La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2018 | FRANCE | N°16/02562

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 21 mars 2018, 16/02562


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/02562





[H]



C/

société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Mars 2016

RG : F 15/01213











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 21 MARS 2018







APPELANT :



[E] [H]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité

1] (ITALIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Sonia MECHERI de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Philippe NOUVELLET...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/02562

[H]

C/

société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 Mars 2016

RG : F 15/01213

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 21 MARS 2018

APPELANT :

[E] [H]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (ITALIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Sonia MECHERI de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Philippe NOUVELLET - SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Virginie DEVOS de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIESS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Christel PHILIPPART de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Janvier 2018

Présidée par Joëlle DOAT, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Didier PODEVIN, conseiller

- Evelyne ALLAIS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 Mars 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 9 juillet 2008, M. [E] [H] a été embauché par la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE pour exercer la fonction de Quality Manager, statut cadre 4 et 4 bis, groupe V, coefficient 550, le contrat étant soumis à la convention collective des industries chimiques.

Un avenant au contrat de travail a été signé le 4 juin 2012 faisant suite à la signature, le 29 mars 2012, d'un accord général d'adaptation et de substitution et d'un accord relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail applicables à l'ensemble des salariés de BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS, aux termes duquel il est indiqué que M. [H] occupe la fonction de responsable QSSE, ce qui correspond à un 'jobgrade 6.1".

Par courrier en date du 18 septembre 2013, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a annoncé à M. [H] qu'elle était contrainte de lui signifier la suppression de son poste pour motif économique, qui interviendrait le 31 décembre 2014.

La société BASF a fait parvenir à M. [H] une première proposition de reclassement, le 9 octobre 2013, puis deux autres propositions de reclassement, le 25 novembre 2013, dont l'une portant sur le poste de directeur de site global opérations à [Localité 2], qu'il a acceptée le 6 décembre 2013.

Après avoir accusé réception de cet accord, le 13 janvier 2014, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a informé M. [H], par courrier en date du 14 avril 2014, que le poste ne lui avait pas été attribué, et, le 23 juin 2014, elle lui a adressé une nouvelle proposition de reclassement.

Par courrier en date du 26 décembre 2014, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a notifié à M. [H] son licenciement pour motif économique.

M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON, par requête en date du 27 mars 2015, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et la réalité de la suppression de son poste à la date du 31 décembre 2014.

Par jugement en date du 24 mars 2016, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a respecté son obligation de reclassement

- dit que la suppression de poste de M. [H] est réelle au 31 décembre 2014

- débouté M. [H] de ses demandes de dommages et intérêts de ces deux chefs

- dit que le licenciement pour motif économique de M. [H] est fondé

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- condamné M. [H] aux dépens de l'instance.

M. [E] [H] a interjeté appel de ce jugement, le 31 mars 2016.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience par son avocat, M. [H] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement

- de dire que le motif économique de son licenciement n'est ni réel, ni sérieux

- de dire que la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a gravement manqué à son obligation de reclassement

- de constater l'absence de suppression de son poste de travail jusqu'au 31 décembre 2015

- de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

- de condamner la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE à lui payer la somme de 92.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de reclassement et la somme de 92.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de suppression de son poste de travail jusqu'au 31 décembre 2015

- de lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE aux dépens.

Il soutient que son licenciement économique est dénué de cause réelle et sérieuse, faisant observer :

- qu'à la date de la notification de son licenciement économique, la société enregistrait un bénéfice qui avait augmenté de 400 % par rapport à l'exercice 2013, que, même si l'on tient compte du fait que, selon la direction, ce bénéfice était exceptionnel puisqu'il avait été artificiellement augmenté par la vente d'un fonds de commerce et la récupération d'une provision au titre de la réorganisation, le bénéfice réel enregistré au 31 décembre 2014 atteignait plus du double du bénéfice de l'exercice précédent et qu'au 31 décembre 2015, ce bénéfice a encore augmenté de 25 % par rapport à l'exercice 2014

