AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 16/07177
Société BETON LYONNAIS
C/
D... F...
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation Paritaire de LYON
du 13 Septembre 2016
RG : F15/04037
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2018
APPELANTE :
Société BÉTON LYONNAIS
[...]
représentée par Me Christophe X... de la SELARL CHRISTOPHE X... AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Daniel D... F...
né le [...] à [...] (Portugal)
[...]
comparant en personne, assisté de Me Patricia Y..., avocat au barreau de LYON substitué par Me Z... A... de la SELARL Y... G... ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Février 2018
Présidée par Didier PODEVIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
- Joëlle DOAT, président
- Didier PODEVIN, conseiller
- Evelyne ALLAIS, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Octobre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Président et par Carole NOIRARD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La S.A.R.L. BETON LYONNAIS a pour principale activité le transport et la fabrication de béton.
Monsieur Daniel D... F... a été embauché par la SOCIETE BETON LYONNAIS le 11 mars 2013 avec un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chauffeur niveau 2 échelon 2.
La convention collective applicable est celle des industries de carrières et matériaux.
Monsieur Daniel D... F... était rémunéré sur la base de 169 heures de travail mensuel, incluant le paiement de 17,33 heures supplémentaires majorées à 25% pour un montant brut de 2.104,90 euros.
Par courrier daté du 16 septembre 2015, la S.A.R.L BETON LYONNAIS a convoqué monsieur D... F... à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour faute grave et lui a notifié une mise à pied conservatoire.
L'entretien a eu lieu le 24 septembre 2015, le salarié étant assisté d'un conseiller.
Le 30 septembre 2015, la S.A.R.L BETON LYONNAIS a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.
Par jugement en date du 13 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de LYON a:
- dit que le licenciement est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamné la S.A.R.L BETON LYONNAIS à payer à monsieur Daniel D... F... les sommes suivantes :
- 1.070 euros au titre de la mise à pied conservatoire,
- 107 euros de congés payés afférents,
- 4.209,80 euros à titre de préavis,
- 420,98 euros de congés payés afférents,
- 1.086,13 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté les parties de toutes les autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la Société BETON LYONNAIS aux dépens.
La S.A.R.L BETON LYONNAIS a interjeté appel de ce jugement, le 7 octobre 2016.
Aux termes de ses conclusions , la S.A.R.L BETON LYONNAIS demande à la cour de :
- dire et juger régulière la procédure de licenciement à l'encontre de monsieur Daniel D... F... ,
- dire et juger fondé le licenciement pour faute grave de monsieur Daniel D... F... ,
- dire et juger qu'elle ne s'est pas rendue coupable de travail dissimulé,
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la faute reprochée à monsieur Daniel D... F... devait être requalifiée en cause réelle et sérieuse,
- dire que monsieur Daniel D... F... a commis des fautes graves,
- confirmer la décision entreprise sur l'ensemble des autres demandes,
En conséquence,
- débouter monsieur Daniel D... F... de l'intégralité de ses demandes,
A titre reconventionnel,
- condamner monsieur Daniel D... F... à lui verser la somme de 10.000euros à titre de dommages et intérêts pour dénonciation mensongère,
- condamner monsieur Daniel D... F... à lui verser la somme de 3.500euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner monsieur Daniel D... F... aux entiers dépens.
Dans ses conclusions, monsieur Daniel D... F... forme appel incident du jugement déféré et sollicite de la Cour qu'elle':
- réforme le jugement rendu le 13 septembre par le Conseil de Prud'hommes de LYON,
- dise que la SARL BETON LYONNAIS demeure redevable à son égard d'un rappel de salaire contractuel sur la période courant de juillet à septembre 2015,
- dise et juge que la SARL BETON LYONNAIS s'est rendue coupable de travail dissimulé au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail,
- dise et juger irrégulière la procédure de licenciement menée à son encontre,
- dise que le licenciement notifié par la SARL BETON LYONNAIS se trouve dénué de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamne la SARL BETON LYONNAIS à lui verser les sommes suivantes :
- à titre de rappel de salaires pour la période de juillet à septembre 2015 : 789,21euros brut,
- au titre des congés payés afférents : 78, 92 euros brut,
- à titre de rappel de salaires sur la période de mise à pied conservatoire : 850,06euros brut
- au titre des congés payés afférents : 85 euros brut,
- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 4.209, 80 euros brut,
- au titre des congés payés afférents : 420, 98 euros brut,
- à titre d'indemnité de licenciement : 1.086,13 euros net,
- à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière : 2.104, 90 euros net,
- à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12.625 euros net,
- à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé : 12.625 euros net,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros net,
- condamne la S.A.R.L BETON LYONNAIS aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2018.
