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05/04/2017 | FRANCE | N°15/07373

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 05 avril 2017, 15/07373


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/07373





[K] [Z]



C/

[H]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-

SAONE

du 10 Septembre 2015

RG : F 14/00196











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 05 AVRIL 2017







APPELANT :



[P] [K] [Z]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité

1] (69)

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]



comparant en personne, assisté de Me Sonia MECHERI de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[Q] [H]

retraité ayant exercé précédemment sous l'enseigne 'TRANSPORT [H]'

[Adresse...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/07373

[K] [Z]

C/

[H]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-

SAONE

du 10 Septembre 2015

RG : F 14/00196

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 AVRIL 2017

APPELANT :

[P] [K] [Z]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1] (69)

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Sonia MECHERI de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[Q] [H]

retraité ayant exercé précédemment sous l'enseigne 'TRANSPORT [H]'

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représenté par Me François ROBBE de la SCP SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Janvier 2017

Présidée par Hervé LEMOINE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de président

- Didier PODEVIN, conseiller

- Hervé LEMOINE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Avril 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 22 octobre 2012, Monsieur [H] [Q], entrepreneur en transports routiers sous l'enseigne 'TRANSPORTS [H]', a embauché Monsieur [K] [Z] [P] en qualité de chauffeur routier Coefficient 150M.

Au dernier état de sa collaboration, Monsieur [K] [Z] [P] percevait un salaire brut mensuel de 1 495,97 €uros.

La relation de travail est soumise à la Convention Collective Nationale des Transports Routiers.

Par courrier recommandé du 22 mai 2013, dont l'avis de réception a été retourné signé le 24 mai 2013, Monsieur [H] [Q] a convoqué Monsieur [K] [Z] [P] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er juin 2013. Par courrier du 25 mai 2013, signifié le 30 mai 2013 par acte d'huissier, Monsieur [K] [Z] [P] a été mis à pied à titre conservatoire jusqu'à la date de l'entretien préalable.

Monsieur [K] [Z] [P] a été licencié pour faute grave par courrier recommandé en date du 7 juin 2013, dont l'avis de réception a été retourné signé le 10 juin 2013, son employeur lui reprochant d'enfreindre régulièrement la législation sur les temps de conduite en matière de transports routiers, d'avoir détérioré le toit et le toit ouvrant du véhicule qui lui était confié, d'avoir détourné du carburant, de l'avoir insulté et d'avoir dénigré son entreprise.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur [K] [Z] [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69) le 28 novembre 2013 pour demander que son licenciement soit reconnu comme ne reposant ni sur une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse, et que son employeur soit condamné à lui payer diverses indemnités de rupture ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 10 septembre 2015, le Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69) a :

- jugé et dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [K] [Z] [P] est justifié,

- débouté Monsieur [K] [Z] [P] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté Monsieur [H] [Q] de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts,

- débouté Monsieur [K] [Z] [P] et Monsieur [H] [Q] de leur demande relative à l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que chacune des parties garde la charge de ses propres dépens.

Cette décision a été notifiée aux parties le 11 septembre 2015.

Monsieur [K] [Z] [P] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 25 septembre 2015.

Il demande à la Cour, dans ses écritures déposées le 30 novembre 2016 et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile :

- de réformer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que son licenciement reposait sur une faute grave,

- de dire et juger que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- de condamner Monsieur [H] [Q] à lui verser les sommes suivantes :

* 138,68 € à titre de remboursement de saisie sur salaire,

* 1 102,50 € au titre de la mise à pied conservatoire,

* 110,25 € au titre des congés payés afférents,

* 2 205,00 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 220,50 € au titre des congés payés afférents,

* 249,09 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 13 500,00 € à titre de dommages intérêts,

- de lui allouer la somme de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner l'employeur aux dépens.

