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11/05/2017 | FRANCE | N°15/04469

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 11 mai 2017, 15/04469


R.G : 15/04469









Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse

Au fond du 05 mars 2015



chambre civile



RG : 12/02907

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 11 Mai 2017





APPELANTS :



[I] [V] [T]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] (RHONE)

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par la SCP JACQUES AG

UIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Florian GROBAN, avocat au barreau de LYON





[K] [Z] [F] [T]

né le [Date naissa...

R.G : 15/04469

Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse

Au fond du 05 mars 2015

chambre civile

RG : 12/02907

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 11 Mai 2017

APPELANTS :

[I] [V] [T]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] (RHONE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Florian GROBAN, avocat au barreau de LYON

[K] [Z] [F] [T]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 1] (RHONE)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Florian GROBAN, avocat au barreau de LYON

[M] [P] [T]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 1] (RHONE)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Florian GROBAN, avocat au barreau de LYON

[X] [I] [T]

né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 1] (RHONE)

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Florian GROBAN, avocat au barreau de LYON

[G] [Y] [T]

né le [Date naissance 4] 1939 à [Localité 1] (RHONE)

[Adresse 6]

[Localité 5]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Florian GROBAN, avocat au barreau de LYON

[B] [R] [J] épouse [T]

née le [Date naissance 5] 1920 à [Localité 6] (RHONE)

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 7]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Florian GROBAN, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

COMMUNE DE [Localité 7] représentée par son Maire

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

assistée par la SELARL CABINET PACAUT-PAROVEL, avocat au barreau de l'AIN

******

Date de clôture de l'instruction : 03 juin 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 février 2017

Date de mise à disposition : 11 mai 2017

Audience tenue par Jean-Louis BERNAUD, président et Vincent NICOLAS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Ouarda BELAHCENE, greffier

A l'audience, Jean-Louis BERNAUD a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Sylvie BOURRAT, greffier-en-chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Les consorts [I], [K], [M], [X], [G] et [B] [T] sont propriétaires indivis sur le territoire de la commune de [Localité 7] dans le département de l'Ain d'un terrain cadastré n°449 section WB lieudit [Localité 8] qui est desservi au sud par une voie anciennement dénommée « chemin [Localité 8] » et actuellement désignée sous le nom de « impasse des [Localité 9] ».

Par une délibération du 30 mars 1962 la commune de [Localité 7] a décidé de classer le chemin rural « [Localité 8] » dans la catégorie des voies communales.

À la demande des consorts [T] une procédure d'alignement individuel a été mise en 'uvre par la commune, qui par un arrêté de voirie portant alignement du 20 mai 2009 a maintenu l'intégralité du chemin de desserte dans la voirie communale.

Cette décision a été contestée par les consorts [T] devant le tribunal administratif de Lyon, qui par jugement avant-dire droit du 12 juin 2012 a sursis à statuer dans l'attente d'une décision judiciaire à intervenir sur la propriété du chemin litigieux, après avoir considéré que si les consorts [T] n'établissaient pas de manière probante par les titres de propriété produits qu'ils seraient propriétaires de l'emprise du chemin « [Localité 8] », la commune ne justifiait pas pour sa part d'une possession paisible, continue, publique et non équivoque à titre de propriétaire depuis plus de 30 ans, ce qui caractérisait une difficulté sérieuse sur la détermination du propriétaire du chemin litigieux.

Ensuite de cette décision les consorts [T] ont fait assigner la commune de [Localité 7], par acte d'huissier du 12 septembre 2012, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse à l'effet d'entendre dire et juger sur le fondement des articles 544 et 545 du code civil et L.162-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime que le chemin litigieux est un chemin d'exploitation, qu'ils sont propriétaires de l'assiette de ce chemin jusqu'à son axe médian pour la partie bordant leur propriété, que la commune a commis une voie de fait en intégrant le chemin dans la voirie communale et qu'elle doit être condamnée à leur payer à ce titre la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, outre une somme complémentaire de 30 000 € pour résistance abusive.

La commune de [Localité 7] a demandé au tribunal de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction administrative saisie par les consorts [T] à l'effet de déterminer si la voie communale fait partie du domaine public ou du domaine privé de la commune et subsidiairement dans l'attente d'une décision interprétative du jugement du tribunal administratif en date du 12 juin 2012.

Subsidiairement sur le fond la commune s'est opposée à l'ensemble des demandes formées par les consorts [T].

Par jugement du 5 mars 2015 le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, après avoir déclaré les consorts [T] recevables en leur action, a rejeté la demande de sursis à statuer, a débouté les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes en revendication et en dommages et intérêts, a débouté la commune de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et a condamné les demandeurs à lui payer une indemnité de procédure de 1 500 €.