- que si l'on considère que le secteur d'activité du groupe dont relève la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE est composé de cette dernière et d'un site situé à LONG ISLAND, il doit être constaté que la société ne produit aucun bilan relatif à ce site, si bien qu'elle ne justifie pas de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient

- que la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE fait partie des sociétés du groupe ayant la plus forte profitabilité, que la performance du groupe a été bien inférieure à celle de la 'business EMR' depuis la crise de 2008 jusqu'à son départ, qu'il a ainsi été pénalisé dans le montant de la partie variable de sa rémunération par la sous-performance du groupe par rapport à celle d'EMR, qu'il n'est pas cohérent d'imposer une prime selon un périmètre groupe et de se réduire à EMR pour le périmètre d'activité et qu'en mars 2015, le groupe BASF a annoncé la distribution d'une prime exceptionnelle d'un montant global de 100 millions d'euros pour fêter les 150 ans du groupe.

Il affirme que, contrairement à ce qu'a prétendu l'employeur, son poste n'a pas été supprimé, puisqu'il a été remplacé dans ses fonctions par M. [W], au moins jusqu'au 31 décembre 2015.

Il fait valoir que la recherche de reclassement n'a pas été mise en oeuvre de bonne foi, qu'il a expressément souligné qu'il était mobile au niveau international, mais que, bien qu'elle fasse partie d'un groupe de dimension internationale avec de très nombreuses filiales dans le monde, la société ne lui a fait aucune proposition à l'étranger, que le responsable de production à [Localité 3] devait justifier d'une expérience sur des sites classés SEVESO et d'une formation d'ingénieur en chimie ou en génie chimique qu'il ne possédait pas, que la proposition du poste de directeur du site globales opérations de [Localité 2] a été retirée alors même qu'il l'avait acceptée dans le délai imparti, ce qui caractérise un manquement grave de l'employeur à son obligation de reclassement, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir accepté formellement le poste de directeur du site de [Localité 4] alors que ce poste lui était proposé en même temps que celui de directeur de site et des opérations globales de [Localité 2] et qu'il ne pouvait accepter formellement deux postes en même temps, qu'en tout état de cause, la société lui a indiqué le 13 janvier 2014 que le poste de [Localité 4] n'était pas disponible à l'heure actuelle et qu'elle avait commis une erreur en le lui proposant, que, contrairement à l'engagement de la direction de le lui proposer à nouveau dès qu'il serait vacant, il a finalement appris que le poste avait été donné à un autre salarié, que, dans ces conditions, il n'a pas eu la force et l'énergie de donner une réponse à la dernière proposition qui lui a été faite, dont la rémunération et la classification étaient inférieures aux postes qui lui avaient été initialement proposés, puis retirés sous divers prétextes.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE demande à la cour :

- de confirmer le jugement

- de débouter M. [H] de ses demandes

- de condamner celui-ci à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient :

- que son activité est très particulière, aucune autre 'business unit', division ou segment du groupe n'exerçant une telle activité

- que le secteur d'activité d'appréciation du motif économique est celui des ingrédients actifs cosmétiques auquel appartiennent sa société et l'unité basée à LONG ISLAND aux ETATS-UNIS correspondant à la 'business unit globale beauty creations EMR', que tous les éléments économiques qu'elle communique justifient la situation du secteur du groupe dont elle fait partie et que le motif économique de sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité est établi

- que le poste de responsable qualité sécurité occupé par M. [H] sur le site de [Localité 2] n'avait plus de sens au-delà du mois de décembre 2014, dans la mesure où il y avait une baisse significative de la charge de travail, une absence de besoin de mettre en place et de piloter des axes de progrès et que les produits avaient été transférés sur le site de [Localité 4]

- que M. [W] n'a pas remplacé purement et simplement M. [H] à son poste, mais qu'il s'est agi d'une répartition temporaire de certaines des tâches de M. [H] entre M. [W] et M. [M] jusqu'à ce que le transfert du site de production de [Localité 2] soit achevé