Il conteste les griefs qui lui sont imputés pour fonder son licenciement, soutenant :

* que les infractions à la législation européenne sur les temps de conduite qui lui sont reprochées sont contestables en raison des dysfonctionnements récurrents du chronotachygraphe équipant son véhicule, que certaines des infractions relevées, à savoir celles des mois de novembre 2012, décembre 2012 et février 2013, ne peuvent justifier son licenciement puisqu'elles sont antérieures de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement et qu'elles ont donné lieu à un courrier de mise en garde de la part de l'employeur, ce qui constitue une sanction disciplinaire, et qu'en tout état de cause, le doute doit lui profiter,

* que sa responsabilité dans les dégradations du toit et du toit ouvrant de son véhicule n'est pas rapportée par son employeur, la plainte déposée par ce dernier ayant d'ailleurs été classée sans suite,

* que ses approvisionnements réguliers en gasoil et la présence de bidons d'essence vides ou pleins dans le coffre de sa remorque s'expliquent non par un vol de carburant de sa part, comme le soutient son employeur, sans toutefois déposer plainte contre lui, mais par la consommation très importante de carburant du véhicule qu'il conduit, qui est vétuste et mal entretenu, d'une part, par la nécessité de faire un stock pour éviter la panne, n'ayant jamais reçu de son employeur la liste des stations Shell ou Esso où il peut s'approvisionner, d'autre part,

* que les propos qu'il a tenus à l'égard de son employeur dans un courrier du 22 mai 2013, à savoir 'je maintiens que vous brassez du vent, vous faites le ventilateur', ne constituent nullement une insulte mais reflètent une exaspération en raison de ses conditions de travail,

* qu'enfin, les propos dévalorisants qu'il aurait tenus envers Monsieur [H] [Q] et son entreprise ne sont nullement démontrés, le seul courriel du Directeur de site de la société [D] + [S], qui fait état de propos qui lui ont été rapportés, ne constituant nullement une preuve susceptible d'établir la réalité de ce grief.

Monsieur [H] [Q], dans ses écritures déposées le 18 janvier 2017 et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, demande à la Cour :

- de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69) en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [Z] [P] de ses demandes,

Y ajoutant,

- de condamner Monsieur [K] [Z] [P] à lui verser la somme de 3380,51 € à titre de dommages intérêts,

- de condamner Monsieur [K] [Z] [P] à lui payer la somme de 5 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [K] [Z] [P] aux entiers dépens de l'instance.

Il explique que Monsieur [K] [Z] [P] a commis plusieurs fautes graves, justifiant son licenciement, puisque :

- Monsieur [K] [Z] [P] a enfreint de manière régulière la réglementation européenne sur les temps de conduite depuis son embauche en octobre 2012, malgré des courriers de rappel au respect de cette législation de la part de son employeur en octobre 2012 et en décembre 2012, et même un entretien avec ce salarié le 1er décembre 2012,

- pour éviter tout contrôle de ses temps de conduite de la part de son employeur, Monsieur [K] [Z] [P] a volontairement percé des trous dans le toit de la cabine de son véhicule, juste au dessus du chronotachygraphe, afin de faire pénétrer de l'humidité dans l'habitacle et de générer une panne de cet appareil de contrôle,

- Monsieur [K] [Z] [P] a également procédé pendant son temps de travail à un trafic de carburant au détriment de son employeur, effectuant de nombreux achats de gasoil en petites quantités et à des horaires extrêmement rapprochés, et ce de manière inexpliquée, la seule consommation moyenne de son véhicule ne pouvant justifier ces multiples prises de carburant,

- Monsieur [K] [Z] [P] a porté atteinte à la réputation de la société de transport [H] en ayant à son égard un comportement injurieux et dénigrant,

Il ajoute que Monsieur [K] [Z] [P] lui a occasionné un préjudice moral important en portant atteinte à sa réputation et un préjudice financier tout aussi important en dégradant la cabine du véhicule et l'appareil chronotachygraphe, et en détournant du gasoil, et demande à la Cour de le condamner à lui rembourser d'une part le préjudice moral subi, d'autre part le coût des réparations des matériels endommagés et celui de la perte financière découlant du carburant détourné.

