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera donc infirmé en ce sens.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé le salaire moyen mensuel de M. [A] [M] à la somme de 62 869,09 euros, en ce qu'il a condamné M. [A] [M] à verser à la société IBM France la somme de 110 460,03 euros au titre des dommages-intérêts pour préavis non effectué, sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE M. [A] [M] à payer à la société IBM France la somme de 53 602,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

CONDAMNE la société IBM France à payer à M [A] [M] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel

CONDAMNE la société IBM France aux dépens de première instance et d'appel

DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Maître LAFFLY, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 17/06763
Date de la décision : 12/02/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°17/06763 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-12;17.06763 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award