SUR CE :
sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
- sur la demande de rappel de salaires impayés entre le premier juillet et le 30 septembre 2015';
Attendu qu'au soutien de son appel incident, monsieur D... F... expose qu'à compter du premier septembre 2014, les salariés de la S.AR.L BETON LYONNAIS ont été placés en situation de chômage partiel jusqu'au 30 juin 2015, qu'ultérieurement, l'employeur a obtenu une nouvelle autorisation de chômage partiel pour la période du premier octobre au 31 décembre 2015, que, de manière unilatérale, son employeur a décidé entre le premier juillet 2015 et le 30 septembre 2015 de le laisser travailler sur la base de 35 heures hebdomadaires, que lui-même a refusé de signer un avenant contractuel à cette fin, qu'ainsi, en l'absence de toute autorisation de chômage partiel et d'avenant contractuel, il sollicite le paiement des heures impayées sur une base mensuelle de 169 heures;
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS n'a pas contesté s'être dispensée d'autorisation d'activité partielle pour la période séparant le mois de juillet de la fin du mois de septembre, qu'elle justifie cette décision par ses difficultés économiques et son souhait d'éviter toute mesure de licenciement, qu'elle observe qu'en son temps, monsieur D... F... n'avait nullement contesté les mentions apposées sur ses bulletins de paie, alors qu'il apparaissait clairement qu'il avait été rémunéré non pas sur la base de 169 heures mensuelles, mais sur celle de 151,67 heures et qu'il ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque avenant contractuel qui lui aurait été proposé';
Attendu qu'après avoir été autorisée par l'administration, l'activité partielle est une période durant laquelle les salariés subissent une perte de rémunération imputable, soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d'établissement, soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale du travail'; qu'elle doit cependant, demeurer temporaire et exceptionnelle ; qu'il doit également, s'agir d'une mesure collective, visant un groupe de salariés bien identifiés';
Attendu que la mise en oeuvre d'une période d'activité partielle est subordonnée à une baisse d'activité, ou à une conjoncture économique difficile'; qu'une telle mesure se devant de demeurer exceptionnelle n'a pas vocation à pallier des difficultés économiques d'ordre structurel';
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par l'employeur que la durée du travail n'a pas été réévaluée entre les deux périodes d'activité partielle'; qu'en ne sollicitant pas l'accord des salariés concernés à cette fin, et en n'ayant pas obtenu d'autorisation préalable, la S.A.R.L BETON LYONNAIS n'a pas respecté les dispositions légales relatives à l'activité partielle';
Attendu qu'en conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté monsieur D... F... de sa demande en paiement de salaires et que la S.A.R.L BETON LYONNAIS sera condamnée à verser à monsieur D... F... la somme de 789,21 euros bruts au titre des salaires impayés entre le premier juillet 2015 et le 30 septembre 2015, outre 78,92 euros bruts au titre des congés payés afférents';
- sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé
Attendu que monsieur D... F... affirme qu'au cours des périodes de chômage partiel, il a en réalité travaillé à temps plein pour le compte de la S.A.R.L BETON LYONNAIS' et que les heures de travail ainsi réalisées au delà de la durée autorisée d'activité partielle ont été rémunérées par des versements en espèces, que le directeur de la S.A.R.L BETON LYONNAIS a reconnu la réalité de ces versements à l'occasion de l'entretien préalable à son licenciement, qu'en tout état de cause, les sommes versées en espèces par l'employeur ont été intentionnellement dissimulées, afin de ne pas perdre l'allocation d'activité partielle';
Attendu que la S.A.RL BETON LYONNAIS conteste les accusations de travail dissimulé, qu'elle explique qu'en raison des liens personnels existant entre son dirigeant et la famille de monsieur D... F... , elle a accordé à ce dernier un prêt d'argent destiné à financer l'achat d'une maison et lui a fourni gracieusement divers matériaux de construction'; qu'elle fait valoir que monsieur D... F... ne produit pas son avis d'imposition pour l'année considérée, 'de sorte que l'on ignore si l'argent en espèces était considéré par lui comme une rémunération ou comme un prêt accordé par son entreprise', que, contrairement à ce que soutient monsieur D... F... , elle n'a jamais reconnu avoir versé à celui-ci des sommes d'argent en espèces afin de compenser le manque à gagner résultant de la mise en place du chômage partiel ;