SUR CE, LA COUR,

Sur le licenciement pour faute grave :

ATTENDU QU'il résulte des dispositions combinées des articles L1232-1, L1232-6, L1234-1 et L1235-1 du Code du travail que, devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que, si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié ;

ATTENDU QU'en l'espèce, la lettre de licenciement de Monsieur [K] [Z] [P] en date du 7 juin 2013, dont la motivation fixe les limites du litige en application de l'article L 1232-6 du Code du Travail, est rédigée comme suit :

'Au cours de l'entretien préalable que nous avons eu le 01/06/2013 à 10H00 au siège de l'entreprise, [Adresse 6], vous avez été informé que j'envisageais une mesure de licenciement à votre égard.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de cet entretien, assisté d'un conseiller, ne m'ont pas permis de modifier mon intention, je suis contraint de vous notifier votre licenciement pour faute grave pour les raisons suivantes :

Malgré toutes les mises en garde concernant les très nombreuses infractions à la législation des transports et votre stage de FCOS, vous avez continué à enfreindre la loi sans vergogne et même à amplifier ces erreurs en voulant me faire croire que le tachygraphe ne fonctionnait pas.

Hors celui-ci, après une panne du générateur (sur la boite de vitesse) a été contrôlé et validé par la société A.D spécialiste agrée le 12/04/13.

Vous avez voulu faire croire qu'il y avait des infiltrations d'eau par le toit ouvrant du véhicule.

L'étanchéité de celui-ci a été contrôlée par la Ste A.D de Belleville et par Renault Truck à [Localité 2] sur [Localité 3].

II n'y a (avait) pas d'infiltration par le toit.

La société A.D avait détecté de l'oxydation sur les cosses du tachygraphe ( il s'agit d'un phénomène naturel ) ce qui n'empêchait aucunement celui-ci de fonctionner correctement.

La preuve : j'ai bien toutes les données de votre carte chauffeur.

Je vous répétais, je vous rabâchais de vider votre carte chauffeur toutes les fins de semaines dans les nombreuses sociétés RAS, au cours de votre tournée ou au siège de l'entreprise et votre tachygraphe en fin de tournée toujours, au siège de l'entreprise, afin que je puisse contrôler votre temps de travail, conduite, coupure journalière et Week End, mais vous vous entêtiez à ne pas exécuter les ordres reçus.

Ce qui occasionnait de très nombreuses infractions et même un retard de 24 jours sur le temps légal de 28 jours.

Vous n'avez pas tenu compte de mon courrier du 22/10/12 remis en main propre.

De ma LRAR du 10/12/12

De ma LRAR du 16/12/12

De mon courrier du 10/03/13 remis en main propre.

La législation des transports et la sécurité, et ceci malgré votre stage de FCOS (du 25/03/13 au 29/03/13) n'est réellement pas une priorité pour vous.

Alors que vous utilisiez le véhicule dans le cadre de votre contrat de travail, c'est-à-dire, départ à la semaine (conducteur longue distance) et que je vous laissez rentrer en fin de semaine chez vous avec le véhicule afin de vous éviter des frais de transports pour rejoindre votre travail , celui-ci a été vandalisé par 6 trous effectués au burin sur le toit et le forçage du toit ouvrant ... de l'intérieur du véhicule (ceci a d'ailleurs fait l'objet d'une plainte contre x au commissariat de [Localité 2] sur [Localité 3]).

Le vandalisme occasionné au toit ouvrant n'a heureusement pas permis d'infiltration

(Contrôle Renault Trucks de [Localité 2] sur [Localité 3]).

Ces trous, situés au dessus du tachygraphe ont noyé celui-ci par infiltration d'eau et rendu impossible l'extraction des données (j'ai du prévenir la DREAL).

Le 29/05/13 j'ai été appelé par la « compagnie des cartes » société qui me délivre la carte gasoil et autoroute, pour me signaler des prises suspectes.

En effet vous avez pris le 24/05/13 à 00H03, 260,33 litres de gasoil puis vous avez repris le 24/05/13 à 18h27 à [Localité 4] 270,04 litres pour parcourir 207 kms ce qui fait une consommation de 76,66 litres au 100 KMS !

Le 25/05/13 chez Renault Truck j'ai découvert dans le coffre de la remorque que vous tractiez, 2 bidons de 40 litres vides qui dégageaient une très forte odeur de gasoil, 2 bidons de 10 litres et un bidon de 20 litres rempli de gasoil (témoins).

Après contrôle de ma part, il s'avère que vous faisiez de très nombreuses prises de petites quantités de gasoil alors que la contenance embarquée du véhicule est de 950 litres.

