La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2019 | FRANCE | N°16/08991

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 30 janvier 2019, 16/08991


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : N° RG 16/08991 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KXLE





[A]



C/

SAS KEM ONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Novembre 2016

RG : F15/04300

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 30 JANVIER 2019







APPELANT :



[T] [A]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 1]
>[Adresse 1]



représenté par Me Jean-marc HUMBERT de la SELAFA NICOL FIDEUROPE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Isabelle CLOT, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SAS KEM ONE

prise en la personne de son représentant légal en...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 16/08991 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KXLE

[A]

C/

SAS KEM ONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Novembre 2016

RG : F15/04300

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 30 JANVIER 2019

APPELANT :

[T] [A]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-marc HUMBERT de la SELAFA NICOL FIDEUROPE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Isabelle CLOT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS KEM ONE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurence BURATTI de la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de LYON substituée par Me Caroline MO, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Octobre 2018

Présidée par Annette DUBLED VACHERON, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Annette DUBLED VACHERON, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Janvier 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Carole NOIRARD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

La société KEM ONE est spécialisée dans la fabrication de sols PVC. Elle relève de la convention collective des industries chimiques.

Monsieur [T] [A] a été engagé à compter du 1er septembre 1986 par la société ARKEMA en qualité de pompier dans le cadre du service hygiène et sécurité du site de [Localité 2]. À compter du 1er décembre 2011, il a accédé au poste d'agent de maîtrise prévention hygiène industrielle sur le site de l'établissement de [Localité 3].

En juillet 2012, la société ARKEMA a cédé pour partie ses activités au groupe KLESCH dont dépend la société KEM ONE.

La société KEM ONE a fait l'objet d'un redressement judiciaire prononcé par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 27 septembre 2013. Un plan de continuation a été arrêté entraînant le licenciement économique de 48 salariés dans le cadre d'un PSE et la réorganisation des services a été présentée au CHSCT le 4 décembre 2013.

M. [A] a été placé en arrêt maladie le 21 août 2014. Cet arrêt, au cours duquel deux visites de contrôle ont eu lieu les 15 et 21 octobre 2014, a été prolongé jusqu'au 2 novembre 2014.

Par courrier en date du 23 décembre 2014, M. [A] a été convoqué en vue d'un entretien préalable au licenciement.

Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 14 janvier 2015.

Monsieur [A] a saisi le conseil des prud'hommes de LYON le 19 novembre 2015, aux fins de voir constater que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 49.714,95 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 10.497 euros au titre de son indemnité de préavis outre 1049,70 euros au titre des congés payés afférents,

- 62 982 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 22 novembre 2016, le conseil des prud'hommes l'a débouté de ses demandes considérant que son licenciement reposait sur une faute grave et a laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Monsieur [A] a interjeté appel de cette décision, le 12 décembre 2016.

Aux termes de ses conclusions, il demande à la cour de considérer que son licenciement est infondé et forme les mêmes demandes indemnitaires que celles présentées en première instance. Il sollicite la condamnation de la société KEM ONE à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Il demande que la société KEM ONE soit condamnée à lui remettre les documents sociaux et de rupture rectifiés, sous astreinte.

Il fait valoir que la réorganisation de son service a eut un impact conséquent sur sa charge de travail, provoquant un burn-out et le contraignant à abandonner ses fonctions de représentant syndical au CHSCT.

Il précise qu'à l'issue de son congé maladie qui arrivait à terme le 2 novembre 2014, il n'était pas en état de reprendre ses fonctions ; que pour autant son employeur ne lui a pas transmis de convocation devant le médecin du travail et l'a mis en demeure de reprendre le travail ou de lui fournir un justificatif d'absence.

Se fondant sur les dispositions des articles R 4624-22 et R 4624-23 du code du travail, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2017, il affirme qu'aucune absence injustifiée ne pouvait lui être reprochée à compter du 3 novembre 2014 dès lors que son contrat était suspendu ensuite d'une absence de plus de 30 jours ( du 21 août au 2 novembre 2014) et qu'aucune visite de reprise n'est intervenue à l'initiative de la société KEM ONE qui ne justifie pas avoir sollicité une date de reprise auprès de la médecine du travail.

Il fait grief au conseil de prud'hommes d'avoir considéré qu'il lui appartenait de demander à son employeur d'organiser une visite ou de ne pas avoir justifié de sa situation.