- qu'elle a respecté son obligation de reclassement , que M. [H] s'est vu proposer quatre offres de reclassement, aucun poste à l'étranger conforme à ses souhaits n'ayant pu lui être proposé, que le salarié disposait bien des compétences et de l'expérience nécessaires pour occuper le premier poste de responsable production qui lui a été proposé, de sorte qu'il s'agissait d'une offre de reclassement sérieuse à laquelle il n'a pas répondu, que M. [H] n'ignorait pas que le poste de directeur de site et des opérations globales à [Localité 2] était susceptible d'être proposé à d'autres salariés, que sa candidature n'a pas été retenue, car il n'était pas prioritaire par application des critères de départage prévus par le plan de sauvegarde de l'emploi, que son délai de réponse a été particulièrement raisonnable et rapide pour un poste disponible près d'un an et neuf mois plus tard, qu'elle a pris une décision de refus du poste et non pas de retrait de cette offre, laquelle a été pourvue par un autre salarié qui disposait d'un profil et de compétences plus proches du poste que M. [H], qu'il ne peut lui être reproché des incohérences en ce qui concerne le poste de directeur de site de [Localité 4], ni l'impossibilité de lui proposer ce poste à la date du 13 janvier 2014, d'autant plus qu'il n'était pas disponible, que, lorsque le poste est devenu disponible, il a été attribué à M. [M] qui était alors prioritaire, qu'enfin, M. [H] n'a jamais répondu à la dernière offre de reclassement.

SUR CE :

Sur le motif économique

Aux termes des articles L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail, tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement.

Il appartient au juge de vérifier qu'une telle mesure était destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité.

Le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation.

Dans son courrier en date du 18 septembre 2013 aux termes duquel elle annonce à M. [H] que son poste sera supprimé le 31 décembre 2014, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE expose notamment que :

- les fluctuations du marché, l'évolution des besoins des clients et l'environnement particulièrement concurrentiel sont autant d'éléments clés pour redéfinir les structures de BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE

- les premières mesures indispensables qui ont été prises s'avérant insuffisantes, de nouvelles mesures ont été envisagées pour assurer la compétitivité de la société sur le long terme et lui permettre de retrouver une organisation compétitive, recentrée sur ses clients, afin de demeurer un acteur significatif du marché, selon quatre axes : l'intégration plus poussée qu'actuellement au modèle d'organisation de BASF, une fusion des 'business units' PERSONAL CARE et BEAUTY CREATIONS, la régionalisation de l'approche marché de BEAUTY CREATIONS, la mise en oeuvre de ces trois axes ayant pour conséquence la nécessité de changements organisationnels tant au niveau global ( 'global business unit GBU BEAUTY CREATIONS') qu'au niveau local au sein de l'entité BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE.

Dans la lettre de licenciement notifiée le 26 décembre 2014, après avoir indiqué que le chiffre d'affaires de la 'GBU' BEAUTY CREATIONS, gérée au niveau mondial, déclinait depuis les cinq dernières années, la baisse du chiffre d'affaires entre 2010 et 2013 étant de l'ordre de 12 %, qu'avec des ventes stagnantes, voire en baisse ces dernières années et un investissement élevé en recherche et développement, il était inéluctable que les résultats de BEAUTY CREATIONS se détériorent fortement, que ce n'était que grâce à des mesures d'économie, notamment sur les coûts de production, ainsi que par une gestion des prix plus agressive qu'il avait été jusqu'à présent possible de maintenir les marges, que le ratio du résultat opérationnel sur le chiffre d'affaires était stabilisé depuis cinq ans, mais à un niveau insuffisant au regard de la nature des activités et du taux de réinvestissement indispensable dans cette branche, qu'un risque élevé nécessitait des résultats élevés pour survivre et que la compétitivité de la société était en danger, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a précisé que le projet de réorganisation se traduisait par :