Après vérification j'ai relevé de nombreuses anomalies sur la consommation du véhicule, dont je donnerai suite.

D'autre part, dans une L.R.A.R.. que vous m'avez fait parvenir le 25/05/13, vous vous permettez de m'insulter, à savoir :

«Je maintiens que vous brassez du vent, vous faites le ventilateur »

Ainsi qu'un dénigrement constant auprès de mes fournisseurs et clients.

Ces deux faits nouveaux m'ont obligé à vous signifier une mise à pied à effet immédiate à compter du 25/05/13 à 9 heures, dans l'attente de votre convocation du 01/06/13 à 10 heures.

Les conséquences de vos agissements rendent impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise même pendant le préavis.

Je vous notifie par la présente votre licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité.

La période non travaillée du 27/05/13 à la date de présentation de la présente, rendue nécessaire le temps de la procédure, ne sera pas rémunérée.

Vous cesserez définitivement de faire partie de l'entreprise dès la première présentation de cette lettre.

Je vous remettrai votre solde de tout compte (y compris l'indemnité compensatrice de congés payés acquise à ce jour) ainsi que votre certificat de travail et l'attestation ASSEDIC' ;

ATTENDU QU'il résulte de ce courrier que Monsieur [H] [Q] reproche à son salarié quatre types d'agissements constituant des fautes graves, à savoir le non respect permanent de la législation sur les temps de conduite dans les transports, une dégradation du toit et du toit ouvrant de son véhicule afin de noyer le tachygraphe et de rendre impossible l'extraction des données, des achats suspects de carburant ainsi que des insultes et dénigrements à son égard ;

ATTENDU QU'en premier lieu, Monsieur [H] [Q] reproche à Monsieur [K] [Z] [P] d'avoir dégradé le toit et le toit ouvrant de la cabine de son véhicule Renault immatriculé AJ 136 EA entre le 12 avril 2013, date à laquelle le véhicule avait été contrôlé dans un garage, et le 25 mai 2013, date à laquelle Monsieur [H] [Q] a déposé plainte contre inconnu pour ces faits ; que ces dégradations ont provoqué une entrée d'eau importante dans la cabine, qui a provoqué une panne du chronotachygraphe ; qu'il verse aux débats des photographies de ces dégradations, la copie du procès-verbal de dépôt de plainte au Commissariat de Police de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69) et la facture de réparation de ces dégradations en date du 19 juin 2013 ;

MAIS ATTENDU QUE si ces dégradations sont certaines, puisqu'elles ont fait l'objet de réparations, elles n'ont été décrites ni par les services du Commissariat de Police de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69), ni par le garagiste qui a procédé aux réparations, de sorte qu'il n'est pas démontré par l'employeur que les trous ont été pratiqués de l'intérieur du véhicule, comme il le soutient ; que les photographies versées aux débats, prises par l'employeur, ne constituent pas une preuve suffisante de ces désordres ; que, par ailleurs, même s'il est surprenant que Monsieur [K] [Z] [P] n'ait pas signalé à son employeur les dégradations occasionnées à l'habitacle de son véhicule dès qu'elles ont été commises, afin que le véhicule soit réparé et que ses conditions de travail redeviennent décentes, ce dernier n'en faisant état que dans son courrier du 22 mai 2013, il n'est pas démontré de manière certaine que ce salarié est l'auteur de ces dégradations, ce qu'a jugé le Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69) ; que la plainte déposée par l'employeur n'a pas permis d'identifier l'auteur de ces faits ; qu'en conséquence, ces dégradations ne peuvent être imputées avec certitude à Monsieur [K] [Z] [P], même si de légitimes soupçons peuvent se porter sur sa personne ; que, dès lors, l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité de ce grief ;