Attendu que monsieur D... F... ne produit aucune pièce susceptible d'établir qu'au cours des périodes d'activité partielle formellement autorisées par l'administration, des heures de travail ont été accomplies au delà de la durée prévue et rémunérées en espèces, l'attestation rédigée par monsieur H..., conseiller salarié présent lors de l'entretien préalable, qui écrit «'Je demande à l'employeur s'il confirme que le salarié vient d'être six mois en chômage partiel. L'employeur confirme que les commandes sont au plus bas et que sans doute le salarié ne sera pas remplacé ou alors par un salarié polyvalent. Le salarié lui fait remarquer qu'il n'a pas été prévenu du chômage partiel et de la diminution de son salaire de 39 heures à 35 heures, alors qu'il a toujours continué à travailler 39 heures. Monsieur B... lui répond en s'énervant': tu oublies l'argent que je te donnais en espèces.'» venant simplement confirmer que l'employeur a remis des sommes en espèces à monsieur D... F... , ce qu'il admet, de sorte que l'infraction de travail dissimulé n'est pas démontrée;
Attendu qu'en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté monsieur D... F... de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
sur la rupture du contrat de travail
- sur la procédure de licenciement
Attendu que monsieur D... F... a soutenu que la procédure de licenciement menée à son encontre était doublement irrégulière':
- D'une part, le délai de cinq jours ouvrables entre la convocation à un entretien préalable et la date de la tenue de l'entretien n'a pas été respecté';
- D'autre part, tous les griefs retenus in fine à l'appui du licenciement n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable';
Attendu que monsieur D... F... indique avoir été convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 16 septembre 2015, présenté effectivement à son domicile le 18 septembre suivant et ne pas avoir bénéficié du délai de cinq jours avant l'entretien préalable, celui-ci étant intervenu le 24 septembre 2014';
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS a observé que la lettre de convocation était datée du 16 septembre 2015 et que monsieur D... F... avait été avisé de sa convocation par une remise en main propre, mais qu'il l'avait refusée, que monsieur D... F... avait communiqué une fausse adresse, ce qui ne lui avait pas permis de lui adresser directement sa convocation dans le délai légal, qu'en toutes hypothèses, cinq jours ouvrables avaient séparé la convocation de l'entretien préalable et qu'ayant été assisté d'un conseiller salarié, monsieur D... F... n'avait subi aucun préjudice';
Attendu que la convocation s'impose quelle que soit la cause du licenciement'; que l'employeur doit respecter un délai de cinq jours ouvrables entre la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation, et l'entretien préalable'; que le délai de cinq jours est d'ordre public'; qu'il est en effet, impératif que le salarié puisse disposer de cinq jours pleins pour préparer sa défense';
que ni le jour de la remise de la lettre de convocation au salarié, ni le jour de l'entretien ne comptent dans la computation du délai'; qu'en outre, conformément aux dispositions de l'article 641 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jours, le délai ne commence à courir que le lendemain du jour de la notification'; qu'en application de l'article 642 du même code, tout délai expire le dernier jour à 24 heures';
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS disposait de l'adresse exacte de monsieur D... F... qui figurait sur les bulletins de paie';
Attendu que la lettre recommandée avec accusé de réception a été présentée pour la première fois à monsieur D... F... le 18 septembre 2015, qu'ainsi, le premier jour du délai de cinq jours doit être fixé au 19 septembre 2015, que le délai expirait le 23 septembre 2015, si bien que le délai légal de convocation a été respecté;
Attendu que monsieur D... F... observe en second lieu que le compte rendu d'entretien établi par monsieur H..., conseiller salarié, décrit seulement deux incidents': l'explosion d'un pneu de camion, et l'impossibilité pour l'employeur de joindre monsieur D... F... par téléphone mais que la lettre de licenciement qui lui a été notifiée évoque d'autres griefs qui n'ont pas été débattus contradictoirement, rendant ainsi irrégulière la procédure de licenciement';
Attendu que la loi fait obligation à l'employeur d'indiquer les griefs qu'il invoque et de recueillir les explications du salarié';
que, toutefois, rien ne démontre que le compte-rendu de l'entretien préalable produit aux débats sous forme d'attestation émanant de M. Frédéric H..., conseiller du salarié, est exhaustif en ce qui concerne les griefs qui ont ensuite été repris dans la lettre de licenciement;
que la preuve de l'irrégularité de la procédure de licenciement n'est pas rapportée et que la demande d'indemnisation à ce titre sera en tout état de cause rejetée;
- sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement notifiée à monsieur D... F... fixant les termes du présent litige, comporte plusieurs griefs':
- un incident survenu le 09 septembre 2015
«'Tout d'abord, vous avez eu un comportement inadmissible le 9 septembre 2015.