- un regroupement de la production sur le seul site de production de [Localité 4]

- une réorganisation des activités recherche et développement sur deux sites

- la mise en place du 'modèle agent'

- une intégration des fonctions support sur des sites déterminés.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE explique dans ses conclusions, en s'appuyant sur le document d'information en vue de la consultation du comité central d'entreprise sur le projet de réorganisation des activités de BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE et sur le rapport auprès du comité d'entreprise de décembre 2014 relatifs aux comptes annuels 2014 et comptes prévisionnels 2015 de l'expert-comptable, que les deux 'business units' BEAUTY CREATIONS EMR et PERSONAL CARE EMC, bien que relevant toutes les deux du marché de la cosmétique, interviennent chacune sur un secteur d'activité bien distinct, que la spécificité du secteur d'activité d'EMR résulte de celle de ses produits et de ses concurrents, d'une valorisation et des attentes différentes de la part des clients et d'une activité reposant essentiellement sur l'innovation, la technologie utilisée étant particulière et unique.

Le comité central d'entreprise a donné un avis' extrêmement défavorable au projet de réorganisation et de licenciements économiques' au motif, notamment, que le groupe BASF avait vu son chiffre d'affaires progresser de +7,1 % en 2012 et que la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE figurait parmi les sociétés les plus rentables avec un niveau de profitabilité bien supérieur à celui du groupe alors qu'elle ne représentait que 0,11 % du chiffre d'affaires de celui-ci.

Cependant, les bilans et comptes de résultat 2012, 2013 et 2014 de la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE communiqués par note en délibéré en date du 17 décembre 2015 à la demande des premiers juges, font apparaître :

- un chiffre d'affaires qui augmente en 2012 par rapport à 2011 et en 2013 par rapport à 2012, puis qui diminue en 2014

- un résultat d'exploitation stable en 2011 et 2012, qui augmente en 2013 puis est divisé par deux en 2014

- un bénéfice en 2011, une perte en 2012, dont il est précisé qu'elle est liée à la provision du PSE et un bénéfice en 2014 quatre fois supérieur à celui de 2013.

Le rapport d'expertise comptable de décembre 2015 mentionne que les ventes depuis BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS se sont repliées de 8 % en 2014.

La société produit également ses états de gestion de l'exercice de l'année 2015 montrant qu'entre 2014 et 2015, son chiffre d'affaires a légèrement baissé, que son résultat d'exploitation a diminué de 25 % et son bénéfice de 44,61 %.

Si, comme le fait observer M. [H], la société n'a pas versé aux débats les bilans de l'unité basée à LONG ISLAND, société de droit américain qui appartient à la même 'business unit', il ressort d'une attestation rédigée par M. [N], responsable de contrôle de gestion des filiales PERSONAL CARE, que les ventes globales des deux sociétés du secteur d'activité, LONG ISLAND et elle-même, ont baissé entre 2013 et 2012 et entre 2014 et 2013.

Par ailleurs, le document d'information sur le projet de licenciement et les mesures d'accompagnement, en vue de la réunion de consultation du comité central d'entreprise et des comités d'établissement de [Localité 2] et [Localité 4] du 7 juin 2013, énonce que le projet portait sur 63 modifications de contrats de travail et la suppression de 59 postes, le rapport de suivi du plan de sauvegarde de l'emploi actualisé au 30 novembre 2015 établissant qu'il a finalement été procédé à 81 notifications de licenciement pour motif économique.

L'inspecteur du travail a délivré des autorisations de licenciement pour motif économique de salariés protégés, par plusieurs décisions rendues le 25 juillet 2014.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE justifie de ce que la réorganisation a été mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques prévisibles à venir, dont la preuve résulte des indicateurs ci-dessus décrits par elle, liées aux spécificités de son secteur d'activité, et qu'elle était nécessaire pour préserver sa compétitivité.