ATTENDU QU'en deuxième lieu, Monsieur [H] [Q] reproche à Monsieur [K] [Z] [P] de l'avoir insulté dans le courrier qu'il lui a adressé le 22 mai 2013 en lui écrivant en page 5 : 'Je maintiens que vous brassez du vent, vous faites le ventilateur' ; que, cependant, ces termes, qui ont été écrits à la fin d'un courrier dans lequel Monsieur [K] [Z] [P] expose les difficultés qu'il rencontre dans ses conditions de travail, traduisent une certaine exaspération, mais ne constituent en aucun cas des propos injurieux envers son employeur ; que Monsieur [H] [Q] soutient également que Monsieur [K] [Z] [P] a dénigré sa personne et sa société de transport auprès de ses fournisseurs et clients de manière constante, et verse aux débats pour en justifier un courriel en date du 15 juin 2013, émanant de Monsieur [C] [O], Directeur de Site de l'entreprise [D] + [S], qui atteste que 'Monsieur [K] tenait régulièrement des propos dévalorisants voir (sic) même grossiers à l'égard de Monsieur [H]. Ces informations sont arrivées jusqu'à mes oreilles par l'intermédiaire des agents d'exploitation en relation au quotidien avec Monsieur [K] [...]' ; que, cependant, dans ce courriel comme dans le courrier de licenciement, les propos qu'aurait tenus Monsieur [K] [Z] [P] ne sont nullement rapportés, de sorte que leur caractère grossier, injurieux ou dévalorisant n'est nullement établi ; que leur caractère régulier n'est pas non plus établi puisque les dates auxquelles ces propos auraient été tenus ne sont nullement précisées ; que, de surcroît, Monsieur [C] [O] n'a pas été témoin des propos malveillants ou grossiers qu'aurait régulièrement tenus Monsieur [K] [Z] [P], mais ne fait que rapporter les dires d'autres salariés de la société [D] + [S], dont les témoignages ne sont pas versés aux débats pour attester de la véracité de ces faits ; que, là encore, la matérialité de ce grief n'est pas démontrée ;

ATTENDU QU'en troisième lieu, Monsieur [H] [Q] reproche à Monsieur [K] [Z] [P] d'avoir, dans le cours du mois de mai 2013, effectué de multiples achats de carburant, en quantité plus ou moins importante, dans des stations services avec la 'Carte Carburant' remise par son employeur à des fins personnelles ou de revente, une partie de ce produit ayant été conditionné dans des bidons qui ont été retrouvés pour certains vides, pour un autre plein, dans la remorque du véhicule ; que Monsieur [K] [Z] [P] explique ces nombreux achats d'une part par une consommation excessive de carburant (environ 50 litres aux 100 kilomètres) de son véhicule, qui serait vétuste, d'autre part par la nécessité d'éviter toute panne, n'ayant pas reçu de son employeur la liste des stations où il peut s'approvisionner avec sa 'Carte Carburant' sur ses trajets ;

ATTENDU QU'il résulte du relevé de factures de la 'Carte Carburant' mise à disposition de Monsieur [K] [Z] [P] que ce dernier a acheté 4 650,22 litres de gasoil entre le 2 mai 2013 et le 24 mai 2013, ce qui n'est pas contesté par ce dernier ; que les relevés des trajets effectués pendant cette période par ce chauffeur permettent d'établir que Monsieur [K] [Z] [P] a parcouru 9294 kilomètres, soit une consommation moyenne de plus de 50 litres aux 100 kilomètres ; que Monsieur [K] [Z] [P] ne justifie ni de la vétusté de son véhicule, ni de la consommation excessive de carburant de ce dernier, l'ordre de réparation N° 0348513 en date du 22 février 2013 établi par la société BERNARD TRUCKS sise à VILLEFRANCHE SUR SAONE (69), qui fait état d'une consommation anormale de gasoil, ne faisant que rapporter les propos du chauffeur qui a apporté ce véhicule à l'atelier ; que la facture

N° 01459261 en date du 26 février 2013, correspondant aux travaux réalisés le 22 février 2013, versée aux débats par Monsieur [H] [Q], ne mentionne aucune réparation en lien avec une consommation excessive de gasoil du véhicule ; que, par ailleurs, Monsieur [H] [Q] démontre, par la production d'une attestation de Monsieur [X] [W], Responsable de l'Atelier dans la société BERNARD TRUCKS, en date du 30 septembre 2014, et du 'Rapport complet' du véhicule en date du 17 octobre 2014, que ce camion était entretenu régulièrement, qu'il ne pouvait être qualifié de 'vétuste' et qu'il avait une consommation moyenne de 35 litres au 100 kilomètres ; qu'enfin, il est surprenant que quatre bidons sur les cinq retrouvés dans la remorque du véhicule soient vides lorsque le véhicule a été ramené par Monsieur [K] [Z] [P] à l'entreprise s'ils devaient servir de stock de carburant en cas de difficulté de ravitaillement ; qu'en réalité, Monsieur [K] [Z] [P] est dans l'impossibilité de démontrer l'usage qui a été fait de la totalité du carburant qu'il ne conteste pas avoir acheté sur cette période ; qu'en conséquence, le grief de détournement de carburant est suffisamment établi ;

