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23/11/2017 | FRANCE | N°16/06408

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 23 novembre 2017, 16/06408


R.G : 16/06408









Décisions :



- du tribunal d'instance de Chaumont en date du 20 février 2013



RG : 11-11-000340







- de la cour d'Appel de Dijon

(1ère chambre civile) en date du 18 novembre 2016



RG : 13/00470







- de la cour de Cassation (1ère chambre civile) en date du 15 juin 2016



N° 709 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre ci

vile A



ARRET DU 23 Novembre 2017







APPELANT :



[K] [P], notaire

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Laetitia BOESCH de la SCP BOCQUILLON BOESCH GROM...

R.G : 16/06408

Décisions :

- du tribunal d'instance de Chaumont en date du 20 février 2013

RG : 11-11-000340

- de la cour d'Appel de Dijon

(1ère chambre civile) en date du 18 novembre 2016

RG : 13/00470

- de la cour de Cassation (1ère chambre civile) en date du 15 juin 2016

N° 709 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 23 Novembre 2017

APPELANT :

[K] [P], notaire

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Laetitia BOESCH de la SCP BOCQUILLON BOESCH GROMEK, avocat au barreau de CHAUMONT

INTIMEE :

COMMUNE [Localité 1] représentée par son Maire en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP ACG, avocat au barreau de REIMS

******

Date de clôture de l'instruction : 30 juin 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 octobre 2017

Date de mise à disposition : 23 novembre 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

en présence d'Aurélie TARDY, avocat stagiaire

assistés pendant les débats de Leïla KASMI, greffière placée

A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Leïla KASMI, greffière placée, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

En 2009, la commune [Localité 1] a viabilisé des parcelles de terre dans le but de créer un lotissement de 4 pavillons d'habitation ; le prix de vente a été fixé à la somme de 12 € le mètre carré suivant délibération du conseil municipal en date du 27 novembre 2009.

Aux termes de sa délibération du 5 février 2010, le conseil municipal a accepté de vendre les lots 2 à 4 aux époux [I], [A] et [H] et les actes authentiques de vente ont été reçus par maître [K] [P], notaire à ANDELOT-BLANCHEVILLE les 10 mai et 9 juillet 2010.

Reprochant au notaire de ne pas avoir assuré l'efficacité des actes authentiques de vente qu'il avait rédigés, en ne lui permettant pas d'être exonérée de la TVA et d'avoir manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier les dispositions transitoires de la loi du 9 mars 2010 assujettissant de plein droit à la TVA les collectivités territoriales lors des cessions de terrains, la commune [Localité 1] a assigné [K] [P] devant le tribunal d'instance de CHAUMONT, au visa de la loi de finance rectificative n°2010-237, de l'article 257-7 du code général des impôts et de l'article 1382 du code civil, afin de le voir condamner à lui payer la somme de 4.698,45 € à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de la taxe acquittée et la somme de 2.000 € au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

[K] [P] s'est opposé aux demandes formées par la commune au motif qu'aucune des trois ventes n'avait été précédée d'un avant-contrat, de sorte que les cessions étaient de plein droit soumises à la TVA et ne pouvaient bénéficier du régime transitoire instauré par l'instruction du 15 mars 2010 invoquée par la demanderesse, dès lors que la délibération d'un conseil municipal n'était pas assimilée par cette instruction, à un avant-contrat.

Il a également fait valoir que la mention des actes de vente stipulant que les cessions étaient assujetties à la TVA étaient parfaitement exactes, à la date de régularisation des actes et qu'il ne pouvait supposer par avance les précisions qui seraient apportées par réponse ministérielle du 31 août 2010, à l'instruction du 15 mars 2010.

Par jugement du 20 février 2013, le tribunal d'instance de CHAUMONT a condamné maître [K] [P] à payer à la commune [Localité 1] la somme de 4.698,45 € ainsi qu'une somme de 800 € au titre de l'article de l'article 700 du code de procédure civile ; le tribunal a considéré que le notaire avait manqué à son devoir de conseil, d'une part, en s'abstenant d'attirer l'attention de la commune sur le nouveau régime fiscal issu de la loi du 9 mars 2010, assujettissant obligatoirement à la TVA les cessions de terrains par les collectivités territoriales et sur les conséquences pouvant en résulter pour le cas où les dispositions transitoires issues de l'instruction du 15 mars 2010 ne pourraient recevoir application, et d'autre part, en s'abstenant de se rapprocher de l'administration fiscale, avant la préparation et la signature des actes, aux fins de vérifier si les ventes concernées ne pouvaient bénéficier du régime dérogatoire instauré par l'instruction précitée.