Le tribunal a considéré en substance :

'' que la juridiction administrative a préalablement sursis à statuer dans l'attente d'une décision du juge judiciaire sur la question de la propriété du chemin et qu'il est indifférent à la solution du litige que le chemin appartienne au domaine public ou au domaine privé de la commune,

'' que l'application de l'article L.162-1 du code rural et de la pêche maritime ne peut être retenue,

'' qu'il n'est pas justifié d'un usage exclusif, non équivoque et à titre de propriétaire du chemin de desserte antérieurement à l'arrêté de classement de 1962, ce qui ne permet pas aux consorts [T] de se prévaloir de la prescription acquisitive,

'' que le caractère communal du chemin n'a pas été contesté jusqu'en 2003, tandis que l'intégration dans la voirie communale a été confirmée par le plan de réorganisation foncière qui n'a pas été contesté.

Les consorts [T] ont relevé appel de cette décision selon déclaration électronique reçue le 28 mai 2015.

Vu les conclusions récapitulatives signifiées et déposées par voie électronique le 23 décembre 2015 par les consorts [T] qui sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer et qui, par voie de réformation pour le surplus, demande nt à la cour de dire et juger que le chemin de desserte litigieux est un chemin d'exploitation et qu'ils en sont propriétaires jusqu'à son axe médian au droit de leur propriété, d'enjoindre à la commune de [Localité 7] de procéder au déclassement du chemin en le retirant de la liste des voies communales sous astreinte de 500 € par jour de retard, et de condamner la commune à leur payer les sommes de 50 000 € en réparation de la voie de fait commise à leur préjudice, de 30 000 € à titre de dommages et intérêts supplémentaires pour résistance abusive et de 7000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées par voie électronique le 29 février 2016 par la commune de [Localité 7] qui demande à la cour, par voie d'appel incident, de prononcer le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Lyon saisi à l'initiative des consorts [T] aux fins de déterminer si la voie d'accès litigieuse relève de son domaine public ou de son domaine privé, qui sollicite sur le fond la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes, sauf à ce qu'il lui soit alloué la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui subsidiairement demande à la cour de dire et juger qu'elle est devenue propriétaire du chemin « [Localité 8] », actuellement dénommé « impasse des [Localité 9] » par le jeu de la prescription acquisitive, qui plus subsidiairement s'oppose aux demandes indemnitaires formées à son encontre et qui en tout état de cause prétend obtenir une indemnité de procédure de 5 000 €.

*

* *

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande de sursis à statuer :

La commune de [Localité 7] soutient que par délibération régulière du 13 mai 2004 portant mise à jour du tableau de classement des voie communales et des places publiques le caractère communal de la voie litigieuse a été confirmé, ce qui implique que la juridiction administrative, seule compétente sur ce point, doit déterminer en amont si le chemin appartient au domaine public ou au domaine privé de la commune.

Il est répliqué par les appelants que la question première à trancher, ainsi qu'en a décidé le tribunal administratif, est celle de la propriété du chemin, cette question relevant de la compétence exclusive du juge judiciaire, ce que la commune a nécessairement admis puisque c'est elle qui a sollicité et obtenu le sursis à statuer devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur ce

Les consorts [T] ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande d'annulation de l'arrêté d'alignement en date du 20 mai 2009, par lequel le maire de la commune de [Localité 7] a défini les limites de la voie communale dite « [Localité 8] », et de délivrance d'un nouvel arrêté d'alignement individuel écartant l'application des délibérations du conseil municipal des 30 mars 1962 et 29 août 2964 portant classement du chemin litigieux dans les voies communales.

À l'appui de leur recours les requérants ont notamment fait valoir que le chemin, objet de la procédure d'alignement, avait été incorporé illégalement dans la voirie communale alors qu'ils étaient propriétaires de l'emprise de ce chemin.

La commune a sollicité principalement un sursis à statuer dans l'attente d'une décision du juge judiciaire sur la question de la propriété du chemin et a prétendu sur le fond au bénéfice de la prescription acquisitive trentenaire.

Par jugement du 12 juin 2012 le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer dans l'attente d'une décision judiciaire à intervenir sur la propriété du chemin litigieux, après avoir considéré que si les consorts [T] n'établissaient pas de manière probante par les titres de propriété produits qu'ils seraient propriétaires de l'emprise du chemin « [Localité 8] », la commune ne justifiait pas pour sa part d'une possession paisible, continue, publique et non équivoque à titre de propriétaire depuis plus de 30 ans, ce qui caractérisait une difficulté sérieuse sur la détermination du propriétaire du chemin litigieux.