ATTENDU QU'en quatrième lieu, Monsieur [H] [Q] reproche à Monsieur [K] [Z] [P] d'avoir enfreint à de multiples reprises la législation sur les temps de conduite dans les transport, malgré les stages effectués et les rappels à l'ordre qui lui ont été faits ; que Monsieur [K] [Z] [P] conteste les infractions qui lui sont reprochées, au motif d'une part que les relevés d'infractions des mois d'octobre 2012 à février 2013 concernent des faits prescrits et pour lesquels une sanction disciplinaire a déjà été prononcée, d'autre part et surtout que toutes les infractions aux temps de conduite qui lui sont imputées ne peuvent être établies avec certitude en raison de l'absence de fiabilité du chronotachygraphe, qui a connu de multiples pannes ;

ATTENDU QU'en l'espèce, il résulte de l'extraction des données de la carte conducteur de Monsieur [K] [Z] [P] que ce salarié, qui avait été averti dès son embauche de devoir respecter la législation européenne sur les temps de conduite dans les transports, a commis 18 infractions à cette réglementation entre le 22 octobre 2012 et le 31 octobre 2012, et 33 infractions à cette même législation en novembre 2012 ; que Monsieur [H] [Q] a reçu Monsieur [K] [Z] [P] en entretien le 1er décembre 2012, a recueilli ses explications sur les multiples infractions commises par ce dernier depuis son entrée dans l'entreprise, lui a rappelé la nécessité de respecter cette législation, autant sur les temps de conduite que sur les temps de repos, quels que soient ses impératifs de chargement ou de livraison ; que le bilan de cet entretien a fait l'objet d'un courrier recommandé en date du 10 décembre 2012, dont Monsieur [K] [Z] [P] a signé l'avis de réception le 12 décembre 2012 ; que suite à la réception d'un procès-verbal de la Direction Régionale et interdépartementale de l'Equipement et de l'Aménagement, dans lequel le Contrôleur des transports terrestres, à l'occasion d'un contrôle des temps de conduite de Monsieur [K] [Z] [P] le 21 novembre 2012 sur la R.D. 721, Commune de SERMAISE (91), a relevé 19 infractions à cette législation entre le 24 octobre 2012 et le 21 novembre 2012, Monsieur [H] [Q] a adressé à son salarié le 16 décembre 2012 un courrier recommandé de convocation à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire, initialement fixé au 22 décembre 2012 et repoussé au 19 janvier 2013, au regard du courrier en date du 10 mars 2013 versé aux débats ; que suite à cet entretien, Monsieur [H] a délivré à son encontre une nouvelle mise en garde et invitant à nouveau son salarié à respecter strictement la législation des transports ; que Monsieur [K] [Z] [P] a également effectué un stage de formation professionnelle continue (F.C.O.S.) début janvier 2013 ; que malgré ces rappels à l'ordre répétés et ce stage effectué, Monsieur [K] [Z] [P] a continué à enfreindre la législation sur les temps de conduite en janvier et février 2013 (5 infractions entre le 2 et le 10 janvier 2013 puis 19 infractions entre le 21 janvier 2013 et le 16 février 2013) et a reçu pour ces infractions de nouvelles mises en garde les 19 janvier 2013 et 16 février 2013 ; qu'en mai 2013, Monsieur [K] [Z] [P] a à nouveau enfreint la législation sur les temps de conduite dans les transports à 24 reprises ;