Il rappelle qu'il a fait l'objet de contrôles à la demande de son employeur qui ont confirmé le caractère justifié de ses arrêts maladie et le lien avec sa situation de travail. Il affirme que la dégradation de son état de santé résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Aux termes de ses conclusions, la société KEM ONE demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes.

A titre reconventionnel, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de procédure abusive et de condamner l'appelant à lui verser la somme de 19.977,69 euros au titre de la procédure abusive, outre celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société KEM ONE indique avoir adressé plusieurs mises en demeure le 13 novembre 2014 et le 10 décembre 2014 à son salarié qui n'a pas réagi.

Se rapportant aux exemples jurisprudentiels fournis par l'appelant, elle indique que la Cour de Cassation sanctionne l'absence de visite de reprise ensuite de la reprise effective d'un salarié à son poste de travail, mais n'interdit pas de licencier un salarié ne justifiant plus de ses absences au terme d'un arrêt maladie s'il n'a pas bénéficié d'une visite de reprise.

Concernant le grief de son salarié qui lui reproche d'avoir failli à son obligation de sécurité de résultat, elle indique que la réorganisation a permis une nouvelle répartition des tâches qui a soulagé Monsieur [A] de certaines missions tout en lui en confiant de nouvelles en contrepartie.

Elle affirme en conséquence qu'il est inexact de dire qu'il était en charge de l'intégralité des missions antérieurement accomplies par les techniciens de prévention et entreprise extérieure.

Elle fait observer que M. [A] ne rapporte pas le moindre élément de preuve concernant une surcharge de travail et se réfère à un rapport du CHSCT sur les risques psychosociaux qui n'existe pas.

Elle ajoute que l'analyse par le cabinet CIDECOS des incidences de son projet témoigne du fait que M. [A] n'était pas impacté.

Enfin, la société KEM ONE fait observer que les conditions du départ de M. [A] sont bien différentes de celles dépeintes par le salarié; qu'en effet, au mois de juillet 2014, celui-ci l'a informée qu'il souhaitait partir et bénéficier d'une formation organisée par Intermarché avant de solliciter une rupture conventionnelle. Elle précise avoir refusé d'accéder à cette demande et avoir été menacée par le salarié, qui a déclaré vouloir se placer en abandon de poste pour être licencié et percevoir les allocations chômage.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2018.

SUR CE :

I- Sur le licenciement :

L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

L'article L 1235-1 du même code dispose: 'En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute subsiste, il profite au salarié'.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. [A] est ainsi rédigée :

'Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.

Le lundi 3 novembre 2014, date prévue de votre retour d'arrêt maladie, nous avons constaté votre absence à votre poste de travail.

A compter de cette date et jusqu'à ce jour, aucun contact n'a été pris de votre part avec votre responsable hiérarchique ou le service des ressources humaines de votre établissement et vous n'avez fourni aucun justificatif d'absence à votre employeur.

Nous n'avons reçu aucune prolongation de votre arrêt de travail du 02/10/2014 au 02/11/2014.

Par courrier recommandé avec accusé de réception adressé le 13 novembre 2014, nous vous rappelons que toute absence doit être justifiée dans un délai de 48 heures, tel que spécifié dans dans l'article 15 du règlement intérieur de l'établissement et vous mettions en demeure de justifier votre situation. Nous vous informions, en outre, qu'à défaut de réponse de votre part, vous seriez considéré en absence non-autorisée et non rémunérée à compter du 3 novembre 2014.

Ce courrier est resté sans réponse de votre part.

Par lettre recommandée du 10 décembre 2014, nous vous mettions à nouveau en demeure de justifier de votre absence. Ce courrier est également resté sans réponse.

A l'issue de ces deux courriers de mise en demeure, vous n'avez ni fourni de document justifiant cette absence, ni pris contact avec l'entreprise pour apporter d'avantage d'explication.

Enfin nous vous avons convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception le 23 décembre 2014 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement le 6 janvier 2015 à 11 heures, afin d'entendre vos explications sur ces faits, vous ne vous êtes pas présentés à cet entretien.

Ces faits vont à l'encontre des dispositions légales applicables ainsi qu'à celle de notre règlement intérieur qui stipule en son article 15 que «'toute absence non prévue, quel qu'en soit le motif devra être signalée immédiatement à sa hiérarchie par téléphone afin de parer à la carence du salarié sur son poste de travail. En cas d'arrêt de prolongation pour maladie une justification d'absence devra être adressée sous délai de 48 heures par certificat médical indiquant la durée d'arrêt maladie. »

En outre, votre absence injustifiée depuis le 3 novembre 2014 met en cause la bonne marche du service hygiène sécurité environnement et qualité ( HSEQ) au sein duquel vous êtes affectés au poste d'agent de maîtrise prévention hygiène industrielle.