Si la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur l'appartenance d'une voie communale au domaine public routier de la commune ou au domaine privé de celle-ci, c'est à la condition que soit préalablement tranchée la question de la propriété de l'assiette de cette voie lorsque, comme en l'espèce, elle est revendiquée par une personne privée.

Que le chemin relève de la voirie publique ou du domaine privé de la commune il faut, en effet, dans les deux cas que la collectivité territoriale soit propriétaire du sol.

Il appartient donc prioritairement au juge judiciaire, qui est seul compétent pour le faire, de déterminer qui des consorts [T] ou de la commune de [Localité 7] est propriétaire de l'assiette du chemin litigieux, ce que le tribunal administratif de Lyon a d'ailleurs lui-même décidé en prononçant un sursis à statuer à la demande de la commune, qui n'a soutenu à aucun moment devant cette juridiction que le statut juridique du chemin (voie publique ou chemin rural) devait être préalablement fixé.

Le jugement, qui a rejeté la demande de sursis à statuer, sera par conséquent confirmé.

Sur a propriété de la voie litigieuse :

Il est soutenu par les consorts [T] :

'' que tous les actes de propriété successifs qualifient la voie de chemin de desserte et qu'il en est de même des actes relatifs au x fonds voisins,

'' qu'il n'est fait aucune mention dans les actes de la présence d'un chemin rural ou vicinal, les différentes parcelles étant décrites comme limitrophes, ce qui confirme le caractère privé de l'assiette du chemin,

'' que la commune ne justifie d'aucun titre de propriété,

'' que le chemin, qui est une impasse, sert exclusivement à la desserte des propriétés privé es situées en bordure, ainsi qu'il ressort notamment de divers témoignages,

'' que la commune n'a pporte aucune preuve d'un usage public du chemin, et ne justifie pas d'une possession utile, ce qui lui interdit de se prévaloir de la prescription acquisitive,

'' que le chemin doit donc être qualifié de chemin d'exploitation au sens du code rural, ce qui implique qu'il est présumé appartenir aux propriétaires riverains,

'' qu'aucune prescription ne peut leur être opposé e alors que le droit de propriété est imprescriptible et que la suppression d'un chemin d'exploitation ne peut résulter que d'une décision unanime des propriétaires riverains, étant observé que toutes les délibérations qui ont été prises leur sont inopposables et caractérisent une expropriation de fait.

La commune de [Localité 7] réplique :

'' qu'aucun des actes visés ne fait mention de l'existence d'un chemin d'exploitation,

'' que la voie litigieuse est ouverte au public et ne comporte aucune délimitation matérielle par rapport à la voie communale qu'elle rejoint, ce qui constitue une présomption de propriété à son profit,

'' que la preuve du caractère communal du chemin litigieux résulte des délibérations du conseil municipal de 1962, du tableau de classement des voies communales approuvé par délibération du 29 août 1964, du plan de réorganisation foncière devenu définitif après son approbation par le préfet de l'Ain le 2 juin 1999 et de l'approbation le 24 juillet 2003 de la carte communale,

'' qu'aucun des actes notariés en présence, qui sont imprécis, ne prouve que les consorts [T] sont propriétaires de l'emprise du chemin, tandis que les attestations produites sont contradictoires et que Madame [B] [T] a elle-même expressément reconnu 20 ans avant la naissance du litige qu'il s'agissait d'une voie communale,

'' qu'en toute hypothèse elle est fondée à se prévaloir de la prescription acquisitive trentenaire puisque ce n'est qu'à partir de l'automne 2003 que l'auteur des appelants a revendiqué la propriété de la voie d'accès.

Sur ce

Aux termes de l'article L.161-1 du code rural et de la pêche maritime « les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ».

Selon l' article L.161-2 du même code « l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale.

La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ».

L'article L.161-3 décide que « tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ».

Enfin l'article L.161-4 prévoit que « les contestations qui peuvent être élevées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire ».

Il est de principe que la délibération du conseil municipal classant un chemin comme chemin rural ne constitue pas un titre de propriété, la commune, en cas de contestation, devant fonder son droit de propriété sur un titre ou sur la prescription acquisitive.

En l'espèce la commune de [Localité 7] ne peut donc se prévaloir des délibérations successives de son conseil municipal ayant notamment classé le chemin dans la catégorie des voies communales le 15 mars 1962, approuvé le tableau de classement des voies communales le 29 août 1964, ou approuvé la carte communale le 24 juillet 2003, qui ne constituent nullement des titres de propriété.