Vous avez démarré votre véhicule à une vitesse totalement démesurée dans le site de la carrière de la société. Cette manoeuvre qui mettait en danger la sécurité des personnels et des biens, a eu pour graves conséquences de voir le pneu avant droit éclaté, puisque votre conduite inadaptée vous a amené à escalader un bloc de béton. Il y a donc des dommages matériels mais il y aurait pu avoir dommages corporels. Malheureusement, cette façon de procéder n'est pas nouvelle et malgré les reproches faits par la Direction sur la conduite de votre véhicule, vous n'avez jamais daigné modifier votre façon de conduire.»';
Attendu que monsieur D... F... conteste avoir roulé avec son véhicule à une vitesse «'démesurée'» estimant en effet, sa vitesse à environ 20 km/h, qu'il affirme qu'en l'absence de précision sur l'heure exacte des faits allégués, il n'était en aucun cas possible d'en apprécier la réalité au seul vu du disque chrono-tachygraphe produit aux débats, qu'en l'absence de toute personne sur les lieux, la sécurité du personnel n'a jamais été compromise, que la crevaison ou l'explosion du pneu avant droit de son camion n'a pas été causée par l'escalade d'un bloc de béton mais est intervenue à l'occasion d'un demi-tour, incident qu'il qualifie de courant et sans conséquence'; qu'il conteste avoir fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre à cet égard';
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS considère que la vitesse excessive reprochée à monsieur D... F... est démontrée par la lecture du disque chrono-tachygraphe du 09 septembre 2015 qui d'après elle, révèle que sur une distance extrêmement courte (30 à 40 mètres), monsieur D... F... a fortement accéléré, au surplus, dans un espace très restreint, ce qui ressort du plan cadastral des lieux'; que le salarié ne pouvait pas savoir si des personnes étaient ou non proches des lieux de l'incident, qu'au contraire, quatre personnes se trouvaient à proximité, que l'attestation rédigée par monsieur C... démontre le caractère excessif et brutal de la vitesse du poids lourd utilisé par monsieur D... F...'et que le comportement de ce dernier a délibérément mis en danger sa propre sécurité et celle des autres salariés, en violation de son obligation de sécurité';
Attendu que monsieur D... F...'n'a pas contesté avoir été victime d'une crevaison à l'occasion d'un demi tour'; qu'il ressort de l'attestation rédigée par monsieur C... que «début septembre, Daniel a démarré rapidement le semi remorque et a juste après éclaté la roue avant droit», ce qui démontre simplement que monsieur D... F...'a commis une faute de conduite;
Que l'existence d'une manoeuvre volontairement dangereuse telle qu'elle lui est imputée n'est pas établie et que le grief n'est pas justifié;
- l'utilisation d'une voie de circulation interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes';
«De même, vous utilisez systématiquement une voie de circulation sur laquelle il est interdit de circuler pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes. Cette voie qui permet d'accéder au site ne doit pas être utilisée. Vous l'avez pourtant fait systématiquement et ce malgré l'injonction faite par la Direction. Bien évidemment, ce faisant, vous contrevenez au Code de la Route, ce qui est parfaitement intolérable, vous mettez encore en jeu la sécurité des biens et des personnes.»