Maître [K] [P] a relevé appel de cette décision par déclaration formée le 13 mars 2013.

Par arrêt en date du 18 novembre 2014, la cour d'appel de DIJON a infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 février 2013 par le tribunal d'instance de CHAUMONT et statuant à nouveau, a débouté la COMMUNE [Localité 1] de l'ensemble de ses demandes, la condamnant aux dépens et à payer à maître [K] [P] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 15 juin 2016 la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé, renvoyant les parties devant la cour d'appel de LYON et condamnant maître [K] [P] aux dépens et à payer la somme de 3.000 € à la commune [Localité 1] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour de Cassation a considéré que sans rechercher si maître [P] avait informé la commune de l'existence des dispositions transitoires susceptibles d'avoir un impact financier sur les actes passés et des incertitudes pesant sur leur application aux ventes en cause, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

Par acte reçu le 26 juillet 2016, maître [K] [P] a saisi la cour d'appel de Lyon.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 2 novembre 2016 par [K] [P] qui conclut à la réformation du jugement rendu le 20 février 2013 par le tribunal d'instance de CHAUMONT et demande à la cour de débouter la commune [Localité 1] de toutes ses demandes, fins et conclusions et la condamner au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, ou à à titre infiniment subsidiaire, à ramener les sommes sollicitées à de plus justes proportions,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2017 par la commune [Localité 1] qui demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal d'instance de CHAUMONT du 20 février 2013 et condamner [K] [P] au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 juin 2017.

MOTIFS ET DECISION

[K] [P] soutient qu'il n'a pas manqué à son devoir de conseil ; qu'il avait indiqué que l'assujettissement à la TVA était applicable de plein droit dès l'entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2010 et en application de l'instruction du 15 mars 2010 alors qu'il est apparu postérieurement des dispositions dérogatoires permettant à la commune de ne pas soumettre à la TVA une cession lorsque la délibération du conseil municipal est précédée d'un avant-contrat ; qu'il a fallu attendre une réponse ministérielle publiée au journal officiel le 31 août 2010 en réponse à une question du 4 mai 2010 (soit juste avant le premier acte) pour découvrir la précision selon laquelle une délibération du conseil municipal, sous la condition de comporter certains éléments, pouvait être considérée comme un avant-contrat ; il expose que ces dispositions n'étaient pas connues au moment de la signature des actes les 10 mai et 9 juillet 2010 ; qu'avant la réponse ministérielle du 31 août 2010, l'administration fiscale n'aurait d'ailleurs pu affirmer cette interprétation au notaire.

La commune [Localité 1] expose que [K] [P] ne conteste pas n'avoir nullement informé la commune préalablement à la signature des actes concernés de la difficulté et de l'interprétation qu'il entendait faire de la loi du 9 mars 2010 et de l'instruction du 15 mars 2010 ; elle soutient qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, l'existence d'une incertitude juridique puisque l'instruction du 15 mars 2010 vise les avant-contrats ; qu'il est donc reproché au notaire de ne s'être à aucun moment interrogé sur ce point et de n'avoir pas délivré l'information nécessaire à sa cliente en appliquant péremptoirement et de façon littérale les dispositions de cette instruction.

Elle ajoute que le notaire en procédant à la vente en assujettissant l'opération à la taxe sur la valeur ajoute a dépassé le périmètre de son mandat tel qu'imposé par les délibérations du conseil municipal dont il ressortait clairement à la date à laquelle elles ont été votées, que les opérations devaient être conclues à 12 € le mètre carré et qu'elle n'était pas soumise à la TVA puisqu'à cette date là, la législation la soumettant n'était pas intervenue.

Enfin, elle soutient que le notaire aurait dû préalablement à la signature des actes litigieux informer clairement la commune de la difficulté rencontrée et qu'il a manqué ainsi à son office.

Sur ce :

Le notaire, tenu d'un devoir de conseil et d'un devoir général d'information doit assurer la validité des actes qu'il reçoit et veiller à leur efficacité.