En effet, vos activités n'étant plus assurées, les membres du service ont dû reprendre immédiatement les missions incontournables de votre poste, c'est-à-dire notamment l'encadrement des deux salariés qui vous sont hiérarchiquement rattachés mais aussi la gestion de la base de données des fiches de données de sécurité, la mise à jour du document unique, la gestion des EPI ou les mises à jour les procédures HSEQ. Afin de gérer cette carence, nous avons ensuite dû recruter et former un salarié en externe qui ne dispose pas de votre niveau de connaissance des activités HSEQ de notre entreprise. Étant le seul salarié du site compétent en radioprotection, votre absence injustifiée a nécessité la formation en urgence un autre membre du service à cette qualification afin de satisfaire à notre obligation réglementaire en la matière. Enfin, votre absence à générer des retards réglementaires dans l'avancement de notre démarche de prévention des risques au travail et de gestion de l'hygiène industrielle, et impacté la qualité de la prestation du service HSEQ tant auprès des administrations référent, que des services internes de notre établissement, et que de l'établissement Arkema France de [Localité 3].

Vous n'avez apporté aucun élément de réponse à nos courriers et convocation et avez choisi de ne pas vous présenter à l'entretien préalable à la prise de cette décision.

Compte tenu de votre silence de ses conséquences, votre maintien dans nos effectifs s'avère impossible.

En conséquence et compte tenu de la gravité des faits reprochés nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. ('.)'

Aux termes de l'article R. 4624-22, dans sa rédaction issue du décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 en vigueur du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017 :

'Le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail :

1 Après un congé de maternité ;

2 Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3 Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel ;

En vertu de l'article R. 4624-23, l'examen de reprise a pour objet:

'1° De délivrer l'avis d'aptitude médicale du salarié à reprendre son poste ;

2° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du salarié ;

3° D'examiner les propositions d'aménagement, d'adaptation du poste ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de préreprise.

et dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.

Ainsi, la période de suspension du contrat de travail perdure tant que la visite de reprise n'est pas intervenue, le salarié n'étant pas tenu de reprendre le travail.

En l'espèce, M. [A] a été placé en arrêt maladie à compter du 22 août 2014 puis du 1er septembre 2014 jusqu'au 12 septembre 2014, du 16 septembre 2014 au 30 septembre 2014 et du 2 octobre 2014 au 2 novembre 2014.

Par courrier du 6 octobre 2014, la société KEM ONE a rappelé à Monsieur [A], alors en arrêt maladie jusqu'au 30 septembre 2014, qu'il ne s'était pas présenté sur son poste de travail le 1er octobre 2014 et n'avait pas informé sa hiérarchie de son absence avant le lundi 6 octobre 2014. Elle a précisé que toute absence injustifiée était qualifiée de fait fautif de la part du salarié et que ces faits pouvaient l'amener à engager une procédure disciplinaire à son encontre.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 novembre 2014, l'employeur a écrit à Monsieur [A] pour lui signaler qu'il avait été absent de son poste de travail jusqu'au 2 novembre 2014 inclus du fait d'un arrêt maladie, qu'il ne s'était pas présenté sur son poste de travail le 3 novembre 2014, qu'il n'avait pas informé sa hiérarchie et que ses services étaient toujours en attente d'un élément justifiant cette absence.

Il a rappelé à Monsieur [A] les dispositions du règlement intérieur selon lesquelles toute absence non prévue quel qu'en soit le motif devra être signalée immédiatement à sa hiérarchie par téléphone, et en cas d'arrêt ou de prolongation pour maladie, une justification devra être adressée sous délai de 48 heures par certificat médical indiquant la durée de l'arrêt maladie, précisant qu' en cas de nouveau manquement à ses obligations, une procédure de sanction disciplinaire serait engagée à son encontre.

Or, l'employeur étant informé de ce que l'arrêt de travail de M. [A] se terminait le 2 novembre 2014 et n'ayant pas reçu d'avis de prolongation de cet arrêt, il lui incombait d'organiser la visite de reprise de son salarié dans les huit jours suivant le 3 novembre 2014.