S'agissant de sauvegarder la compétitivité d'un secteur d'activité et non du groupe, le versement d'une prime exceptionnelle aux salariés du groupe BASF n'est pas de nature à remettre en cause le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement de M. [H].

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a dit que le motif économique du licenciement était fondé.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE verse aux débats un calendrier de transfert des activités du site de production de [Localité 2] vers celui de [Localité 4] commençant au mois de juillet 2013 pour se terminer à la fin décembre 2014 ou au troisième trimestre 2015 et comprenant la liste des postes déplacés ou supprimés en décembre 2014, dont celui de responsable qualité sécurité occupé par M. [H].

Pour affirmer que son poste n'a pas été supprimé à la fin du mois de décembre 2014, M. [H] se fonde d'une part sur un courriel qu'il a adressé le 3 novembre 2014 à son responsable de site, aux termes duquel il rappelle que M. [W] le remplacera à 100 % sur son poste à périmètre et missions inchangées dès janvier 2015 car l'équipe de [Localité 4] ne prendra pas le relais sur les dossiers du site QHSE avant fin 2015 et que M. [W] lui a demandé de le former sur l'ensemble du périmètre des rôles et missions de son poste qu'il devra assurer complètement après son départ prévu dans le cadre du PSE, d'autre part sur deux compte-rendus de réunion du CHSCT, l'un du 19 septembre 2014 dans lequel il représente le 'service SSE' , l'autre du 24 février 2015 dans lequel M. [W] représente ledit 'service SSE'.

Toutefois, aux termes du courriel en date du 24 novembre 2014 émanant du directeur de site, M. [M], il s'agissait d'une organisation temporaire et transitoire de 'QHSE', ces missions devant être transférées à [Localité 4] en 2015, la transmission des informations était destinée à donner à M. [W] les moyens d'intervenir dans l'hypothèse où un éventuel problème QHSE surviendrait avant la fin du transfert, et ce dernier représenterait la direction pendant ses propres absences, devant dès lors s'assurer que les salariés encore présents sur le site travailleraient en toute sécurité.

La preuve de ce que le poste de M. [H] n'a pas effectivement été supprimé à la fin de décembre 2014 n'est dès lors pas rapportée, seules certaines des missions attachées à ce poste ayant été provisoirement maintenues pendant le transfert du site, si bien que la demande distincte de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'aurait causé au salarié la suppression injustifiée de son poste doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'obligation de reclassement

L'article L1233-4 du code du travail dispose que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'opère sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises".

La tentative de reclassement est donc un préalable nécessaire à tout licenciement économique.

C'est à l'employeur d'établir la preuve de l'impossibilité d'affecter le salarié dans un autre emploi.

Si l'obligation de reclassement n'est qu'une obligation de moyens, encore faut-il que l'employeur démontre avoir mis en 'uvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution afin d'éviter le licenciement.

Lorsque l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a envoyé à M. [H], par courrier en date du 9 octobre 2013, une proposition de reclassement sur un poste de responsable production situé à [Localité 3], de statut cadre, coefficient 550, job 'grade 6.1", donc équivalent à celui de son poste supprimé, lui précisant qu'en l'absence de réponse de sa part à l'expiration du délai de réflexion de 30 jours, elle serait dans l'obligation de mettre en oeuvre à son égard une procédure de licenciement économique.

Par courriel en date du 23 octobre 2013, Mme [F], HR manager, a fait parvenir aux salariés les postes disponibles au sein de BASF en France au 22 octobre 2013 en leur demandant d'adresser leur dossier de candidature.

M. [H] ayant répondu le même jour qu'il était intéressé par le poste de directeur du site de [Localité 4], sa direction a accusé réception de sa candidature et lui a proposé un entretien pour le 12 novembre 2013.

Par courriel du 30 octobre 2013, M. [H] a également informé sa direction qu'il avait l'intention de postuler au poste de directeur de site global operations qui s'était ouvert sur [Localité 2].