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS a observé que monsieur D... F... ne contestait pas avoir emprunté avec son camion semi-remorque une route en principe interdite aux poids lourds de plus de 3,5 tonnes (cf. plan et photos des lieux produits aux débats)'et que cette infraction au code de la route, répétée et assumée par l'intéressé, devait être qualifiée de fautive';
Attendu que monsieur D... F... a confirmé avoir emprunté la voie interdite, en soulignant que cette pratique était partagée par ses collègues sans que ceux-ci ne soient sanctionnés'; qu'il a toutefois, relevé que la lettre de licenciement ne précisait pas la date de ces infractions, de sorte qu'il n'était pas possible de vérifier si les faits reprochés s'étaient produits moins de deux mois avant son licenciement';
Attendu qu'en l'espèce, la matérialité des faits reprochés par l'employeur n'est pas contestée par monsieur D... F...'et que les documents produits aux débats révèlent que cette interdiction était clairement signifiée par la signalisation,
Attendu cependant qu'il s'agit de faits non datés, dont la fréquence n'est pas précisée, ni justifiée, que l'employeur ne démontre pas avoir expressément interdit à monsieur D... F... une telle pratique et ne prouve pas non plus, compte-tenu de l'absence d'avertissement ou de mise en garde préalables, que ce dernier aurait délibérément ignoré ses directives;
Attendu que le grief n'est pas justifié;
- un comportement dangereux et désinvolte
«'Ce comportement dangereux s'accompagne aussi de désinvolture et du non-respect du matériel qui vous est confié. Ainsi, récemment, en sortant du site de la société, vous avez fait tourner à l'envers « la bonbonne » répandant ainsi son chargement sur 5 à 800 m environ. Il a fallu procéder au nettoyage de la chaussée par nos soins, ce qui a, bien entendu, engendré un coût à la charge de la société.'»
Attendu que monsieur D... F... n'a pas contesté avoir commis une erreur de manipulation de la bonbonne ; qu'il a toutefois, observé n'avoir pas été formé à l'utilisation de ce type de véhicule et ne pas disposer de la qualification de «'chauffeur pompe à béton'», contrairement à son collègue monsieur E...; que monsieur D... F... estime donc que l'erreur de manipulation ne pouvait pas lui être reprochée';
Attendu que la S.A.RL BETON LYONNAIS a maintenu que cette erreur devait être considérée comme fautive, en se référant aux attestations qui démontrent que monsieur D... F... savait se servir de tous les engins de la société et qu'il utilisait de manière habituelle les camions pompes';
Attendu qu'en l'espèce, monsieur E... a attesté que «'monsieur D... F... se chargeait lui-même du chargement de son béton dans son propre camion et celui de son collègue, y compris en utilisant la PUMI SERMAC 28M1, et qu'il l'avait vu regarder comment il opérait pour être en mesure de le remplacer', ce qui confirme que monsieur ' D... F... , s'il était parfois contraint d'utiliser cette machine, n'était pas qualifié pour le faire, de sorte que la faute commise était excusable,
- des retards sur les chantiers générant des pertes financières
«'Comme vous le savez, vous avez fréquemment des retards sur les chantiers que vous devez livrer malgré la présence d'un GPS qui vous permet de connaître parfaitement la route à suivre pour atteindre ces chantiers. Vous avez prétexté ne pas trouver, ou même à plusieurs reprises, vous avez ramené le produit que vous deviez livrer, ce qui a pour conséquence d'une part, de voir un client fort mécontent puisqu'il n'a pas reçu la livraison et d'autre part, la nécessité de mettre en décharge le produit ce qui engendre là aussi un coût non négligeable. Ce type d'attitude s'est répété notamment sur le chantier VILL SILKY ALSTHOM GCC où il restait une benne à décharger. Vous avez préféré partir du chantier, revenir à la centrale, jeter en décharge le béton ce qui a eu pour conséquence de voir la Société BETON LYONNAIS se trouver dans la nécessité urgente de renvoyer un autre camion pour finir l'ouvrage en catastrophe.'»