Il est responsable au sens des dispositions de l'article 1382 du code civil lorsqu'il commet une erreur de droit ou méconnaît une solution jurisprudentielle ; il doit également connaître les solutions juridiques incertaines, son devoir de conseil n'étant pas supprimé par le fait des obscurités de la loi ou l'existence d'une controverse jurisprudentielle.

Il s'avère en l'espèce qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n°2010-237 du 9 mars 2010, les cessions de terrains à bâtir à l'initiative des communes n'étaient pas imposées d'office à la TVA, la nouvelle loi ayant redéfini les règles applicables en la matière et assujetti désormais de plein droit à la TVA les collectivités territoriales pour les cessions de terrains survenues à compter du 11 mars 2010.

Soucieux cependant de ne pas pénaliser les collectivités qui s'étaient engagées dans un processus de cession avant la loi du 9 mars 2010, le pouvoir réglementaire a édicté des dispositions transitoires tendant à reconnaître un régime dérogatoire réservant une option en faveur des dites collectivités, pour les cessions ayant fait l'objet d'un avant-contrat avant le 10 mars 2010, ainsi qu'il ressort d'une instruction administrative du 15 mars 2010.

Il était ainsi prévu par l'article 3 du paragraphe 1 de cette instruction, relatif au traitement des avant-contrats antérieurs au 11 mars 2010 donnant lieu à cession par acte authentique postérieurement à cette date, qu''afin de ne pas remettre en cause l'équilibre économique résultant de ces avant-contrats, il est admis que lorsque la cession doit être réalisée par acte authentique, l'opération puisse demeurer soumise aux règles applicables à la date de conclusion de l'avant-contrat si celle-ci est antérieure à l'entrée en vigueur du texte, quand bien même d'éventuelles conditions suspensives sont levées après cette entrée en vigueur.'

L'article 1 du même paragraphe précisait par ailleurs que 'Les cessions de biens immobiliers sont le plus souvent précédées d'un avant-contrat (promesse unilatérale ou synallagmatique de vente, vente sous-seing privé) par lequel les parties conviennent d'un prix de cession qui tient compte de la fiscalité applicable à l'opération, qu'il en soit fait explicitement mention, ou non, dans l'avant-contrat.'

Cette énumération ne faisait aucunement référence aux délibérations d'un conseil municipal ; aucune incertitude juridique n'existait alors et aucune interprétation n'avait donc lieu d'être faite par le notaire rédacteur des actes authentiques, sur le sens à donner aux termes « avant-contrat ».

La commune n'allègue d'ailleurs à aucun moment, qu'une délibération du conseil municipal a pu, antérieurement à l'instruction du 15 mars 2010, être assimilée à un avant-contrat, dans le cadre d'une opération similaire de cession d'un terrain par une collectivité ou dans tout autre domaine.

Le notaire qui a appliqué le droit positif qui s'imposait à lui par l'application de la nouvelle loi du 9 mars 2010, n'a donc pas manqué à son devoir d'information et de conseil alors même que l'existence de la controverse tenant à la définition donnée aux termes 'avant-contrat' est née de l'intervention d'une réponse ministérielle donnée le 31 août 2010, soit postérieurement aux actes authentiques.

Il ne ressort pas par ailleurs des délibérations du conseil municipal de la commune [Localité 1], votées le 5 février 2010, que le prix de vente fixé à 12 € le m² était un prix net vendeur, aucune référence au régime fiscal applicable ne figurant aux actes ; la commune qui était présente, représentée par son maire en exercice, lors de la signature des actes de vente des 10 mai et 9 juillet 2010 ne démontre donc pas l'existence d'une faute du notaire à ce titre.

Aucun manquement de maître [K] [P] à ses obligations n'est ainsi démontré en l'espèce et il convient de débouter la commune [Localité 1] de sa demande indemnitaire, réformant en cela la décision du tribunal d'instance de CHAUMONT.

L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à maître [K] [P] d'une indemnité de 3.000 € à la charge de la commune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette dernière qui succombe en ses prétentions ne pouvant qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 15 juin 2016,

Réforme le jugement rendu le 20 février 2013 par le tribunal d'instance de CHAUMONT en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la commune [Localité 1] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la commune [Localité 1] à payer à Maître [K] [P] une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la commune [Localité 1] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la commune [Localité 1] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

LEÏLA KASMI JEAN-LOUIS BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 16/06408
Date de la décision : 23/11/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°16/06408 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-23;16.06408 ?
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