Dès lors, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE ne saurait reprocher à M. [H] de ne pas avoir répondu à la première proposition du 9 octobre 2013, ni se fonder sur les termes du courriel de ce dernier expliquant les motifs pour lesquels il était intéressé par le poste de directeur de site de [Localité 4] pour considérer qu'il possédait les compétences et la qualification lui permettant d'occuper le poste de responsable de production à [Localité 3], M. [H] ne pouvant de son côté affirmer que la proposition de l'employeur n'était pas sérieuse, au motif que le profil recherché était celui d'un ingénieur en chimie et en industrie chimique, et une expérience d'au moins cinq ans dans la gestion opérationnelle de la production exercée dans une industrie chimique, idéalement sur un site SEVESO et certifié, diplôme et expérience qui n'étaient pas les siens.

En effet, cette proposition a manifestement été abandonnée, puisqu'avant même l'expiration du délai de réflexion, M. [H] a été reçu en entretien au sujet du poste de directeur du site de [Localité 4] et qu'il n'a été tiré aucune conséquence de son absence de réponse à la première proposition, la société lui ayant écrit, le 25 novembre 2013, qu'elle avait identifié pour lui deux postes, le premier de directeur de site à [Localité 4], la date prévisible de disponibilité du poste étant le 31 octobre 2013, le second de directeur de site et des opérations globales situé à [Localité 2], la date prévisible de disponibilité du poste étant le 31 décembre 2015.

Par courrier en date du 6 décembre 2013, M. [H] a répondu qu'il acceptait le poste de directeur de site et des opérations globales situé à [Localité 2] et toutes les conditions qui lui étaient attachées.

Par courriel du même jour, M. [H] a précisé à sa direction qu'il ne pouvait pas se prononcer sur le poste de directeur de site basé à [Localité 4] compte-tenu de la date de prise de fonction indiquée qui n'était pas en cohérence avec ce qu'il lui avait été dit lors des entretiens du 18/12/2013 (ou plutôt 18/11/2013) et qui restait trop vague et floue.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE n'est pas fondée à critiquer cette réponse, alors que, par courrier du 13 janvier 2014, elle a informé M. [H] qu'elle avait commis une erreur dans son courrier du 25 novembre 2013 car ce poste n'était actuellement pas disponible et ne pouvait être proposé pour l'instant et que, dès validation du dossier, une nouvelle proposition lui serait adressée, ce qui vient du reste confirmer l'impression exprimée par M. [H] dans le courriel du 6 décembre 2013.

Dans le même courrier du 13 janvier 2014, la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE a indiqué à M. [H] qu'elle avait bien réceptionné son accord sur la proposition de poste de directeur de site et des opérations globales et qu'elle reviendrait vers lui dans les prochaines semaines.

Or, par courrier en date du 14 avril 2014, elle a annoncé à M. [H] 'qu'après entretiens avec vous et d'autres collaborateurs (le poste ayant également été proposé à d'autres salariés au titre du reclassement)', le poste de directeur de site et des opérations globales ne lui était pas attribué.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE explique que, comme le souligne le plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié peut se positionner spontanément sur un poste disponible, sa candidature étant alors prioritaire. Or, non seulement M. [H] a, au départ, fait acte de candidature pour les deux postes de directeur de site à [Localité 4] et à [Localité 2], mais encore la société lui a ensuite expressément proposé ces deux postes.

La précision selon laquelle le poste de directeur de site et des opérations globales avait été proposé à d'autres salariés dans le cadre du reclassement ne figure que dans le courrier du 14 avril 2014, de sorte que la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE ne démontre pas qu'elle avait préalablement informé M. [H] de ce que le poste aurait également été proposé à d'autres salariés, la société s'étant contentée d'utiliser dans son courrier de proposition du 25 novembre 2013 la formule générale selon laquelle 'dans l'hypothèse où un ou plusieurs de ces postes seraient également proposés à d'autres salariés au titre du reclassement, et en cas d'acceptation par plusieurs salariés d'un même poste de reclassement, le choix du salarié à qui le poste sera définitivement attribué sera fait en tenant compte des compétences requises par le poste et des critères d'ordre de licenciement'.