En l'absence de visite de reprise, le contrat de travail de M. [A] restait suspendu, de sorte que la société KEM ONE ne peut reprocher à ce dernier d'avoir délibérément ignoré ses courriers et de l'avoir laissée dans l'incertitude quant à une éventuelle prolongation de son arrêt maladie.

Par conséquent, la société KEM ONE ne pouvait invoquer le motif d'abandon de poste au soutien de la mesure de licenciement.

Aucun autre grief que l'abandon de poste n'ayant été reproché à M. [A] et les conditions de la mise en oeuvre d'un licenciement au motif de la désorganisation de l'entreprise n'étant pas réunies, le licenciement est, par voie de conséquence, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les moyens de M. [A] relatifs à l'inobservation par l'employeur de l'obligation de sécurité sont inopérants.

II- Sur les demandes indemnitaires :

- Sur la demande de dommages et intérêts :

Aux termes de l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

Monsieur [A] sollicite une indemnité égale à 18 mois de salaire en prenant comme salaire de référence la somme de 5.248,50€.

Au moment du licenciement, il avait au moins deux ans d'ancienneté et la société KEM ONE employait habituellement au moins onze salariés.

Le préjudice résultant pour Monsieur [A] de la perte de son emploi sera évalué à la somme de 23.000 euros, compte-tenu des circonstances du licenciement et du fait qu'il a rapidement trouvé un autre emploi et la société KEM ONE sera condamnée à lui payer ladite somme, à titre de dommages et intérêts.

- Sur la demande d'indemnité de préavis :

Suivant les dispositions de l'article 20 de la convention collective modifié par Accord du 22 mai 1979 étendu par arrêté du 3 janvier 1992 JORF 11 janvier 1992, créé par avenant n° 2 1955-03-14 étendu par arrêté du 13 novembre 1956 JONC 12 décembre 1956 :

«'1. En cas de rupture du contrat de travail, sauf en cas de faute grave ou de force majeure, la durée du préavis réciproque sera de 2 mois pour les agents de maîtrise et techniciens, à l'exception de ceux dont l'emploi est affecté d'un coefficient égal ou supérieur à 275, pour lesquels le préavis est de 3 mois.

(..)'»

En l'espèce, M. [A] bénéficiait d'un coefficient 300 et donc d'un préavis de trois mois. La société KEM ONE sera condamnée à lui verser une somme de 3499€x 3 = 10.497 euros outre la somme de 104,97 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur l'indemnité de licenciement :

Monsieur [A] sollicite une somme de 49.714,95 euros «calculée conformément aux dispositions de la convention collective.»

Par application de l'article 21 en vigueur non étendu modifié par accord du 15 janvier 1991, applicable aux agents de maîtrise, il est alloué aux agents disposant de plus de 20 ans d'ancienneté, comme M. [A], 3/10 de mois par année d'ancienneté à compter de la date d'entrée dans l'entreprise outre 1/10 de mois en plus par année passée dans l'entreprise, soit en l'espèce sur la base d'un salaire de référence de 3.499 euros la somme de 39.188,80 euros.

III- Sur les autres demandes :

- Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive:

Monsieur [A] étant pour l'essentiel accueilli dans son recours, le caractère abusif de la présente procédure ne pourra être retenu.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La société KEM ONE sera condamnée à remettre à M. [A] , dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision : les bulletins de paie rectifiés, l'attestation POLE EMPLOI, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte rectifiés en fonction des condamnations prononcées, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

La société KEM ONE sera condamnée à rembourser, le cas échéant, aux organismes concernés des indemnités de chômage versée au salarié à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 3 mois d'indemnités.

La société KEM ONE partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de laisser à la charge de M. [A] ses frais de défense.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société KEM ONE à verser à M. [T] [A] :

la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

la somme de 10.497 euros au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 104,97 euros au titre des congés payés afférents,

la somme de 39.188,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

CONDAMNE la société KEM ONE à remettre à M. [A] , dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision : les bulletins de paie rectifiés, l'attestation POLE EMPLOI , le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte rectifiés en fonction des condamnations prononcées ;

REJETTE la demande d'astreinte ;

CONDAMNE la société KEM ONE à rembourser, le cas échéant, aux organismes concernés les indemnités de chômage versée au salarié à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 3 mois d'indemnités ;

DEBOUTE M. [A] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société KEM ONE aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Carole NOIRARDJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/08991
Date de la décision : 30/01/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/08991 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-30;16.08991 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award