Attendu que monsieur D... F... conteste ce grief décrit en des termes trop généraux et trop imprécis'; qu'il observe qu'un seul GPS était mis à disposition de l'équipe et qu'il était fréquent qu'il soit obligé de se faire guider par téléphone par le client, qu'il palliait lui-même cette carence en utilisant une application GPS sur son téléphone portable, mais qu'en raison de la panne de celui-ci, il avait été contraint une fois de rejoindre la centrale sans avoir livré le client';
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS indique que le chantier mentionné dans la lettre de licenciement a duré plus d'une année, qu'ainsi, l'adresse de livraison était parfaitement, connue de monsieur D... F..., que deux GPS étaient mis à la disposition des chauffeurs ainsi que 5 téléphones portables'et que les faits de négligence reprochés à monsieur D... F... étaient parfaitement identifiables, le chantier VILL SILKY ALSTHOM GCC étant formellement mentionné dans la lettre de licenciement';
Attendu qu'en l'espèce, la lettre de licenciement fait état de plusieurs faits et négligences répétés qu'elle impute à monsieur D... F... '; qu'il n'est cependant précisé, ni le nombre de ces négligences, ni leurs dates, qu'en outre, la S.A.RL BETON LYONNAIS ne justifie pas du nombre de GPS et de téléphones portables mis à la disposition de son personnel';
Attendu qu'en conséquence, ce quatrième grief est insuffisamment, caractérisé';
- des accrochages et accidents responsables
«'Enfin, vous êtes à l'origine de nombreux accrochages qui endommagent les véhicules dont vous avez la responsabilité (pare-choc, déflecteur cabine, rétroviseurs...).'»';
Attendu que monsieur D... F... fait valoir que son employeur ne fournit aucun détail ou explication sur les accrochages ou accidents et admet simplement avoir endommagé un rétroviseur';
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS ne produit aux débats aucune pièce susceptible d'établir la réalité des accidents allégués pas plus que leur imputabilité à monsieur D... F... ';
Attendu que la réalité de ce cinquième grief n'est pas démontrée';
Attendu qu'au vu de ces éléments, les griefs étant soit injustifiés, soit excusables, non seulement la preuve de fautes graves commise par le salarié n'est pas rapportée, mais encore, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse;
Attendu qu'il convient d'infirmer le jugement qui a requalifié le lienciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse;
Attendu qu'en application de l'article L1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois';
Qu'il convient de condamner la société BETON LYONNAIS à payer à monsieur D... F... , qui percevait une rémunération mensuelle brute de 2.104,90 euros, était âgé de 25 ans et bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de deux ans et demi,' la somme qu'il sollicite à titre de dommages et intérêts, à savoir la somme de 12.625 euros représentant six mois de salaire;
Attendu que pour le surplus, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L BETON LYONNAIS à verser à monsieur D... F... les sommes suivantes':
- 850,65 euros bruts au titre des salaires impayés au cours de la période de mise à pied conservatoire, outre 85,06 euros au titre des congés payés afférents';
- 4.209,80 euros à titre d'indemnité de préavis, outre à la somme de 420,98 euros au titre des congés payés afférents';
- 1.086,13 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que la demande de monsieur D... F... tendant à voir condamner la société BETON LYONNAIS à lui payer une indemnité pour travail dissimulé, même fondée sur des moyens qui ont été rejetés par la cour, n'est pas constitutive en soi d'une faute;
que la demande de dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse formée par la société BETON LYONNAIS doit être rejetée;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure;
Attendu que la S.A.R.L BETON LYONNAIS, dont le recours est rejeté, sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à monsieur D... F... qui est partiellement accueilli en son appel incident la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe et contradictoirement';
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de monsieur D... F... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, rejeté la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement et rejeté la demande de rappel de salaires pour la période du 1er juillet 2015 au 30 septembre 2015,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne la S.A.R.L BETON LYONNAIS à verser à monsieur Daniel D... F... la somme de 789,21 euros bruts au titre des salaires impayés entre le premier juillet 2015 et le 30 septembre 2015, outre 78,92 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférents,
Dit que le licenciement de monsieur Daniel D... F... est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la S.A.R.L BETON LYONNAIS à verser à monsieur Daniel D... F... la somme de 12.625 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y AJOUTANT,
Rejette la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la SA BETON LYONNAIS,
Condamne la S.A.R.L BETON LYONNAIS à verser à monsieur Daniel D... F... la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la S.A.R.L BETON LYONNAIS aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Carole NOIRARD Joëlle DOAT