ATTENDU QUE, pour toutes les infractions commises entre le mois d'octobre 2012 et le mois de février 2013, Monsieur [K] [Z] [P] n'a jamais remis en cause le bon fonctionnement du chronotachygraphe équipant son véhicule, expliquant son comportement délinquant par le fait de vouloir respecter les délais qui lui étaient impartis pour effectuer ses missions ; que si ce chronotachygraphe a pu être affecté de dysfonctionnements fin mars ou début avril 2013, il est attesté par le garage AD RHÔNE le 24 mai 2013 que cet appareil a été contrôlé et validé suite à une inspection périodique le 12 avril 2013 ; que ce même garage a attesté que cet appareil était hors service le 30 mai 2013 suite à une prise d'eau importante par infiltration (due aux trous percés dans le toit de la cabine du véhicule) ; que, cependant, il n'est nullement démontré que ces dysfonctionnements liés à l'humidité ont affecté le chronotachygraphe dés le début du mois de mai 2013 ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de considérer comme contestables les données extraites de la carte conducteur de Monsieur [K] [Z] [P], qui font état de 24 infractions durant les trois premières semaines du mois de mai 2013 ; que la réalité et la persistance des manquements aux règles de conduite par Monsieur [K] [Z] [P] est avérée ; que Monsieur [H] [Q], dans la lettre de licenciement adressée à Monsieur [K] [Z] [P] le 7 juin 2013, ne vise nullement les infractions commises par ce salarié entre le mois d'octobre 2012 et le mois de février 2013, mais uniquement les faits commis postérieurement aux mises en garde dont il a fait l'objet, c'est-à-dire les faits du mois de mai 2013 ; que, dès lors, ce grief est également établi ;

ATTENDU QUE les agissements fautifs de Monsieur [K] [Z] [P] sont particulièrement nuisibles à l'entreprise de Monsieur [H] [Q] puisque d'une part le détournement de carburant occasionne un préjudice financier important et peut générer une perte de compétitivité de l'entreprise, que d'autre part les infractions à la réglementation sur les temps de conduite sont susceptibles de générer des sanctions pénales non négligeables pour l'employeur et font courir un risque très important pour l'employeur en raison du danger qui peut en résulter tant pour le conducteur lui-même que pour les autres usagers de la route ; que, dès lors, ces faits reprochés à Monsieur [K] [Z] [P] sont d'une gravité suffisante pour justifier la cessation immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; qu'en conséquence, le jugement du Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69), qui a dit et jugé que 'le licenciement de Monsieur [K] [Z] [P] repose bien sur une faute grave', sera confirmé ;

Sur la demande reconventionnelle en indemnisation formée par Monsieur [H] [Q]:

ATTENDU QUE Monsieur [H] [Q] demande à la Cour de condamner Monsieur [K] [Z] [P] à l'indemniser du préjudice financier qu'il a subi du fait des dégradations occasionnées à la cabine du véhicule et à l'appareil chronotachygraphe, et du fait du détournement de gasoil, ainsi que du préjudice moral qu'il a subi du fait des agissements de ce dernier ;

MAIS ATTENDU QUE la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ; qu'en l'espèce, seule une faute grave de Monsieur [K] [Z] [P] a été mise en évidence ; qu'en conséquence, ce jugement, en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [Q] de cette demande, sera confirmé ;

Sur les autres demandes :

ATTENDU QUE les dispositions du jugement du Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69) en date du 10 septembre 2015 relatives aux dépens seront infirmées ; qu'il apparaît équitable d'allouer à Monsieur [H] [Q], qui a été contraint d'engager de nouveaux frais pour se défendre en cause d'appel, la somme de

1 500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Monsieur [K] [Z] [P], qui succombe, par application de l'article 696 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, STATUANT PUBLIQUEMENT, PAR ARRÊT CONTRADICTOIRE,

CONFIRME le jugement rendu le 10 septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de VILLEFRANCHE SUR SAONE (69), sauf en ce qu'il a dit que chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens,

STATUANT à nouveau sur le chef infirmé, et [Localité 5] ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [K] [Z] [P] à payer à Monsieur [H] [Q] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500,00 €) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE Monsieur [K] [Z] [P] aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Le greffierLe Président

Sophie MASCRIERLaurence BERTHIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 15/07373
Date de la décision : 05/04/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°15/07373 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-05;15.07373 ?
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