Il en est de même du plan de réorganisation foncière, homologuant notamment le plan des voies communales, qui est devenu définitif avec l'arrêté préfectoral du 2 juin 1999, et de l'arrêté d'alignement individuel en date du 20 mai 2009 ayant conduit à la saisine du tribunal administratif de Lyon.

Au sens de l'article L.161-2 susvisé est présumé affecté à l'usage du public et donc appartenir à la commune, sauf preuve contraire, le chemin qui est affecté à la circulation générale et continue des tiers non riverains, qui assure la communication entre différentes voies ou lieux publics et qui est surveillé et entretenu par la commune.

Il appartient donc à la commune d'établir que le chemin litigieux présente ces caractéristiques.

Il résulte cependant des pièces versées au dossier par les consorts [T] que le chemin, qui est une impasse (plan cadastral ,croquis de bornage de 2002, photographies, procès-verbal de constat du 10/09/2013), sert exclusivement à la desserte des 3 fonds riverains (attestations non contredites émanant de voisins selon lesquelles aucun tiers non riverain n'emprunte le chemin). À cet effet il sera observé que « le plan guide officiel » de la commune (pièce n°36), qui représente le chemin « [Localité 8] » sous la dénomination « impasse des [Localité 9] », ne vaut pas inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée au sens de l'article L.161- 2 du code rural et de la pêche maritime et ne peut donc faire preuve de la destination publique de cette desserte.

Par ailleurs la commune n'établit pas avoir engagé des dépenses d'entretien, alors que son programme de travaux de voirie pour l'année 1991 (pièce n°19) et la facture de travaux « société nouvelles de Verdemont » (pièce n°24) du 30 septembre 1991 portent exclusivement sur le chemin vicinal public n°2, dénommé « route [Localité 8] », sur lequel prend naissance le chemin « [Localité 8] », objet du présent litige, étant observé que si le conseil municipal, répondant à la demande d'entretien de Madame [T] [T] du 11 octobre 1991, a décidé d'étudier sur le terrain la nécessité des travaux à réaliser au cours de l'année 1992, il n'est pas démontré, ni même allégué, qu'une suite quelconque a été donnée à cette délibération.

Aucune pièce du dossier n'établit en outre que des actions de surveillance ont été entreprises par la commune.

Cette dernière ne peut donc prétendre bénéficier de la présomption instituée par les articles L.161-2 et L.161-3 du code rural et de la pêche maritime, de sorte qu'il lui appartient d'apporter la preuve de son droit de propriété.

Cette preuve ne saurait tout d'abord résulter du courrier du 11 octobre 1991 par lequel l'auteur des consorts [T] a qualifié le chemin litigieux de « chemin communal » et a demandé à la commune de procéder à des travaux d'entretien. Ce courrier, qui est ambigu en ce que faisant état du déversement des eaux de pluie depuis le rehaussement de la route il semble imputer à la commune la responsabilité du délabrement du chemin, ne saurait, en effet, être créateur de droit.

Ne disposant d'aucun titre, la commune n'est pas fondée en outre à invoquer la prescription acquisitive trentenaire à défaut de justifier d'actes matériels de possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire au sens de l'article 2261 du code civil, étant observé que les décisions de classement des 15 mars 1962 et 29 août 1964 ne constituent pas des actes de détention et de jouissance de nature à caractériser une possession utile et qu'aucune preuve n'est apportée de la réalisation effective de quelconques travaux d'entretien du chemin.

L'analyse des actes notariés successifs fondant la propriété des consorts [T] révèle au contraire que la parcelle, propriété de ces derniers actuellement cadastrée sous le numéro [Cadastre 1], est toujours décrite comme étant bordée au sud « par une desserte » et à l'ouest par un chemin communal. Il en est ainsi de l'acte de donation partage du 23 décembre 1901, de l'acte de vente du 20 décembre 1919 et de l'acte de licitation du 18 mai 1932.

De la même façon les titres de propriété afférents aux fonds voisins mentionnent l'existence « d'une desserte commune » (acte de vente du 12 octobre 1863) et désignent les parcelles, notamment celle appartenant à Monsieur [P], comme confinant à l'ouest par la propriété [T], sans mentionner l'existence d'un chemin rural séparant les deux fonds ni d'une quelconque parcelle appartenant à la commune (acte de vente du 25 mars 1936), ce qui atteste du caractère limitrophe des différentes propriétés desservies par le chemin « [Localité 8] ».