M. [H] a été privé d'une chance de postuler à d'autres emplois en temps voulu, la société ayant mis quatre mois à lui notifier que le poste qu'il avait accepté ne lui serait pas attribué, sans plus d'explication.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE justifie qu'elle a offert le poste de directeur de site et des opérations globales à [Localité 2] à un autre salarié, le 13 décembre 2013, soit postérieurement à l'acceptation de M. [H], ce salarié ayant au surplus posé une restriction concernant le salaire, dans son courrier d'acceptation du 21 décembre 2013, ce qui n'était pas le cas de M. [H] qui avait accepté toutes les conditions de la proposition.

Un extrait de document intitulé 'BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE: critères d'ordre de licenciement', sur lequel figurent uniquement M. [H] et la personne qui a finalement été retenue pour le poste, mentionne que M. [H] disposait de moins de points que cette dernière, mais la valeur probante d'un tel document, isolé de son contexte, apparaît insuffisante, tandis qu'aucun élément ne permet de déterminer en quoi cette personne disposait objectivement de compétences supérieures à celles de M. [H] pour occuper le poste litigieux.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE ne peut prétendre que M. [H] ne possédait pas les compétences recherchées pour ce poste, qu'elle lui a proposé, alors qu'elle lui reconnaît par ailleurs les compétences managériales nécessaires pour l'occuper.

La société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE n'ayant pas attribué à M. [H] le poste de directeur de site et des opérations globales à [Localité 2] sur lequel il s'était positionné, dans les circonstances qui ont été rappelées ci-dessus, et la proposition du poste de directeur de site de [Localité 4] ayant été retirée au motif de son indisponibilité, après expiration du délai de réflexion de M. [H], le poste étant ultérieurement attribué à une autre personne sans lui avoir été reproposé, contrairement aux promesses de la société, celle-ci ne prouve pas qu'elle a respecté son obligation de procéder à l'égard de M. [H] à une recherche de reclassement sérieuse et loyale, peu important qu'une quatrième proposition datée du 23 juin 2014 pour un poste de responsable de département industriel à [Localité 4] ait ensuite été présentée au salarié, moyennant du reste un salaire inférieur à celui offert pour les deux postes ci-dessus, à laquelle il n'a pas répondu.

Le licenciement de M. [H] doit en conséquence être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

M. [H] a bénéficié d'une indemnité de licenciement équivalente à un an de salaire (91.966,94 euros bruts), du financement en 2014 d'une formation d'une année au certificat 'diriger une entreprise' de l'Ecole de management de [Localité 2] (EM [Localité 2]), pour un coût de 6.000 euros hors taxe.

Il a adhéré au congé de reclassement et suivi dans ce cadre des formations pour un coût global de 9.573 euros hors taxe.

Il a créé une société qu'il dirige depuis le mois de juillet 2015, de sorte qu'il est sorti du congé de reclassement avec sept mois d'avance.

Au vu de ces éléments, de l'ancienneté de M. [H] dans l'entreprise à la date de son licenciement (six ans et demi) et de son âge (44 ans), il convient de condamner la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE à payer à M. [H] la somme de 50.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu de mettre à la charge de la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE les frais irrépétibles de première instance et d'appel supportés par M. [H] à hauteur de 2.500 euros ainsi que les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement:

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour absence de suppression de poste ;

LE CONFIRME sur ce point ;

STATUANT à nouveau,

DIT que le licenciement de M. [E] [H] est dénué de cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE de son obligation de reclassement ;

CONDAMNE la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE à payer M. [E] [H] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE à payer M. [E] [H] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société BASF BEAUTY CARE SOLUTIONS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe Président

Sophie MASCRIERJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/02562
Date de la décision : 21/03/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/02562 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-21;16.02562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award