Ainsi, dès lors qu'il est établi par plusieurs témoignages qu'elle a toujours été affectée à la desserte des fonds riverains et n'a jamais constitué une voie de communication à l'usage du public, est-il suffisamment établi que l'impasse litigieuse constitue un chemin d'exploitation au sens de l'article L.162-1 du code rural et de la pêche maritime, selon lequel les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation.

Par voie de réformation du jugement, il sera par conséquent dit et jugé que le chemin « [Localité 8] » aujourd'hui dénommé « impasse des [Localité 9] » est un chemin d'exploitation, qui en l'absence de titre en attribuant la propriété exclusive aux consorts [T], est présumé appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, et est affecté à un usage commun.

La commune de [Localité 7] sera ainsi condamnée sous astreinte à procéder au déclassement de ce chemin et à son retrait de la liste des voies communales.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par les consorts [T] :

Il est soutenu par les consorts [T] que la commune a délibérément annexé au domaine public une parcelle appartenant à des propriétaires privés, ce qui constitue une expropriation de fait portant gravement atteinte au droit fondamental de propriété, et qu'elle a adopté une attitude particulièrement abusive en refusant la communication de documents publics.

La commune réplique qu'elle a respecté la réglementation, que ses décisions ont été approuvées par l'autorité préfectorale et qu'il n'y a eu aucune contestation pendant plus de 40 ans.

Subsidiairement elle fait observer que les sommes réclamées ne sont en rien justifiées.

Sur ce

Le classement du chemin « [Localité 8] » dans la voirie communale par une délibération initiale du 15 mars 1962 confirmée le 22 août 1964 n'a donné lieu à aucune protestation durant près de 40 années, au cours desquelles les consorts [T] ou leurs auteurs n'ont eu à subir aucune nuisance ni entrave dans l'exercice de leurs prérogatives de propriétaires.

N'assurant pas la communication entre plusieurs voies publiques, l'impasse litigieuse n'a pas été affectée, en effet, à l'usage d'un public non riverain, ce que les appelants s'attachent d'ailleurs à démontrer au moyen de diverses attestations.

Ce n'est qu'à compter de la fin de l'année 2004 que la commune, par un courrier du 17 décembre 2004, a enjoint à Monsieur [T] [T] de déposer la barrière installée sans autorisation.

Or c'est manifestement à la demande d'un propriétaire riverain, Monsieur [N] [P], qui par courrier du 14 février 2005 s'est plaint de la présence de cette barrière ne lui permettant plus d'accéder librement à son terrain en construction, que le maire de la commune a délivré cette injonction.

Le classement du chemin dans la voirie communale, qui est qualifié d'expropriation de fait, n'est donc à l'origine d'aucun préjudice indemnisable, alors que les chemins et sentiers d'exploitation ne peuvent être supprimés que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s'en servir, ce qui interdisait à Monsieur [T] [T] d'en interdire l'accès aux autres riverains.

Il n'est pas établi en outre que c'est de mauvaise foi dans le but de priver les consorts d'un débat loyal sur la propriété du chemin litigieux que la commune aurait refusé de communiquer certains documents publics.

La demande en dommages et intérêts formée par les consorts [T] pour atteinte à leur droit de propriété par voie de fait et pour résistance abusive sera par conséquent rejetée.

Sur les autres demandes :

Succombant au principal la commune sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

L'équité commande enfin de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [T].

*

* *

PAR CES MOTIFS

La Cour,

statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant :

'' dit et juge que le chemin « [Localité 8] » aujourd'hui dénommé « impasse des [Localité 9] » est un chemin d'exploitation destiné exclusivement à la desserte des propriétés riveraines,

' dit et juge en conséquence que les consorts [I], [K], [M], [X], [G] et [B] [T] sont propriétaires de l'assiette de ce chemin au droit de leur parcelle cadastrée [Cadastre 1] section WB jusqu'à son axe médian,

' enjoint à la commune de [Localité 7] de procéder au déclassement de ce chemin par retrait de la liste des voies communales sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

' déboute les consorts [I], [K], [M], [X], [G] et [B] [T] de leur demande en dommages et intérêts pour voie de fait et résistance abusive,

' déboute la commune de [Localité 7] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

' condamne la commune de [Localité 7] à payer aux consorts [I], [K], [M], [X], [G] et [B] [T] une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la commune de [Localité 7] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de constat du 10 septembre 2013.

LE GREFFIER-EN-CHEFLE PRESIDENT

Sylvie BOURRATJean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 15/04469
Date de la décision : 11/05/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°15/04469 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-11;15.04469 ?
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